1591_1028_000000 cependant il envoya chercher le pêcheur à l'heure même et quand il fut arrivé pêcheur lui dit-il apporte-moi quatre autres poissons qui soient semblables à ceux que tu as déjà apportés car il est survenu un certain malheur qui a empêché qu'on ne les ait servis au sultan 1591_1028_000001 après s'être acquitté de sa commission il retourna vers le sultan son maître qui le chargea de donner au pêcheur quatre cents pièces d'or de sa monnaie ce qu'il exécuta très fidèlement le pêcheur qui n'avait jamais possédé une si grosse somme à la fois concevait à peine son bonheur et le regardait comme un songe 1591_1028_000002 pendant qu'elle s'affligeait ainsi le grand vizir entra et lui demanda si les poissons étaient prêts elle lui raconta tout ce qui lui était arrivé et ce récit comme on le peut penser l'étonna fort mais sans en parler au sultan il inventa une fable qui le contenta 1591_1028_000003 le jeune prince eut pitié d'elle et lui proposa de la prendre en croupe ce qu'elle accepta comme ils passaient près d'une masure la dame ayant témoigné qu'elle serait bien aise de mettre pied à terre pour quelque nécessité le prince s'arrêta et la laissa descendre 1591_1028_000004 il fut saisi de frayeur et se jeta au plus vite sur son cheval la prétendue princesse parut dans le moment et voyant qu'elle avait manqué son coup ne craignez rien cria-t-elle au prince qui êtes-vous que cherchez-vous 1591_1028_000005 d'abord qu'elle eut nettoyé les poissons que le vizir lui avait donnés elle les mit sur le feu dans une casserole avec de l'huile pour les frire lorsqu'elle les crut assez cuits d'un côté elle les tourna de l'autre 1591_1028_000006 en même temps elle poursuivit de cette manière quand le roi grec dit le pêcheur au génie eut achevé l'histoire du perroquet et vous vizir ajouta-t-il par l'envie que vous avez conçue contre le médecin douban qui ne vous a fait aucun mal vous voulez que je le fasse mourir mais je m'en garderai bien de peur de m'en repentir comme ce mari d'avoir tué son perroquet 1591_1028_000007 dès qu'ils eurent achevé ces mots la jeune dame renversa la casserole et rentra dans l'ouverture du mur qui se referma aussitôt et se remit dans le même état où il était auparavant la cuisinière que toutes ces merveilles avaient épouvantée était revenue de sa frayeur alla relever les poissons qui étaient tombés sur la braise 1591_1028_000008 dinarzade ne fut pas moins exacte cette nuit que les précédentes à réveiller scheherazade ma chère soeur lui dit-elle si vous ne dormez pas je vous supplie en attendant le jour qui paraîtra bientôt de me conter un de ces beaux contes que vous savez ma soeur répondit la 1591_1028_000009 le poisson n'ayant rien répondu elle répéta les mêmes paroles et alors les quatre poissons levèrent la tête tous ensemble et lui dirent très distinctement oui oui si vous comptez nous comptons si vous payez vos dettes nous payons les nôtres si vous fuyez nous vainquons et nous sommes contents 1591_1028_000010 scheherazade en se reprenant voilà le jour qui paraît et qui m'empêche de continuer cette histoire les choses que je viens de vous dire sont à la vérité très singulières mais si je suis en vie demain je vous en dirai d'autres qui sont encore plus dignes de votre attention schahriar jugeant bien que la suite devait être fort curieuse résolut de l'attendre la nuit suivante 1591_1028_000011 je suis lui répondit-elle la fille d'un roi des indes en me promenant à cheval dans la campagne je me suis endormie et je suis tombée mon cheval s'est échappé et je ne sais ce qu'il est devenu 1591_1028_000012 je vais vous donner cette satisfaction attendez interrompit le sultan achevez l'entretien du roi grec avec son vizir au sujet du médecin douban et puis vous continuerez l'histoire du pêcheur et du génie sire repartit scheherazade vous allez être obéi 1591_1028_000013 je suis égaré répondit-il et je cherche mon chemin si vous êtes égaré dit-elle recommandez-vous à dieu il vous délivrera de l'embarras où vous vous trouvez alors le prince leva les yeux au ciel mais sire dit scheherazade en cet endroit je suis obligée d'interrompre mon discours le jour qui paraît m'impose silence 1591_1028_000014 prenez ces poissons dit-il à son premier vizir et les portez à l'habile cuisinière que l'empereur des grecs m'a envoyée je m'imagine qu'ils ne seront pas moins bons qu'ils sont beaux le vizir les porta lui-même à la cuisinière et les lui remettant entre les mains voilà lui dit-il quatre poissons qu'on vient d'apporter au sultan il vous ordonne de les lui apprêter 1591_1028_000015 mais elle les trouva plus noirs que du charbon et hors d'état d'être servis au sultan elle en eut une vive douleur et se mettant à pleurer de toute sa force hélas disait-elle que vais-je devenir quand je conterai au sultan ce que j'ai vu je suis assurée qu'il ne me croira point dans quelle colère ne sera-t-il pas contre moi 1591_1028_000016 le pêcheur ne lui dit pas ce que le génie lui avait recommandé mais pour se dispenser de fournir ce jour-là les poissons qu'on lui demandait il s'excusa sur la longueur du chemin et promit de les apporter le lendemain matin 1591_1028_000017 ne suffit-il pas qu'on l'accuse de vouloir attenter à votre vie pour vous autoriser à lui faire perdre la sienne quand il s'agit d'assurer les jours d'un roi un simple soupçon doit passer pour une certitude et il vaut mieux sacrifier l'innocent que sauver le coupable 1591_1028_000018 ce ministre les prit et les emporta lui-même encore dans la cuisine où il s'enferma seul avec la cuisinière qui commença à les habiller devant lui et qui les mit sur le feu comme elle avait fait pour les quatre autres le jour précédent 1591_1028_000019 mais ô prodige inouï à peine furent-ils tournés que le mur de la cuisine s'entrouvrit il en sortit une jeune dame d'une beauté admirable et d'une taille avantageuse elle était habillée d'une étoffe de satin à fleurs façon d'égypte avec des pendants d'oreille un collier de grosses perles et des bracelets d'or garnis de rubis et elle tenait une baguette de myrte à la main 1591_1028_000020 il s'arrêta et remarquant qu'il avait perdu la voie il voulut retourner sur ses pas pour aller rejoindre le vizir qui n'avait pas été assez diligent pour le suivre de près mais il s'égara 1591_1028_000021 il descendit aussi et s'approcha de la masure en tenant son cheval par la bride jugez qu'elle fut sa surprise lorsqu'il entendit la dame en dedans prononcer ces paroles réjouissez-vous mes enfants je vous amène un garçon bien fait et fort gras et que d'autres voix lui répondirent aussitôt maman où est-il que nous le mangions tout à l'heure car nous avons bon appétit 1591_1028_000022 vizir ce n'est point ici une chose incertaine le médecin douban veut vous assassiner ce n'est point l'envie qui m'arme contre lui c'est l'intérêt seul que je prends à la conservation de votre majesté c'est mon zèle qui me porte à vous donner un avis d'une si grande importance s'il est faux je mérite qu'on me punisse de la même manière qu'on punit autrefois un vizir 1591_1028_000023 effectivement le pêcheur partit durant la nuit et se rendit à l'étang il y jeta ses filets et les ayant retirés il y trouva quatre poissons qui étaient comme les autres chacun d'une couleur différente il s'en retourna aussitôt et les porta au grand vizir dans le temps qu'il lui avait promis 1591_1028_000024 elle s'approcha de la casserole au grand étonnement de la cuisinière qui demeura immobile à cette vue et frappant un des poissons du bout de sa baguette poisson poisson lui dit-elle es-tu dans ton devoir 1591_1028_000025 sire je laisse à penser à votre majesté quelle fut la surprise du sultan lorsqu'il vit les quatre poissons que le pêcheur lui présenta il les prit l'un après l'autre pour les considérer avec attention et après les avoir admirés assez longtemps 1591_1028_000026 histoire du vizir puni il était autrefois un roi poursuivit-il qui avait un fils qui aimait passionnément la chasse il lui permettait de prendre souvent ce divertissement mais il avait donné ordre à son grand vizir de l'accompagner toujours et de ne le perdre jamais de vue 1591_1028_000027 le prince n'eut pas besoin d'en entendre davantage pour concevoir le danger où il se trouvait il vit bien que la dame qui se disait fille d'un roi des indes était une ogresse femme d'un de ces démons sauvages appelés ogres qui se retirent dans les lieux abandonnés et se servent de mille ruses pour surprendre et dévorer les passants 1591_1028_000028 un jour de chasse les piqueurs ayant lancé un cerf le prince qui crut que le vizir le suivait se mit après la bête il courut si longtemps et son ardeur l'emporta si loin qu'il se trouva seul 1591_1028_000029 le pernicieux vizir était trop intéressé à la perte du médecin douban pour en demeurer là sire répliqua-t-il la mort du perroquet était peu importante et je ne crois pas que son maître l'ait regretté longtemps mais pourquoi faut-il que la crainte d'opprimer l'innocence vous empêche de faire mourir ce médecin 1591_1028_000030 lorsqu'ils furent cuits d'un côté et qu'elle les eut tournés de l'autre le mur de la cuisine s'entrouvrit encore et la même dame parut avec sa baguette à la main elle s'approcha de la casserole frappa un des poissons et lui adressa les mêmes paroles et ils lui firent tous la même réponse en levant la tête mais sire 1591_1028_000031 je suis fort en peine ma soeur dit dinarzade de savoir ce que deviendra ce jeune prince je tremble pour lui je vous tirerai demain d'inquiétude répondit la sultane si le sultan veut bien que je vive jusqu'à ce temps-là schahriar curieux d'apprendre le dénouement de cette histoire prolongea encore la vie de scheherazade 1591_1028_000032 mais il connut dans la suite qu'il était réel par le bon usage qu'il en fit en l'employant aux besoins de sa famille mais sire poursuivit scheherazade après vous avoir parlé du pêcheur il faut vous parler aussi de la cuisinière du sultan que nous allons trouver dans un grand embarras 1591_1028_000033 qu'avait fait ce vizir dit le roi grec pour être digne de ce châtiment je vais l'apprendre à votre majesté sire répondit le vizir qu'elle ait s'il lui plaît la bonté de m'écouter 1591_1028_000034 dix-neuvième nuit des mille et une nuits tome premier traduit par antoine galland enregistré pour librivox point org par fou de bassan 1591_1028_000035 pendant qu'il courait de tous côtés sans tenir de route assurée il rencontra au bord d'un chemin une dame assez bien faite qui pleurait amèrement il retint la bride de son cheval demanda à cette femme qui elle était ce qu'elle faisait seule en cet endroit et si elle avait besoin de secours 1591_1028_000036 sire lui dit-il prenez s'il vous plaît ce livre et d'abord que ma tête sera coupée demandez qu'on la pose dans le bassin sur la couverture du livre dès qu'elle y sera le sang cessera d'en couler alors vous ouvrirez le livre et ma tête répondra à toutes vos demandes 1591_1028_000037 il fit la même chose jusqu'au sixième feuillet et ne voyant pas d'écriture à la page indiquée médecin dit-il à la tête il n'y a rien d'écrit tournez encore quelques feuillets répartit la tête 1591_1028_000038 et léguer mes livres à des personnes capables d'en faire bon usage j'en ai un entre autres dont je veux faire présent à votre majesté c'est un livre fort précieux et très digne d'être soigneusement gardé dans votre trésor 1591_1028_000039 le sultan de qui toutes les heures étaient réglées ne pouvant l'écouter plus longtemps se leva et comme il voulait absolument entendre la suite de l'histoire du génie et du pêcheur il avertit la sultane de se préparer à la lui raconter la nuit suivante 1591_1028_000040 lorsqu'ils furent arrivés au bord de l'étang le génie dit au pêcheur jette tes filets et prends du poisson le pêcheur ne douta pas qu'il n'en prît car il en vit une grande quantité dans l'étang mais ce qui le surprit extrêmement c'est qu'il remarqua qu'il y en avait de quatre couleurs différentes c'est-à-dire de blancs de rouges de bleus et de jaunes 1591_1028_000041 seigneur qui êtes tout-puissant jetez les yeux sur moi et me délivrez de cette ennemie à cette prière la femme de l'ogre rentra dans la masure et le prince s'en éloigna avec précipitation 1591_1028_000042 schahriar curieux de voir si le reste de l'histoire du pêcheur était tel que la sultane le promettait différa encore l'exécution de la loi cruelle qu'il s'était faite fin de la dix huitième nuit cet enregistrement fait partie du domaine public 1591_1028_000043 dinarzade avait tant d'envie d'entendre la fin de l'histoire du jeune prince qu'elle se réveilla cette nuit plus tôt qu'à l'ordinaire ma soeur dit-elle si vous ne dormez pas je vous prie d'achever l'histoire que vous commençâtes hier je m'intéresse au sort du jeune prince et je meurs de peur qu'il ne soit mangé par l'ogresse et ses enfants 1591_1028_000044 dinarzade se dédommagea cette nuit de la précédente elle se réveilla longtemps avant le jour et appelant scheherazade ma soeur lui dit-elle si vous ne dormez pas je vous supplie de nous raconter la suite de l'histoire du pêcheur et du génie vous savez que le sultan souhaite autant que moi de l'entendre 1591_1028_000045 il jeta ses filets et en amena quatre dont chacun était d'une de ces couleurs comme il n'en avait jamais vu de pareils il ne pouvait se lasser de les admirer et jugeant qu'il en pourrait tirer une somme assez considérable il en avait beaucoup de joie 1591_1028_000046 oh si tu souhaites de le savoir repartit le génie ouvre-moi ce vase crois-tu que je sois en humeur de faire des contes dans une prison si étroite je t'en ferai tant que tu voudras si tu m'auras tiré d'ici 1591_1028_000047 il ne vous a peut-être guéri qu'en apparence et non radicalement que sait-on si ce remède avec le temps ne produira pas un effet pernicieux le roi grec qui avait naturellement fort peu d'esprit n'eut pas assez de pénétration pour s'apercevoir de la méchante intention de son vizir ni assez de fermeté pour persister dans son premier sentiment 1591_1028_000048 ma chère soeur répondit la sultane si le sultan mon maître me laisse vivre jusqu'à demain je suis persuadée que vous trouverez la suite de l'histoire du pêcheur encore plus merveilleuse que le commencement et incomparablement plus agréable 1591_1028_000049 le roi ne l'écouta pas et ordonna une seconde fois au bourreau de porter le coup mortel le médecin eut recours aux prières hélas sire s'écria-t-il prolongez-moi la vie dieu prolongera la vôtre ne me faites pas mourir de crainte que dieu ne vous traite de la même manière 1591_1028_000050 en prononçant ces mots il se mit à marcher devant le pêcheur qui chargé de ses filets le suivit avec quelque sorte de défiance ils passèrent devant la ville et montèrent au haut d'une montagne d'où ils descendirent dans une vaste plaine qui les conduisit à un grand étang situé entre quatre collines 1591_1028_000051 alors les courtisans qui étaient présents émus de compassion supplièrent le roi de lui faire grâce assurant qu'il n'était pas coupable et répondant de son innocence mais le roi fut inflexible et leur parla de sorte qu'ils n'osèrent lui répliquer 1591_1028_000052 ces mots scheherazade apercevant le jour en avertit le sultan et cessa de parler ah ma chère soeur dit alors dinarzade que je suis fâchée que vous n'ayez pas le temps d'achever cette histoire je serais inconsolable si vous perdiez la vie aujourd'hui ma soeur répondit la 1591_1028_000053 la crainte du pêcheur fit rire le génie qui lui répondit non pêcheur rassure-toi je ne t'ai jeté le vase que pour me divertir et voir si tu en serais alarmé et pour te persuader que je veux tenir parole prends tes filets et me suis 1591_1028_000054 le génie le fit et le pêcheur ôta aussitôt le couvercle du vase il en sortit à l'instant de la fumée et le génie ayant repris sa forme de la même manière qu'auparavant la première chose qu'il fit fut de jeter d'un coup de pied le vase dans la mer 1591_1028_000055 en disant cela il frappa du pied la terre qui s'ouvrit et se referma après l'avoir englouti le pêcheur résolu de suivre de point en point les conseils du génie se garda bien de jeter une seconde fois ses filets il reprit le chemin de la ville fort content de sa pêche et faisant mille réflexions sur son aventure 1591_1028_000056 il alla droit au palais du sultan pour lui présenter ses poissons mais sire dit scheherazade j'aperçois le jour il faut que je m'arrête en cet endroit ma soeur dit alors dinarzade que les derniers événements que vous venez de raconter sont surprenants j'ai de la peine à croire que vous puissiez désormais nous en apprendre d'autres qui le soient davantage 1591_1028_000057 emporte ces poissons lui dit le génie et va les présenter à ton sultan il t'en donnera plus d'argent que tu n'en as manié dans toute ta vie tu pourras venir tous les jours pêcher en cet étang mais je t'avertis de ne jeter tes filets qu'une fois chaque jour autrement il t'en arrivera du mal prends-y garde c'est l'avis que je te donne si tu le suis exactement tu t'en trouveras bien 1591_1028_000058 il en est de même de toi ô génie si j'avais pu te fléchir et obtenir de toi la grâce que je te demandais j'aurais présentement pitié de l'état où tu es mais puisque malgré l'extrême obligation que tu m'avais de t'avoir mis en liberté tu as persisté dans la volonté de me tuer je dois à mon tour être impitoyable 1591_1028_000059 cet ordre cruel le médecin jugea bien que les honneurs et les bienfaits qu'il avait reçus lui avaient suscité des ennemis et que le faible roi s'était laissé surprendre à leurs impostures il se repentait de l'avoir guéri de sa lèpre mais c'était un repentir hors de saison est-ce ainsi lui disait-il que vous me récompensez du bien que je vous ai fait 1591_1028_000060 ce discours l'ébranla vizir dit-il tu as raison il peut être venu exprès pour m'ôter la vie ce qu'il peut fort bien exécuter par la seule odeur de quelqu'une de ses drogues il faut voir ce qu'il est à propos de faire dans cette conjoncture 1591_1028_000061 hé pourquoi ce livre est-il aussi précieux que tu le dis répliqua le roi sire repartit le médecin c'est qu'il contient une infinité de choses curieuses dont la principale est que quand on m'aura coupé la tête si votre majesté veut bien se donner la peine d'ouvrir le livre au sixième feuillet de lire la troisième ligne de la page à main gauche ma tête répondra à toutes les questions que vous voudrez lui faire 1591_1028_000062 je vais en te laissant dans ce vase et en te rejetant à la mer t'ôter l'usage de la vie jusqu'à la fin des temps c'est la vengeance que je prétends tirer de toi pécheur mon ami répondit le génie je te conjure encore une fois de ne pas faire une si cruelle action 1591_1028_000063 mais sire ajouta-t-il permettez-moi d'implorer encore une fois la clémence de votre majesté au nom de dieu laissez-vous fléchir je vous proteste que je suis innocent tes prières répondit le roi sont inutiles et quand ce ne serait que pour entendre parler ta tête après ta mort je veux que tu meures 1591_1028_000064 tyran s'écria-t-il voilà de quelle manière sont traités les princes qui abusant de leur autorité font périr les innocents dieu punit tôt ou tard leurs injustices et leurs cruautés 1591_1028_000065 si le roi grec lui dit-il eût voulu laisser vivre le médecin dieu l'aurait aussi laissé vivre lui-même mais il rejeta ses plus humbles prières et dieu l'en punit 1591_1028_000066 le médecin étant à genoux les yeux bandés et prêt à recevoir le coup qui devait terminer son sort s'adressa encore une fois au roi sire lui dit-il puisque votre majesté ne veut point révoquer l'arrêt de ma mort je la supplie du moins de m'accorder la liberté d'aller jusque chez moi donner ordre à ma sépulture dire le dernier adieu à ma famille faire des aumônes 1591_1028_000067 cette action effraya le pêcheur génie dit-il qu'est-ce que cela signifie ne voulez-vous pas garder le serment que vous venez de faire et dois-je vous dire que le médecin douban disait au roi grec laissez-moi vivre et dieu prolongera vos jours 1591_1028_000068 le pêcheur interrompit son discours en cet endroit pour adresser la parole au génie eh bien génie lui dit-il tu vois ce qui se passa alors entre le roi grec et le médecin douban vient tout à l'heure de se passer entre nous deux 1591_1028_000069 le roi continua d'en tourner en portant toujours le doigt à sa bouche jusqu'à ce que le poison dont chaque feuillet était imbu venant à faire son effet ce prince se sentit tout à coup agité d'un transport extraordinaire sa vue se troubla et il se laissa tomber au pied de son trône avec de grandes convulsions 1591_1028_000070 songe qu'il n'est pas honnête de se venger et qu'au contraire il est louable de rendre le bien pour le mal ne me traite pas comme imama traita autrefois ateca et que fit imama à ateca répliqua le pêcheur 1591_1028_000071 le roi curieux de voir une chose si merveilleuse remit sa mort au lendemain et l'envoya chez lui sous bonne garde le médecin pendant ce temps-là mit ordre à ses affaires et comme le bruit s'était répandu qu'il devait arriver un prodige inouï après son trépas 1591_1028_000072 alors au grand étonnement du roi et de tous les spectateurs elle ouvrit les yeux et prenant la parole sire dit-elle que votre majesté ouvre le livre le roi l'ouvrit et trouvant que le premier feuillet était comme collé contre le second pour le tourner avec plus de facilité il porta le doigt à sa bouche et le mouilla de sa salive 1591_1028_000073 il n'est pas possible d'exprimer quel fut l'étonnement du médecin lorsqu'il entendit prononcer l'arrêt de sa mort sire dit-il quel sujet peut avoir votre majesté de me faire mourir quel crime ai-je commis 1591_1028_000074 je vais répondit la sultane contenter sa curiosité et la vôtre alors s'adressant à schahriar sire poursuivit-elle sitôt que le pêcheur eut fini l'histoire du roi grec et du médecin douban il en fit application au génie qu'il tenait toujours enfermé dans le vase 1591_1028_000075 l'espérance de se tirer de la pauvreté désarma le pêcheur je pourrais t'écouter dit-il s'il y avait quelque fonds à faire sur ta parole jure-moi que le grand nom de dieu que tu feras de bonne foi ce que tu dis et je vais t'ouvrir le vase je ne crois pas que tu sois assez hardi pour violer un pareil serment 1591_1028_000076 le roi grec continua-t-il au lieu d'avoir égard à la prière que le médecin venait de lui faire en le conjurant au nom de dieu lui repartit avec dureté non non c'est une nécessité absolue que je te fasse périr aussi bien pourrais-tu m'ôter la vie plus subtilement encore que tu ne m'as guéri 1591_1028_000077 quand le vizir vit le roi dans la disposition où il le voulait sire lui dit-il le moyen le plus sûr et le plus prompt pour assurer votre repos et mettre votre vie en sûreté c'est d'envoyer chercher tout à l'heure le médecin douban et de lui faire couper la tête dès qu'il sera arrivé 1591_1028_000078 shéhérazade reprit aussitôt le récit où elle l'avait laissé le jour précédent sire dit-elle quand le médecin douban ou pour mieux dire sa tête vit que le poison faisait son effet et que le roi n'avait plus que quelques moments à vivre 1591_1028_000079 en disant cela il prit le livre des mains du médecin et ordonna au bourreau de faire son devoir la tête fut coupée si adroitement qu'elle tomba dans le bassin et elle fut à peine posée sur la couverture que le sang s'arrêta 1591_1028_000080 il en sera ce qu'il plaira au sultan mais il faut espérer qu'il aura la bonté de suspendre ma mort jusqu'à demain effectivement schahriar loin d'ordonner ce trépas ce jour-là attendit la nuit prochaine avec impatience tant il avait d'envie d'apprendre la fin de l'histoire du roi grec et la suite de celle du pêcheur et du génie 1591_1028_000081 les vizirs les émirs les officiers de la garde enfin toute la cour se rendit le jour suivant dans la salle d'audience pour en être témoin on vit bientôt paraître le médecin douban qui s'avança jusqu'au pied du trône royal avec un gros livre à la main là il se fit apporter un bassin sur lequel il étendit la couverture dont le livre était enveloppé et présentant le livre au roi 1591_1028_000082 j'ai appris de bonne part répliqua le roi que tu es un espion et que tu n'es venu dans ma cour que pour attenter à ma vie mais pour te prévenir je veux te ravir la tienne frappe ajouta-t-il au bourreau qui était présent et me délivre d'un perfide qui ne s'est introduit ici que pour m'assassiner 1591_1028_000083 heureusement il retrouva son chemin et arriva sain et sauf auprès du roi son père auquel il raconta de point en point le danger qu'il venait de courir par la faute du grand vizir le roi irrité contre ce ministre le fit étrangler à l'heure même 1591_1028_000084 schahriar ayant marqué qu'il était dans la même crainte hé bien sire dit la sultane je vais vous tirer de peine après que la fausse princesse des indes eut dit au jeune prince de se recommander à dieu comme il crut qu'elle ne lui parlait pas sincèrement et qu'elle comptait sur lui comme s'il eût déjà été sa proie il leva les mains au ciel et dit 1591_1028_000085 quelque curiosité qu'eût dinarzade d'entendre le reste de l'histoire du roi grec elle ne se réveilla pas cette nuit de si bonne heure qu'à l'ordinaire il était même presque jour lorsqu'elle dit à la sultane ma chère soeur je vous prie de continuer la merveilleuse histoire du roi grec mais hâtez-vous de grâce car le jour paraîtra bientôt 1591_1028_000086 non dit le pécheur je ne te délivrerai pas c'est trop raisonné je vais te précipiter au fond de la mer encore un mot pêcheur s'écria le génie je te promets de ne te faire aucun mal bien éloigné de cela je t'enseignerai un moyen de devenir puissamment riche 1591_1028_000087 cependant le médecin fondant en pleurs et se plaignant pitoyablement de se voir si mal payé du service qu'il avait rendu au roi se prépara à recevoir le coup de la mort le bourreau lui banda les yeux lui lia les mains et se mit en devoir de tirer son sabre 1591_1028_000088 sais-tu bien dit le roi en le voyant pourquoi je te demande ici non sire répondit-il et j'attends que votre majesté daigne m'en instruire je t'ai fait venir reprit le roi pour me délivrer de toi en te faisant ôter la vie 1591_1028_000089 véritablement reprit le roi je crois que c'est par là que je dois prévenir son dessein en achevant ces paroles il appela un de ses officiers et lui ordonna d'aller chercher le médecin qui sans savoir ce que le roi lui voulait courut au palais en diligence 1591_1028_000090 la tête eut à peine achevé ces paroles que le roi tomba mort et qu'elle perdit elle-même aussi le peu de vie qui lui restait sire poursuivit scheherazade telle fut la fin du roi grec et du médecin douban il faut présentement revenir à l'histoire du pêcheur et du génie mais ce n'est pas la peine de commencer car il est jour 1591_1028_000091 sire poursuivit le vizir du roi grec pour revenir au médecin douban si vous n'y prenez garde la confiance que vous avez en lui vous sera funeste je sais de bonne part que c'est un espion envoyé par vos ennemis pour attenter à la vie de votre majesté il vous a guéri dites-vous hé qui peut vous en assurer 1591_1028_000092 ils montèrent tous la montagne et à la descente ils virent avec beaucoup de surprise une vaste plaine que personne n'avait remarquée jusqu'alors enfin ils arrivèrent à l'étang qu'ils trouvèrent effectivement situé entre quatre collines comme le pêcheur l'avait rapporté l'eau en était si transparente qu'ils remarquèrent que tous les poissons étaient semblables à ceux que le pêcheur avait apportés au palais 1591_1028_000093 puisque vous convenez tous leur dit-il que vous n'en avez jamais ouï parler et que je ne suis pas moins étonné que vous de cette nouveauté je suis résolu de ne pas rentrer dans mon palais que je n'aie su pour quelle raison cet étang se trouve ici et pourquoi il n'y a dedans que des poissons de quatre couleurs 1591_1028_000094 d'abord que le sultan eut les poissons il les fit porter dans son cabinet avec tout ce qui était nécessaire pour les faire cuire là s'étant enfermé avec son grand vizir ce ministre les habilla les mit ensuite sur le feu dans une casserole et quand ils furent cuits d'un côté il les retourna de l'autre alors le mur du cabinet s'entrouvrit mais au lieu de la jeune dame ce fut un noir qui en sortit 1591_1028_000095 le sultan s'arrêta sur le bord de l'étang et après avoir quelque temps regardé les poissons avec admiration il demanda à ses émirs et à tous ses courtisans s'il était possible qu'ils n'eussent pas encore vu cet étang qui était si peu éloigné de la ville ils lui répondirent qu'ils n'en avaient jamais étendu parler 1591_1028_000096 vizir j'ai l'esprit dans une étrange inquiétude cet étang transporté dans ces lieux ce noir qui nous est apparu dans mon cabinet ces poissons que nous avons entendus parler tout cela irrite tellement ma curiosité que je ne puis résister à l'impatience de la satisfaire 1591_1028_000097 ce noir avait un habillement d'esclave il était d'une grosseur et d'une grandeur gigantesques et tenait un gros bâton vert à la main il s'avança jusqu'à la casserole et touchant de son bâton un des poissons il lui dit d'une voix terrible poisson poison es-tu dans ton devoir 1591_1028_000098 après avoir dit ces paroles il ordonna de camper et aussitôt son pavillon et les tentes de sa maison furent dressés sur les bords de l'étang à l'entrée de la nuit le sultan retiré sous son pavillon parla en particulier à son grand vizir et lui dit 1591_1028_000099 vingtième nuit des mille et une nuits tome premier traduit par antoine galland enregistré pour librivox point org par fou de bassan ma chère soeur s'écria dinarzade suivant sa coutume si vous ne dormez pas je vous prie de poursuivre et d'achever le beau conte du pêcheur 1591_1028_000100 les ayant obtenus il alla à l'étang pour la troisième fois et il ne fut pas moins heureux que les deux autres car du premier coup de filet il prit quatre poissons de couleurs différentes il ne manqua pas de les porter à l'heure même au sultan qui en eut d'autant plus de joie qu'il ne s'attendait pas à les avoir si tôt et qui lui fit donner encore quatre cents pièces d'or de sa monnaie 1591_1028_000101 connaissez-vous cet étang dit le sultan au vizir non sire répondit le vizir je n'en ai même jamais ouï parler il y a pourtant soixante ans que je chasse aux environs et au-delà de cette montagne 1591_1028_000102 le sultan demanda au pêcheur à quelle distance de son palais était l'étang le pêcheur assura qu'il n'y avait pas plus de trois heures de chemin sur cette assurance et comme il restait assez de jour pour y arriver avant la nuit le sultan commanda à toute sa cour de monter à cheval et le pêcheur leur servit de guide 1591_1028_000103 les jours suivants vous continuerez de leur dire la même chose jusqu'à ce que je sois de retour le grand vizir dit plusieurs choses au sultan pour tâcher de le détourner de son dessein il lui représenta le danger auquel il s'exposait et la peine qu'il allait prendre peut-être inutilement 1591_1028_000104 s'il n'y a personne disait-il en lui-même je n'ai rien à craindre et s'il y a quelqu'un j'ai de quoi me défendre enfin le sultan entra et s'avançant sous le vestibule n'y a-til personne ici s'écria-t-il pour recevoir un étranger qui aurait besoin de se rafraîchir en passant 1591_1028_000105 ce ne fut pas tant pour faire plaisir à dinarzade que schahriar laissa vivre encore la sultane que pour contenter la curiosité qu'il avait d'apprendre ce qui se passerait dans ce château 1591_1028_000106 mais il eut beau épuiser toute son éloquence le sultan ne quitta point sa résolution et se prépara à l'exécuter il prit un habillement commode pour marcher à pied il se munit d'un sabre et dès qu'il vit que tout était tranquille dans son camp il partit sans être accompagné de personne 1591_1028_000107 il répéta la même chose deux ou trois fois mais quoiqu'il parlât fort haut personne ne lui répondit ce silence augmenta son étonnement il passa dans une cour très spacieuse et regardant de tous côtés pour voir s'il ne découvrirait point quelqu'un il n'aperçut pas le moindre être vivant mais sire 1591_1028_000108 il tourna ses pas vers une des collines qu'il monta sans beaucoup de peine il en trouva la descente encore plus aisée et lorsqu'il fut dans la plaine il marcha jusqu'au lever du soleil alors apercevant de loin devant lui un grand édifice il s'en réjouit dans l'espérance d'y pouvoir apprendre ce qu'il voulait savoir 1591_1028_000109 à ces mots les poissons levèrent la tête et répondirent oui oui nous y sommes si vous comptez nous comptons si vous payez vos dettes nous payons les nôtres et si vous fuyez nous vainquons et nous sommes contents 1591_1028_000110 il envoya chercher le pêcheur on le lui amena pêcheur lui dit-il les poissons que tu nous as apportés me causent bien de l'inquiétude en quel endroit les as-tu pêchés sire répondit-il je les ai pêchés dans un étang qui est situé entre quatre collines au-delà de la montagne que l'on voit d'ici 1591_1028_000111 mon ami lui dit-il ne pourrais-tu pas m'apporter encore quatre poissons de différentes couleurs le pêcheur répondit au sultan que si sa majesté voulait lui accorder trois jours pour faire ce qu'elle désirait il se promettait de la contenter 1591_1028_000112 après ce que je viens de voir dit le sultan à son grand vizir il ne me sera pas possible d'avoir l'esprit en repos ces poissons sans doute signifient quelque chose d'extraordinaire dont je veux être éclairci 1591_1028_000113 pour cet effet je médite un dessein que je veux absolument exécuter je vais seul m'éloigner de ce camp je vous ordonne de tenir mon absence secrète demeurez sous mon pavillon et demain matin quand mes émirs et mes courtisans se présenteront à l'entrée renvoyez-les en leur disant que j'ai une légère indisposition et que je veux être seul 1591_1028_000114 quand il en fut près il remarqua que c'était un palais magnifique ou plutôt un château très-fort d'un beau marbre noir poli et couvert d'un acier fin et uni comme une glace de miroir ravi de n'avoir pas été longtemps sans rencontrer quelque chose digne au moins de sa curiosité il s'arrêta devant la façade du château et la considéra avec beaucoup d'attention 1591_1028_000115 les poissons eurent à peine achevé ces paroles que le noir renversa la casserole au milieu du cabinet et réduisit les poissons en charbon cela étant fait il se retira fièrement et rentra dans l'ouverture du mur qui se referma et qui parut dans le même état qu'auparavant 1591_1028_000116 mais ne voyant ni n'entendant venir personne il redoubla personne ne parut encore cela le surprit extrêmement car il ne pouvait penser qu'un château si bien entretenu fût abandonné 1591_1028_000117 cela est surprenant dit-il et trop extraordinaire pour en faire un mystère au sultan je vais de ce pas l'informer de ce prodige en effet il alla l'informer et lui fit un rapport fidèle le sultan fort surpris marqua beaucoup d'empressement de voir cette merveille pour cet effet il envoya chercher le pêcheur 1591_1028_000118 il s'avança ensuite jusqu'à la porte qui était à deux battants dont l'un était ouvert quoiqu'il fût libre d'entrer il crut néanmoins devoir frapper il frappa un coup assez légèrement et attendit quelque temps mais ne voyant venir personne il s'imagina qu'on ne l'avait point entendu c'est pourquoi il frappa un second coup plus fort 1591_1028_000119 la sultane prit aussitôt la parole et parla en ces termes sire après que les quatre poissons eurent répondu à la jeune dame elle renversa encore la casserole d'un coup de baguette et se retira dans le même endroit de la muraille d'où elle était sortie le grand vizir ayant été témoin de ce qui s'était passé 1770_1028_000000 bacbara se rendit aux raisons de la vieille et sans dire un seul mot se laissa conduire par l'esclave dans une chambre où on lui peignit les sourcils de rouge on lui rasa la moustache et l'on se mit en devoir de lui raser aussi la barbe 1770_1028_000001 il obéit et la jeune dame et ses esclaves dansèrent avec lui en riant comme des folles après qu'elles eurent dansé quelque temps elles se jetèrent toutes sur le misérable et lui donnèrent tant de soufflets tant de coups de poing et de coups de pied qu'il en tomba par terre presque hors de lui-même 1770_1028_000002 mon frère souffrait tout cela avec une patience admirable il affectait même un un air gai et regardant la vieille avec un sourire forcé vous l'avez bien dit disait-il que je trouverai une dame toute bonne tout agréable toute charmante que je vous ai d'obligation 1770_1028_000003 sire le barbier continuant l'histoire de bakbarah mon frère dit-il prit le verre de la main de la jeune dame en la lui baisant et but debout en reconnaissance de la faveur qu'elle lui avait faite ensuite la jeune dame le fit asseoir auprès d'elle et commença de le caresser 1770_1028_000004 que vous me faites plaisir répliqua la dame en me marquant tant de soumission je suis contente de vous et je veux que vous le soyez aussi de moi qu'on lui apporte ajouta-t-elle le parfum et l'eau de rose 1770_1028_000005 la docilité de mon frère ne put aller jusque-là oh pour ce qui est de ma barbe s'écria-t-il je ne souffrirai point absolument qu'on me la coupe l'esclave lui présenta qu'il était inutile de lui avoir ôté sa moustache s'il ne voulait pas consentir qu'on lui rasât la barbe 1770_1028_000006 la jeune dame se leva et sans cesser de rire lui dit après la complaisance que vous avez eue pour moi j'aurais tort de ne pas vous aimer de tout mon coeur mais il faut que vous fassiez encore une chose pour l'amour de moi c'est de danser comme vous voilà 1770_1028_000007 la vieille ajouta au discours de l'esclave de nouvelles raisons elle menaça mon frère de la disgrâce de la jeune dame enfin elle lui dit tant de choses qu'il se laissa faire tout ce qu'on voulut 1770_1028_000008 le récit de cette histoire poursuivit le barbier fit rire le calife allez me dit-il retournez chez vous on va vous donner quelque chose de ma part pour vous consoler d'avoir manqué le régal auquel vous vous attendiez 1770_1028_000009 histoire du second frère du barbier mon second frère qui s'appelait bakbarah le brèche dent marchant un jour par la ville rencontra une vieille dans une rue écartée elle l'aborda j'ai lui dit-elle un mot à vous dire je vous prie de vous arrêter un moment 1770_1028_000010 et quand vous aurez achevé ramenez-le moi bakbarah qui entendit cet ordre se leva promptement et s'approchant de la vieille qui s'était aussi levée pour accompagner l'esclave et lui il la pria de lui dire ce qu'on lui voulait faire 1770_1028_000011 après cette cérémonie la jeune dame commanda aux esclaves qui avaient déjà joué des instruments et chanté de recommencer leurs concerts elles obéirent et pendant ce temps-là la dame appela une autre esclave et lui ordonna d'emmener mon frère avec elle en lui disant faites-lui ce que vous savez 1770_1028_000012 alors la vieille qui l'avait amené le regarda d'une manière à lui faire connaître qu'il avait tort et qu'il ne se souvenait pas de l'avis qu'elle lui avait donné d'avoir de la complaisance 1770_1028_000013 alors elle se retourna vers mon frère et lui dit souvenez-vous au moins que la jeune dame chez qui je vous amène aime la douceur et la retenue elle ne veut pas qu'on la contredise si vous la contentez en cela vous pouvez compter que vous obtiendrez d'elle ce que vous voudrez 1770_1028_000014 qu'un visage barbu ne convenait pas avec un habillement de femme et qu'elle s'étonnait qu'un homme qui était sur le point de posséder la plus belle personne de bagdad fît quelque attention à sa barbe 1770_1028_000015 il n'est pas besoin de vous en dire davantage ce que vous me dites est bien vrai répliqua mon frère je ne suis pas une menteuse repartit la vieille je ne vous propose rien qui ne soit véritable 1770_1028_000016 que nous vous avons plaint ma bonne maîtresse et moi s'écria la perfide nous n'avons aucune part au mauvais tour que son mari vous a joué le malheureux bacbouc ne lui répondit rien tant il était fatigué et moulu de coups mais il regagna sa maison en faisant une ferme résolution de ne plus songer à la meunière 1770_1028_000017 cent quarante huitième nuit des mille et une nuits tome premier traduit par antoine galland enregistré pour librivox point org par michael cadillac 1770_1028_000018 il reconnut sa faute et pour la réparer il se rapprocha de la jeune dame en feignant qu'il ne s'en était pas éloigné par mauvaise humeur elle le tira par le bras le fit encore s'asseoir près d'elle et continua de lui faire mille caresses malicieuses 1770_1028_000019 cent quarante huitième nuit des mille et une nuits tome premier traduit par antoine galland enregistré pour librivox point org par michael cadillac 1770_1028_000020 elle lui passa la main derrière la tête en lui donnant de temps en temps de petits soufflets ravi de ces faveurs il s'estimait le plus heureux des hommes du monde il était tenté de badiner aussi avec cette charmante personne mais il n'osait pas prendre cette liberté devant tant d'esclaves qui avaient les yeux sur lui et qui ne cessaient de rire de ce badinage 1770_1028_000021 mais écoutez ce que j'exige de vous il faut que vous soyez sage que vous parliez peu et que vous ayez une complaisance infinie bakbarah ayant accepté la condition elle marcha devant et il la suivit 1770_1028_000022 on peut me peindre les sourcils tant qu'on voudra répliqua mon frère j'y consens parce que je pourrai me laver ensuite mais pour me faire raser vous voyez bien que je ne le dois pas souffrir comment oserais-je paraître après cela sans moustaches 1770_1028_000023 vous êtes un brave homme et je suis ravie de trouver en vous tant de douceur et tant de complaisance pour mes petits caprices et une humeur si conforme à la mienne madame repartit bakbarah charmé de ce discours je ne suis plus à moi je suis tout à vous et vous pouvez à votre gré disposer de moi 1770_1028_000024 c'est que notre maîtresse est curieuse lui répondit tout bas la vieille elle souhaite de voir comment vous seriez déguisé en femme et cette esclave qui a ordre de vous emmener avec elle va vous peindre les sourcils vous raser les moustaches et vous habiller en femme 1770_1028_000025 la vieille lui aida à se relever et pour ne pas lui donner le temps de se fâcher du mauvais traitement qu'on venait de lui faire consolez-vous lui dit-elle à l'oreille vous êtes enfin arrivé au bout de vos souffrances et vous allez en recevoir le prix 1770_1028_000026 il s'arrêta en lui demandant ce qu'elle voulait si vous avez le temps de venir avec moi reprit-elle je vous mènerai dans un palais magnifique où vous verrez une dame plus belle que le jour elle vous recevra avec beaucoup de plaisir et vous présentera la collation avec d'excellent vin 1770_1028_000027 ce n'est rien encore cela lui répondait la vieille laissez faire vous verrez bien autre chose la jeune dame prit alors la parole et dit à mon frère 1770_1028_000028 la jeune dame continua de lui donner des petits soufflets et à la fin lui en appliqua un si rudement qu'il en fut scandalisé il en rougit et se leva pour s'éloigner d'une si rude joueuse 1770_1028_000029 lorsqu'il fut habillé en femme on le ramena devant la jeune dame qui se prit si fort à rire en le voyant qu'elle se renversa sur le sofa où elle était assise les esclaves en firent autant en frappant des mains si bien que mon frère demeura fort embarrassé de sa contenance 1770_1028_000030 gardez-vous de vous opposer à ce qu'on exige de vous reprit la vieille vous gâteriez vos affaires qui vont le mieux du monde on vous aime on veut vous rendre heureux faut-il pour une vilaine moustache renoncer aux plus délicieuses faveurs qu'un homme puisse obtenir 1770_1028_000031 ils arrivèrent à la porte d'un grand palais où il y avait beaucoup d'officiers et de domestiques quelques-uns voulurent arrêter mon frère mais la vieille ne leur eut pas plus tôt parlé qu'ils le laissèrent passer 1770_1028_000032 ses esclaves qui ne cherchaient qu'à la divertir se mirent de la partie l'une donnait au pauvre bakbarah des nasardes de toute sa force l'autre lui tirait les oreilles à les lui arracher et d'autres enfin lui appliquaient des soufflets qui passaient la raillerie 1770_1028_000033 à ces mots deux esclaves se détachèrent et revinrent bientôt après l'une avec une cassolette d'argent où il y avait du bois d'aloès le plus exquis dont elle le parfuma et l'autre avec de l'eau de rose qu'elle lui jeta au visage et dans les mains mon frère ne se possédait pas tant il était aise de se voir traiter si honorablement 1770_1028_000034 commandeur des croyants repris-je je supplie votre majesté de trouver bon que je ne reçoive rien qu'après lui avoir raconté l'histoire de mes autres frères le calife m'ayant témoigné par son silence qu'il était disposé à m'écouter je continuai en ces termes 1770_1028_000035 le jour qui paraissait déjà imposa silence en cet endroit à la sultane shéhérazade elle poursuivit ainsi la nuit suivante fin de la cent quarante-huitième nuit 1770_1028_000036 bakbarah la remercia de cet avis et promit d'en profiter elle le fit entrer dans un bel appartement c'était un grand bâtiment carré qui répondait à la magnificence du palais une galerie régnait à l'entour et l'on voyait au milieu un très beau jardin 1770_1028_000037 elle jugea bien qu'il avait cette pensée et prenant plaisir à l'entretenir dans une erreur si agréable elle lui dit des douceurs et lui présenta de sa propre main de tout ce qu'il y avait de meilleur 1770_1028_000038 il se leva et demeura debout pendant qu'elle but lorsqu'elle eut bu au lieu de rendre le verre elle le fit remplir et le présenta à mon frère afin qu'il lui fît raison 1770_1028_000039 en même temps on couvrit une table de plusieurs corbeilles de fruits et de confitures elle se mit à table avec les esclaves et mon frère comme il était placé vis-à-vis d'elle quand il ouvrait la bouche pour manger elle s'apercevait qu'il était brèche dent 1770_1028_000040 elle prit la place d'honneur et puis l'ayant prié de se remettre à la sienne elle lui dit d'un air riant je suis ravie de vous voir et je vous souhaite tout le bien que vous pouvez désirer 1770_1028_000041 et il aperçut au milieu d'elles une jeune dame d'une beauté extraordinaire qui se faisait aisément reconnaître pour leur maîtresse par les égards qu'on avait pour elle bakbarah qui s'était attendu à un entretien particulier avec la dame fut extrêmement surpris de la voir arriver en si bonne compagnie 1770_1028_000042 et elle le faisait remarquer aux esclaves qui en riaient de tout leur coeur avec elle bakbarah qui de temps en temps levait la tête pour la regarder et qui la voyait rire s'imagina que c'était de la joie qu'elle avait de sa venue et se flatta que bientôt elle écartait ses esclaves pour rester avec lui sans témoins 1770_1028_000043 madame lui répondit bakbarah je ne puis en souhaiter un plus grand que l'honneur que j'ai de paraître devant vous il me semble que vous êtes de bonne humeur répliqua-t-elle et que vous voudrez bien que nous passions le temps agréablement ensemble elle commanda aussitôt que l'on servît la collation 1770_1028_000044 la collation achevée on se leva de table dix esclaves prirent des instruments et commencèrent à jouer et à chanter d'autres se mirent à danser mon frère pour faire l'agréable dansa aussi et la jeune dame même s'en mêla 1770_1028_000045 scheherazade voulait poursuivre son récit mais remarquant qu'il était jour elle cessa de parler la nuit suivante elle reprit la parole et dit au sultan des indes 1770_1028_000046 cependant les esclaves prirent un air sérieux en s'approchant de lui et lorsque la jeune dame fut près du sofa mon frère qui s'était levé lui fit une profonde révérence 1770_1028_000047 la vieille le fit asseoir sur un sofa bien garni et lui dit d'attendre un moment qu'elle allait avertir de son arrivée la jeune dame mon frère qui n'était jamais entré dans un lieu si superbe se mit à considérer toutes les beautés qui s'offraient à la vue et jugeant de sa bonne fortune par la magnificence qu'il voyait 1770_1028_000048 après qu'on eut dansé quelque temps on s'assit pour prendre haleine la jeune dame se fit donner un verre de vin et regarda mon frère en souriant pour lui marquer qu'elle allait boire à sa santé 1770_1028_000049 il avait de la peine à contenir sa joie il entendit bientôt un grand bruit qui était causé par une troupe d'esclaves enjouées qui vinrent à lui en faisant des éclats de rire 10177_10625_000000 ce discours était adressé à mme weston mais celle-ci était occupée à parler à son voisin et emma dut interrompre sa phrase pendant cette pause elle eut le temps de réfléchir 10177_10625_000001 ne tardèrent pas à dissiper les regrets d'emma à l'heure dite les invités étaient réunis m john knightley paru s'appliquer à se rendre aimable dès le début au lieu d'attirer son frère dans l'embrasure d'une fenêtre il se mit à parler avec mlle fairfax 10177_10625_000002 jane fairfax répondit par un aimable merci et s'efforça de prendre la prophétie en riant mais le tremblement de ses lèvres et ses yeux humides trahissaient son émotion 10177_10625_000003 connaissez-vous cette famille si nous la connaissons reprit son père nous avons passé devant la maison de mme bates pour venir ici j'ai vu mlle bates à sa fenêtre vous avez si je ne me trompe rencontré mlle fairfax à 10177_10625_000004 ses manières ne dénotaient aucune affectation et son contentement paraissait sincère leurs sujets de conversation furent ceux qui conviennent à une première rencontre il posa des questions montait elle à cheval le voisinage était-il nombreux il avait aperçu plusieurs jolies maisons en traversant 10177_10625_000005 et moi je suis décidée à me servir de mes amis afin de ne laisser échapper aucune occasion à votre avantage l'apparition de m woodhouse dans le salon interrompit les assurances de mme elton et fournit à sa vanité un nouvel aliment 10177_10625_000006 elles commençaient précisément à retrouver leurs anciennes manières lorsque la voiture réapparut et tout fut fini emma ne pouvait se dissimuler combien les dames martin avaient dû être offensées quatorze minutes à consacrer à celles avec qui six mois auparavant henriette avait été heureuse de passer six semaines 10177_10625_000007 je n'ai été qu'à la poste dit-elle et je suis rentrée avant l'averse c'est ma course quotidienne je vais toujours chercher les lettres quand je suis ici j'ai ainsi une raison pour sortir la marche avant le déjeuner me fait du bien pas sous la pluie pourtant 10177_10625_000008 je n'ai pas le droit d'espérer passer ma vie au milieu de ceux qui me sont le plus chers et en conséquence je ne prévois pas que les années puissent me rendre indifférente à ma correspondance 10177_10625_000009 dans ces conditions l'existence à la campagne n'a rien de terrible même une femme qui ne disposerait pas de mes ressources intellectuelles ne se sentirait nullement dépaysée 10177_10625_000010 si nous étions dans l'autre salon où se trouve mon bureau je pourrais fournir un spécimen à l'appui de mon dire j'ai une lettre écrite de la main de m frank churchill ne vous rappelez-vous pas mme weston vous être un jour servie de lui comme secrétaire dites plutôt que frank a tenu à prendre cette qualité 10177_10625_000011 il s'approcha ensuite de mlle fairfax mais celle-ci était absorbée dans une conversation avec m john knightley et il ne lui fut pas possible de l'interrompre il s'assit alors auprès de mme elton dont l'attention était disponible et se mit naturellement à l'entretenir du sujet d'actualité 10177_10625_000012 c'est une bien jolie personne il n'est pas indispensable que j'aille présenter mes hommages aujourd'hui même répondit le jeune homme mais nous étions dans des termes tels n'hésitez pas 10177_10625_000013 ses félicitations furent sincères et abondantes mais emma ne put pas parler si facilement elle était occupée à peser ses propres sentiments et à mesurer le degré de son agitation et de son trouble 10177_10625_000014 le révérend philippe elton au grand cerf bath était hissé dans la voiture du boucher chargé de la transporter jusqu'à la diligence tout dans sa pensée se confondait le souvenir de la malle et de l'adresse surnageait seul 10177_10625_000015 james et les chevaux lui semblaient avoir perdu l'air endormi quand elle regardait les haies elle s'attendait à voir les sureaux en fleur sa compagne elle-même paraissait avoir surmonté son chagrin et lui souriait tendrement au bout de quelques minutes harriet demanda m frank churchill traversera-t-il bath après oxford 10177_10625_000016 c'était précisément la réponse qu'emma désirait elle jugeait en effet inopportune une rencontre sur le terrain même des anciens errements et elle fut enchantée de la force de caractère manifestée par sa petite amie elle adressa aussitôt une invitation à jane fairfax 10177_10625_000017 je vous suis très reconnaissante néanmoins mais je désire que rien ne soit tenté avant l'été pour deux ou trois mois encore je resterai indépendante dans la maison de ma grand'mère à highbury 10177_10625_000018 frank reconnaît une flaque d'eau à première vue et de l'hôtel il n'y a qu'un saut à faire pour arriver chez mme bates finalement m woodhouse céda à regret et avec une parfaite cordialité le père et le fils prirent congé 10177_10625_000019 on vend là je ne dirai pas la chair mais l'intelligence humaine ah jane vous me choquez tout à fait si votre intention est de critiquer la traite des noirs je puis vous assurer que m suckling a toujours été plutôt partisan de l'abolition 10177_10625_000020 ma chère avez-vous changé vos bas oui monsieur immédiatement je vous suis très reconnaissante de votre aimable sollicitude ma chère mlle fairfax comment ne prendrait on intérêt à une aussi gracieuse personne 10177_10625_000021 jane donna très patiemment l'assurance qu'elle n'avait pas pris froid ce n'est pas une excuse mme weston avez-vous jamais entendu parler d'une pareille conduite il nous faut absolument intervenir vous et moi d'autorité 10177_10625_000022 elle regrettait sincèrement que les martin n'occupassent pas un rang social plus élevé mais au degré où ils se trouvaient placés aucune concession n'était possible emma éprouva le besoin d'une diversion et résolut de s'arrêter à randalls mais il n'y avait personne à la maison le domestique supposait que ses maîtres avaient dû aller à hartfield 10177_10625_000023 donnait-on des bals faisait-on de la musique quand emma l'eut renseigné sur ces divers points il chercha une occasion pour amener la conversation sur sa belle-mère il parla d'elle avec admiration et manifesta toute sa reconnaissance pour le bonheur qu'elle procurait à son père 10177_10625_000024 pour sa part emma fut très satisfaite de cette première entrevue et elle ne doutait pas que son amie de randalls n'eût retrouvé maintenant toute sa liberté d'esprit fin du chapitre vingt-trois 10177_10625_000025 elle se proposait au commencement du printemps de rendre toutes les politesses reçues en organisant une réception de grand style elle ferait placer des tables de jeu avec des bougies séparées et des paquets de carte neuves selon le dernier genre 10177_10625_000026 voici cet aimable vieux beau reprit-elle il me plaît infiniment j'admire sa politesse surannée je préfère de beaucoup la courtoisie d'autrefois au sans-gêne moderne il m'a tenu pendant le dîner les propos les plus galants 10177_10625_000027 cette question était d'assez mauvais augure mais bien entendu emma ne s'attendait pas à voir harriet retrouver immédiatement le calme d'autre part il n'eut pas été raisonnable d'exiger dès à présent une connaissance parfaite de la géographie 10177_10625_000028 en était encore aux politesses de l'accueil et aux félicitations frank churchill dont on avait tant parlé se tenait enfin en personne devant les yeux d'emma c'était un très joli homme taille air tenue tout était 10177_10625_000029 c'est une jeune fille accomplie elle habite en ce moment chez sa grand'mère et sa tante d'excellentes personnes que j'ai connues toute ma vie elles seront je suis sûr très heureuses de vous accueillir un de mes domestiques vous accompagnera pour vous montrer le chemin 10177_10625_000030 mais je n'ai pas fixé le mois de juin je n'ai fait que parler de l'été comme l'époque probable de ma décision n'avez-vous vraiment aucune indication je n'ai même pas tenté la moindre démarche oh ma chère nous ne pouvons pas commencer trop tôt nos investigations vous ne vous rendez pas bien compte des difficultés qui nous attendent 10177_10625_000031 ah non je me trompe vous ne pourrez sans doute pas ouvrir la bouche car elle a une tante qui parle sans discontinuer vous allez rendre visite à mlle fairfax monsieur intervint inopinément monsieur woodhouse 10177_10625_000032 maintenant le temps est tout à fait propice nous allons pouvoir jouir de sa présence les événements ont pris exactement la tournure que je désirais il n'y avait pas moyen de n'être pas gagné par la bonne humeur de m weston 10177_10625_000033 m frank churchill se déclara ensuite enchanté de randalls il trouvait la maison parfaitement aménagée c'est à peine s'il voulait admettre qu'elle était petite il admirait le site la route qui conduit à highbury 10177_10625_000034 qui ne devait pas du reste être plus agréable à son interlocutrice avez-vous entendu parler ma chère jane d'une situation convenable nous voici déjà en avril je commence à être tout à fait préoccupée à votre sujet le mois de juin approche 10177_10625_000035 et présentant toutes les garanties d'honorabilité de confort d'agrément les campbell et moi n'auront de repos qu'à ce prix ne croyez-vous pas ma chère madame elton que dans les proportions du mélange la dose d'agrément se trouvera singulièrement réduite 10177_10625_000036 son devoir accompli l'affable vieillard reprit sa place avec le sentiment de s'être efforcé de mettre toutes les dames à leur aise peu après l'histoire de la promenade arriva aux oreilles de mme elton 10177_10625_000037 de son côté avec moins de paroles et d'enthousiasme mme weston confirma la bonne nouvelle et emma prit une part sincère à leur contentement m weston fit le récit détaillé de toutes les circonstances qui permettaient à son fils d'être assuré d'une quinzaine d'entière liberté emma écouta sourit et félicita 10177_10625_000038 et lors même qu'il s'efforçait de ne pas regarder il prêtait l'oreille à leurs propos quant à m woodhouse il n'avait pas le moindre soupçon du complot tramé contre son repos il désapprouvait chaque mariage annoncé mais ne ressentait jamais aucune appréhension d'un mariage possible 10177_10625_000039 vos connaissances en musique seules vous permettraient de dicter vos conditions vous devez avoir plusieurs chambres à votre disposition et garder la latitude de prendre part à la vie de famille dans la mesure que vous jugerez agréable 10177_10625_000040 en somme je voulais seulement dire qu'il y a des agences où je trouverai tous les renseignements utiles je sais combien vous êtes modeste reprit mme elton aussi appartient-il à vos amis de vous maintenir à votre rang vous ne pouvez frayer qu'avec des gens du monde ayant les moyens de s'entourer de toutes les élégances de la vie 10177_10625_000041 lorsque je m'adresserai à mme weston je sais de quelle personne il me sera permis de faire l'éloge sans crainte d'être taxé d'exagération tout en causant emma observait m weston celui-ci ne cessait de jeter à la dérobée sur leur groupe des regards où perçaient sa satisfaction et son plaisir 10177_10625_000042 c'est trop fort dit emma quand la voiture se fut remise en marche et maintenant nous allons juste les manquer elle s'enfonça dans le coin pour laisser à son désappointement le temps de s'évaporer 10177_10625_000043 cependant lorsqu'elle descendit de voiture en face de la grande allée bordée de pommiers en espalier aboutissant à la porte d'entrée la vue de tout ce qui lui avait procuré tant de plaisir l'automne précédent lui causa une douce émotion 10177_10625_000044 se résigna il se contenta de stipuler qu'il ne serait pas assis en haut de la table les invités étaient tout indiqués outre les elton il y aurait les weston et m knightley la pauvre harriet naturellement serait appelée à occuper la huitième place mais elle pria emma de lui permettre de refuser 10177_10625_000045 les séjours à bath avaient familiarisé mme elton avec certaines règles de l'étiquette mondaine et les dîners de maple grove lui servaient de modèles elle fut un peu offusquée de ne pas trouver deux salons partout où elle allait et de constater l'absence de glaces et de sorbets aux réunions d'highbury 10177_10625_000046 après avoir répondu aux interrogations de sa femme concernant son dîner et lui avoir donné l'assurance que les domestiques avaient scrupuleusement exécuté les ordres reçus il communiqua les nouvelles d'intérêt général puis il ajouta en s'adressant à mme weston 10177_10625_000047 je n'aurai pas de difficultés je pense à trouver la maison mais peut-être sera-t-il plus prudent en demandant mon chemin de m'informer des burns ou bates 10177_10625_000048 je dois m'arrêter à l'hôtel de la couronne à propos de mon foin et je suis chargé d'un grand nombre de commissions pour ford mais je ne veux presser personne son fils trop bien élevé pour ne pas saisir l'allusion se leva aussitôt en disant 10177_10625_000049 non mais il ne pleuvait pas véritablement quand je suis sortie m john knightley sourit et reprit vous voulez dire que vous étiez résolue à prendre l'air car vous ne vous trouviez pas à six mètres de votre porte et les garçons avaient renoncé depuis longtemps à compter les gouttes de pluie 10177_10625_000050 il lui semblait probable en effet que le mauvais temps n'aurait pas été si délibérément affronté sans la certitude de trouver une lettre attendue avec impatience cette supposition se trouvait confirmée par l'apparence de jane la physionomie de la jeune fille respirait la satisfaction 10177_10625_000051 avant d'avoir la preuve de leur complicité il n'aurait jamais voulu faire à deux personnes l'injure de leur prêter des intentions matrimoniales il pouvait donc sans aucune arrière-pensée s'abandonner à ses sentiments de bonté et de politesse et s'inquiéter des difficultés de tous genres auxquelles selon lui m franck 10177_10625_000052 de cette façon toutes les difficultés seront aplanies vous n'aurez pas de scrupule je pense ma chère jane à accepter ce petit service venant de moi vous êtes extrêmement bonne répondit jane 10177_10625_000053 ma chère jane n'en parlons plus la chose est décidée sous réserve pourtant de mon seigneur et maître madame weston vous et moi n'est-il pas vrai sommes tenues à une certaine circonspection mais je me flatte ma chère jane que mon influence n'est pas tout à fait nulle excusez-moi reprit jane 10177_10625_000054 emma par jane austen traduit par pierre de puliga chapitre vingt trois il avait été convenu qu'emma viendrait prendre son amie chez mme goddard 10177_10625_000055 mais peu à peu elle retrouva ses esprits et put faire part de ses impressions à sa compagne je n'ai vu que madame martin et les jeunes filles et j'ai été reçue plutôt froidement la conversation a d'abord roulé sur des lieux communs 10177_10625_000056 pour ma part ajouta-t-il je m'attendais à voir une femme aimable et comme il faut je ne savais trouver en mme weston une jeune et jolie femme vous ne sauriez à mon avis discerner trop de perfections chez mme weston répondit emma si vous lui donniez dix-huit ans je vous écouterais avec plaisir 10177_10625_000057 emma continua sa route ayant décidé de profiter de l'occasion pour aller voir une vieille domestique mariée et retirée à donwell un quart d'heure après la voiture s'arrêtait de nouveau devant la grille blanche 10177_10625_000058 la petite ville elle-même et surtout hartfield il assurait avoir toujours éprouvé un intérêt spécial pour son pays natal et un grand désir de le visiter emma ne put s'empêcher de s'étonner intérieurement qu'il n'ait pas satisfait depuis longtemps une aussi légitime aspiration de toute façon 10177_10625_000059 je vous remercie mille fois mais je préférerais que vous ne fissiez pas allusion à moi votre inexpérience m'amuse ma chère enfant une situation comme celle à laquelle vous avez droit ne se rencontre pas tous les jours il nous faut dès à présent poser nos premiers jalons 10177_10625_000060 mais elle serait certainement mécontente de vous entendre parler de la sorte ne lui laissez pas deviner qu'elle vous est apparue sous la figure d'une jeune et jolie femme non vous pouvez être tranquille reprit-il en s'inclinant galamment 10177_10625_000061 et se retournant vers emma il ajouta mais il ne faut pas vous attendre à voir un très joli garçon ne vous fiez pas à ma description il n'a probablement rien d'extraordinaire pendant qu'il parlait ses yeux brillants indiquaient du reste une toute autre conviction 10177_10625_000062 excusez-moi madame mais ce n'est en aucune façon mon intention je ne veux rien faire moi-même et je souhaite que mes amis observent la même réserve le moment venu je ne crains pas de rester longtemps inoccupée il y a à londres des bureaux de placement où les offres et les demandes sont centralisées 10177_10625_000063 son teint éblouissant témoignait d'une santé raffermie son humeur enjouée d'une animation exceptionnelle emma aurait pu pour s'éclairer demander au moment opportun quelques informations concernant le service de la malle d'irlande la question lui brûlait les lèvres 10177_10625_000064 est-il possible se disait-il de faire une demi-lieue simplement pour se retrouver avec quelques personnes quand on est en mouvement depuis sept heures du matin si encore m weston venait chercher sa femme pour la ramener de suite à la maison 10177_10625_000065 j'espère que votre excellente grand-mère et votre tante vont bien ce sont de très vieilles amies à moi je regrette que mon état de santé ne me permette pas de me montrer un meilleur voisin vous nous faites un grand honneur aujourd'hui ma fille et moi nous sommes tous deux très heureux de vous voir à hatfield 10177_10625_000066 il est trop tard elle ne pourra plus désormais s'attacher à moi je suis décidée néanmoins à lui faire des avances toutes les invitations reçurent un accueil favorable mais au dernier moment une circonstance imprévue vint jeter le trouble dans l'ordonnance du dîner 10177_10625_000067 pourtant je ne suis pas sûre si vous saviez toucher de la harpe vous pourriez tout exiger mais d'autre part la perfection de votre chant compensera cette lacune je vous prédis que vous obtiendrez bientôt un établissement conforme à votre mérite 10177_10625_000068 sans doute répondit frank churchill pourtant je ne prendrais pas la liberté d'agir de la sorte avec tout le monde mais en rentrant à la maison je me suis cru tout permis quand il prononça les mots à la maison son père le regarda avec plus de complaisance encore 10177_10625_000069 demain à cette heure-ci ils viendront probablement faire leur visite elle ouvrit la porte du salon et vit deux messieurs assis avec son père monsieur weston et son fils ils venaient seulement d'arriver et monsieur weston finissait à peine d'expliquer que frank était arrivé un jour à l'avance monsieur woodhouse 10177_10625_000070 par exemple j'agirais ainsi je crois si mon cœur était en jeu mais ce n'est pas le cas car je n'éprouve pas la moindre gêne aussitôt que mme weston eut retrouvé sa liberté emma reprit m frank churchill a une des plus belles écritures masculines que je connaisse 10177_10625_000071 une cousine de mme suckling mme bragge qui cherchait une gouvernante reçut une quantité incroyable de demandes cette dame bien entendu appartient à la meilleure société 10177_10625_000072 ce dérangement aurait une raison d'être mais sa présence au lieu de rompre la réunion aura sans doute pour effet de la prolonger pendant ce temps m weston ne soupçonnant nullement l'indignation qu'il provoquait usait du droit que lui conférait son absence d'un jour et tenait le dé de la conversation 10177_10625_000073 tous les convives se trouvaient à peine réunis de nouveau dans le salon quand m weston apparut l'air dispos et de bonne humeur en arrivant à randalls il avait dîné puis s'était mis en route aussitôt 10177_10625_000074 tous ceux que vous aimez sont continuellement à votre portée moi au contraire je serai sans doute appelée à vivre au milieu d'étrangers j'ai donc toutes les raisons du monde de supposer que je prendrai longtemps encore avec plaisir le chemin du bureau de poste 10177_10625_000075 quoi qu'il en soit j'ai la lettre et je la montrerai après dîner pour convaincre m knightley c'est là un document qui me paraît peu probant reprit sèchement m knightley le jeune homme a dû apporter à la rédaction du billet qui vous était destiné un soin particulier 10177_10625_000076 m john knightley écrivit pour annoncer son arrivée il amenait ses fils faire une visite promise à leur grand-père et se proposait de coucher une nuit à hartfield le hasard voulut que le jour choisi par lui coïncidât précisément avec la date fixée pour le dîner 10177_10625_000077 dois-je marcher la première je suis honteuse de toujours montrer le chemin l'inébranlable résolution avec laquelle jane fairfax avait défendu sa prérogative d'aller elle-même chercher ses lettres à la poste n'avait pas échappé à emma celle-ci aurait voulu savoir si la promenade du matin avait eu un résultat 10177_10625_000078 quatre heures il sera là avant trois heures croyez-moi rectifia vivement m weston en s'éloignant avec sa femme emma eut l'agréable impression de renaître à la vie le passé de découragement s'effaçait pour faire place à de nouvelles espérances tout revêtait un aspect différent 10177_10625_000079 je suis tentée de donner mon avis à mon tour dit madame weston avec bonté sujette comme vous l'êtes mademoiselle fairfax à attraper de gros rhumes vous devriez être particulièrement prudente à cette saison de l'année il vaudrait mieux attendre une heure ou deux ou même une demi-journée pour vos lettres que de vous exposer à prendre froid 10177_10625_000080 à ce moment la conversation devint générale et le sujet des différentes écritures fut discuté j'ai remarqué dit john knightley que dans une famille les filles surtout acquièrent généralement le même type d'écriture 10177_10625_000081 je ne pensais pas à l'esclavage reprit jane mais seulement au commerce des gouvernantes je ne voudrais pas établir de comparaison entre les deux trafics du moins en ce qui concerne le degré de culpabilité des tenanciers mais je ne sais trop dans quelle catégorie les victimes sont le plus à plaindre 10177_10625_000082 si vous n'avez jamais été particulièrement frappé par la distinction de ses manières reprit-elle vous le serez je crois aujourd'hui vous la verrez à son avantage et vous pourrez causer avec elle 10177_10625_000083 parmi les innombrables lettres qui circulent dans le royaume fort peu prennent une fausse direction et peut-être pas une sur un million ne se perd c'est d'autant plus surprenant que les suscriptions informes ou peu lisibles abondent 10177_10625_000084 je ne vous citerai qu'un fait on se sert de bougies de cire dans la salle d'étude vous pouvez imaginer d'après ce détail quel sort enviable attendait l'élue de toutes les maisons du royaume celle de mme bragge est celle où je préférerais vous voir 10177_10625_000085 ce n'est pas de l'indifférence que je ressens pour les lettres c'est une véritable aversion vous pensez aux lettres d'affaires en l'occurrence il s'agit d'amitié je préfère les premières parfois elles contiennent de l'argent ah vous ne parlez pas sérieusement 10177_10625_000086 la plupart des personnes présentes s'attendaient à sa venue et il fut accueilli de la façon la plus cordiale seul m john knightley fut stupéfait en voyant entrer m weston il ne pouvait s'expliquer qu'un homme après avoir passé la journée en ville à s'occuper d'affaires pût à peine de retour sortir de nouveau pour aller dans le monde 10177_10625_000087 en faisant allusion au changement probable de vos idées sur ce point particulier j'escomptais les modifications que l'avenir doit apporter à votre position sociale dans dix ans permettez à un vieil ami de parler en toute liberté vous aurez près de vous des êtres sur lesquels vous concentrerez vos affections 10177_10625_000088 mais elle avait fait l'effort de garder le silence pour passer dans la salle à manger les deux jeunes filles fermèrent la marche en se donnant le bras avec un semblant de cordialité qui seyait à merveille à leur beauté respective 10177_10625_000089 avez-vous pensé aux nombreuses conditions qui doivent se trouver réunies je puis vous donner l'assurance ma chère madame elton que j'ai envisagé le problème sous toutes ses faces mais vous ne connaissez pas le monde comme moi vous ne savez pas combien il y a de candidates pour les situations de premier ordre j'en ai eu la preuve pendant un de mes séjours à maple grove 10177_10625_000090 ils ne tarderont pas à arriver et nous aurons frank à notre portée il passera la moitié de son temps avec nous je ne pouvais désirer rien de mieux naturellement la maladie de madame churchill n'existait que dans son imagination avez-vous fini serrez la lettre nous en parlerons plus tard madame weston fut tout à fait satisfaite 10177_10625_000091 les marques au crayon et les dates étaient encore visibles sur le chambranle de la porte-fenêtre c'était m martin qui avait fait les inscriptions elles semblaient toutes trois se rappeler le jour l'heure l'occasion et être prêtes à revenir aux mêmes sentiments de bon accord 10177_10625_000092 il convient frank de vous montrer ici particulièrement attentif vis-à-vis de cette jeune fille vous l'avez connue chez les campbell où elle se trouvait sur un pied d'égalité avec leurs amis mais à highbury elle habite avec sa vieille grand'mère qui possède à peine de quoi vivre si vous n'alliez la voir dès votre arrivée on pourrait interpréter votre abstention comme un manque d'égards 10177_10625_000093 allons pensa-t-elle voici l'occasion de mettre frank churchill sur la sellette suis-je capable de prononcer son nom simplement devant tout le monde devrai-je au contraire recourir à une périphrase votre ami du yorkshire votre correspondant 10177_10625_000094 je ne tarderai pas à l'amener à hartfield dit m weston en matière de conclusion emma s'imagina que mme weston touchait à ce moment le bras de son mari nous ferons bien de continuer notre route dit mme weston nous retenons ces jeunes filles eh bien je suis prêt répondit-il 10177_10625_000095 mais je ne puis en aucune façon souscrire à un arrangement qui causerait une perte de temps aussi inutile à votre valet de pied si cette commission n'était pas un plaisir pour moi rien ne serait plus facile que de la confier comme cela a lieu pendant mon absence à la domestique de ma grand-mère 10177_10625_000096 je ne me déclarerais pas aussi facilement satisfaite et je suis sûre que les excellents campbell seront de mon côté vos talents vous donnent le droit de prétendre à un emploi de premier ordre 10177_10625_000097 la poste est une merveilleuse institution dit-elle quelle régularité et quelle rapidité on reste confondu à la pensée des multiples services qui lui incombent et dont elle se décharge à notre satisfaction certainement tout est fort bien réglé 10177_10625_000098 isabelle et emma par exemple écrivent d'une façon identique oui répondit son frère avec hésitation il y a une ressemblance je vois ce que vous voulez dire mais l'écriture d'emma est plus ferme isabelle et emma écrivent toutes les deux parfaitement dit m woodhouse 10177_10625_000099 mon cher monsieur je ne saurais accepter à aucun prix mon père me donnera toutes les indications voulues mais votre père ne va pas jusque-là il doit s'arrêter à l'hôtel de la couronne tout à fait à l'autre extrémité de la rue et il y a beaucoup de maisons vous pourriez être très embarrassé la route est mauvaise dès qu'on quitte le trottoir 10177_10625_000100 il me semble que je suis en passe de devenir une de ses préférées il a remarqué ma robe comment la trouvez-vous c'est célina qui l'a choisie certainement elle est très jolie mais elle me paraît un peu surchargée j'ai pourtant horreur de toute élégance outrée 10177_10625_000101 mais mon cocher vous indiquera l'endroit précis où vous pourrez traverser le plus commodément m frank churchill persista à refuser en s'efforçant de garder son sérieux son père lui donna son appui en disant mon bon ami c'est tout à fait inutile 10177_10625_000102 je connais trop bien monsieur john knightley et je suis sûre qu'il sait apprécier la valeur de l'amitié d'autre part si les lettres ont peu d'intérêt pour vous ce n'est pas à la différence de nos âges mais bien à celle de nos situations qu'il faut attribuer la divergence de nos opinions 10177_10625_000103 je préfère dit-elle ne pas me trouver en sa compagnie à moins de force majeure je ne me sens pas le courage de supporter sa vue ni celle de son heureuse et charmante femme si vous n'y voyez pas d'objection je resterai à la maison 10177_10625_000104 oui je connais vos scrupules de discrétion pourtant les campbell eux-mêmes ne peuvent pas ressentir beaucoup plus d'intérêt pour vous que je n'en éprouve je compte écrire à mme partridge d'ici un jour ou deux et lui donnerai mandat de se tenir continuellement à l'affût et de me mettre au courant 10177_10625_000105 je vous avais bien assuré hier dit m weston en exultant je vous avais bien assuré qu'il arriverait avant l'heure fixée on ne peut pas résister au plaisir de surprendre ses amis et celui qu'on procure compense largement les petits ennuis et la fatigue auxquels on s'est exposé 10177_10625_000106 mais ma chère pattry est si occupée donner de l'ouvrage à nos domestiques c'est au contraire faire œuvre pie la résolution de jane ne paraissait nullement ébranlée mais au lieu de répondre elle se tourna vers john knightley et reprit l'entretien interrompu 10177_10625_000107 ce matin-là harriet ne se sentait guère en train une heure auparavant sa mauvaise étoile l'avait conduite à l'endroit précis où au même moment une malle portant la suscription 10177_10625_000108 mais je ne puis pas renoncer à ma promenade du matin il m'est ordonné de sortir le plus possible le bureau de poste est un but de promenade du reste il pleut rarement 10177_10625_000109 ma chère amie se disait-elle en descendant l'escalier au moment de sortir après le déjeuner je vous vois d'ici allant et venant dans la chambre de votre hôte afin qu'il ne manque rien il est midi 10177_10625_000110 et au lieu de l'aimable physionomie de m knightley elle aurait en face d'elle à dîner le visage grave de son beau-frère par la suite les événements prirent une tournure plus favorable m john knightley arriva mais m weston fut inopinément appelé à londres le jour du dîner 10177_10625_000111 tant mme elton apportait de persévérance à se montrer mal élevée en se consacrant à jane fairfax celle-ci s'efforçait mais en vain d'échapper à cet accaparement il ne restait à emma et à mme weston d'autre alternative que de causer entre elles ou de se taire 10177_10625_000112 emma par jane austen traduit par pierre de puliga chapitre trente-quatre tous les amis de monsieur elton rivalisaient d'amabilité des dîners et des soirées furent organisés à l'occasion de son mariage et les invitations se succédaient 10177_10625_000113 peu après la voiture s'arrêta emma se pencha à la portière et aperçut m et mme weston qui s'approchaient pour lui parler elle éprouva un vrai plaisir à leur aspect et se sentit toute réconfortée en entendant la voix de m weston 10177_10625_000114 avait dû être exposé pendant un si long voyage après un temps normal m weston se prépara à partir je suis forcé de vous dire adieu dit-il 10177_10625_000115 irréprochable il avait beaucoup de l'animation et de la vivacité de son père et paraissait intelligent elle se sentit immédiatement portée à avoir de la sympathie pour lui et de son côté il témoignait clairement par l'aisance et la cordialité de ses manières de son désir de faire plus ample connaissance 10177_10625_000116 emma prit un air de parfaite innocence et de complet désintéressement pour donner une réponse évasive pensez à moi demain ma chère emma vers quatre heures dit d'une voix qui tremblait un peu mme weston en quittant son amie 10177_10625_000117 je suis forcée en ce moment de m'habiller avec une certaine recherche afin de ne pas désappointer l'attente générale une nouvelle mariée doit en avoir l'allure mais mon goût naturel me porte à la simplicité j'ai idée de mettre une garniture de ce genre à ma robe de popeline blanche et argent approuvez-vous cette innovation 10177_10625_000118 vous êtes bien aimable mais je suis fort indifférente à ce genre de considérations je ne tiens pas essentiellement à être chez des personnes très riches mes mortifications n'en seraient que plus grandes ma seule ambition est d'être admise dans une famille de gens bien élevés 10177_10625_000119 le jeune homme s'inclina et parut convaincu j'ai entendu mademoiselle fairfax dit emma faire allusion à votre rencontre c'est une personne fort élégante n'est-il pas vrai il acquiesça avec un oui indifférent 10177_10625_000120 ce sont de bonnes nouvelles n'est-il pas vrai anne ma chère vous ne vouliez pas me croire quand je prévoyais son retour prochain du moment que madame churchill a le désir de venir à londres elle mettra son projet à exécution sans délai 10177_10625_000121 enregistré par camille en janvier deux mille dix-neuf emma par jane austen traduit par pierre de puliga chapitre trente-cinq quand les dames rentrèrent au salon après dîner emma s'aperçut qu'il était presque impossible d'empêcher la formation de deux groupes distincts 10177_10625_000122 puisque vous avez à vous occuper d'affaires monsieur je profiterai de l'occasion pour faire une visite j'ai l'honneur de connaître une de vos voisines ajouta-t-il en se tournant vers emma une jeune fille du nom de fairfax qui habite highbury 10177_10625_000123 et emma de son côté appréhendait que m john knightley ne fut de fort méchante humeur de ne pouvoir venir à hartfield pour vingt-quatre heures sans tomber sur une réception emma néanmoins réussit à calmer son père en l'assurant que la présence de m john knightley 10177_10625_000124 des domestiques supplémentaires seraient engagés pour présenter les rafraîchissements à l'heure voulue et dans l'ordre établi emma de son côté avait décidé de donner un dîner en l'honneur des elton elle tenait à faire comme tout le monde afin d'éviter les commentaires au bout de dix minutes de conversation préalable monsieur 10177_10625_000125 tout à fait sur la fin pourtant le ton est devenu soudain plus cordial à la suite d'une remarque de mme martin sur ma taille dans cette même chambre nous avions été mesurées il y a un an 10177_10625_000126 le colonel et madame campbell doivent rentrer en ville vers le milieu de l'été et j'irai les rejoindre à cette époque il est possible que je sois disposée à m'occuper de cette question mais je ne désire pas que vous vous donniez la peine de prendre des informations pour le moment 10177_10625_000127 dans cette condition toute spontanéité disparaît et l'interprétation graphique ne peut donner aucun résultat le dîner fut annoncé mme elton se leva aussitôt et sans laisser à m woodhouse le temps de s'approcher d'elle pour lui demander l'autorisation de la conduire dans la salle à manger elle dit 10177_10625_000128 m weston toutefois trop absorbé pour observer trop communicatif pour écouter parler les autres se contenta parfaitement des sentiments de sympathie qu'elle exprima et ne tarda pas à s'éloigner afin de résumer au profit de la compagnie le discours que celle-ci venait d'entendre in extenso 10177_10625_000129 la poste exerce une grande attraction à une certaine période de l'existence mais quand vous aurez mon âge vous n'affronterez plus le mauvais temps pour aller chercher des lettres elles ne valent jamais le dérangement elle rougit un peu et répondit 10177_10625_000130 depuis sa dernière rencontre avec m knightley emma avait éprouvé des remords elle se rappelait les reproches qu'il lui avait fait il a raison dit-elle je n'ai pas agi amicalement envers jane fairfax j'aurais dû lui témoigner de l'intérêt 10177_10625_000131 à ce moment m woodhouse s'approcha d'elle après avoir selon son habitude fait le tour du salon je suis fâché d'apprendre dit-il mlle fairfax que vous êtes sortie ce matin par la pluie les jeunes filles sont des plantes délicates elles doivent avoir soin de leur santé et de leur teint 10177_10625_000132 au bout de deux minutes harriet apparaissait sur le perron accompagnée par une des demoiselles martin qui prenait congé d'elle avec une politesse cérémonieuse harriet en prenant place à côté d'emma était trop émotionnée pour pouvoir donner un compte rendu satisfaisant de la visite 10177_10625_000133 il fallait s'en remettre au temps et à l'expérience des voyages le lendemain emma n'oublia pas sa promesse et dès le matin sa pensée était occupée de l'entrevue qui attendait mme weston 10177_10625_000134 m woodhouse et m knightley furent les premiers à être mis au courant ils manifestèrent une joie extrêmement modérée mais m weston persuadé à l'avance de la satisfaction générale ne se donnait pas la peine d'en vérifier les effets chez chacun de ses interlocuteurs 10177_10625_000135 et la pauvre mme weston a également une écriture très élégante ajouta-t-il en se tournant vers cette dernière avec un soupir de regret pour ma part commença emma je n'ai jamais vu une écriture d'homme 10177_10625_000136 je ne l'admire pas repartit m knightley elle est trop menue presque féminine emma ni mme weston ne voulurent admettre cette condamnation la première répondit à mon avis l'écriture en question ne manque aucunement de force elle est fine mais très nette et d'une jolie allure 10177_10625_000137 il l'avait rencontrée en rentrant de la promenade avec ses petits garçons la pluie commençait à tomber et il s'informa si elle avait été mouillée j'espère dit-il que vous ne vous êtes pas aventurée loin mlle fairfax ce matin vous êtes sans doute retournée sur vos pas 10177_10625_000138 mme elton eut bientôt l'agréable appréhension de n'avoir plus une soirée libre je vois dit-elle quel genre de vie je suis appelée à mener parmi vous sur ma parole nous semblons être tout à fait à la mode de lundi prochain à samedi toutes nos soirées sont prises 10177_10625_000139 vu ses occupations professionnelles il ne pouvait être question de le remettre mais m woodhouse et sa fille furent contrariés celui-ci s'agitait à la pensée d'avoir plus de huit personnes à table 10177_10625_000140 comment allez-vous nous venons de faire une visite à votre père nous avons été contents de le trouver bien frank arrive demain j'ai eu une lettre ce matin il est aujourd'hui à oxford et il se propose de passer une quinzaine de jours avec nous je m'attendais du reste à cette visite qui nous dédommagera amplement de notre désappointement du mois de décembre 10177_10625_000141 pendant ce temps madame elton entretenait mademoiselle fairfax à voix basse pas assez basse néanmoins pour empêcher emma d'entendre les principaux points de leur conversation après une nouvelle allusion au bureau de poste aux lettres et aux remèdes suggérés par l'amitié madame elton aborda un sujet inédit 10177_10625_000142 tout en portant à neuf le nombre des convives n'augmenterait guère le bruit mais les objections personnelles d'emma n'étaient pas aussi faciles à lever cette addition inattendue lui agréait fort peu ce serait bien entendu à m john knightley qu'incomberait le devoir d'occuper la place de m woodhouse 10177_10625_000143 voici une lettre de frank pour vous elle m'a été remise en chemin et j'ai pris la liberté de l'ouvrir lisez-la elle est très courte donnez-en communication à emma les deux femmes parcoururent rapidement la lettre m weston se tenait debout devant elles et continuait à leur parler en élevant suffisamment la voix pour être entendu de tout le monde 10177_10625_000144 l'habitude facilite la tâche des employés à dire vrai ils sont payés pour être perspicaces c'est le secret de leur compétence le public fait les frais et entend être bien servi 10177_10625_000145 et celle-ci commença aussitôt ses remontrances ma chère jane qu'entends-je vous avez été à la poste par la pluie comment avez-vous pu faire une si grave imprudence 10177_10625_000146 le nombre des convives se trouva donc réduit à celui du début la bonne humeur de son père la présence de ses petits neveux et surtout la résignation philosophique de m john 10177_10625_000147 vous êtes beaucoup trop raisonnable pour courir ce risque une seconde fois oh elle ne recommencera pas reprit madame elton j'ai trouvé une solution l'homme qui va chercher nos lettres tous les matins c'est un de nos domestiques mais je ne me rappelle pas son nom demandera les siennes et les lui apportera 10177_10625_000148 jane fut contrainte de sourire et se tournant vers lui elle dit d'une voix basse et calme comment pouvez-vous évoquer ces souvenirs ils s'imposeront parfois mais je ne m'explique pas que vous les recherchiez il répondit avec beaucoup d'entrain et d'esprit 10177_10625_000149 elle avait été sur le point de faire chercher m perry toutefois au bout de dix minutes l'enfant avait repris sa tranquillité habituelle m woodhouse prit grand intérêt à ce récit et exprima son regret que mme weston n'eût pas suivi sa première inspiration 10177_10625_000150 cependant m weston se joignit à eux l'enfant fut amené et la gêne se dissipa frank churchill saisit la première occasion pour s'approcher d'emma je dois vous remercier dit-il mademoiselle woodhouse 10177_10625_000151 vous voulez seulement dire que robert martin a l'intention de demander encore une fois la main d'henriette smith je répète articula m knightley avec décision il a fait sa demande et il a été agréé 10177_10625_000152 il exprima sa reconnaissance et continua de parler sur un ton de sincérité émue n'a-t-elle pas bonne mine dit-il en regardant jane vous voyez comme mon père et mme weston l'entourent d'affection mais sa nature eut vite repris le dessus et les yeux rieurs 10177_10625_000153 ne voyez-vous pas qu'en ce moment le paragraphe même de sa lettre qui me donnait la nouvelle passe devant ses yeux elle se rappelle ma bévue et ne peut prêter attention à rien d'autre 10177_10625_000154 j'ai l'intention de faire ajuster un diadème ne sera-ce pas magnifique sur ses cheveux sombres tout à fait magnifique reprit emma d'un ton si cordial qu'il éprouva le besoin de manifester sa reconnaissance comme je suis heureux dit-il de vous voir et de vous trouver si bonne mine 10177_10625_000155 reçut des remerciements proportionnés à l'effort accompli et ils s'informèrent de la santé de l'enfant ils étaient à peine assis quand ils aperçurent à travers le rideau deux ombres qui passaient dans le jardin contre la fenêtre c'est frank et mlle fairfax dit aussitôt mme weston 10177_10625_000156 emma se rappela aussitôt et saisit l'allusion elle se mit à rire à son tour et pendant ce temps jane fairfax faisait tous ses efforts pour paraître ne pas entendre quel rêve extraordinaire reprit-il je ne puis jamais y penser sans rire 12205_11650_000000 avec quelle hauteur il me regardait hier soir au café tortoni en affectant de ne pas me reconnaître avec quel air méchant il me salua ensuite quand il ne put plus s'en dispenser 12205_11650_000001 il n'y avait rien de tendre dans ses sentiments de ce premier moment c'était le plus vif bonheur d'ambition et julien était surtout ambitieux il parla de nouveau des gens par lui soupçonnés et des précautions qu'il avait inventées 12205_11650_000002 il se voyait estimé par cette jeune fille si fière et qui n'accordait jamais de louanges sans restriction avec ce raisonnement il parvint à un bonheur d'amour-propre ce n'était pas il est vrai cette volupté de l'âme qu'il avait éprouvée quelquefois auprès de mme de rênal quelle différence grand dieu 12205_11650_000003 il n'y eut rien d'imprévu pour elle dans tous les événements de cette nuit que le malheur et la honte qu'elle avait éprouvés au lieu de ces transports divins dont parlent les romans 12205_11650_000004 on parla des moyens de se revoir julien jouit délicieusement de l'esprit et de la bravoure dont il fit preuve de nouveau pendant cette discussion on avait affaire à des gens très clairvoyants le petit tanbeau était certainement un espion mais mathilde et lui n'étaient pas non plus sans adresse 12205_11650_000005 si on l'apercevait remontant au balcon ce serait une circonstance difficile à expliquer et comment moi m'en aller dit julien d'un ton plaisant et en affectant le langage créole une des femmes de chambre de la maison était née à saint-domingue vous vous vous en aller par la porte dit mathilde ravie de cette idée 12205_11650_000006 mathilde finit par être pour lui une maîtresse aimable à la vérité ces transports étaient un peu voulus l'amour passionné était plutôt un modèle qu'on imitait qu'une réalité mademoiselle de la mole croyait remplir un devoir envers elle-même et envers son amant 12205_11650_000007 il faut cependant que je lui parle se dit-elle à la fin cela est dans les convenances on parle à son amant et alors pour accomplir un devoir et avec une tendresse qui était bien plus dans les paroles dont elle se servait que dans le son de sa voix 12205_11650_000008 il s'agit de mon honneur pensa-t-il si je tombe dans quelque bévue ce ne sera pas une excuse à mes yeux de me dire je n'y avais pas songé le temps était d'une sérénité désespérante vers les onze heures la nuit s'était levée à minuit et demi elle éclairait en plein la façade de l'hôtel donnant sur le jardin 12205_11650_000009 il peut fort bien y avoir là des hommes cachés sans que je les voie pensa-t-il qu'avez-vous dans la poche de côté de votre habit lui dit mathilde enchantée de trouver un sujet de conversation 12205_11650_000010 il fallait absolument la traverser pour arriver à celle de sa fille si mathilde trouvait mieux qu'il arrivât toujours par une échelle c'était avec un coeur ivre de joie qu'il s'exposerait à ce faible danger 12205_11650_000011 ah que cet homme est digne de tout mon amour pensa-t-elle julien venait de laisser la corde dans le jardin mathilde lui serra le bras il crut être saisi par un ennemi et se tourna vivement en tirant un poignard 12205_11650_000012 si m de croisenois porte quelque sang-froid dans tout ceci il doit trouver moins compromettant pour la jeune personne qu'il veut épouser de me faire surprendre avant le moment où je serai rentré dans sa chambre il fit une reconnaissance militaire et fort exacte 12205_11650_000013 au fait que m'importe est-ce que je l'aime je triomphe du marquis en ce sens qu'il sera très fâché d'avoir un successeur et plus fâché encore que ce successeur soit moi 12205_11650_000014 l'échelle toucha la terre julien parvint à la coucher dans la plate-bande de fleurs exotiques le long du mur que va dire ma mère dit mathilde quand elle verra ses belles plantes tout écrasées il faut jeter la corde ajouta-t-elle d'un grand sang-froid 12205_11650_000015 il eut recours à sa mémoire comme jadis à besançon auprès d'amanda binet et récita plusieurs des plus belles phrases de la nouvelle héloïse tu as un coeur d'homme lui répondit-on sans trop écouter ses phrases j'ai voulu éprouver ta bravoure je l'avoue 12205_11650_000016 jusque-là ce rendez-vous était glacé c'était à faire prendre l'amour en haine quelle leçon de morale pour une jeune imprudente vaut-il la peine de perdre son avenir pour un tel moment 12205_11650_000017 elle avait cru entendre ouvrir une fenêtre ils restèrent immobiles et sans respirer la lune les éclairait en plein le bruit ne se renouvelant pas il n'y eut plus d'inquiétude 12205_11650_000018 il alla observer à pas de loup ce qui se passait dans toute la maison surtout dans les mansardes du quatrième habitées par les domestiques il n'y avait rien d'extraordinaire une des femmes de chambre de madame de la mole donnait soirée les domestiques prenaient du punch fort gaiement 12205_11650_000019 mathilde était tombée dans toutes les angoisses de la timidité la plus extrême elle avait horreur de sa position qu'avez-vous fait de mes lettres dit-elle enfin quelle bonne occasion de déconcerter ces messieurs s'ils sont aux écoutes et d'éviter la bataille pensa julien 12205_11650_000020 il était bien plus étonné qu'heureux le bonheur qui de temps à autre venait occuper son âme était comme celui d'un jeune sous-lieutenant qui à la suite de quelque action étonnante aurait été nommé colonel d'emblée par le général en chef 12205_11650_000021 quoi de plus facile que de se rencontrer dans la bibliothèque pour convenir de tout je puis paraître sans exciter de soupçons dans toutes les parties de l'hôtel ajoutait julien et presque jusque dans la chambre de mme de la mole 12205_11650_000022 voilà donc la cause de la froideur de tes lettres s'écria mathilde avec l'accent de la folie plus que de la tendresse julien ne remarqua pas cette nuance 12205_11650_000023 ces belles façons de paris ont trouvé le secret de tout gâter même l'amour se disait-il dans son injustice extrême il se livrait à ces réflexions debout dans une des grandes armoires d'acajou où l'on l'avait fait entrer aux premiers bruits entendus dans l'appartement voisin qui était celui de madame de la mole 12205_11650_000024 j'ai toutes sortes d'armes et de pistolets répondit julien non moins content d'avoir quelque chose à dire il faut abaisser l'échelle dit mathilde elle est immense et peut casser les vitres du salon en bas ou de l'entresol 12205_11650_000025 quand par instants la force de sa volonté faisait taire les remords des sentiments de timidité et de pudeur souffrante la rendaient fort malheureuse elle n'avait nullement prévu l'état affreux où elle se trouvait 12205_11650_000026 dans son embarras il pensa qu'il fallait oser il essaya d'embrasser mathilde fi donc lui dit-elle en le repoussant fort content d'être éconduit il se hâta de jeter un coup d'oeil autour de lui la lune était si brillante que les ombres qu'elle formait dans la chambre de mlle de la mole étaient noires 12205_11650_000027 une heure du matin ce jardin était fort grand dessiné depuis peu d'années avec un goût parfait mais les arbres avaient figuré dans le fameux pré aux clercs si célèbre du temps de henry trois ils avaient plus d'un siècle on y trouvait quelque chose de champêtre massinger 12205_11650_000028 il se sentait porté à une immense hauteur tout ce qui était au-dessus de lui la veille était à ses côtés maintenant ou bien au-dessous peu à peu le bonheur de julien augmenta à mesure qu'il s'éloignait 12205_11650_000029 il alla prendre l'immense échelle attendit cinq minutes pour laisser le temps à un contrordre et à une heure cinq minutes posa l'échelle contre la fenêtre de mathilde il monta doucement le pistolet à la main étonné de n'être pas attaqué 12205_11650_000030 en l'écoutant parler mathilde était choquée de cet air de triomphe il est donc maître se dit-elle déjà elle était en proie au remords sa raison avait horreur de l'insigne folie qu'elle venait de commettre si elle l'eût pu elle eût anéanti elle et julien 12205_11650_000031 les deux autres sont à la poste et suivent la même route que la première eh grand dieu pourquoi toutes ces précautions dit mathilde étonnée a propos de quoi est-ce que je mentirais pensa julien et il lui avoua tous ses soupçons 12205_11650_000032 mathilde suivit sa mère à la messe les femmes quittèrent l'appartement et julien s'échappa avant qu'elles ne revinssent terminer leurs travaux il monta à cheval et alla au pas chercher les endroits les plus solitaires du bois de meudon 12205_11650_000033 julien avait attaché la corde au premier échelon de l'échelle il la descendait doucement et en se penchant beaucoup en dehors du balcon pour faire en sorte qu'elle ne touchât pas les vitres beau moment pour me tuer pensa-t-il si quelqu'un est caché dans la chambre de mathilde mais un silence profond continuait à régner partout 12205_11650_000034 malgré la violence affreuse qu'elle s'imposait elle fut parfaitement maîtresse de ses paroles aucun regret aucun reproche ne vinrent gâter cette nuit qui sembla singulière plutôt qu'heureuse à julien quelle différence grand dieu avec son dernier séjour de vingt-quatre heures à verrières 12205_11650_000035 ce tutoiement dépouillé du ton de la tendresse au bout d'un moment ne fit aucun plaisir à julien il s'étonna de l'absence du bonheur enfin pour le sentir il eut recours à sa raison 12205_11650_000036 il allait écrire un contrordre à fouqué lorsque onze heures sonnèrent il fit jouer avec bruit la serrure de la porte de sa chambre comme s'il se fût enfermé chez lui 12205_11650_000037 elle souffrait étrangement tous les sentiments de retenue et de timidité si naturels à une fille bien née avaient repris leur empire et la mettaient au supplice 12205_11650_000038 après de longues incertitudes ils eussent pu paraître à un observateur superficiel l'effet de la haine la plus décidée tant les sentiments qu'une femme se doit à elle-même avaient de peine à céder à une volonté aussi ferme 12205_11650_000039 et c'est là une femme amoureuse pensa julien elle ose dire qu'elle m'aime tant de sang-froid tant de sagesse dans les précautions m'indiquent assez que je ne triomphe pas de m de croisenois comme je le croyais sottement mais que tout simplement je lui succède 12205_11650_000040 en parlant il songeait aux moyens de profiter de sa victoire mathilde encore fort embarrassée et qui avait l'air atterrée de sa démarche parut enchantée de trouver un sujet de conversation 12205_11650_000041 il ne faut pas casser les vitres reprit mathilde essayant en vain de prendre le ton de la conversation ordinaire vous pourriez ce me semble abaisser l'échelle au moyen d'une corde qu'on attacherait au premier échelon j'ai toujours une provision de cordes chez moi 12205_11650_000042 elle est folle se disait julien comme une heure sonna il y avait encore de la lumière aux fenêtres du comte norbert de sa vie julien n'avait eu autant de peur il ne voyait que les dangers de l'entreprise et n'avait aucun enthousiasme 12205_11650_000043 tes premiers soupçons et ta résolution te montrent plus intrépide encore que je ne le croyais mathilde faisait effort pour le tutoyer elle était évidemment plus attentive à cette étrange façon de parler qu'au fond des choses qu'elle disait 12205_11650_000044 le pauvre garçon se disait-elle a été d'une bravoure achevée il doit être heureux ou bien c'est moi qui manque de caractère mais elle eût voulu racheter au prix d'une éternité de malheur la nécessité cruelle où elle se trouvait 12205_11650_000045 la première est cachée dans une grosse bible protestante que la diligence d'hier soir emporte bien loin d'ici il parlait fort distinctement en entrant dans ces détails et de façon à être entendu des personnes qui pouvaient être cachées dans les deux grandes armoires d'acajou qu'il n'avait pas osé visiter 12205_11650_000046 elle raconta les diverses résolutions qu'elle avait prises à son égard pendant ces derniers jours elle avait décidé que s'il osait arriver chez elle avec les secours de l'échelle du jardinier ainsi qu'il lui était prescrit elle serait toute à lui mais jamais l'on ne dit d'un ton plus froid et plus poli des choses aussi tendres 12205_11650_000047 comme il approchait de la fenêtre elle s'ouvrit sans bruit vous voilà monsieur dit mathilde avec beaucoup d'émotion je suis vos mouvements depuis une heure julien était fort embarrassé il ne savait comment se conduire il n'avait pas d'amour du tout 12205_11650_000048 alors l'embarras commença il était grand des deux parts julien s'assura que la porte était fermée avec tous ses verrous il pensait bien à regarder sous le lit mais n'osa pas on aurait pu y placer un ou deux laquais enfin il craignit un reproche futur de sa prudence et regarda 12205_11650_000049 ceux qui rient ainsi pensa julien ne doivent pas faire partie de l'expédition nocturne ils seraient plus sérieux enfin il alla se placer dans un coin obscur du jardin si leur plan est de se cacher des domestiques de la maison ils feront arriver par-dessus les murs du jardin les gens chargés de me surprendre 12205_11650_000050 ce tutoiement lui fit perdre la tête ou du moins ses soupçons s'évanouirent il se trouva élevé à ses propres yeux il osa serrer dans ses bras cette fille si belle et qui lui inspirait tant de respect il ne fut repoussé qu'à demi 12205_11650_000051 j'attaque l'honneur des femmes ah mille fois plutôt soyons dupes cette soirée fut affreuse fin de la section quarante-cinq 12205_11650_000052 si souvent rappelés que se croyant outragés ils auront plus de décision que les autres personnages de leur rang il regarda mademoiselle de la mole pour lire dans ses yeux les projets de sa famille 12205_11650_000053 au pire se dit enfin julien supposons que tout ceci soit un piège il est bien noir et bien compromettant pour une jeune fille on sait que je ne suis pas homme à me taire il faudra donc me tuer 12205_11650_000054 je crois que je me pardonnerais plus aisément un crime bien clair une fois avoué que je cesserais d'y penser quoi un destin incroyable à force de bonheur me tire de la foule pour me mettre en rivalité avec un homme portant un des plus beaux noms de france 12205_11650_000055 les domestiques jasent entre eux des préférences marquées dont je suis l'objet je le sais je les ai entendus d'un autre côté ses lettres ils peuvent croire que je les ai sur moi 12205_11650_000056 de l'hôtel de retz etc partout enfin je serai un monstre dans la postérité pendant deux ou trois ans reprit-il en riant et en se moquant de soi mais cette idée l'anéantissait et moi où pourrait-on me justifier 12205_11650_000057 le rouge et le noir de stendhal volume deux chapitre quinze est-ce un complot ah que l'intervalle est cruel entre un grand projet conçu et son exécution que de vaines terreurs que d'irrésolutions il s'agit de la vie 12205_11650_000058 veut que je commette une imprudence abominable c'est clair on veut me perdre ou se moquer de moi tout au moins d'abord on a voulu me perdre avec mes lettres elles se trouvent prudentes eh bien il leur faut une action plus claire que le jour ces jolis petits messieurs me croient aussi trop bête ou trop fat 12205_11650_000059 il avait été un quart d'heure sans regarder en face son action de la nuit prochaine mais si je refuse je me méprise moi-même dans la suite toute la vie cette action sera un grand sujet de doute pour moi et un tel doute est le plus cuisant des malheurs ne l'ai-je pas éprouvé pour l'amant d'amanda 12205_11650_000060 il s'était vu saisi par des domestiques garrotté conduit dans une cave avec un bâillon dans la bouche là un domestique le gardait à vue et si l'honneur de la noble famille exigeait que l'aventure eût une fin tragique il était facile de tout finir avec ces poisons qui ne laissent point de traces 12205_11650_000061 julien fit des copies des deux dernières les cacha dans un volume du beau voltaire de la bibliothèque et porta lui-même les originaux à la poste quand il fut de retour dans quelle folie je vais me jeter se dit-il avec surprise et terreur 12205_11650_000062 si ceci n'est pas une trahison quelle folie elle fait pour moi si c'est une mystification parbleu messieurs il ne tient qu'à moi de prendre la plaisanterie sérieuse et ainsi ferai-je 12205_11650_000063 et je me serai moi-même de gaieté de coeur déclaré son inférieur au fond il y a de la lâcheté à ne pas aller ce mot décide de tout s'écria julien en se levant d'ailleurs elle est bien jolie 12205_11650_000064 les caylus les croisenois les de luz eux-mêmes ce moment et la sotte figure que je ferai au milieu d'eux sera ce qui les aura séduits gare le sort d'abeilard m le secrétaire 12205_11650_000065 pour faire quelque chose julien écrivit à fouqué mon ami n'ouvre la lettre ci-incluse qu'en cas d'accident si tu entends dire que quelque chose d'étrange m'est arrivé 12205_11650_000066 il fut un quart d'heure à se promener dans sa chambre à quoi bon le nier dit-il enfin je serai un lâche à ses veux je perds non seulement la personne la plus brillante de la haute société ainsi qu'ils disaient tous au bal de m le duc de retz 12205_11650_000067 jamais un pauvre diable jeté aussi bas que moi par le hasard ne retrouvera une telle occasion j'aurai des bonnes fortunes mais subalternes il réfléchit longtemps 12205_11650_000068 julien monta chez lui et se mit à faire sa malle en sifflant il était résolu à partir et à ne pas même répondre mais cette sage résolution ne lui donnait pas la paix du coeur 12205_11650_000069 eh bien parbleu messieurs vous porterez de mes marques je frapperai à la figure comme les soldats de césar à pharsale quant aux lettres je puis les mettre en lieu sûr 12205_11650_000070 en supposant que fouqué imprime mon pamphlet posthume ce ne sera qu'une infamie de plus quoi je suis reçu dans une maison et pour prix de l'hospitalité que j'y reçois des bontés dont on m'y accable j'imprime un pamphlet sur ce qui s'y passe 12205_11650_000071 ce remords va me poursuivre toute ma vie non pour elle il est tant de maîtresses mais il n'est qu'un honneur dit le vieux don diègue et ici clairement et nettement je recule devant le premier péril qui m'est offert car ce duel avec monsieur de beauvoisis 12205_11650_000072 du reste voici de quoi leur répondre il tira ses pistolets de poche et quoique l'amorce fût fulminante il la renouvela il avait encore bien des heures à attendre 12205_11650_000073 il se promenait à pas précipités s'arrêtant tout court de temps à autre on avait déposé dans sa chambre un magnifique buste en marbre du cardinal de richelieu qui malgré lui attirait ses regards 12205_11650_000074 si par hasard se dit-il tout à coup sa malle fermée mathilde était de bonne foi alors moi je joue à ses yeux le rôle d'un lâche parfait je n'ai point de naissance moi il me faut de grandes qualités argent comptant sans suppositions complaisantes bien prouvées par des actions parlantes 12205_11650_000075 j'eusse été tué dans les jardins de m de rênal qu'il n'y avait point de déshonneur pour moi facilement on eût rendu ma mort inexplicable ici quels récits abominables ne va-t-on pas faire dans les salons de l'hôtel de chaulnes de l'hôtel de caylus 12205_11650_000076 alors efface les noms propres du manuscrit que je t'envoie et fais-en huit copies que tu enverras aux journaux de marseille bordeaux lyon bruxelles et cetera 12205_11650_000077 julien achevait de fermer son paquet lorsque la cloche du dîner sonna elle fit battre son coeur son imagination préoccupée du récit qu'il venait de composer était toute aux pressentiments tragiques 12205_11650_000078 elle était pâle et il lui trouvait tout à fait une physionomie du moyen âge jamais il ne lui avait vu l'air si grand elle était vraiment belle et imposante il en devint presque amoureux pallida morte futura se dit-il sa pâleur annonce ses grands desseins 12205_11650_000079 se présentait comme une plaisanterie ceci est tout différent je puis être tiré au blanc par un domestique mais c'est le moindre danger je puis être déshonoré ceci devient sérieux mon garçon ajouta-t-il avec une gaieté et un accent gascons il y a de l'honneur 12205_11650_000080 cela était bon en quinze cent soixante-quatorze du temps de boniface de la mole mais jamais celui d'aujourd'hui n'oserait ces gens-là ne sont plus les mêmes mademoiselle de la mole est si enviée quatre cents salons retentiraient demain de sa honte et avec quel plaisir 12205_11650_000081 surpris dans sa chambre on me les enlève j'aurai affaire à deux trois quatre hommes que sais-je mais ces hommes où les prendront-ils où trouver des subalternes discrets à paris la justice leur fait peur parbleu 12205_11650_000082 il alla reconnaître la situation et le poids de l'échelle c'est un instrument se dit-il en riant dont il est dans mon destin de me servir ici comme à verrières 12205_11650_000083 alors ajouta-t-il avec un soupir je n'étais pas obligé de me méfier de la personne pour laquelle je m'exposais quelle différence aussi dans le danger 12205_11650_000084 en vain après dîner il affecta de se promener longtemps dans le jardin mlle de la mole n'y parut pas lui parler eût dans ce moment délivré son coeur d'un grand poids pourquoi ne pas l'avouer il avait peur 12205_11650_000085 mais s'ils m'attachent les bras au moment de l'entrée dans la chambre ils peuvent avoir placé quelque machine ingénieuse c'est comme un duel se dit-il en riant il y a de la parade à tout dit mon maître d'armes mais le bon dieu qui veut qu'on en finisse fait que l'un des deux oublie de parer 12205_11650_000086 mais encore le divin plaisir de me voir sacrifier le marquis de croisenois le fils d'un duc et qui sera duc lui-même un jeune homme charmant qui a toutes les qualités qui me manquent esprit d'à-propos naissance fortune 12205_11650_000087 dix jours plus tard fais imprimer ce manuscrit envoie le premier exemplaire à m le marquis de la mole et quinze jours après jette les autres exemplaires de nuit dans les rues de verrières 12205_11650_000088 diable par le plus beau clair de lune du monde monter ainsi par une échelle à un premier étage de vingt-cinq pieds d'élévation on aura le temps de me voir même des hôtels voisins je serai beau sur mon échelle 12205_11650_000089 ce buste éclairé par sa lampe avait l'air de le regarder d'une façon sévère et comme lui reprochant le manque de cette audace qui doit être si naturelle au caractère français de ton temps grand homme aurais-je hésité 12205_11650_000090 comme il était résolu à agir il s'abandonnait à ce sentiment sans vergogne pourvu qu'au moment d'agir je me trouve le courage qu'il faut se disait-il qu'importe ce que je puis sentir en ce moment 12205_11650_000091 il étudiait leur physionomie quels sont ceux qu'on a choisis pour l'expédition de cette nuit se disait-il dans cette famille les souvenirs de la cour de henri iii sont si présents 12205_11650_000092 ce petit mémoire justificatif arrangé en forme de conte que fouqué ne devait ouvrir qu'en cas d'accident julien le fit aussi peu compromettant que possible pour mlle de la mole mais enfin il peignait fort exactement sa position 12205_11650_000093 alors on disait qu'il était mort de maladie et on le transportait mort dans sa chambre ému de son propre conte comme un auteur dramatique julien avait réellement peur lorsqu'il entra dans la salle à manger il regardait tous ces domestiques en grande livrée 12205_11650_000094 le marquis dans la peur qu'il a que je ne lui montre des comptes n'y vient jamais quoi monsieur de la mole et le comte norbert les seules personnes qui entrent ici sont absents presque toute la journée on peut facilement observer le moment de leur rentrée à l'hôtel et la sublime mathilde pour la main de laquelle un prince souverain ne serait pas trop noble 12205_11650_000095 il s'agit de bien plus de l'honneur schiller ceci devient sérieux pensa julien et un peu trop clair ajouta-t-il après avoir pensé quoi cette belle demoiselle qui peut me parler dans la bibliothèque avec une liberté qui grâce à dieu est entière 10087_11650_000000 écoute-t-on trois minutes on se demande ce qui l'emporte de l'emphase du parleur ou de son abominable ignorance le lecteur a sans doute oublié ce petit homme de lettres nommé tanbeau 10087_11650_000001 les quarante premières lettres n'étaient destinées qu'à se faire pardonner la hardiesse d'écrire il fallait faire contracter à cette douce personne qui peut-être s'ennuyait infiniment l'habitude de recevoir des lettres peut-être un peu moins insipides que sa vie de tous les jours 10087_11650_000002 ainsi l'idée d'évêché était pour la première fois mêlée avec celle de julien dans la tête d'une femme qui tôt ou tard devait distribuer les plus belles places de l'église de france 10087_11650_000003 comme tous les êtres médiocres que le hasard met en présence des manoeuvres d'un grand général julien ne comprenait rien à l'attaque exécutée par le jeune russe sur le coeur de la sévère anglaise 10087_11650_000004 je vais avoir l'honneur de remplir toutes les cases de son bureau et cependant elle me traite exactement comme si je n'écrivais pas quelle peut être la fin de tout ceci ma constance l'ennuierait elle autant que moi 10087_11650_000005 si sorel devient l'amant de la sublime maréchale se disait le futur professeur elle le placera dans l'église de quelque manière avantageuse et j'en serai délivré à l'hôtel de la mole 10087_11650_000006 il faut convenir que ce russe ami de korasoff et amoureux de la belle quakeresse de richemond fut en son temps un homme terrible on n'est pas plus assommant 10087_11650_000007 un matin on remit une lettre à julien il reconnut les armes de mme de fervaques et brisa le cachet avec un empressement qui lui eût semblé bien impossible quelques jours auparavant ce n'était qu'une invitation à dîner 10087_11650_000008 siècle moral pensa-t-il dans ce salon il remarqua trois des personnages qui avaient assisté à la rédaction de la note secrète l'un d'eux mgr l'évêque de 10087_11650_000009 il s'aperçut bien vite que pour ne pas paraître vulgaire aux yeux de la maréchale il fallait surtout se bien garder des idées simples et raisonnables il continuait ainsi ou abrégeait ses amplifications suivant qu'il voyait le succès ou l'indifférence dans les yeux des deux grandes dames auxquelles il fallait plaire 10087_11650_000010 c'est encore plus emphatique se disait-il que les pièces officielles du traité de münster que mon professeur de diplomatie me faisait copier à londres il se souvint seulement alors des lettres de mme de fervaques dont il avait oublié de rendre les originaux au grave espagnol don diego bustos 10087_11650_000011 neveu de l'académicien et futur professeur qui par ses basses calomnies semblait chargé d'empoisonner le salon de l'hôtel de la mole ce fut par ce petit homme que julien eut la première idée qu'il se pourrait bien que mme de fervaques tout en ne répondant pas à ses lettres 10087_11650_000012 il sentait bien que ce qu'il disait était absurde aux yeux de mathilde mais il voulait la frapper par l'élégance de la diction plus ce que je dis est faux plus je dois lui plaire pensait julien et alors avec une hardiesse abominable il exagérait certains aspects de la nature 10087_11650_000013 le dîner fut médiocre et la conversation impatientante c'est la table d'un mauvais livre pensait julien tous les plus grands sujets des pensées des hommes y sont fièrement abordés 10087_11650_000014 il les chercha elles étaient réellement presque aussi amphigouriques que celles du jeune seigneur russe le vague était complet cela voulait tout dire et ne rien dire 10087_11650_000015 m l'abbé pirard adressa aussi à julien de longs sermons sur ses succès à l'hôtel de fervaques il y avait jalousie de secte entre l'austère janséniste et le salon jésuitique régénérateur et monarchique de la vertueuse maréchale 10087_11650_000016 volume deux chapitre vingt sept les plus belles places de l'église des services des talents du mérite bah soyez d'une coterie télémaque 10087_11650_000017 le soir paraître à l'opéra quand mme de fervaques ne venait pas à l'hôtel de la mole tels étaient les événements monotones de la vie de julien 10087_11650_000018 le soir quand il rentrait avec sa bougie chaque meuble chaque petit ornement lui semblait prendre une voix pour lui annoncer aigrement quelque nouveau détail de son malheur ce jour-là j'ai un travail forcé se dit-il en rentrant et avec une vivacité que depuis longtemps il ne connaissait plus 10087_11650_000019 elle avait plus d'intérêt quand mme de fervaques venait chez la marquise alors il pouvait entrevoir les yeux de mathilde sous une aile du chapeau de la maréchale et il était éloquent ses phrases pittoresques et sentimentales commençaient à prendre une tournure plus frappante à la fois et plus élégante 10087_11650_000020 il courut aux instructions du prince korasoff malheureusement le jeune russe avait voulu être léger comme dorat là où il eût fallu être simple et intelligible julien ne put deviner la position morale qu'il devait occuper au dîner de la maréchale 10087_11650_000021 espérons que la seconde lettre sera aussi ennuyeuse que la première elle l'était davantage ce qu'il copiait lui semblait si absurde qu'il en vint à transcrire ligne par ligne sans songer au sens 10087_11650_000022 vit avec indulgence le sentiment qui les dictait l'âme noire de monsieur tanbeau était déchirée en pensant aux succès de julien mais comme d'un autre côté un homme de mérite pas plus qu'un sot ne peut être en deux endroits à la fois 10087_11650_000023 le salon était de la plus haute magnificence doré comme la galerie de diane aux tuileries avec des tableaux à l'huile au lambris il y avait des taches claires dans ces tableaux julien apprit plus tard que les sujets avaient semblé peu décents à la maîtresse du logis qui avait fait corriger les tableaux 10087_11650_000024 le monologue que nous venons d'abréger fut répété pendant quinze jours de suite s'endormir en transcrivant une sorte de commentaire de l'apocalypse le lendemain aller porter une lettre d'un air mélancolique remettre le cheval à l'écurie avec l'espérance d'apercevoir la robe de mathilde 10087_11650_000025 au total sa vie était moins affreuse que lorsque ses journées se passaient dans l'inaction mais se disait-il un soir me voici transcrivant la quinzième de ces abominables dissertations les quatorze premières ont été fidèlement remises au suisse de la maréchale 10087_11650_000026 c'est la harpe éolienne du style pensa julien au milieu des plus hautes pensées sur le néant sur la mort sur l'infini et cetera je ne vois de réel qu'une peur abominable du ridicule 10087_11650_000027 cet avantage n'eût guère touché julien en cet instant sa pensée ne s'élevait à rien d'étranger à son malheur actuel tout le redoublait par exemple la vue de sa chambre lui était devenue insupportable 10087_11650_000028 oncle de la maréchale avait la feuille des bénéfices et disait-on ne savait rien refuser à sa nièce quel pas immense j'ai fait se dit julien en souriant avec mélancolie et combien il m'est indifférent me voici dînant avec le fameux évêque de 1770_1167_000000 et je veux chercher ici quelque herbe salutaire pour vous ne perdez point de temps rendez-moi mon argent j'en puis avoir affaire on déballe 1770_1167_000001 chacun se dit ami mais fol qui s'y repose rien n'est plus commun que ce nom rien n'est plus rare que la chose 1770_1167_000002 on s'assemble au désert tous quittent leur tanière après divers avis on résout on conclut d'envoyer hommage et tribut pour l'hommage et pour la manière le singe en fut chargé l'on lui mit écrit ce qu'on voulait qui fût dit 1770_1167_000003 le lion n'y fut pas qu'à ces gens il se plaignit d'être malade continuez votre ambassade dit-il je sens un feu qui me brûle en dedans 1770_1167_000004 vouloir tromper le ciel c'est folie à la terre le dédale des cœurs en ses détours n'enserre rien qui ne soit d'abord éclairé par les dieux tout ce que l'homme fait il le fait à leurs yeux même les actions que dans l'ombre il croit faire 1770_1167_000005 et puis nacelle et puis ballot enfin bâtons flottants sur l'onde j'en sais beaucoup de par le monde à qui ceci conviendrait bien de loin c'est quelque chose et de près ce n'est rien 1770_1167_000006 et d'abord le lion s'écria d'un ton qui témoignait sa joie que de filles ô dieux mes pièces de monnaie ont produites voyez la plupart sont déjà aussi grandes que leurs mères le croît m'en appartient il prit tout là-dessus ou bien s'il ne prit tout il n'en demeura guère 1770_1167_000007 fin de la fable douze tribut envoyé par les animaux à alexandre cet enregistrement fait partie du domaine public 1770_1167_000008 la renommée ayant dit en cent lieux qu'un fils de jupiter un certain alexandre ne voulant rien laisser de libre sous les cieux commandait que sans plus attendre tout peuple à ses pieds s'allât rendre quadrupèdes humains éléphants vermisseaux 1770_1167_000009 le seul tribut les tint en peine car que donner il fallait de l'argent on en prit d'un prince obligeant qui possédant dans son domaine des mines d'or fournit ce qu'on voulut comme il fut question de porter ce tribut le mulet et l'âne s'offrirent assistés du cheval ainsi que du chameau 1770_1167_000010 le chameau et les bâtons flottants 1770_1167_000011 dès qu'il fut en son sanctuaire ce que je tiens dit-il est-il en vie ou non il tenait un moineau dit-on prêt d'étouffer la pauvre bête ou de la lâcher aussitôt pour mettre apollon en défaut 1770_1167_000012 ils arrivèrent dans un pré tout bordé de ruisseaux de fleurs tout diapré où maint mouton cherchait sa vie séjour du frais véritable patrie des zéphyrs 1770_1167_000013 éconduire un lion rarement se pratique le voilà donc admis soulagé bien reçu et malgré le héros de jupiter issu faisant chère et vivant sur la bourse publique 1770_1167_000014 apollon reconnut ce qu'il avait en tête mort ou vif lui dit-il montre-nous ton moineau et ne me tends plus de panneau tu te trouverais mal d'un pareil stratagème je vois de loin j'atteins de même 1770_1167_000015 obligez-moi de me faire la grâce que d'en porter chacun un quart ce ne vous sera une charge trop grande et j'en serai plus libre et bien plus en état en cas que les voleurs attaquent notre bande et que l'on en vienne au combat 1770_1167_000016 nous nous rencontrons tout à point dit-il et nous voici compagnons de voyage j'allais offrir mon fait à part mais bien qu'il soit léger tout fardeau m'embarrasse 1770_1167_000017 socrate un jour faisant bâtir chacun censurait son ouvrage l'un trouvait les dedans pour ne lui point mentir indignes d'un tel personnage l'autre blâmait la face et tous étaient d'avis que les appartements en étaient trop petits quelle maison pour lui l'on y tournait à peine 1770_1167_000018 le singe et les sommiers confus sans oser répliquer en chemin se remirent au fils de jupiter on dit qu'ils se plaignirent et n'en eurent point de raison 1770_1167_000019 un païen qui sentait quelque peu le fagot et qui croyait en dieu pour user de ce mot par bénéfice d'inventaire alla consulter apollon 1770_1167_000020 puisque nous voici tombés sur ce sujet on avait mis des gens au guet qui voyant sur les eaux de loin certain objet ne purent s'empêcher de dire que c'était un puissant navire quelques moments après l'objet devient brûlot 1770_1167_000021 les républiques des oiseaux la déesse aux cent bouches dis-je ayant mis partout la terreur en publiant l'édit du nouvel empereur les animaux et toute espèce lige de son seul appétit crurent que cette fois il fallait subir d'autres lois 1770_1167_000022 tous quatre en chemin se mirent avec le singe ambassadeur nouveau la caravane rencontre enfin en un passage monseigneur le lion cela ne leur plut point 1770_1167_000023 l'accoutumance ainsi nous rend tout familier ce qui nous paraissait terrible et singulier s'apprivoise avec notre vue quand ce vient à la continue 1770_1167_000024 plût au ciel que de vrais amis telle qu'elle est dit-il elle pût être pleine le bon socrate avait raison de trouver pour ceux-là trop grande sa maison 10087_14185_000000 les découvertes et les rêveries de l'orient a senti longtemps le fagot raffineuse de soufre fabricante de vert-de-gris de produits chimiques et pharmaceutiques d'élixirs et de poisons elle fut un foyer d'opinions et de pratiques mal vues qui avaient un vague parfum d'hérésie voire de sorcellerie 10087_14185_000001 nous traversons une large plaine encerclée de montagnes modérées qui fut jadis le bas languedoc et qui se relève brusquement avec les vallées abruptes du roussillon 10087_14185_000002 mais les villes n'y ressemblent pas à ces nids de riches oisifs qui sont tant de bourgades provençales sauf béziers la bien située aigues-mortes la bien conservée 10087_14185_000003 l'hérault l'aude le têt le tech et quand on remonte les routes poudreuses qui mènent vers les hauteurs de grands troupeaux de moutons des pasquiers ou pâquis sillonnés de canaux d'irrigation comme en provence encore des souvenirs grecs romains sarrasins sète et agde 10087_14185_000004 fabre d'eglantine l'inventeur du calendrier républicain et l'auteur de il pleut bergère naquit à carcassonne comme armand barbes que proudhon surnomma le bayard de la démocratie 10087_14185_000005 n'était-il pas du pays ce médecin et alchimiste du treizième siècle arnaud de villeneuve qui propagea par le monde comme un remède à toutes les maladies cette liqueur ardente et dangereuse qu'il baptisait eau-de-vie 10087_14185_000006 s'il en faut croire ces vers de lefranc de pompignan visitant en dix-sept-cent-quarante l'abbaye de villemagne près de pézenas nos moines sont de bons vivants l'un pour l'autre fort indulgents 10087_14185_000007 des tours du maure éparses çà et là des édifices des églises même qui ont quelques traits de l'architecture arabe disent aussi que ce fut un champ de bataille entre chrétiens et musulmans 10087_14185_000008 les ports d'autrefois comme aigues-mortes où saint louis s'embarqua pour la croisade sont à l'heure qu'il est en pleine terre narbonne a vu envahir par la vase ses bassins où abordaient les vaisseaux 10087_14185_000009 le dix-huitième siècle me paraît avoir été l'époque où les hommes remarquables ont le plus vigoureusement poussé sur ce sol vigoureux en ce pays de pensée hardie et volontiers frondeuse la dévotion devient de bonne heure assez gaillarde 10087_14185_000010 elle a été naturellement féconde en médecins et en chirurgiens illustres la peyronie barthez l'éditeur responsable de la théorie vitaliste elle le fut aussi en artistes vien le plus connu dont louis david son élève fut peut-être le meilleur ouvrage est enterré au panthéon 10087_14185_000011 des îlots escarpés ont été rattachés au continent le sel et le salicor qui a fourni longtemps la soude aux verreries de venise sont les maigres récoltes de ce rivage changeant puis l'air les produits du sol l'esprit même de la population 10087_14185_000012 le musée fabre qu'elle possède peut passer pour un des mieux peuplés de la province française elle a aussi donné naissance à des politiques avisés et fins l'endormeur cardinal fleury le versatile cambacérès 10087_14185_000013 la noire est bâtie avec les laves d'un volcan éteint sur plusieurs points affleurent le bitume l'asphalte qui donc a dit que la france a dans les parages de collioure sa petite judée voici qu'on veut en faire la côte vermeille rivale à venir de la côte d'azur 10087_14185_000014 le bon administrateur et l'agréable littérateur daru l'habile financier de la révolution cambon en général les esprits vifs et les caractères passionnés que tente la vie publique abondent aux alentours pellisson et mairan sont natifs de béziers 10087_14185_000015 un ancêtre de mirabeau a frayé sa voie au canal des deux mers qui joint le rhône à la gironde un canal bien étroit et trop peu fréquenté mais qui pourrait le jour où les capitaux français cesseront de courir les aventures à l'étranger 10087_14185_000016 les thermes déjà fréquentés au temps où la province s'appelait la narbonaise la langue qui se parle dans les campagnes tout rappelle que le peuple roi a passé et régné par là 10087_14185_000017 au premier abord c'est semble-t-il une autre provence disposée seulement en ordre inverse des oliviers et des amandiers où crissent les cigales des chênes verts et des chênes lièges et même des recoins abrités où fleurit l'oranger 10087_14185_000018 ont je ne sais quoi de moins léger de plus robuste de plus violent que dans la région provençale les vins y sont plus forts plus épais plus colorés presque noirs parfois le raisin de roussillon tache les mains comme le sang 10087_14185_000019 perpignan dans le dédale de ses petites rues fraîches a de-ci et de-là des apparences mauresques si le portraitiste rigaud qui est un de ses enfants brilla dans la cour de louis xiv et de louis xv soler le sculpteur qui a décoré ses églises était de barcelone 10087_14185_000020 certes le pays est bien français mais il tient à l'espagne qu'il regarde et d'où lui vient le tiède autan montpellier fut sujette des rois de majorque le roussillon suivit les destinées de la catalogne 10087_14185_000021 et carcassonne dont la cité fortifiée vous donne une si nette vision de moyen âge elles n'attirent guère jusqu'ici les touristes ce sont des ruches plus laborieuses que coquettes on y travaille la laine les peaux les vins 10087_14185_000022 furent des colonies helléniques le cap de leucate doit à la langue d'homère son nom qui dit la blancheur de ses rochers port-vendres aigues-mortes elne qui vit annibal en route pour la conquête de l'italie 10087_14185_000023 les sept frères arago nés dans le voisinage du bourg d'estagel rappellent par leur nom même que l'aragon n'est pas loin je ne dirai point qu'il n'y a plus de pyrénées mais le val d'andorre cette petite république d'opéra comique sert de trait d'union entre les deux langues et les deux nations 10087_14185_000024 c'est par ce couloir qu'ont défilé les peuples allant du nord au midi et du midi au nord c'est par là que grimpent la route et le chemin de fer menant de narbonne à toulouse et à bordeaux c'est par là que paul riquet ou riqueti 10087_14185_000025 et pourtant non nous ne sommes plus en provence la côte inhospitalière au lieu de se découper en criques rocheuses qui offrent des abris aux bateaux est ourlée d'étangs et de marais malsains le sable les alluvions la modifient incessamment 10087_14185_000026 ses compatriotes n'ont pas rompu avec sa tradition pas de région en france où les vignes occupent plus d'espace où les bouilleurs de cru soient plus nombreux les distilleries plus actives 10087_14185_000027 il y a toute une vie pastorale et primitive qui se soucie peu des frontières politiques puycerda la capitale de la cerdagne espagnole n'est qu'à deux kilomètres de la ligne idéale qu'ont tracée les traités 10087_14185_000028 et ce n'est pas le seul point où la barrière soit entre elles incertaine et fragile au pied du canigou qui se dresse à deux mille sept cent quatre vingt cinq mètres des passages s'abaissent jusqu'à deux cent quatre vingt dix mètres bergers et moutons contrebandiers et chasseurs vont aisément d'un versant à l'autre 10087_14185_000029 pour se rabattre sur les entreprises nationales devenir une large coupure de ce qu'un vieux géographe appelait l'isthme gaulois un précieux raccourci offert aux vaisseaux allant de l'atlantique à la méditerranée 10087_14185_000030 des fruits en abondance des vignes des fleurs où les abeilles puisent le miel qui est une des gloires de narbonne des rivières courtes qui ont des allures de torrents 10087_14185_000031 c'est par là aussi que le languedoc se rattache au mouvement français c'est par là que nous passerons à notre tour pour continuer notre voyage fin de la section trois 10087_14185_000032 ne faisant rien qui les ennuie ayant leur cave bien garnie toujours reposés et contents visitant peu la sacristie mais quelquefois les jours de pluie priant dieu pour tuer le temps 10087_14185_000033 mais ces facilités à franchir le mur pyrénéen sont contrebalancées par le débouché que le languedoc trouve vers la vallée de la garonne par le col de naurouze à cent quatre-vingt-dix mètres seulement d'altitude le bassin de la méditerranée communique avec celui de l'océan 10087_14185_000034 narbonne déchue de sa splendeur romaine et archiépiscopale et qui a formé par endroits ses murs de bas-reliefs et de pierres tombales présente un aspect plus commercial qu'artistique les idées ont pourtant soufflé sur le pays en tempêtes 10087_14185_000035 la famille deschénier est originaire de limoux roucher le poète des mois qui fut conduit à l'échafaud sur la même charrette que son confrère et ami andré était de montpellier 10087_14185_000036 au temps des albigeois au temps de la réforme les querelles religieuses y ont flambé de toute leur ardeur montpellier l'héritière de l'antique maguelonne centre savant de la région siège d'une université six fois séculaire séjour de médecins juifs et arabes qui apportaient à l'occident 10087_14327_000000 rubens fleuve d'oubli jardin de la paresse oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer mais où la vie afflue et s'agite sans cesse comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer 10087_14327_000001 le silence et la nuit s'installèrent en lui comme dans un caveau dont la clef est perdue dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue 10087_14327_000002 en ces temps merveilleux où la théologie fleurit avec le plus de sève et d'énergie on raconte qu'un jour un docteur des plus grands après avoir forcé les cœurs indifférents 10087_14327_000003 car c'est vraiment seigneur le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge et vient mourir au bord de votre éternité 10087_14327_000004 léonard de vinci miroir profond et sombre où les anges charmants avec un doux souris tout chargé de mystère apparaissent à l'ombre des glaciers et des pins qui ferment leur pays 10087_14327_000005 les phares de les fleurs du mal de charles baudelaire enregistré pour librivox point org par sandra schmidt cet enregistrement fait partie du domaine public les phares 10087_14327_000006 à théodore de banville mille huit cent quarante deux de les fleurs du mal de charles beaudelaire enregistré pour librivox point org par sandra schmidt cet enregistrement fait partie du domaine public 10087_14327_000007 à théodore de banville mille huit cent quarante deux vous avez empoigné les crins de la déesse avec un tel poignet qu'on vous eût pris à voir et cet air de maîtrise et ce beau nonchaloir pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse 10087_14327_000008 et quand il s'en allait sans rien voir à travers les champs sans distinguer les étés des hivers sale inutile et laid comme une chose usée il faisait des enfants la joie et la risée 10087_14327_000009 c'est un cri répété par mille sentinelles un ordre renvoyé par mille porte-voix c'est un phare allumé sur mille citadelles un appel de chasseurs perdus dans les grands bois 10087_14327_000010 le mauvais moine les cloîtres anciens sur les grandes murailles étalaient en tableaux la sainte vérité dont l'effet réchauffant les pieuses entrailles tempérait la froideur de leur austérité en ces temps où du christ florissaient les semailles 10087_14327_000011 delacroix lac de sang hanté des mauvais anges ombragé par un bois de sapins toujours vert où sous un ciel chagrin des fanfares étranges passent comme un soupir étouffé de weber 10087_14327_000012 ô douleur ô douleur le temps mange la vie et l'obscur ennemi qui nous ronge le cœur du sang que nous perdons croît et se fortifie 10087_14327_000013 et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve trouveront dans ce sol lavé comme une grève le mystique aliment qui ferait leur vigueur 10087_14327_000014 watteau ce carnaval où bien des cœurs illustres comme des papillons errent en flamboyant décors frais et légers éclairés par des lustresqui versent la folie à ce bal tournoyant 10087_14327_000015 immédiatement sa raison s'en alla l'éclat de ce soleil d'un crêpe se voila tout le chaos roula dans cette intelligence temple autrefois vivant plein d'ordre et d'opulence sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui 10087_14327_000016 plus d'un illustre moine aujourd'hui peu cité prenant pour atelier le champ des funérailles glorifiait la mort avec simplicité mon âme est un tombeau que mauvais cénobite depuis l'éternité je parcours et j'habite 10087_14327_000017 ces malédictions ces blasphèmes ces plaintes ces extases ces cris ces pleurs ces te deum sont un écho redit par mille labyrinthes c'est pour les cœurs mortels un divin opium 10087_14327_000018 poète notre sang nous fuit par chaque pore est-ce que par hasard la robe du centaure qui changeait toute veine en funèbre ruisseau était teinte trois fois dans les baves subtiles de ces vindicatifs et monstrueux reptiles que le petit hercule étranglait au berceau 10087_14327_000019 l'oeil clair et plein du feu de la précocité vous avez prélassé votre orgueil d'architecte dans des constructions dont l'audace correcte fait voir quelle sera votre maturité 10087_14327_000020 rembrandt triste hôpital tout rempli de murmures et d'un grand crucifix décoré seulement où la prière en pleurs s'exhale des ordures et d'un rayon d'hiver traversé brusquement 10087_14327_000021 colères de boxeur impudences de faune toi qui sus ramasser la beauté des goujats grand cœur gonflé d'orgueil homme débile et jaune puget mélancolique empereur des forçats 10087_14327_000022 les avoir remués dans leurs profondeurs noires après avoir franchi vers les célestes gloires des chemins singuliers à lui-même inconnus où les purs esprits seuls peut-être étaient venus comme un homme monté trop haut pris de panique s'écria transporté d'un orgueil satanique 10087_14327_000023 goya cauchemar plein de choses inconnues de fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats de vieilles au miroir et d'enfants toutes nues pour tenter les démons ajustant bien leurs bas 10087_14327_000024 rien n'embellit les murs de ce cloître odieux ô moine fainéant quand saurai-je donc faire du spectacle vivant de ma triste misère le travail de mes mains et l'amour de mes yeux 10087_14327_000025 jésus petit jésus je t'ai poussé bien haut mais si j'avais voulu t'attaquer au défaut de l'armure ta honte égalerait ta gloire et tu ne serais plus qu'un fœtus dérisoire 10087_14327_000026 michel-ange lieu vague où l'on voit des hercules se mêler à des christs et se lever tout droit des fantômes puissants qui dans les crépuscules déchirent leur suaire en étirant leurs doigts 10087_14327_000027 voilà que j'ai touché l'automne des idées et qu'il faut employer la pelle et les râteaux pour rassembler à neuf les terres inondées où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux 10087_14327_000028 ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage traversé çà et là par de brillants soleils le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils 10087_14588_000000 non jamais malheureuse mère tu n'es sûre d'avoir un soutien dans l'enfant que tu élèves bientôt il sera loin il ira ailleurs avec ton espérance 10087_14588_000001 le sommeil est à la porte et demande n'y a-t-il pas ici un doux enfant au maillot un joli garçon dans son lit viens heureux sommeil près de son berceau enlace l'enfant assoupis ses paupières balançons balançons le petit fruit des champs 10087_14588_000002 peut-être la mort s'emparera-t-elle promptement de lui peut-être sera-t-il soldat exposé au tranchant du sabre au feu du canon peut-être deviendra-t-il l'esclave des riches 10087_14588_000003 mais pourquoi redirais je les chansons de ma grand'mère ou celles de ma mère j'en ai moi-même composé plusieurs sur chaque sentier j'ai trouvé un mot sur chaque bruyère j'ai pensé à un sujet j'ai pris mes vers sur chaque branche de la forêt je les ai recueillis sur chaque buisson 10087_14588_000004 la gelinotte est belle à voir sur la neige l'écume de la mer est blanche sur le rivage plus beau est mon petit garçon plus blanc est mon petit amour 10087_14588_000005 berçons la légère feuille des bois c'est un enfant que je berce c'est une couchette que je balance mais hélas combien celle qui lui a donné le jour sait peu si l'enfant qu'elle berce ainsi sera sa joie dans l'avenir son soutien dans la vieillesse 10087_14588_000006 l'arbre de noël contes et légendes par xavier marmier chant d'une mère près du berceau de son enfant poésie finlandaise 10087_14588_000007 j'aime à chanter pour mon enfant je cherche avec joie de douces paroles pour mon petit trésor faut-il lui répéter un chant de berceau ou un chant de bergère que ma mère m'apprenait quand elle m'asseyait devant sa quenouille je n'étais pas alors plus haute que son rouet je n'atteignais pas au genou de mon père 3267_1902_000000 térence qui connaît bien les mules de son frère dit qu'il n'y en a pas une seule à lui dans cette bande et d'ailleurs ce n'est point là son cheval ni ses chiens or j'ai peur de tous les muletiers hormis huriel et j'ai envie que nous nous retirions ici 3267_1902_000001 en sorte que les mulets qui sont animaux têtus et très durs de leurs os accoutumés de trancher où le clairin tranchait avaient pris leur passage emmi les danseurs s'embarrassant peu qu'on leur battît en grange sur les reins bousculant tout le monde 3267_1902_000002 mais il s'agit pour moi d'une autre affaire dans la question que nous avons eue ensemble devant vous au bois de la roche et dont je ne suis point appelé à dire le motif 3267_1902_000003 maître vous avez été convoqué comme témoin par ce garçon s'il vous plaît de lui donner raison je n'ai pas à vous confirmer dans la vérité de vos paroles 3267_1902_000004 cependant brulette qui au milieu de la confusion s'était retirée à côté de moi et de joseph paraissait angoissée et ne riait que du bout des dents 3267_1902_000005 et j'avoue que le coeur me battait fort autant de crainte pour huriel que de colère contre son ennemi pendant deux ou trois minutes qui me parurent des heures d'horloge 3267_1902_000006 au point que la chose était divertissante à voir et que le grand bûcheux s'arrêta de sonner pour se tenir le ventre à force de rire 3267_1902_000007 le père bastien sonna en la propre manière qu'il fallait et tout aussitôt le clairin et ses suivants accourant autour de la piotte où il était monté 3267_1902_000008 nous n'avons pas droit ici et vous y êtes maître merci pour vos bonnes intentions mais nous ne nous connaissez point et devez garder votre vin pour vos amis 3267_1902_000009 m'étant bien assuré que brulette était aussi en sûreté en ce pays que dans le nôtre je commençai à chercher de l'occupation et j'offris au grand bûcheux de l'aider à sa tâche 3267_1902_000010 elle affichait même devant joseph de n'aimer plus la couture et le soin des nippes afin de se dispenser de travailler pour lui et de le forcer à remercier thérence qui s'y employait si bien 3267_1902_000011 qu'as-tu lui dis-je c'est peut-être notre ami huriel qui repasse par ici et qui va venir danser avec toi non non répondit-elle 3267_1902_000012 j'étais en train de lui remplir sa tasse m'ébahissant de ne le pouvoir soûler de boire quand il se fit dans la danse un grand dérangement et un grand vacarme 3267_1902_000013 car elle y était adroite et c'était merveille de voir une fille de campagne faire des ouvrages si fins et si beaux comme elle les faisait 3267_1902_000014 joset tout enivré des grâces de brulette qui n'avait point oublié d'apporter de chez nous un peu de toilette et qui charmait tous les yeux par sa bonne mine et ses jolis airs la regardait danser 3267_1902_000015 et qu'on m'a retenu la main au moment que j'allais cogner je vous dis la chose comme elle est mais lâchez-moi et je ne le ferai point mentir et quant à moi dit huriel je l'ai pris au collet comme on prend un lièvre mais sans le frapper et ce n'est pas ma faute si ses habits n'ont pas garanti sa peau 3267_1902_000016 ainsi qu'à maître bastien mon père d'être entendu sur l'heure ou après la fête et de me faire justice si mon droit est reconnu bon 3267_1902_000017 mêmement la blanche thérence avec ses grands yeux un peu enfoncés et son signe noir auprès de la bouche m'aurait bien lapé sur la tête si elle l'eût souhaité 3267_1902_000018 archignat consulta tout bas les autres muletiers et il paraît que tous approuvèrent huriel car ils se formèrent en rond et le chef dit un seul mot allez sur quoi malzac et huriel se mirent en présence 3267_1902_000019 on avait allumé deux torchères de résine et mesuré avec des pas la place dont les deux combattants ne devaient point sortir on leur donna à chacun un bâton de courza noueux et court 3267_1902_000020 il était aussi fier que chez nous le père brulet de la sienne mais comme il criait à brulette de venir lui faire vis-à-vis un vilain diable sortant je ne sais d'où se présenta et la voulut prendre par la main 3267_1902_000021 mais le grand bûcheux réclama encore le silence et s'adressant à maître archignat lui demanda s'il y avait du faux dans mon rapport 3267_1902_000022 l'homme reçut au châgnon du cou une si jolie empoignade que les yeux durent lui en grossir comme ceux d'un rat pris au pilon 3267_1902_000023 malzac m'a par trois fois dit que je mentais et menacé personnellement je ne sais si vous y avez fait attention 3267_1902_000024 et qu'il ne s'y joint pas l'idée d'un profit pour soi-même ou pour les siens brulette me dit le quatrième jour tiennet je vois que tu as de l'ennui 3267_1902_000025 et allant devant eux comme ils eussent fait en un champ de chardons ces bêtes n'allaient pas assez vite chargées qu'elles étaient pour qu'on n'eût point le temps de s'en garer 3267_1902_000026 et comme elle disait cela nous vîmes une vingtaine de muletiers qui débouchaient du bois environnant et venaient pour écarter leurs bêtes et regarder la danse 3267_1902_000027 car du pied en se sauvant ils renversèrent les torches et je me sentis comme quand d'un mauvais rêve tout plein de bruits et de clartés on s'éveille dans le silence et l'épaisseur de la nuit 3267_1902_000028 là-dessus arriva le frère capucin qui voulut prêcher la paix chrétienne mais il avait trop fêté le vin bourbonnais pour mener bien subtilement sa langue et il ne put se faire entendre dans le bruit 3267_1902_000029 aucun coup ne porta étant bien paré de part et d'autre enfin on commença à entendre que le bois ne frappait plus toujours le bois et le bruit sourd que faisaient ces bâtons sur les corps qu'ils rencontraient me donnait chaque fois comme une sueur froide 3267_1902_000030 malice et pitié et pourtant j'ouvrais la bouche et les yeux pour n'en rien perdre car le vent secouait les torches et par moments on ne voyait quasi plus rien qu'un moulinet blanchâtre autour des batailleurs mais 3267_1902_000031 car huriel encore qu'adroit au bâton était d'un naturel si bon qu'il avait eu bien peu souvent l'occasion de s'en servir voilà ce qu'il me fut dit pendant qu'ils commençaient à se tâter 3267_1902_000032 ce qui beaucoup me divertissait encore que ce fût à mes dépens car c'était la première fois que je voyais boire un carme et j'avais toujours ouï dire que pour lever le coude c'étaient les premiers hommes de la chrétienté 3267_1902_000033 brulette plus morte que vive suppliait huriel et moi de ne pas donner suite à la querelle mais il était trop tard pour l'écouter je la confiai à joseph qui l'emmena à distance et posant ma veste 3267_1902_000034 ne voyant pas bien et m'imaginant d'entendre brulette m'appeler mais je n'eus point le temps de lui faire justice moi-même car devant que cette laide figure encharbonnée eût touché la sienne 3267_1902_000035 mais il lui parla aussi dans l'oreille et au premier mot elle lui répondit oui oui adieu alors huriel prit le bras de maître archignat et tous deux disparurent aussitôt dans l'ombre 3267_1902_000036 je rassurai brulette car en plein jour et à la vue de tant de monde je ne craignais point d'embûche et me sentais bon pour la défendre seulement 3267_1902_000037 je ne voyais plus j'avais des orblutes dans les yeux mais j'entendis la voix de thérence qui disait dieu soit béni mon frère a gagné 3267_1902_000038 qu'elles se retirent si elles veulent dit thérence qui était aussi pâle mais aussi ferme que lui moi je dois être là pour mon frère s'il y a du sang à arrêter 3267_1902_000039 thérence s'était attachée à son frère et lui essuyait la sueur de la figure avec son mouchoir lui demandant s'il était blessé et le voulant retenir pour l'examiner 3267_1902_000040 ses yeux vairons étaient assez doux et n'annonçaient point la fausseté mais sa bouche qui était cachée à moitié sous sa barbe de renard souriait de temps en temps d'un air sot qui cachait mal un bon fonds de malice 3267_1902_000041 et je lui montrai en cela que les berrichons ne sont pas plus sots que d'autres ni plus aisés à mettre dans leur tort tous les assistants qui déjà faisaient bonne estime de brulette et de moi réprouvèrent la conduite de malzac 3267_1902_000042 mais quand la bourrée fut finie j'eus beau le chercher il s'était si bien caché que je ne pus mettre la main dessus brulette voyant comme il était lâche cessa de le craindre et dansa avec d'autres qui tous bien joliment 3267_1902_000043 et comme cet homme nous accâgnait de sottises nous traitant de lâches pour nous être mis deux contre lui la musique s'arrêta on se rassembla sur le lieu de la querelle et le grand bûcheux vint avec le grand archignat 3267_1902_000044 je recommençai à voir clair huriel était debout et attendait en franc compagnon que l'autre se relevât sans pourtant l'approcher dans la crainte d'une trahison dont il le savait bien capable 3267_1902_000045 si bien qu'après avoir passé deux jours à fafioter avec ces trois personnes tranquilles autour des loges ou à m'asseoir avec elle de place en place dans la forêt 3267_1902_000046 ce grand compère rouge était un homme fin et prudent il avait la figure aussi blanche qu'un linge et quelque dépit qu'on lui pût causer il ne paraissait pas avoir une goutte de sang de plus ou de moins dans le corps 3267_1902_000047 lui faisaient hommage mais en un moment où je n'avais plus les yeux sur elle ce coquin la vint prendre au milieu d'une bande d'autres fillettes 3267_1902_000048 cette fille m'a promis la danse dis-je au muletier qui s'y entêtait laissez-nous et cherchez en une autre c'est bien dit-il mais quand elle aura ballé cette bourrée avec vous ce sera mon tour 3267_1902_000049 malzac c'est moi ne touchez point malzac ne parut pas en avoir grande envie car il se mut non plus qu'une pierre et le chef 3267_1902_000050 tandis que le grand bûcheux alla leur parler et marqua beaucoup d'égards à leur chef le grand rouge qui s'appelait archignat et passait pour un homme juste autant que peut l'être un muletier 3267_1902_000051 et invoquer le témoignage du chef archignat lui-même à qui je rendis justice peut-être un peu meilleure qu'il ne la méritait mais je voyais bien que je ne devais point jeter de blâme sur lui pour me l'avoir favorable 3267_1902_000052 je ne me fis point prier pour parler et malgré que l'assemblée des muletiers et des anciens me causât un peu de trouble je sus assez bien dérouiller ma langue pour raconter comme il faut l'histoire du bois de la roche 3267_1902_000053 lequel s'était mis en tête de traverser l'assemblée et qui repoussé d'un chacun à beaux coups de pied et de trique s'en allait épeuré sautant de droite et de gauche 3267_1902_000054 je sortis de la ramée que je m'étais bâtie et où je recevais le monde altéré pour regarder ce que c'était et vis une bande de trois cents peut-être quatre cents mulets qui suivaient un clairin 3267_1902_000055 mais en même temps j'avais tant de rage de ne pouvoir m'en mêler que si on ne m'eût retenu je me serais jeté au milieu la chose me faisait dégoût 3267_1902_000056 la chose n'était guère malaisée à obtenir car joseph s'était juré à lui-même de ne rien dire avant le moment où il se croirait digne d'attention et il eût fallu que brulette fût provocante avec lui pour lui arracher un mot d'amourette 3267_1902_000057 le dimanche est un beau jour parce qu'il vous repose de six jours de fatigue mais sept dimanches par semaine c'est trop pour un homme habitué à faire service de ses membres je ne m'en serais point aperçu si l'une de ces belles eût voulu faire attention à moi 3267_1902_000058 ne voulant point avoir des mots avec un homme si bon et si agréable en toutes autres choses je m'employai avec les scieurs de long et je m'en acquittai à leur contentement mais là je connus bien que l'ouvrage est triste et lourd quand ce n'est qu'un exercice de notre corps 3267_1902_000059 pour malzac et huriel ici moi et les anciens de la forêt servant de parrains et juges à ce garçon du berry parle tiennet et porte ta plainte quelles raisons avais-tu d'en vouloir à ce muletier 3267_1902_000060 dans notre pays on ne se bat jamais comme cela dans les règles avec d'autres armes que les poignets et je confesse que je n'avais pas l'esprit endurci à l'idée des têtes fendues et des mâchoires brisées 3267_1902_000061 le grand bûcheux cornemusait sa fille superbe en son attifage bourbonnais était grandement fêtée sans se départir de son air sérieux 3267_1902_000062 non dit brulette vivement j'aimerais mieux ne baller de ma vie c'est ce que nous verrons fit-il et il nous suivit à la danse où il se tint derrière nous nous critiquant je pense en son langage 3267_1902_000063 brulette croyant que ce secours lui venait de moi se jeta vitement aux bras de son défenseur et bien étonnée fut de se trouver dans ceux d'huriel 3267_1902_000064 la peur et l'aversion lui firent refuser bien vite et se serrer contre moi qui ayant épuisé mes provisions me rendais à la danse avec elle 3267_1902_000065 il ne fut plus retenu par son bon coeur qui lui aurait fait excuser mes fautes et commença de me montrer qu'il n'y avait point d'homme plus malpatient que lui en fait d'ouvrage 3267_1902_000066 mais voyez un peu comme on est ingrat quand on s'est laissé déranger l'esprit par une femelle joseph ne regardait quasiment point les doigts de thérence usés à son service il avait toujours les yeux sur les mains douces de brulette 3267_1902_000067 et je ne te cache pas que j'en ai aussi ma bonne part mais c'est demain dimanche et il nous faut inventer quelque réjouissance je sais que les gens de la forêt se réunissent dans un bel endroit où le grand bûcheux les fait danser 3267_1902_000068 il dit quelques mots aux autres dans son patois et les emmena à l'écart où ils s'assirent par terre et firent leur souper très sagement 3267_1902_000069 pour surplus de précaution elle s'arrangea de manière à n'être jamais seule avec lui elle retint si bien thérence à son côté 3267_1902_000070 ces trois jeunes gens ne s'ennuyaient pas ensemble thérence cousait toujours pour joseph et brulette m'ayant fait acheter un mouchoir de mousseline blanche se mit à le festonner et à le broder pour en faire offre à thérence 3267_1902_000071 et s'il vous convient de lui donner tort les coutumes de ma confrérie me défendent de vous porter un démenti personne ici n'a rien à voir dans nos affaires et si malzac a été blâmable je sais d'avance que vous l'aurez blâmé 3267_1902_000072 on l'avait pris pour chef à cause de la froideur de son sang qui lui permettait d'opérer par la ruse et par là d'éviter à sa bande les querelles voire les procédures où il paraissait pour être aussi clerc qu'un procureur 3267_1902_000073 plusieurs de ceux qui étaient là savaient cornemuser non pas comme le grand bûcheux qui n'avait pas son pareil dans le monde et qui eut fait sauter les pierres et batifoler les chênes de la forêt s'il l'eût souhaité mais beaucoup mieux que carnat et son garçon 3267_1902_000074 mais archignat me repoussa en disant si huriel est battu tu te présenteras après lui mais si c'est malzac qui a le dessous il faudra bien que tu te contentes de ce que tu auras vu faire 3267_1902_000075 si c'est pour avoir tenté d'embrasser ta payse à la danse je sais que c'est la coutume en ton endroit comme chez nous ça ne suffirait donc pas pour avoir eu même l'intention de frapper un homme dis-nous le sujet de ton dépit contre lui c'est par là qu'il faut commencer 3267_1902_000076 voilà que l'un des deux fit entendre un soupir comme celui d'un arbre cassé en deux par un coup de vent et roula dans la poussière lequel était-ce 3267_1902_000077 mais elle n'était point d'une humeur à se laisser détourner de son idée elle causait peu riait encore moins et si l'on essayait le moindre badinage elle vous regardait d'un air si étonné qu'elle vous ôtait la hardiesse de lui en donner l'explication 3267_1902_000078 l'attira de force au milieu du bal et profitant de la nuit qui empêchait de voir la résistance de brulette il la voulut embrasser en ce moment j'accourais 3267_1902_000079 les maîtres sonneurs de george sand veillée numéro quatorze je ne vous ferai point le récit de chaque jour que nous passâmes en la forêt ils furent d'abord peu différents les uns des autres 3267_1902_000080 comme je n'étais point là dans mon métier et ne savais pas bien me servir des outils je le fâchais par la moindre maladresse et je vis bien qu'il se faisait tant de violence pour ne point me traiter d'imbécile et de lourdaud que les yeux lui en sortaient de la tête et que la sueur lui en découlait du front 3267_1902_000081 eh bien il nous faut acheter du vin et quelque victuaille pour leur donner un plus beau dimanche que de coutume et faire honneur à notre pays chez ces étrangers 3267_1902_000082 l'un défendant aux muletiers l'autre aux bûcheux et fendeux de prendre parti avant que l'affaire fût éclaircie malzac c'était le nom de notre ennemi 3267_1902_000083 malzac petit et maigre n'était pas aussi fort qu'huriel mais il était plus vif de ses mouvements et connaissait mieux la bataille 3267_1902_000084 que les femmes se retirent cria le grand bûcheux elles sont de trop ici en disant cela il était pâle mais il ne reculait point devant le danger que son fils pouvait courir 3267_1902_000085 et il avait une langue aussi mauvaise que celle d'un aspic porta sa plainte le premier prétendit qu'il avait honnêtement invité la berrichonne qu'en l'embrassant il n'avait fait qu'user du droit et de la coutume de la bourrée 3267_1902_000086 jamais temps ne m'a paru plus long et souffrance pire que dans cette occasion-là avoir malzac si adroit je tremblais de peur pour moi aussi peut-être 3267_1902_000087 et que deux galants de cette fille à savoir huriel et moi l'avions pris en traître et mauvaisement frappé le fait est faux répondis-je 3267_1902_000088 mais je lui dois une meilleure leçon et ne suis venu ici ce soir que pour en trouver l'occasion or donc je demande à maître archignat mon chef 3267_1902_000089 si bien que la musette changea de mains et arriva en celles du muletier chef que je vous ai nommé archignat tandis que le grand bûcheux qui avait le coeur et le corps encore jeunes prit le plaisir de faire danser sa fille dont à bon droit 3267_1902_000090 comme au reste ces gens étaient aussi considérés que d'autres par ceux de la forêt nous nous gardâmes brulette et moi de dire à personne qu'ils nous répugnaient et elle retourna à la danse sans plus de crainte car sauf le chef 3267_1902_000091 et c'est à mon grand regret que je n'ai point roué de coups celui qui vous parle mais la vérité est que je suis arrivé trop tard pour le prendre soit en franchise soit en trahison 3267_1902_000092 j'eus beau essayer de peler de l'osier et de faire des paniers ou avec des pailles de seigle des tresses pour les chapeaux je ne fus point là deux fois vingt-quatre heures sans avoir un si gros ennui que j'en étais malade 3267_1902_000093 il se mit à rire de plus belle d'avoir au lieu d'une brave compagnie endimanchée une troupe de bêtes noires à faire danser 3267_1902_000094 à l'heure de la vesprée tout allait au mieux et chacun disait que de mémoire d'homme les gens des bois ne s'étaient si bien divertis entre eux 3267_1902_000095 joseph allait de mieux en mieux et thérence voulait qu'on le maintînt dans ses espérances s'associant toutefois à la résolution que brulette avait prise de ne point l'encourager à expliquer ses sentiments 3267_1902_000096 mais malzac ne se releva point et archignat faisant défense à personne de bouger l'appela par trois fois il n'eut point de réponse et s'avança jusqu'à lui disant 3267_1902_000097 que thérence en vint bientôt à comprendre qu'on ne la trompait point et qu'on souhaitait même lui laisser gouverner la santé et l'esprit du malade en toutes choses 3267_1902_000098 se penchant vers lui le toucha le regarda et appelant par leurs noms deux muletiers leur dit c'est partie perdue pour lui faites ce qui est à faire 3267_1902_000099 nous n'avions reconnu parmi eux aucun de ceux qui avaient manqué de nous faire un si mauvais parti durant notre voyage et en fin de compte ce chef nous avait sauvés du méchant vouloir de ses compagnons 3267_1902_000100 noce ou non lui dis-je c'est moi qui régale et c'est de bon coeur envers qui me plaît mais il ne me laissa pas achever et répondit 3267_1902_000101 il m'y reçut bien et je commençais à me divertir en sa compagnie mais quand je lui eus dit que je ne voulais point être payé et que je bûchais à seules fins de me désennuyer en travaillant 3267_1902_000102 je voulus profiter de ce que notre ami était embarrassé de ses mains pour empoigner à mon tour le méchant coquin et je lui aurais payé tout ce que je lui devais si le monde ne se fût mis entre nous 3267_1902_000103 et le grand bûcheux assista maître archignat dans toutes ces préparations avec une tranquillité qu'il n'avait guère dans le coeur et qui faisait de la peine à voir 3267_1902_000104 il n'aimait point huriel mais il faisait tout comme et il passait pour se conduire en homme juste au fond c'était le plus grand pillard qu'il y eût et sa conscience mettait les intérêts de sa confrérie au-dessus de tout 3267_1902_000105 je me tins prêt à venger huriel s'il avait le dessous je ne savais point quel serait le combat et je regardai bien pour n'être pas pris au dépourvu quand mon tour viendrait 3267_1902_000106 encore qu'il commençât de faire nuit brulette le reconnut tout d'abord pour celui qui au bois de la roche avait menacé le plus et même proposé d'assassiner ses deux défenseurs et de les enterrer sous quelque arbre qui n'en dirait mot 3267_1902_000107 et que s'ils le voulaient honnêtement requérir je serais content de leur donner le coup de vespres c'est donc une noce dit le plus grand de tous que je reconnus alors à son poil rouge pour le chef de ceux dont nous avions fait si mauvaise rencontre au bois de la roche 3267_1902_000108 je voulais m'y opposer disant que c'était à moi de venger ma cousine et que la plainte que j'avais portée était d'une plus grande conséquence que celle d'huriel 3267_1902_000109 maître archignat les suivit le dernier après avoir parlé dans l'oreille du grand bûcheux qui lui répondit seulement ça suffit adieu 3267_1902_000110 aussitôt ils le prirent par les pieds et la tête et s'en allèrent toujours courant suivis des autres muletiers qui s'enfoncèrent dans la forêt défendant à tout ce qui n'était pas de leur bande de s'enquérir du résultat de l'affaire 3267_1902_000111 je lui dis de ne point s'écarter de moi et retournai à ma ramée dont je voyais les muletiers s'approcher avec peu de façons et comme ils criaient à boire à boire comme gens qui se croient au cabaret je leur fis observer honnêtement que je ne vendais point le vin 3267_1902_000112 il n'y eut donc personne de foulé ni de blessé seulement beaucoup de garçons qui étaient échauffés à la danse impatientés d'être interrompus dans leur plaisir tapaient et juraient fort 3267_1902_000113 je me démenais à régaler tout le monde de mes rafraîchissements et comme je tenais à bien faire les choses je n'y avais rien épargné il m'en coûta bien trois bons écus de ma poche mais je n'y ai jamais eu regret tant on se montra sensible à mes honnêtetés 3267_1902_000114 je fis comme brulette me commandait et le lendemain nous étions sur un bel herbage avec tous les ouvriers de la forêt et plusieurs filles et femmes des environs que thérence avait invitées pour la danse 3267_1902_000115 il ne répondit rien à la question du grand bûcheux et on n'eût su dire si c'était bêtise ou prudence car tant plus il avait l'esprit éveillé tant plus il se donnait l'air d'un homme endormi qui rêvasse en lui-même et n'entend point ce qu'on lui demande 3267_1902_000116 et lâchant à chaque fois que brulette repassait devant lui des paroles que ses mauvais yeux me faisaient juger insolentes attends que j'aie fini lui dis-je en le heurtant au passage je te baillerai ton compte en un langage que ton dos saura bien entendre 3267_1902_000117 mais je le déclare par serment et comme je m'en trouve offensé et déshonoré je réclame le droit de bataille selon la coutume de notre ordre 3267_1902_000118 silence cria le grand bûcheux d'une voix qui eût couvert le tonnerre du ciel écartez-vous tous et laissez-nous régler nos affaires vous pouvez écouter mais non point prendre voix à ce chapitre ici tous les muletiers 3267_1902_000119 mais connaissant l'air de musique qui rassemble les mules et que je connaissais aussi pour l'avoir ouï en la forêt de saint chartier 3267_1902_000120 il se contenta de faire un signe à huriel comme pour lui demander si le témoignage qu'il allait faire serait conforme au sien mais huriel qui sans être sournois était aussi bien avisé que lui répondit 3267_1902_000121 et on eût dit qu'à la voir tirer son aiguille il comptait chaque point comme un moment de son bonheur je m'étonnais comment l'amour pouvait ainsi remplir son esprit et occuper tout son temps sans qu'il songeât seulement à faire quelque ouvrage de ses mains quant à moi 6318_2432_000000 et fâcheuse expectative nous avions peu d'espoir de rencontrer quelque source vive dans ces terrains de l'époque de transition pendant toute la journée du lendemain la galerie déroula devant nos pas ses interminables arceaux nous marchions presque sans mot dire le mutisme de 6318_2432_000001 or c'est précisément à cette exubérante végétation que la houille doit son origine l'écorce élastique du globe obéissait aux mouvements de la masse liquide qu'elle recouvrait de là des fissures des affaissements nombreux les plantes entraînées sous les eaux formèrent peu à peu des amas considérables 6318_2432_000002 et le courage manquera-t-il aussi fit le professeur en me regardant d'un oeil sévère je n'osai lui répondre fin du chapitre vingt enregistré par sébès 6318_2432_000003 alors intervint l'action de la chimie naturelle au fond des mers les masses végétales se firent tourbe d'abord puis grâce à l'influence des gaz et sous le feu de la fermentation elles subirent une minéralisation complète 6318_2432_000004 une mine de charbon m'écriai-je une mine sans mineurs répondit mon oncle eh qui sait moi je sais répliqua le professeur d'un ton bref et je suis certain que cette galerie percée à travers ces couches de houille n'a pas été faite de la main des hommes 6318_2432_000005 dans lesquels l'oeil du paléontologiste a su découvrir les premières formes du reptile les mers dévoniennes étaient habitées par un grand nombre d'animaux de cette espèce et elles les déposèrent par milliers sur les roches de nouvelle formation 6318_2432_000006 la lumière électrique faisait splendidement étinceler les schistes le calcaire et les vieux grès rouges des parois on aurait pu se croire dans une tranchée ouverte au milieu du devonshire qui donna son nom à ce genre de terrains 6318_2432_000007 le samedi à six heures on repartit vingt minutes plus tard nous arrivions à une vaste excavation je reconnus alors que la main de l'homme ne pouvait pas avoir creusé cette houillère les voûtes en eussent été étançonnées et véritablement elles ne se tenaient que par un miracle d'équilibre 6318_2432_000008 aussi telles je voyais ces couches intactes telles elles seraient encore lorsque sonnerait la dernière heure du monde cependant nous marchions et seul de mes compagnons j'oubliais la longueur de la route pour me perdre au milieu de considérations géologiques 6318_2432_000009 la température restait sensiblement ce qu'elle était pendant notre passage au milieu des laves et des schistes seulement mon odorat était affecté par une odeur fort prononcée de protocarbure d'hydrogène 6318_2432_000010 si par malheur nous avions imprudemment exploré cette galerie la torche à la main une explosion terrible eût fini le voyage en supprimant les voyageurs cette excursion dans la houillère dura jusqu'au soir 6318_2432_000011 après leur repas mes deux compagnons s'étendirent sur leurs couvertures et trouvèrent dans le sommeil un remède à leurs fatigues pour moi je ne pus dormir et je comptai les heures jusqu'au matin 6318_2432_000012 en dépit des théories du professeur lidenbrock un feu violent couvait dans les entrailles du sphéroïde son action se faisait sentir jusqu'aux dernières couches de l'écorce terrestre 6318_2432_000013 nous gagnait la route ne montait pas du moins d'une façon sensible parfois même elle semblait s'incliner mais cette tendance peu marquée d'ailleurs ne devait pas rassurer le professeur car la nature des couches ne se modifiait pas et la période de transition s'affirmait davantage 6318_2432_000014 ainsi se formèrent ces immenses couches de charbon que la consommation de tous les peuples pendant de longs siècles encore ne parviendra pas à épuiser ces réflexions me revenaient à l'esprit pendant que je considérais les richesses houillères accumulées dans cette portion du massif terrestre 6318_2432_000015 il y avait peu d'arbres des plantes herbacées seulement d'immenses gazons des fougères des lycopodes des sigillaires des astérophylites familles rares dont les espèces se comptaient alors par milliers 6318_2432_000016 a un moment où le tunnel devenait fort étroit je m'appuyai sur sa paroi quand je retirai ma main elle était entièrement noire je regardai de plus près nous étions en pleine 6318_2432_000017 de là cette conclusion que les hautes températures ne provenaient pas de ce foyer nouveau peut-être même l'astre du jour n'était-il pas prêt à jouer son rôle éclatant 6318_2432_000018 des spécimens de marbres magnifiques revêtaient les murailles les uns d'un gris agate avec des veines blanches capricieusement accusées les autres de couleur incarnat ou d'un jaune taché de plaques rouges plus loin des échantillons de ces griottes à couleurs sombres dans lesquels le calcaire se relevait en nuances vives 6318_2432_000019 les climats n'existaient pas encore et une chaleur torride se répandait à la surface entière du globe égale à l'equateur et aux pôles d'où venait-elle de l'intérieur du globe 6318_2432_000020 mais le soir arriva sans que cette espérance se fût réalisée le vendredi après une nuit pendant laquelle je commençai à ressentir les tourments de la soif notre petite troupe s'enfonça de nouveau dans les détours de la galerie 6318_2432_000021 la plupart de ces marbres offraient des empreintes d'animaux primitifs mais depuis la veille la création avait fait un progrès évident au lieu des trilobites rudimentaires j'apercevais des débris d'un ordre plus parfait entre autres des poissons ganoïdes et des sauropteris 6318_2432_000022 xx en effet il fallut se rationner notre provision ne pouvait durer plus de trois jours c'est ce que je reconnus le soir au moment du souper 6318_2432_000023 je reconnus immédiatement dans cette galerie la présence d'une notable quantité de ce fluide dangereux auquel les mineurs ont donné le nom de grisou et dont l'explosion a si souvent causé d'épouvantables catastrophes heureusement nous étions éclairés par les ingénieux appareils de 6318_2432_000024 mais que ce soit ou non l'ouvrage de la nature cela m'importe peu l'heure du souper est venue soupons hans prépara quelques aliments je mangeai à peine et je bus les quelques gouttes d'eau qui formaient ma ration la gourde du guide à demi pleine voilà tout ce qui restait pour désaltérer trois hommes 6318_2432_000025 à cet âge du monde qui précéda l'époque secondaire la terre se recouvrit d'immenses végétations dues à la double action d'une chaleur tropicale et d'une humidité persistante une atmosphère de vapeurs enveloppait le globe de toutes parts lui dérobant encore les rayons du soleil 6318_2432_000026 mon oncle contenait à peine l'impatience que lui causait l'horizontalité de la route les ténèbres toujours profondes à vingt pas empêchaient d'estimer la longueur de la galerie et je commençai à la croire interminable quand soudain à six heures un mur se présenta inopinément à nous 6318_2432_000027 après dix heures de marche je remarquai que la réverbération de nos lampes sur les parois diminuait singulièrement le marbre le schiste le calcaire les grès des murailles faisaient place à un revêtement sombre et sans éclat 6318_2432_000028 toute l'histoire de cette période houillère était écrite sur ces sombres parois et un géologue en pouvait suivre facilement les phases diverses les lits de charbon étaient séparés par des strates de grès ou d'argile compacts et comme écrasés par les couches supérieures 6318_2432_000029 cette espèce de caverne comptait cent pieds de largeur sur cent cinquante de hauteur le terrain avait été violemment écarté par une commotion souterraine le massif terrestre cédant à quelque puissante poussée s'était disloqué laissant ce large vide où des habitants de la terre pénétraient pour la première fois 6318_2432_000030 à droite à gauche en haut en bas il n'y avait aucun passage nous étions arrivés au fond d'une impasse eh bien tant mieux s'écria mon oncle je sais au moins à quoi m'en tenir nous ne sommes pas sur la route de 6318_2432_000031 et il ne reste plus qu'à revenir en arrière prenons une nuit de repos et avant trois jours nous aurons regagné le point où les deux galeries se bifurquent oui dis-je si nous en avons la force et pourquoi non parce que demain l'eau manquera tout à fait 6318_2432_000032 celles-ci sans doute ne seront jamais mises à découvert l'exploitation de ces mines reculées demanderait des sacrifices trop considérables a quoi bon d'ailleurs quand la houille est répandue pour ainsi dire à la surface de la terre dans un grand nombre de contrées 6318_2432_000033 il devenait évident que nous remontions l'échelle de la vie animale dont l'homme occupe le sommet mais le professeur lidenbrock ne paraissait pas y prendre garde il attendait deux choses ou qu'un puits vertical vînt à s'ouvrir sous ses pieds et lui permettre de reprendre sa descente ou qu'un obstacle l'empêchât de continuer cette route 6318_2432_000034 les plantes privées des bienfaisantes effluves du soleil ne donnaient ni fleurs ni parfums mais leurs racines puisaient une vie forte dans les terrains brûlants des premiers jours 7142_2432_000000 je le fais remarquer à mon oncle qui secoue la tête j'ai pourtant la conviction que je ne me trompe pas courons nous donc à quelque cataracte qui nous précipitera dans l'abîme 7142_2432_000001 c'était une espèce de petit pauvre très misérablement vêtu assez souffreteux et que notre aspect parut effrayer beaucoup en effet demi-nus avec nos barbes incultes nous avions une fort mauvaise mine 7142_2432_000002 cependant la pluie forme une cataracte mugissante devant cet horizon vers lequel nous courons en insensés mais avant qu'elle n'arrive jusqu'à nous le voile de nuage se déchire la mer entre en ébullition et l'électricité produite par une vaste action chimique qui s'opère dans les couches supérieures est mise en jeu 7142_2432_000003 non par le diable s'écrie mon oncle non cent fois non que le vent nous saisisse que l'orage nous emporte mais que j'aperçoive enfin les rochers rivage quand notre radeau devra s'y briser en mille pièces 7142_2432_000004 le mât et la voile sont partis tout d'un bloc je les ai vus s'enlever à une prodigieuse hauteur semblables au ptérodactyle cet oiseau fantastique des premiers siècles nous sommes glacés d'effroi 7142_2432_000005 nous avons franchi deux cent soixante-dix lieues de mer depuis port graüben et nous sommes à six cent vingt lieues de l'islande sous l'angleterre fin du chapitre trente-quatre 7142_2432_000006 pas davantage mon garçon ceci n'est point un volcan du nord avec ses collines de granit et sa calotte de neige cependant regarde axel regarde au-dessus de notre tête à cinq cents pieds au plus 7142_2432_000007 nous avions abandonné la région des neiges éternelles pour celle de la verdure infinie et laissé au-dessus de nos têtes le brouillard grisâtre des zones glacées revenir au ciel azuré de la sicile 7142_2432_000008 l'imprévu d'un pareil spectacle en centuplait encore les merveilleuses beautés où sommes-nous où sommes-nous répétais je à mi-voix hans fermait les yeux avec indifférence et mon oncle regardait sans comprendre 7142_2432_000009 l'îlot représente à s'y méprendre un cétacé immense dont la tête domine les flots à une hauteur de dix toises le geyser mot que les islandais prononcent geysir et qui signifie fureur s'élève majestueusement à son extrémité 7142_2432_000010 je suis forcé d'avouer que nous sommes singulièrement favorisés jusqu'ici et que pour une raison qui m'échappe ce voyage s'accomplit dans des conditions particulières de température mais il me paraît évident certain 7142_2432_000011 que cette manière de descendre plaise au professeur parce qu'elle se rapproche de la verticale c'est possible mais à moi en tout cas il doit y avoir quelques lieues au vent un phénomène bruyant car maintenant les mugissements se font entendre avec une grande violence viennent-ils du ciel ou de l'océan 7142_2432_000012 il semble que si mes compagnons me touchaient en ce moment ils recevraient une commotion violente à dix heures du matin les symptômes de l'orage sont plus décisifs on dirait que le vent mollit pour mieux reprendre leur haleine la nue ressemble à une outre immense dans laquelle s'accumulent les ouragans 7142_2432_000013 hans maintient sa barre avec une inflexible rigueur cependant si de la distance qui nous sépare de cet animal et qu'il faut estimer à douze lieues au moins on peut apercevoir la colonne d'eau chassée par ses évents il doit être d'une taille surnaturelle 7142_2432_000014 pendant que chacun s'abandonnait ainsi à toutes les douceurs du repos un enfant apparut entre deux touffes d'oliviers ah m'écriais-je un habitant de cette heureuse contrée 7142_2432_000015 une île s'écrie mon oncle une île dis-je à mon tour en haussant les épaules évidemment répond le professeur en poussant un vaste éclat de rire mais cette colonne d'eau geyser fait hans 7142_2432_000016 ah ça parleras-tu s'écria mon oncle que la colère commençait à gagner et qui secoua l'enfant par les oreilles come si noma questa isola 7142_2432_000017 depuis j'ai réfléchi à ce singulier phénomène sans en trouver une explication satisfaisante toutefois il me paraît évident que nous n'occupions pas la cheminée principale du volcan mais bien un conduit accessoire où se faisait sentir un effet de contre-coup 7142_2432_000018 mon imagination surexcitée se promenait sur les plages de neige des contrées arctiques et j'aspirais au moment où je me roulerais sur les tapis glacés du pôle peu à peu d'ailleurs ma tête brisée par ces secousses réitérées se perdit 7142_2432_000019 quel est donc ce cétacé que n'ont prévu ni les cuvier ni les blumembach il est impossible et comme endormi la mer semble ne pas pouvoir le soulever et ce sont les vagues qui ondulent sur ses flancs 7142_2432_000020 heureusement après deux heures de marche une jolie campagne s'offrit à nos regards entièrement couverte d'oliviers de grenadiers et de vignes qui avaient l'air d'appartenir à tout le monde d'ailleurs dans notre dénuement nous n'étions point des gens à y regarder de si près 7142_2432_000021 nous n'étoufferons pas la galerie s'élargit et s'il le faut nous abandonnerons le radeau pour nous abriter dans quelque crevasse et l'eau et l'eau montante il n'y a plus d'eau axel mais une sorte de pâte lavique qui nous soulève avec elle jusqu'à l'orifice du cratère 7142_2432_000022 puis la boussole affolée secouée par les phénomènes électriques me confirmait dans mon opinion l'écorce minérale menaçait de se rompre les massifs granitiques de se rejoindre la fissure de se combler 7142_2432_000023 après les surprises innombrables de ce voyage une stupéfaction nous était encore réservée je m'attendais à voir un cône couvert de neiges éternelles au milieu des arides déserts des regions septentrionales 7142_2432_000024 stromboli répondit le petit pâtre qui s'échappa des mains de hans et gagna la plaine à travers les oliviers nous ne pensions guère à lui le stromboli 7142_2432_000025 vers le matin le mouvement d'ascension s'accéléra si la chaleur s'accrut au lieu de diminuer aux approches de la surface du globe c'est quelle était toute locale et due à une influence volcanique notre genre de locomotion ne pouvait plus me laisser aucun doute dans l'esprit 7142_2432_000026 bientôt des reflets fauves pénétraient dans la galerie verticale qui s'élargissait j'apercevais à droite et à gauche des couloirs profonds semblables à d'immenses tunnels d'où s'échappaient des vapeurs épaisses des langues de flammes en léchaient les parois en pétillant 7142_2432_000027 je porte mes regards vers les vapeurs suspendues dans l'atmosphère et cherche à sonder leur profondeur le ciel est tranquille les nuages apportés au plus haut de la voûte semblent immobiles et se perdent dans l'intense irradiation de la lumière 7142_2432_000028 il y avait là un fait inexplicable je ne savais qu'imaginer cependant nous nous rapprochions de cette verdure qui faisait plaisir à voir la faim me tourmentait et la soif aussi 7142_2432_000029 fuir serait se conformer aux lois de la plus vulgaire prudence mais nous ne sommes pas venus ici pour être prudents on va donc en avant plus nous approchons plus la gerbe grandit quel monstre peut s'emplir d'une pareille quantité d'eau et l'expulser sans ainsi sans interruption 7142_2432_000030 lundi vingt-quatre août cela ne finira pas pourquoi l'état de cette atmosphère si dense une fois modifié ne serait-il pas définitif nous sommes brisés de fatigue hans comme à l'ordinaire 7142_2432_000031 le radeau demeura absolument immobile qu'est-ce donc demandais-je ébranlé par cet arrêt subit comme par un choc une halte répondit mon oncle est-ce l'éruption qui se calme j'espère bien que non 7142_2432_000032 mardi vingt-cinq août je sors d'un évanouissement prolongé l'orage continue les éclairs se déchaînent comme une couvée de serpents lâchée dans l'atmosphère 7142_2432_000033 hans m'avait sauvé de la mort pendant que je roulais sur les flancs du cratère où sommes-nous demanda mon oncle qui me parut fort irrité d'être revenu sur terre 7142_2432_000034 je me levai j'essayai de voir autour de moi peut-être le radeau arrêté par une saillie de roc opposait-il une résistance momentanée à la masse éruptive 7142_2432_000035 quelle que soit cette montagne dit-il enfin il y fait un peu chaud les explosions ne discontinuent pas et ce ne serait vraiment pas la peine d'être sortis d'une éruption pour recevoir un morceau de roc sur la tête descendons et nous saurons à quoi nous en tenir d'ailleurs je meurs de faim et de soif 7142_2432_000036 et ces montagnes bleues qui s'arrondissaient au levant c'étaient les montagnes de la calabre et ce volcan dressé à l'horizon du sud l'etna le farouche etna lui-même stromboli le stromboli répétai-je 7142_2432_000037 une odeur de gaz nitreux remplit l'atmosphère elle pénètre le gosier les poumons on étouffe pourquoi ne puis-je retirer mon pied il est donc rivé au radeau 7142_2432_000038 dans l'est un seul existait sous le quatre vingtième degré de latitude l'esk dans l'île de jean mayen non loin du spitzberg 7142_2432_000039 ses longs cheveux repoussés par l'ouragan et ramenés sur sa face immobile lui donnent une étrange physionomie car chacune de leurs extrémités est hérissée de petites aigrettes lumineuses 7142_2432_000040 voyage au centre de la terre par jules verne chapitre quarante trois oui affolée l'aiguille sautait d'un pôle à l'autre avec de brusques secousses parcourait tous les points du cadran et tournait comme si elle eût été prise de vertige 7142_2432_000041 je prends le parti de lui écrire ces mots amenons notre voile il me fait signe qu'il y consent sa tête n'a pas eu le temps de se relever de bas en haut qu'un disque de feu apparaît au bord du radeau 7142_2432_000042 un ouragan qu'on eût dit chassé d'un ventilateur immense activait les feux souterrains une dernière fois la figure de hans m'apparut dans un reflet d'incendie 7142_2432_000043 silence général le vent se tait la nature a l'air d'une morte et ne respire plus sur le mat où je vois déjà poindre un léger feu saint-elme la voile détendue tombe en plis lourds le radeau est immobile au milieu d'une mer épaisse et sans ondulations 7142_2432_000044 il a vu quelque chose dit mon oncle je le crois hans redescend puis étend son bras vers le sud en disant der ner là-bas répond mon oncle 7142_2432_000045 se montrait à notre égard prodigue de lumière et de chaleur et nous versait à flots une splendide irradiation quand mes yeux furent accoutumés à cet éclat dont ils avaient perdu l'habitude je les employai à rectifier les erreurs de mon imagination 7142_2432_000046 en parlant ainsi ainsi mon oncle demi-nu sa bourse de cuir autour des reins et dressant ses lunettes sur son nez redevint le terrible professeur de minéralogie 7142_2432_000047 la boule mi-partie blanche mi-partie azurée de la grosseur d'une bombe de dix pouces se promène lentement en tournant avec une surprenante vitesse sous la lanière de l'ouragan 7142_2432_000048 il vient des extrémités les plus reculées de la caverne l'obscurité redouble c'est à peine si je puis prendre quelques notes incomplètes le radeau se soulève il bondit mon oncle est jeté de son haut 7142_2432_000049 parfois une pelote de vapeurs encore éclairée rebondit sur ce tapis grisâtre et va se perdre bientôt dans la masse opaque évidemment l'atmosphère est saturée de fluide j'en suis tout imprégné mes cheveux se dressent sur ma tête comme aux abords d'une machine électrique 7142_2432_000050 nous étions donc dans la cheminée d'un volcan pas de doute à cet égard mais cette fois au lieu du sneffels ce volcan éteint il s'agissait d'un volcan en pleine activité je me demandai donc quelle pourrait être cette montagne et dans quelle partie du monde nous allions être expulsés 7142_2432_000051 ma foi dis-je avec un grand air de dédain il ne faut pas l'expliquer c'est plus facile par exemple un professeur au johannaeum qui ne trouverait pas la raison d'un phénomène cosmique ce serait une honte 7142_2432_000052 mes yeux sont éblouis par l'intensité de la lumière mes oreilles brisées par le fracas de la foudre il faut me retenir au mât qui plie comme un roseau sous la violence de l'ouragan 7142_2432_000053 de l'autre main il soutenait mon oncle je n'étais pas blessé grièvement mais brisé plutôt par une courbature générale je me vis couché sur le versant d'une montagne à deux pas d'un gouffre dans lequel le moindre mouvement m'eût précipité 7142_2432_000054 quel effet produisit sur mon imagination ce nom inattendu nous étions en pleine méditerranée au milieu de l'archipel éolien de mythologique mémoire dans l'ancienne strongyle ou éole tenait à la chaîne les vents et les tempêtes 7142_2432_000055 le professeur en parlant ainsi ne cessait de consulter son chronomètre il devait avoir encore raison dans ses pronostics bientôt le radeau fut repris d'un mouvement rapide et désordonné qui dura deux minutes à peu près et il s'arrêta de nouveau 7142_2432_000056 combien de fois se reproduisit cette manoeuvre je ne saurais le dire tout ce que je puis affirmer c'est qu'à chaque reprise du mouvement nous étions lancés avec une force croissante et comme emportés par un véritable projectile 7142_2432_000057 il fallut donc se résigner à passer pour des humbles naufragés c'était moins glorieux mais plus sûr chemin faisant j'entendais mon oncle murmurer mais la boussole la boussole qui marquait le nord comment expliquer ce fait 7142_2432_000058 eh bien réplique-t-il qu'est-ce que cela prouve contre ma doctrine rien dis-je d'un ton sec en voyant que je me heurte à un entêtement absolu néanmoins 7142_2432_000059 certes les cratères ne manquaient pas et ils se trouvaient assez spacieux pour vomir une armée tout entière mais lequel nous servirait d'issue c'est ce que je cherchais à deviner 7142_2432_000060 pendant les instants de halte on étouffait pendant les moments de projection l'air brûlant me coupait la respiration je pensai un instant à cette volupté de me retrouver subitement dans les régions hyperboréennes par un froid de trente degrés au-dessous de zéro 7142_2432_000061 en cet instant s'il ne partagea pas notre émotion bien naturelle il se laissa aller du moins à un mouvement d'expansion extraordinaire du bout de ses doigts il pressa légèrement nos deux mains et se mit à sourire 7142_2432_000062 vers le couchant des côtes éloignées s'arrondissaient sur l'horizon les unes des autres et se profilaient des montagnes bleues d'une harmonieuse conformation sur les autres les plus lointaines apparaissait un cône prodigieusement élevé au sommet duquel s'agitait un panache de fumée 7142_2432_000063 mais l'évidence se fait et il faut enfin contenir mon erreur il n'y a là qu'un phénomène naturel à mesure que nous approchons les dimensions de la gerbe liquide deviennent grandioses 7142_2432_000064 que voulez-vous dire une éruption axel une éruption dis-je nous sommes dans la cheminée d'un volcan en activité je le pense dit le professeur en souriant et c'est ce qui peut nous arriver de plus heureux 7142_2432_000065 bon fît mon oncle en observant l'heure dans dix minutes il se remettra en route dix minutes oui nous avons affaire à un volcan dont l'éruption est intermittente il nous laisse respirer avec lui 7142_2432_000066 sous les pâles rayons d'un ciel polaire au delà des latitudes les plus élevées et contrairement à toutes ces prévisions mon oncle l'islandais et moi nous étions étendus à mi flanc d'une montagne calcinée par les ardeurs du soleil qui nous dévorait de ses feux 7142_2432_000067 voyage au centre de la terre par jules verne chapitre trente-quatre mercredi dix-neuf aout heureusement le vent qui souffle avec force nous a permis de fuir rapidement le théâtre du combat 7142_2432_000068 marchons sur un granit mêlé de tuf siliceux le sol frissonne sous nos pieds comme les flancs d'une chaudière où se tord de la vapeur surchauffée il est brûlant nous arrivons en vue d'un petit bassin central d'où s'élève le geyser 7142_2432_000069 voyage au centre de la terre par jules verne chapitre quarante-quatre quand je rouvris les yeux je me sentis serré à la ceinture par la main vigoureuse du guide 7142_2432_000070 d'autres éclairs bifurquent ou prennent la forme de globes de feu qui éclatent comme des bombes le bruit général ne parait pas s'en accroître il a dépassé la limite d'intensité que peut percevoir l'oreille humaine et quand toutes les poudrières du monde viendraient à sauter ensemble nous ne saurions en entendre davantage 7142_2432_000071 même silence de l'enfant alors essayons de l'italien reprit mon oncle et il dit en cette langue dove noi siamo oui où sommes-nous répétai-je avec impatience l'enfant de ne point répondre 7142_2432_000072 le temps s'il est permis de s'exprimer ainsi va changer avant peu l'atmosphère se charge de vapeurs qui emportent avec elles l'électricité formée par l'évaporation des eaux salines les nuages s'abaissent sensiblement et prennent une teinte uniformément olivâtre 7142_2432_000073 j'ai le sentiment confus de détonations continues de l'agitation du massif de mouvements giratoires dont fut pris le radeau il ondula sur les flots de lave au milieu d'une pluie de cendres les flammes ronflantes l'enveloppèrent 7142_2432_000074 je croyais toucher à ma dernière heure et pourtant l'imagination est si bizarre que je me livrai à une recherche véritablement enfantine mais je subissais mes pensées je ne les dominais pas 7142_2432_000075 aux éclats du tonnerre se mêlent les jets étincelants de la foudre des éclairs sans nombre s'entrecroisent au milieu des détonations la masse des vapeurs devient incandescente les grêlons qui frappent le métal de nos outils ou de nos armes se font lumineux 7142_2432_000076 voyez voyez mon oncle m'écriai-je eh bien ce sont des flammes sulfureuses rien de plus naturel dans une éruption mais si elles nous enveloppent elles ne nous envelopperont pas mais si nous étouffons 7142_2432_000077 alors même que les êtres disséminés à sa surface ne soupçonnent pas son agitation ce phénomène ne m'aurait donc pas autrement effrayé ou du moins il n'eût pas fait naître dans mon esprit une idée terrible 7142_2432_000078 et sans doute geyser riposte mon oncle un geyser pareil à ceux de l'islande je ne veux pas d'abord m'être trompé si grossièrement avoir pris un îlot pour un monstre marin 7142_2432_000079 qu'il regarde fixement de mon oncle qui se précipite à genoux pour l'éviter de moi pâle et frissonnant sous l'éclat de la lumière et de la chaleur il pirouette près de mon pied que j'essaye de retirer je ne puis y parvenir 7142_2432_000080 dans un tourbillon de flammes et c'est ce qui peut nous arriver de plus heureux oui répondit le professeur en me regardant par-dessus ses lunettes car c'est la seule chance que nous ayons de revenir à la surface de la terre 7142_2432_000081 voyage au centre de la terre par jules verne chapitre trente-cinq vendredi vingt-et-un août le lendemain le magnifique geyser a disparu le vent a fraîchi et nous a rapidement éloignés de l'îlot axel les mugissements se sont éteints peu à peu 7142_2432_000082 mais d'autres faits certains détails sui generis ne purent me tromper plus longtemps les détonations se multipliaient avec une effrayante intensité je ne pouvais les comparer qu'au bruit que feraient un grand nombre de chariots entraînés rapidement sur le pavé c'était un tonnerre continu 7142_2432_000083 je reste pendant quelques minutes encore à contempler le geyser je remarque que son jet est irrégulier dans ses accès qu'il diminue parfois d'intensité puis reprend avec une nouvelle vigueur ce que j'attribue aux variations de pression des vapeurs accumulées dans son réservoir 7142_2432_000084 alors mettons le cap plus à l'ouest car nous savons à quoi nous en tenir sur le danger de rencontrer ces monstres antédiluviens laissons aller répond mon oncle je me retourne vers hans 7142_2432_000085 décidément le professeur n'était point un esprit contemplatif pour mon compte oubliant le besoin et les fatigues je serais resté à cette place pendant de longues heures encore mais il fallut suivre mes compagnons 7142_2432_000086 les éclairs ne discontinuent pas je vois des zigzags rétrogrades qui après un jet rapide reviennent de bas en haut et vont frapper la voûte de granit si elle allait s'écrouler 7142_2432_000087 une heure après avoir quitté le bois d'oliviers nous arrivions au port de san vicenzo où hans réclamait le prix de sa treizième semaine de service qui lui fut compté de chaleureuses poignées de main 7142_2432_000088 il faut donc chercher ailleurs la cause du phénomène j'interroge alors l'horizon pur et dégagé de toute brume son aspect n'a pas changé mais si ce bruit vient d'une chute d'une cataracte si tout cet océan se précipite dans un bassin inférieur 7142_2432_000089 chacun de nous s'attache également les flots passent par-dessus notre tête impossible de s'adresser une seule parole depuis trois jours nous ouvrons la bouche nous remuons nos lèvres il ne se produit aucun son appréciable 7142_2432_000090 mon oncle commença par le rassurer de son mieux et lui dit en bon allemand quel est le nom de cette montagne mon petit ami l'enfant ne répondit pas bon fit mon oncle nous ne sommes point en allemagne et il redit la même demande en anglais 7142_2432_000091 jeudi vingt août brise du nord nord est assez inégale température chaude nous marchons avec une vitesse de trois lieues et demie à l'heure 7142_2432_000092 elles donnent le sentiment de notre situation dimanche vingt trois août où sommes-nous emportés avec une incomparable rapidité 7142_2432_000093 je sentais les convulsions de la montagne qui respirait à la façon des baleines et rejetait de temps à autre le feu et l'air par ses énormes évents au-dessous et par une pente assez roide 7142_2432_000094 la terreur me prend je ne veux pas aller plus loin je couperai s'il le faut la drisse de la voile je me révolte contre le professeur qui ne me répond pas tout à coup hans se lève et montrant du doigt le point menaçant holme dit-il 7142_2432_000095 cependant nous montions toujours la nuit se passa donc dans ce mouvement ascensionnel les fracas environnants redoublaient j'étais presque suffoqué 7142_2432_000096 dans les régions septentrionales cela ne faisait aucun doute avant ses affolements la boussole n'avait jamais varié à cet égard depuis le cap saknussemm nous avions été entraînés directement au nord pendant des centaines de lieues or étions-nous revenus sous l'islande 7142_2432_000097 sans les bras de hans plus d'une fois je me serais brisé le crâne contre la paroi de granit je n'ai donc conservé aucun souvenir précis de ce qui se passa dans les heures suivantes 7142_2432_000098 le vide de se remplir et nous pauvres atomes nous allions être écrasés dans cette formidable étreinte mon oncle mon oncle m'écriai-je nous sommes perdus 7142_2432_000099 l'enfant ne répondit pas davantage j'étais très intrigué est-il donc muet s'écria le professeur qui très fier de son polyglottisme recommença la même demande en français 7142_2432_000100 ce n'était point l'aspect des régions arctiques il fallait bien en convenir lorsque le regard franchissait cette verdoyante enceinte il arrivait rapidement à se perdre dans les eaux d'une mer admirable ou d'un lac qui faisait de cette terre enchantée une île large de quelques lieues à peine 7142_2432_000101 dans ce cas il fallait se hâter de le dégager au plus vite il n'en était rien la colonne de cendres de scories de débris pierreux avait elle-même cessé de monter 7142_2432_000102 il y a une émission continue de lumière à la surface des nuages la matière électrique se dégage incessamment de leurs molécules évidemment les principes gazeux de l'air sont altérés des colonnes d'eau innombrables s'élancent dans l'atmosphère et retombent en écumant 7142_2432_000103 ah la chute de ce globe électrique a aimanté tout le fer du bord les instruments les outils les armes s'agitent en se heurtant avec un cliquet aigu les clous de ma chaussure adhèrent violemment à une plaque de fer incrustée dans le bois je ne puis retirer mon pied 7142_2432_000104 il est d'une humeur massacrante à voir l'océan se prolonger indéfiniment devant ses yeux il hausse les épaules à mes paroles nous aurons de l'orage dis-je en étendant la main vers l'horizon ces nuages s'abaissent sur la mer comme pour l'écraser 7142_2432_000105 enfin par un violent effort je l'arrache au moment où la boule allait le saisir dans son mouvement giratoire et m'entraîner moi-même si ah quelle lumière intense le globe éclate nous sommes couverts par des jets de flammes 7142_2432_000106 a-t-elle donc menti oh menti a moins que ceci ne soit le pôle nord le pôle non mais 7142_2432_000107 le radeau court invariablement vers le sud-est nous avons fait plus de deux cents lieues depuis l'îlot axel à midi la violence de l'ouragan redouble il faut lier solidement tout les objets composant la cargaison 7142_2432_000108 de sourdes détonations éclatent par instants et l'énorme jet pris de colères plus violentes secoue son panache de vapeurs en bondissant jusqu'à la première couche de nuages 7142_2432_000109 est-ce que l'éruption s'arrêterait m'écriai-je ah fît mon oncle les dents serrées tu le crains mon garçon mais rassure-toi ce moment de calme ne saurait se prolonger voilà déjà cinq minutes qu'il dure et avant peu nous reprendrons notre ascension vers l'orifice du cratère 7142_2432_000110 hans se hisse au sommet du mât mais ne signale aucun écueil l'océan est uni jusqu'à sa ligne d'horizon trois heures se passent les mugissements semblent provenir d'une chute d'eau éloignée 7142_2432_000111 où allons-nous mon oncle est couché tout de son long à l'extrémité du radeau la chaleur redouble je regarde le thermomètre il indique le chiffre est effacé 7142_2432_000112 à huit heures du soir nous ne sommes pas à deux lieues de lui son corps noirâtre énorme monstrueux s'étend dans la mer comme un îlot est-ce illusion est-ce effroi sa longueur me parait dépasser mille toises 7142_2432_000113 ces quelques poutres mal jointes offraient une surface solide un point d'appui qui nous eût manqué partout ailleurs vers huit heures du matin un nouvel incident se produisit pour la première fois le mouvement ascensionnel cessa tout à coup 7142_2432_000114 mais si nous ne marchons plus à quoi bon conserver cette toile qui ne peut nous mettre en perdition au premier choc de la tempête amenons la dis-je abattons notre mât cela sera plus prudent 7142_2432_000115 la nuit a été épouvantable l'orage ne se calme pas nous vivons dans un milieu de bruit une détonation incessante nos oreilles saignent on ne peut échanger une parole 7142_2432_000116 rien n'était plus vrai à la minute assignée nous fûmes lancés de nouveau avec une extrême rapidité il fallait se cramponner aux poutres pour ne pas être rejeté hors du radeau puis la poussée s'arrêta 7142_2432_000117 le talus du volcan offrait des pentes très raides nous glissions dans de véritables fondrières de cendres évitant les ruisseaux de lave qui s'allongeaient comme des serpents de feu 7142_2432_000118 son masque effrayant est celui d'un homme antédiluvien contemporain des ichthyosaures et des megatherium cependant le mât résiste la voile se tend comme une bulle prête à crever 7142_2432_000119 je ne voulais pas en croire mes regards mais la réelle cuisson dont mon corps était l'objet ne permettait aucun doute nous étions sortis à demi nus du cratère et l'astre radieux auquel nous n'avons rien demandé depuis deux mois 7142_2432_000120 il est seul ni fumerolles ni sources chaudes ne l'entourent et de toute la puissance volcanique se résume en lui les rayons de la lumière électrique viennent se mêler à cette gerbe éblouissante dont chaque goutte se nuance de toutes les couleurs du prisme accostons dit le professeur 7142_2432_000121 je me traîne jusqu'à lui il s'est fortement cramponné à un bout de câble et parait considérer avec plaisir ce spectacle des éléments déchaînés hans ne bouge pas 7142_2432_000122 vers quatre heures hans se lève se cramponne au mât et monte à son extrémité de là son regard parcourt l'arc de cercle que l'océan décrit devant le radeau et s'arrête à un point sa figure n'exprime aucune surprise mais son poil est devenu fixe 7142_2432_000123 mon oncle m'accompagnait de ses gestes et de ses paroles nous avions l'air de chanter un choeur ah quel voyage quel merveilleux voyage entrés par un volcan nous étions sortis par un autre et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du 7142_2432_000124 enfin nous partons en contournant les roches très accores du sud hans a profité de cette halte pour remettre le radeau en état mais avant de déborder je fais quelques observations pour calculer la distance parcourue et je les note sur mon journal 7142_2432_000125 mon oncle secoua doucement la tête un tremblement de terre fit-il oui mon garçon je crois que tu te trompes quoi vous ne reconnaissez pas ces symptômes d'un tremblement de terre non j'attends mieux que cela 7142_2432_000126 quelle est de cette nouvelle terreur me répondit-il avec un calme surprenant qu'as-tu donc ce que j'ai observez ces murailles qui s'agitent ce massif qui se disloque cette chaleur torride cette eau qui bouillonne ces vapeurs qui s'épaississent cette aiguille folle tous les indices d'un tremblement de terre 7142_2432_000127 et saisissant sa lunette il regarde attentivement pendant une minute qui me paraît un siècle oui oui s'écrie-t-il que voyez-vous une gerbe immense qui s'élève au-dessus des flots encore quelque animal marin 7142_2432_000128 de plus heureux mon oncle était-il devenu fou que signifiaient ces paroles pourquoi ce calme et ce sourire comment m'écriai-je nous sommes pris dans une éruption 7142_2432_000129 nous avons traversé la moitié du globe pour aboutir aux antipodes de l'europe mais la boussole répondit mon oncle oui la boussole dis-je d'un air embarrassé à l'en croire nous avons toujours marché au nord 7142_2432_000130 et à moins que ce pays ne fût un pays de voleurs nous étions faite de manière à effrayer ses habitants au moment ou le gamin allait prendre la fuite hans courut après lui et le ramena malgré ses cris et ses coups de pied 7142_2432_000131 je passe rapidement sur les mille idées qui se croisèrent dans mon cerveau mon oncle avait raison absolument raison et jamais il ne me parut ni plus audacieux ni plus convaincu qu'en ce moment où il attendait et supputait avec le calme les chances d'une éruption 7142_2432_000132 la fatalité nous a jetés sur le chemin des laves incandescentes des roches en feu des eaux bouillonnantes de toutes les matières éruptives nous allons être repoussés expulsés rejetés vomis lancés dans les airs avec les quartiers de rocs des pluies de cendres et de scories 7142_2432_000133 s'ouvrait le cratère d'un volcan par lequel s'échappait de quart d'heure en quart d'heure avec une très forte détonation une haute colonne de flammes mêlée de pierres ponces de cendres et de laves 7142_2432_000134 la sueur m'inondait sans la rapidité de l'ascension nous aurions été certainement étouffés cependant le professeur ne donna pas suite à sa proposition d'abandonner le radeau et il fit bien 7142_2432_000135 dans le nord une immense étendue d'eau étincelait sous les rayons solaires laissait poindre ça et là l'extrémité d'une mâture ou la convexité d'une voile gonflée au vent 7142_2432_000136 tout en descendant je causais avec volubilité car mon imagination était trop remplie pour ne point s'en aller en paroles nous sommes en asie m'écriai-je sur les côtes de l'inde dans les îles malaises en pleine océanie 7142_2432_000137 je ne veux pas croire aux menaces du ciel et cependant je ne puis m'empêcher de dire voilà du mauvais temps qui se prépare le professeur ne répond pas 7142_2432_000138 leur pesanteur est telle qu'ils ne peuvent se détacher de l'horizon mais au souffle des courants élevés ils se fondent peu à peu s'assombrissent et présentent bientôt une couche unique d'un aspect redoutable 7142_2432_000139 après un délicieux repas composé de fruits et d'eau fraîche nous nous remîmes en route pour gagner le port de stromboli dire comment nous étions arrivés dans l'île ne nous parut pas prudent l'esprit superstitieux des italiens n'eût pas manqué de voir en nous des démons vomis au sein des enfers 7142_2432_000140 au loin les nuages ressemblent à de grosses balles de coton amoncelées dans un pittoresque désordre peu à peu ils se gonflent et perdent en nombre ce qu'ils gagnent en grandeur 7142_2432_000141 puis tout s'éteint j'ai eu le temps de voir mon oncle étendu sur le radeau hans toujours à sa barre et crachant du feu sous l'influence de l'électricité qui le pénètre où allons-nous où allons-nous 7142_2432_000142 radeau file avec un emportement que je ne puis estimer mais moins vite encore que ces gouttes d'eau déplacées sous lui dont la rapidité fait des lignes droites et nettes la voile la voile dis-je en faisant signe de l'abaisser non répond mon oncle nej fait hans en remuant doucement la tête 7142_2432_000143 je n'eus plus d'autre sentiment que cette épouvante sinistre des condamnés attachés à la bouche d'un canon au moment où le coup part et disperse leurs membres dans les airs fin du chapitre quarante trois 7142_2432_000144 il était évident que nous étions rejetés par une poussée éruptive sous le radeau il y avait des eaux bouillonnantes et sous ces eaux toute une pâte de lave un agrégat de roches qui au sommet du cratère se disperseraient en tous les sens 7142_2432_000145 la colonne liquide avait effectivement disparu pour faire place à des matières éruptives assez denses quoique bouillonnantes la température devenait insoutenable et un thermomètre exposé dans cette atmosphère eût marqué plus de soixante-dix degrés 7142_2432_000146 les vagues soulevées semblent être autant de mamelons ignivomes sous lesquels couve un feu intérieur et dont chaque crête est empanachée d'une flamme 7142_2432_000147 hans est toujours au gouvernail mon oncle tiré de ses absorbantes idées par les incidents de ce combat retombe dans son impatiente contemplation de la mer le voyage reprend sa monotone uniformité que je ne tiens pas à rompre au prix des dangers d'hier 7142_2432_000148 même en se parlant à l'oreille on ne peut s'entendre mon oncle s'est approché de moi il a articulé quelques paroles je crois qu'il a dit nous sommes perdus je n'en suis pas certain 7142_2432_000149 ici mes notes de voyage deviennent très incomplètes je n'ai plus retrouvé que quelques observations fugitives et prises machinalement pour ainsi dire mais dans leur brièveté dans leur obscurité même elles sont empreintes de l'émotion qui me dominait et mieux que ma mémoire 7142_2432_000150 quelle jouissance ce fut de presser ces fruits savoureux sur nos lèvres et de mordre à pleines grappes dans ces vignes vermeilles non loin dans l'herbe à l'ombre délicieuse des arbres je découvris une source d'eau fraîche où notre figure et nos mains se plongèrent voluptueusement 7142_2432_000151 les nappes de matières éruptives s'étendaient à une profondeur de sept à huit cents pieds une hauteur de cent toises parmi lesquelles je distinguai des oliviers des figuiers et des vignes chargées de grappes vermeilles 7142_2432_000152 le chasseur leva les épaules en signe d'ignorance en islande dis-je nej répondit hans comment non s'écria le professeur hans se trompe dis-je en me soulevant 7142_2432_000153 la colonne d'eau projetée à une hauteur de cinq cents pieds retombe avec un bruit assourdissant nous courons en insensés vers cette masse puissante que cent baleines ne nourriraient pas pour un jour 7142_2432_000154 je savais bien que d'après les théories les plus acceptées l'écorce minérale du globe n'est jamais dans un état de repos absolu les modifications amenées par la décomposition des matières internes l'agitation provenant des grands courants liquides l'action du magnétisme tendent à l'ébranler incessamment 7142_2432_000155 mais il faut éviter avec soin cette trombe d'eau qui coulerait le radeau en un instant hans manoeuvrant adroitement nous amène à l'extrémité de l'îlot je saute sur le roc mon oncle me suit lestement tandis que le chasseur demeure à son poste comme un homme au-dessus de ces étonnements 7142_2432_000156 devions-nous être rejetés par le cratère de l'hécla ou par ceux des sept autres monts ignivomes de l'île dans un rayon de cinq cents lieues à l'ouest je ne voyais sous ce parallèle que les volcans mal connus de la côte nord-ouest de l'amérique 7142_2432_000157 si ces mugissements sont produits par une masse d'eau qui tombe le courant doit s'activer et sa vitesse croissante peut me donner la mesure du péril dont nous sommes menacés je consulte le courant il est nul une bouteille vide que je jette à la mer reste sous le vent 7142_2432_000158 de cet aride pays de l'islande jeté aux confins du monde les hasards de cette expédition nous avaient transportés au sein des plus harmonieuses contrées de la terre 7142_2432_000159 les rayons électriques peuvent à peine percer cet opaque rideau baissé sur le théâtre où va se jouer le drame des tempêtes je me sens particulièrement impressionné comme l'est sur terre toute créature à l'approche d'un cataclysme 7142_2432_000160 sommes-nous toujours sur la mer oui et emportés avec une vitesse incalculable nous avons passé sous l'angleterre sous la manche sous la france sous l'europe entière peut-être un bruit nouveau se fait entendre évidemment la mer qui se brise sur les rochers mais alors 579_2548_000000 port-royal sujet de conversation très bien porté pourpre mot plus noble que rouge 579_2548_000001 pérou pays où tout est en or peur donne des ailes 579_2548_000002 philosophie toujours en ricaner photographie détrônera la peinture voir daguerréotype 579_2548_000003 néologisme la perte de la langue française nerveux se dit à chaque fois qu'on ne comprend rien à une maladie cette explication satisfait l'auditeur 579_2548_000004 parallèle on ne doit choisir qu'entre les suivants césar et pompée horace et virgile voltaire et rousseau napoléon et charlemagne goethe et schiller bayard et 579_2548_000005 police a toujours tort ponsard seul poète qui ait eu du bon sens 579_2548_000006 paris la grande prostituée paradis des femmes enfer des chevaux parrain toujours le père du filleul 579_2548_000007 paganini n'accordait jamais son violon célèbre par la longueur de ses doigts pain on ne sait pas toutes les saletés qu'il y a dans le pain 579_2548_000008 palladium forteresse de l'antiquité palmier donne de la couleur locale palmyre une reine d'egypte des ruines on ne sait pas 579_2548_000009 pédérastie maladie dont tous les hommes sont affectés à un certain âge peinture sur verre le secret en est perdu 579_2548_000010 enregistré par christine dictionnaire des idées reçues de gustave flaubert lettre p 579_2548_000011 pucelle ne s'emploie que pour jeanne d'arc et avec d'orléans pudeur le plus bel ornement de la femme 579_2548_000012 pélican se perce les flancs pour nourrir ses petits emblème du père de famille penser pénible les choses qui nous y forcent sont généralement délaissées 579_2548_000013 paraphe plus il est compliqué plus il est beau parents toujours désagréables cacher ceux qui ne sont pas riches 579_2548_000014 nature que c'est beau la nature a dire chaque fois qu'on se trouve à la campagne navigateur toujours hardi 579_2548_000015 piano indispensable dans un salon pigeon ne doit se manger qu'avec des petits pois pipe pas comme il faut sauf aux bains de mer 579_2548_000016 philippe d'orléans égalité tonner contre encore une des causes de la révolution a commis tous les crimes de cette époque néfaste 579_2548_000017 professeur toujours savant progrès toujours mal entendu et trop hâtif 579_2548_000018 plante guérit toujours les parties du corps humain auxquelles elle ressemble plique polonaise si on coupe les cheveux ils saignent 579_2548_000019 normands croire qu'ils prononcent des hâvresâcs et les blaguer sur le bonnet de coton notaires maintenant ne 579_2548_000020 préoccupation est d'autant plus vive qu'étant profondément absorbé on reste immobile prêtres 579_2548_000021 promenade toujours faire une promenade après dîner ça facilite la digestion propriétaire les humains se divisent en deux classes les propriétaires et les locataires 579_2548_000022 pensionnat dites boarding school quand c'est un pensionnat de jeunes filles permuter le seul verbe conjugué par les militaires 579_2548_000023 nègre il faut parler nègre pour se faire comprendre d'un étranger quelle que soit sa nationalité s'emploie aussi dans le style télégraphique 579_2548_000024 navire on ne les construit bien qu'à bayonne nectar le confondre avec l'ambroisie 579_2548_000025 phaéton inventeur des voitures de ce nom phénix beau nom pour une compagnie d'assurances contre l'incendie 579_2548_000026 on devrait les châtrer couchent avec leurs bonnes et en ont des enfants qu'ils appellent leurs neveux c'est égal il y en a de bons tout de même 579_2548_000027 punch convient à une soirée de garçons source de délire eteindre les lumières quand on l'allume et ça produit des flammes fantastiques 579_2548_000028 panthéisme tonner contre absurde paradoxe se dit toujours sur le boulevards des italiens entre deux bouffées de cigarette 579_2548_000029 parties sont honteuses pour les uns naturelles pour les autres pauvres s'en occuper tient lieu de toutes les vertus 579_2548_000030 nègres s'étonner que leur salive soit blanche et de ce qu'ils parlent français nègresses plus chaudes que les blanches 579_2548_000031 noblesse la mépriser et l'envier noeud gordien a rapport à l'antiquité manière des anciens de nouer leur cravate 579_2548_000032 propriété une des bases de la société plus sacrée que la religion providence que deviendrons nous sans elle 579_2548_000033 poésie la est tout à fait inutile passée de mode poète synonyme noble de nigaud rêveur 579_2548_000034 nourritures toujours saine et abondante dans les collèges numismatique a rapport aux hautes sciences inspire un immense respect 579_2548_000035 paysages de peintres toujours des plats d'épinards pédantisme doit être bafoué si ce n'est quand il s'applique à des choses légères 579_2548_000036 nacelle tout batelet qui porte une femme viens dans ma nacelle nain raconter l'histoire du général tom pouce et si on lui a serré la main le dire avec orgueil 579_2548_000037 priapisme culte de l'antiquité principes toujours indiscutables on ne peut en dire ni la nature ni le nombre n'importe sont sacrés 579_2548_000038 popilius inventeur d'une espèce de cercle portefeuille en avoir un sous le bras donne l'air d'un ministre 579_2548_000039 pitié toujours s'en garder place toujours en demander une planètes toutes découvertes par m leverrier 579_2548_000040 naples si vous causez avec des savants dire parthénope voir naples et mourir voir yvetot narines relevées signe de lubricité 579_2548_000041 pradon ne pas lui pardonner d'avoir été l'émule de racine pragmatique sanction on ne sait pas ce que c'est pratique supérieure à la théorie 579_2548_000042 prose plus facile à faire que les vers pruneaux tiennent le ventre libre publicité source de fortune 4937_2928_000000 le seize août une sorte d'avantage remporté par bazaine à borny et grandi à dessein par le gouvernement afin de le brandir devant la crédulité populaire semblait retarder encore la marche de l'armée française 4937_2928_000001 on savait que quatre mille cadavres et le reste prisonnier c'était tout ce qui restait du corps d'armée de frossard on savait les prussiens établis en france mais plus terrible était la situation plus grands étaient les courages la république fermerait les plaies grandirait les âmes 4937_2928_000002 l'impression en fut si grande que le vieux guillaume s'écria ô les braves gens la boucherie fut telle que la ville et les champs environnants étaient couverts de cadavres à ce lac de sang les empereurs de france et d'allemagne eussent pu largement étancher leur soif 4937_2928_000003 il y avait dans l'armée même quelques officiers républicains l'un d'eux nathaniel rossel écrivait à son père en ce même quatorze août où l'on tenta de proclamer la république à paris la lettre suivante conservée dans ses papiers posthumes 4937_2928_000004 c'en est fait désormais on ne pourra jamais remuer que la cendre de la légende impériale il semble sur le vallon de sedan voir pareille à un vol de fantômes passer la fête impériale menée avec les dieux d'offenbach par l'orchestre railleur de la belle hélène tandis que spectral monte l'océan des morts 4937_2928_000005 le seize l'armée avait passé la moselle et trouvait l'ennemi devant elle aussitôt je fus débarrassé de mon service les convois de blessés qui arrivaient annonçaient une grande bataille 4937_2928_000006 les combats de gravelotte rézonville vionville mars-la-tour furent les derniers avant la jonction des deux armées prussiennes qui entourèrent d'un demi-cercle l'armée française bientôt le cercle allait se fermer le gouvernement continuait à annoncer des victoires 4937_2928_000007 à metz je n'ai pas tardé à reconnaître l'incapacité de nos chefs généraux et états-majors incapacité sans remède confessée par toute l'armée et comme j'ai l'habitude de pousser les déductions jusqu'au bout je rêvais avant même le quatorze au moyen d'expulser toute cette clique 4937_2928_000008 nous nous promenions devant ces hôtels bruyants de la rue des clercs remplis à toute heure de chevaux de voitures d'intendants couverts de galons et de tout le et de tout le tumulte d'un état-major insolent et viveur 4937_2928_000009 les blanquistes surtout croyaient pouvoir proclamer la république avant que l'empire vermoulu s'écroulât de lui-même pour cela il fallait des armes et comme on n'en avait pas assez on voulut commencer par prendre la caserne des pompiers boulevard de la villette au cent quarante et un je crois dont on aurait pris les armes 4937_2928_000010 les prisonniers de sedan furent conduits en allemagne six mois après la commission d'assainissement des champs de bataille fit déblayer les fossés dans lesquels à la hâte les morts avaient été entassés on versa sur eux de la poix et à l'aide de bois de mélèze on alluma un bûcher 4937_2928_000011 les mélodieuses voix allemandes toutes pleines de rêve planèrent inconscientes sur le sang versé napoléon iii ne voulut pas la déchéance du désespoir il se rendit et avec lui plus de quatre-vingt mille hommes les armes les drapeaux cent mille chevaux six cent cinquante pièces de canon 4937_2928_000012 comme il y allait surtout de la tête de nos amis eudes et brideau j'avoue pour ma part n'avoir voulu rendre aucune de ces signatures sur les listes qui m'étaient confiées nous fûmes chargées adèle esquiros andré leo et moi de porter le volumineux dossier chez le gouverneur de paris c'était le général trochu 4937_2928_000013 on espérait nous chasser poliment mais après nous être assises sur une de banquettes nous déclarâmes que nous venions de la part du peuple de paris pour remettre en mains propres au général trochu des papiers dont il fallait qu'il eût connaissance 4937_2928_000014 ces bruits de victoires rendirent plus facile la condamnation à mort d'eudes et de brideau certains radicaux eux-mêmes appelèrent bandits les héros de la villette gambetta avait tout d'abord proposé contre eux l'exécution immédiate et sans jugement 4937_2928_000015 le complot de la villette fut pendant quelque temps à l'ordre du jour de la terreur bourgeoise les révolutionnaires cependant n'étaient pas les seuls à juger la situation et les hommes à leur juste valeur 4937_2928_000016 nous examinions les entrées comment étaient placées les portes et comment avec cinquante hommes résolus on pouvait enlever ces gaillards-là et nous cherchions ces cinquante hommes et nous n'en avons pas trouvé dix 4937_2928_000017 la république ce n'était point assez de vivre pour elle on y voulait mourir c'est dans ces aspirations que le quatorze août soixante dix eut lieu l'affaire de la villette 4937_2928_000018 le deux septembre dans la brume du soir l'armée victorieuse debout sur les hauteurs chanta un cantique d'actions de grâces au dieu des armées qu'invoquaient également bonaparte et trochu 4937_2928_000019 tandis que les victoires par dépêches continuaient sonnaient leurs troupes sur toutes les défaites on eût exécuté eudes et brideau sans les retards apportés à cette exécution par une lettre de michelet couverte de milliers de signatures protestant contre cette criminelle mesure 4937_2928_000020 j'ai rarement éprouvé un plus grand serrement de cœur qu'en voyant les dernières chances qui nous restaient aussi honteusement abandonnées car chaque fois qu'on se battait je reprenais confiance 4937_2928_000021 le quatorze août vers le soir nous vîmes du haut des remparts de serpenoise l'horizon depuis saint-julien jusqu'à queuleu illuminé de feux de la bataille 4937_2928_000022 on a depuis attribué à gallifet ce que fit baufremont pour diminuer l'inoubliable horreur de l'égorgement de paris nous savons que gallifet était à sedan puisqu'il y ramassa le chapeau à plumes blanches de margueritte cela ne fait absolument rien au sang dont il est couvert et qui ne s'effacera jamais 4937_2928_000023 ceux de montmartre arrivés tard vinrent sur le boulevard désert dont les volets étaient fermés avec bruit la voiture dans laquelle avaient été jetés eudes et brideau prisonniers entourée de mouchards et d'imbéciles qui criaient aux prussiens tout était fini pour cette fois encore mais l'occasion reviendrait 4937_2928_000024 ce secrétaire ne semblait pas hostile à ce que nous demandions et il trouva naturelles les précautions prises par nous le temps pressait et malgré l'assurance du secrétaire que le gouverneur de paris avait un grand respect pour la volonté populaire nous vivions en continuelle crainte d'apprendre l'exécution faite tout à coup 4937_2928_000025 le malheureux lebœuf chercha dit-on à se faire tuer et réussit seulement à faire tuer sottement beaucoup de braves gens j'allai le soir du trente-et-un voir la bataille du au fort de saint julien 4937_2928_000026 et le lendemain premier septembre à la queue du champ de bataille j'y rencontrai en particulier saillard devenu chef d'escadron qui attendait avec deux batteries le moment de s'engager 4937_2928_000027 ce n'était pas chose facile d'y parvenir mais on avait eu raison de compter sur l'audace féminine plus on nous disait qu'il était impossible de pénétrer chez le gouverneur plus nous avancions 4937_2928_000028 je courus à cheval par moulins et châtel jusqu'au plateau de gravelotte où j'assistai à une partie de l'action à côté d'une batterie de mitrailleuses magnifiquement commandée j'ai revu une fois depuis le jour de la capitulation le capitaine de cette batterie 4937_2928_000029 celui-ci entra en pourparlers avec nous dit que trochu était absent il avait l'ordre de recevoir à sa place ce qui était adressé au général il voulut bien consigner sur un registre le dépôt du dossier que nous lui remîmes après des preuves que nous n'étions pas trompés 4937_2928_000030 nous parvînmes à entrer d'assaut dans une sorte d'antichambre entourée de banquettes appuyées contre les murs au milieu une petite table couverte de papiers là attendaient d'ordinaire ceux qui voulaient voir le gouverneur nous étions seules 4937_2928_000031 j'en avais imaginé pour cela qui ne seraient pas impraticables je me rappelle que le soir avec mon camarade x esprit généreux et résolu qui était tout à fait gagné à mes idées 4937_2928_000032 dans quelques accès de délire impérialiste une armée allemande descendant la meuse les français se replièrent sur sedan on lit à ce propos dans le rapport officiel du général ducrot celui qui ne devait rentrer que mort ou victorieux mais ne fut ni l'un ni l'autre 4937_2928_000033 quelques pièces avaient trente coups à tirer d'autres six mais la plupart manquaient d'écouvillons le premier septembre les français furent enveloppés et broyés comme en un creuset par l'artillerie allemande qui occupait les hauteurs 4937_2928_000034 j'ai eu depuis le début de la guerre des aventures étranges et assez nombreuses mais un trait particulier qui t'étonnera c'est que je n'ai jamais été envoyé au feu j'y suis allé quelquefois mais pour mon seul agrément et j'ai couru peu de dangers 4937_2928_000035 n'était-ce pas une chose étrange que ces hommes inconnus les uns aux autres songeant à la fois à la même heure néfaste où les despotes achèveraient leur œuvre les uns à proclamer la république libératrice les autres à débarrasser l'armée des états-majors insolents et viveurs de l'empire 4937_2928_000036 cette place de sedan avait son importance stratégique puisque se ralliant à tous par mézières et l'embranchement d'huson elle était l'unique moyen de ravitaillement d'une armée opérant par le nord sur metz était à peine à l'abri d'un coup de main ni vivres ni munitions ni approvisionnements d'aucune sorte 4937_2928_000037 un tel vent d'effroi passait sur paris pendant cette dernière phase de l'agonie impériale que plusieurs de ceux qui avaient d'abord avec enthousiasme donné leur signature venaient la redemander il y allait disaient-ils de leur tête 4937_2928_000038 ces mots de la part du peuple firent un peu réfléchir on n'osait pas nous jeter dehors et la douceur fut employée pour nous faire déposer notre dossier sur la table cela fut impossible à obtenir de nous l'un de ceux qui étaient là se détacha alors et revint avec un individu qu'on nous dit être le secrétaire de trochu 4937_2928_000039 lendemain le blocus fut complété je n'en continuai pas moins à chercher des ennemis à ces ineptes généraux le trente et un août et le premier septembre ils essayèrent de livrer une bataille et ne savaient même pas engager leurs troupes 4937_2928_000040 la république seule pouvait délivrer la france de l'invasion la laver des vingt ans d'empire qu'elle avait subis ouvrir toutes grandes les portes de l'avenir fermées par des monceaux de cadavres 4937_2928_000041 sur les débris pour que tout fût consumé on jeta de la chaux vive elle fut ces années-là la chaux vive une terrible mangeuse d'hommes 4937_2928_000042 dans montmartre belleville au quartier latin les esprits révolutionnaires et par dessus tous les autres les blanquistes criaient aux armes on savait l'écrasement dont le gouvernement n'avouait qu'une seule chose la charge des cuirassiers 4937_2928_000043 un pompier a-t-on dit avait été tué il n'était que blessé et l'a fait connaître lui-même depuis le poste était nombreux bien armé la police prévenue on ne sait comment tomba sur les révolutionnaires 4937_2928_000044 le dix-huit j'allai encore le soir voir la bataille quand je rencontrai le général grenier il en revenait ayant perdu sa division qui se débandait tranquillement ayant combattu sept heures sans être relevé 4937_2928_000045 il y avait le premier hussard et le sixième chasseur brigade tillard les premiers deuxièmes et quatrièmes chasseurs d'afrique brigade marguerite ce fut horrible et beau c'est ce qu'on appelle la charge de sedan 4937_2928_000046 l'empire était fini et si profondément enseveli que rien jamais n'en peut revenir l'homme de décembre aboutissant à l'homme de sedan entraînait avec lui toute la dynastie 4937_2928_000047 je n'ai ni infirmiers ni ouvriers d'administration ni caissons d'ambulances ni foins de campagne ni trains ni instruments de pesage et à la quatrième division de cavalerie je n'ai pas même un fonctionnaire 4937_2928_000048 et que les vieilles culottes de peau nommaient par avance napoléon quatre ramassait niaisement des balles dans les champs après la bataille à l'âge où tant d'héroïques enfants combattirent comme des hommes aux jours de mai le grotesque se mêlait à l'horrible 4937_2928_000049 major général à guerre paris metz le vingt-sept juillet dix-huit cent soixante-dix une heure et quart du soir les détachements qui rejoignent l'armée continuent à arriver sans cartouches et sans campement 4937_2928_000050 c'était l'armée de frédéric de prusse quand il y eut environ cent vingt mille hommes traînant quatre cents canons ils attaquèrent défonçant les deux ailes des français à la fois 4937_2928_000051 vous aurez peine à croire qu'à strasbourg dans ce grand arsenal de l'est il a été impossible de trouver des aiguilles des rondelles et des têtes mobiles pour nos fusils la première chose que ils que nous disaient les commandants de batteries de mitrailleuses c'était qu'il faudrait ménager les munitions parce qu'il n'y en avait pas 4937_2928_000052 pendant que ces dépêches alors secrètes étaient échangées la poignée d'hommes disséminés sur l'étendue des frontières disparaissait sous le nombre des soldats de guillaume 4937_2928_000053 major général à guerre paris metz le vingt neuf juillet dix huit cent soixante dix cinq heures trente six du matin je manque de biscuits pour marcher en avant 4937_2928_000054 il manque à verdun comme approvisionnements vins eau-de-vie sucre et café lard légumes secs viande fraîche prière de prévoir d'urgence pour les quatre mille hommes mobiles sans armes 4937_2928_000055 à froeschwiller mac-mahon appuyé d'un côté sur reichshoffen de l'autre sur elsanhaussen attendait paisiblement de failly qui ne venait pas sans s'apercevoir que peu à peu par insignifiantes poignées des soldats prussiens montaient s'entassant dans la plaine 4937_2928_000056 thionville ce vingt quatre juillet dix huit cent soixante dix neuf heures douze du matin le quatrième corps n'a encore ni cantines ni ambulances ni voitures d'équipages pour les corps et les états-majors tout est complètement dégarni l'incroyable oubli continue 4937_2928_000057 mac mahon fut ainsi surpris avec quarante mille hommes alors comme jadis les cuirassiers se sacrifièrent c'est ce qu'on appelle la charge de reichshoffen 4937_2928_000058 le grand état-major général accuse deux cent quarante trois mille cent soixante et onze hommes au premier août dix huit cent soixante dix l'organisation matérielle était incomplète les commandants de corps d'armée n'avaient encore connaissance d'aucun plan de campagne 4937_2928_000059 qu'aux jours d'émeute pour mitrailler et qui en temps de paix ne figurait que sur les registres du ministère de la guerre fut équipée paris apprenait on ne sait comment qu'un certain général n'avait pu trouver ses troupes 4937_2928_000060 la déclaration sur la situation par le général frossard ne laisse aucun doute l'effectif total atteignait dit-il à peine deux cent mille hommes au commencement après l'arrivée des contingents divers il put s'élever à deux cent cinquante mille mais ne dépassa jamais ce chiffre 4937_2928_000061 le six l'ordre ayant été donné de faire sauter un pont il ne s'est pas trouvé de poudre de laine dans tout le corps d'armée ni au génie ni à l'artillerie 4937_2928_000062 le sentiment populaire était avec eux devinant sous les impostures officielles la vérité qui depuis éclata au grand jour de la publication des dépêches officielles dans l'enquête officielle sur la guerre de soixante et onze apparaît la vérité telle qu'on la jugeait à travers tout 4937_2928_000063 mais personne ne pouvait croire cette plaisanterie il fallut bien longtemps plus tard reconnaître que la chose était vraie en lisant dans l'enquête sur la guerre de soixante-dix général michel à guerre paris 4937_2928_000064 le même jour à forbach défaite du deuxième corps la débâcle allait vite les dépêches se succédaient lamentables général subdivision à général division metz verdun sept août dix-huit cent soixante-dix cinq heures quarante-cinq minutes du soir 4937_2928_000065 rien ne pouvait être envoyé comme le prouve ce qui suit intendant sixième corps à guerre paris camp de châlons le huit août dix-huit-cent-soixante-dix dix heures cinquante-deux minutes matin 4937_2928_000066 lorsqu'on eut déclaré la guerre à la prusse aucune des villes voisines de la frontière allemande ne possédait l'armement convenable surtout en fait d'affûts les pièces rayées les canons nouveaux y étaient rares il en était de même pour les munitions et les vivres les approvisionnements de toutes sortes 4937_2928_000067 il paraît positif que les prussiens sont déjà maîtres de tous les défilés de la forêt noire dans les premiers jours d'août moins de deux cent vingt mille hommes gardaient les frontières la garde mobile dont jusqu'alors on n'avait fait usage 4937_2928_000068 demain il y aura à peine cinquante hommes pour garder la place de neuf brissac et le fort mortier la petite pierre et lichlemberg sont également dégarnis c'est la conséquence des ordres que nous exécutons 4937_2928_000069 j'ai vu hier soir l'empereur à saint-cloud rien n'est encore arrêté sur les opérations que doit entreprendre l'armée française il semble cependant que l'on penche vers un mouvement offensif en avant du troisième corps 4937_2928_000070 suis arrivé à belfort pas trouvé ma brigade pas trouvé général de division que dois-je faire sais pas où sont mes régiments toujours d'après les dépêches officielles 4937_2928_000071 ou peut-être de concert avec eugénie qui appelait sa guerre cette désastreuse suite de défaites implorait quelque madone andalouse le jeune bonaparte que nous appelions le petit badingue 4937_2928_000072 c'est à ce moment même que rouher disait à son souverain grâce à vos soins sire la france est prête presque aussitôt on s'aperçut qu'il n'y avait rien de prêt pas la dixième partie du nécessaire 4937_2928_000073 nous savions seulement que nous allions nous trouver en présence de forces allemandes d'environ deux cent cinquante mille hommes pouvant en très peu de temps être portées au double on lit dans les forteresses françaises pendant la guerre de dix cent soixante-dix par le lieutenant-colonel prévost un témoignage non moins terrible 4937_2928_000074 il n'y a à metz ni sucre ni café ni riz ni eau-de-vie ni sel peu de lard et de biscuit envoyez d'urgence au moins un million de rations sur thionville 4937_2928_000075 c'est pourquoi dès le commencement toutes les défaites s'appelaient des victoires alors ceux qui sous l'assommade avaient crié la paix la paix ceux qui avaient écrit on n'ira pas à berlin en promenade militaire se levèrent ne voulant pas de l'invasion 4937_2928_000076 colonel directeur parc troisième corps à directeur artillerie ministère de la guerre paris les munitions de canons à balles n'arrivent pas 4937_2928_000077 en effet à la bataille du sept les batteries de mitrailleuses et autres ont quitté pendant longtemps le champ de bataille pour aller chercher de nouvelles provisions au parc de réserve lequel lui-même était assez pauvre 4937_2928_000078 metz dix neuf juillet dix huit cent soixante dix le général de failly me prévient que le dix septième bataillon de son corps d'armée sont arrivés et je transcris ci-après sa dépêche qui a un caractère d'urgence 4937_2928_000079 quarante mille prussiens suivaient les bords de la lauter et rencontraient des bandes éparses qu'ils broyaient en passant c'était la division du général douay 4937_2928_000080 le maréchal bazaine au général ladimrault à thionville boulet trente juillet dix huit cent soixante dix vous avez reçu la feuille de renseignements numéro cinq par laquelle on vous avise des grands mouvements de troupes sur la sarre et de l'arrivée du roi de prusse à coblence 4937_2928_000081 intendant troisième corps à guerre metz le vingt-quatre juillet dix-huit-cent-soixante-dix sept heures du soir le troisième corps quitte demain 4937_2928_000082 la série se continue en juillet et août sans interruption y eut-il fatalité affolement ignorance les dépêches avouent l'incurie 4937_2928_000083 on trouve dans les ouvrages du général de palikao cette lettre d'un officier général dès mon arrivée à strasbourg il y a environ douze jours j'ai été frappé de l'insuffisance de l'administration et de l'artillerie 4937_2928_000084 voici quels étaient les renseignements envoyés des provinces de l'est au ministre de la guerre lequel assurait que pas un bouton de guêtres ne manquait à l'armée et faisait bon marché des réclamations 4937_2928_000085 le vingt juillet suivant l'intendant général blondeau directeur administratif de la guerre écrivait à paris metz le vingt juillet dix huit cent soixante dix neuf heures cinquante du matin 4937_2928_000086 je reçois de l'intendant en chef de l'armée du rhin la demande cinq cent mille de rations de vivres de campagne je n'ai pas une ration de biscuit ni de vivres de campagne à l'exception du sucre et du café 4937_2928_000087 aucunes ressources point d'argent dans les caisses ou dans les corps je réclame de l'argent sonnant nous avons besoin de tout sous tous les rapports envoyez des voitures pour les états majors personne n'en a envoyez aussi les cantines d'ambulance 4937_2928_000088 sous-intendant à guerre sixième division bureau des subsistances paris mézières vingt cinq juillet dix huit cent soixante dix neuf heures vingt minutes du matin il n'existe aujourd'hui dans la place de mézières ni biscuits ni salaisons 4937_2928_000089 les envois demandés d'urgence par le général blondeau le vingt juillet n'étaient pas arrivés à thionville le vingt-quatre état de choses attesté par le général commandant le quatrième corps du major général à paris 4193_3103_000000 il affecte sensiblement la forme d'un cigare forme déjà adoptée à londres dans plusieurs constructions du même genre la longueur de ce cylindre de tête en tête est exactement de soixante-dix mètres et son bau à sa plus grande largeur est de huit mètres 4193_3103_000001 ce qui revient à dire qu'entièrement immergé il déplace ou pèse quinze cents mètres cubes ou tonneaux lorsque j'ai fait les plans de ce navire destiné à une navigation sous-marine j'ai voulu qu'en équilibre dans l'eau il plongeât des neuf dixièmes et qu'il émergeât d'un dixième seulement 4193_3103_000002 en arrière de la cage du timonier est placé un puissant réflecteur électrique dont les rayons illuminent la mer à un demi-mille de distance ah bravo trois fois bravo capitaine je m'explique maintenant cette phosphorescence du prétendu narval qui a tant intrigué les savants 4193_3103_000003 ou s'enfonce suivant une diagonale aussi allongée qu'il me convient ou remonte suivant cette diagonale et même si je veux revenir plus rapidement à la surface j'embraye l'hélice 4193_3103_000004 or si l'eau n'est pas absolument incompressible elle est du moins très peu compressible en effet d'après les calculs les plus récents cette réduction n'est que de quatre cent trente-six dix millionièmes par atmosphère ou par chaque trente pieds de profondeur 4193_3103_000005 les cloisons et les étrésillons intérieurs ont un poids de neuf-cent-soixante-et-un tonneaux soixante-deux centièmes qui ajoutés aux trois-cent-quatre-vingt-quatorze tonneaux et quatre-vingt-seize centièmes forment le total exigé de treize cent cinquante-six tonneaux et quarante-huit centièmes est-ce entendu 4193_3103_000006 aptes à prendre toutes les positions et qui se manoeuvrent de l'intérieur au moyen de leviers puissants ces plans sont-ils maintenus parallèles au bateau celui-ci se meut horizontalement sont-ils inclinés le nautilus suivant la disposition de cette inclinaison et sous la poussée de son hélice 4193_3103_000007 fixé sur l'arrière de l'étambot et qu'une roue et des palans font agir mais je puis aussi mouvoir le nautilus de bas en haut et de haut en bas dans un plan vertical au moyen de deux plans inclinés attachés à ses flancs sur son centre de flottaison plans mobiles 4193_3103_000008 pas de déformation à craindre car la double coque de ce bateau a la rigidité du fer pas de gréement que le roulis ou le tangage fatiguent pas de voiles que le vent emporte pas de chaudières que la vapeur déchire pas d'incendie à redouter puisque cet appareil est fait de tôle et non de bois 4193_3103_000009 le timonier est placé dans une cage vitrée qui fait saillie à la partie supérieure de la coque du nautilus et que garnissent des verres lenticulaires des verres capables de résister à de telles pressions 4193_3103_000010 parfaitement le cristal fragile au choc offre cependant une résistance considérable dans des expériences de pêche à la lumière électrique faites en mille huit cent soixante quatre 4193_3103_000011 il me suffit de chasser cette eau et de vider entièrement tous les réservoirs si je désire que le nautilus émerge du dixième de sa capacité totale à ces raisonnements appuyés sur des chiffres je n'avais rien à objecter 4193_3103_000012 que vous puissiez affleurer la surface de l'océan je le comprends mais plus bas en plongeant au-dessous de cette surface votre appareil sous-marin ne va-t-il pas rencontrer une pression 4193_3103_000013 ceci m'amène naturellement à vous dire comment se manoeuvre le nautilus je suis impatient de l'apprendre pour gouverner ce bateau sur tribord sur bâbord pour évoluer en un mot suivant un plan horizontal je me sers d'un gouvernail ordinaire à large safran 4193_3103_000014 ces deux coques sont fabriquées en tôle d'acier dont la densité par rapport à l'eau est de sept huit dixièmes la première n'a pas moins de cinq centimètres d'épaisseur et pèse trois-cent-quatre-vingt-quatorze tonneaux quatre-vingt-seize centièmes 4193_3103_000015 pas de charbon qui s'épuise puisque l'électricité est son agent mécanique pas de rencontre à redouter puisqu'il est seul à naviguer dans les eaux profondes pas de tempête à braver puisqu'il trouve à quelques mètres au-dessous des eaux l'absolue tranquillité 4193_3103_000016 il y a très peu de travail à dépenser pour atteindre les basses régions de l'océan car les corps ont une tendance à devenir fondriers suivez mon raisonnement 4193_3103_000017 enregistré par eathen rampton vingt mille lieues sous les mers par jules verne première partie chapitre treize quelques chiffres un instant après nous étions assis sur un divan du salon le cigare aux lèvres 4193_3103_000018 or les verres dont je me sers n'ont pas moins de vingt et un centimètres à leur centre c'est-à-dire trente fois cette épaisseur admis capitaine nemo mais enfin pour voir il faut que la lumière chasse les ténèbres et je me demande comment au milieu de l'obscurité des eaux 4193_3103_000019 il n'est donc pas construit tout à fait au dixième comme vos steamers d'une grande marche mais ses lignes sont suffisamment longues et sa coulée assez prolongée pour que l'eau déplacée s'échappe aisément et n'oppose aucun obstacle à sa marche 4193_3103_000020 ah commandant m'écriai-je avec conviction c'est vraiment un merveilleux bateau que votre nautilus oui monsieur le professeur répondit avec une véritable émotion le capitaine nemo 4193_3103_000021 je vous écoute capitaine lorsque j'ai voulu déterminer l'accroissement de poids qu'il faut donner au nautilus pour l'immerger je n'ai eu à me préoccuper que de la réduction du volume que l'eau de mer éprouve à mesure que ses couches deviennent de plus en plus profondes c'est évident répondis-je 4193_3103_000022 alors il m'est permis de croire que le prix de revient de ce bâtiment est excessif monsieur aronnax un navire en 4193_3103_000023 j'admets vos calculs capitaine répondis-je et j'aurais mauvaise grâce à les contester puisque l'expérience leur donne raison chaque jour mais je pressens actuellement en présence une difficulté réelle laquelle monsieur 4193_3103_000024 son bordé ne peut céder il adhère par lui-même et non par le serrage des rivets et l'homogénéité de sa construction due au parfait assemblage des matériaux lui permet de défier les mers les plus violentes 4193_3103_000025 le capitaine mit sous mes yeux une épure qui donnait les plan coupe et élévation du nautilus puis il commença sa description en ces termes voici monsieur aronnax les diverses dimensions du bateau qui vous porte c'est un cylindre très allongé à bouts coniques 4193_3103_000026 et je l'aime comme la chair de ma chair si tout est danger sur un de vos navires soumis aux hasards de l'océan si sur cette mer la première impression est le sentiment de l'abîme comme l'a si bien dit le hollandais jansen au-dessous et à bord du nautilus le coeur de l'homme n'a plus rien à redouter 4193_3103_000027 mais repris-je ces morceaux ainsi fabriqués il a fallu les monter les ajuster monsieur le professeur j'avais établi mes ateliers sur un îlot désert en plein océan 4193_3103_000028 c'est entendu répondis-je donc reprit le capitaine lorsque le nautilus se trouve à flot dans ces conditions il émerge d'un dixième or si j'ai disposé des réservoirs d'une capacité égale à ce dixième soit d'une contenance de cent cinquante tonneaux et soixante-douze centièmes 4193_3103_000029 chacun de ses morceaux monsieur aronnax m'est arrivé d'un point différent du globe et sous une destination déguisée sa quille a été forgée au creusot son arbre d'hélice chez pen et compagnie de londres les plaques de tôle de sa coque chez leard de liverpool 4193_3103_000030 il faut que les pompes vainquent cette pression de cent atmosphères qui est de cent kilogrammes par centimètre carré de là une puissance que l'électricité seule pouvait me donner se hâta de dire le capitaine nemo 4193_3103_000031 d'ailleurs je ne me sers des réservoirs supplémentaires que pour atteindre des profondeurs moyennes de quinze cent à deux mille mètres et cela dans le but de ménager mes appareils 4193_3103_000032 et la pression des eaux fait remonter verticalement le nautilus comme un ballon qui gonflé d'hydrogène s'élève rapidement dans les airs bravo capitaine m'écriais-je mais comment le timonier peut-il suivre la route que vous lui donnez au milieu des eaux 4193_3103_000033 au milieu des mers du nord on a vu des plaques de cette matière sous une épaisseur de sept millimètres seulement résister à une pression de seize atmosphères tout en laissant passer de puissants rayons calorifiques qui lui répartissaient inégalement la chaleur 4193_3103_000034 aussi lorsque la fantaisie me prend de visiter les profondeurs de l'océan à deux ou trois lieues au-dessous de sa surface j'emploie des manoeuvres plus longues mais non moins infaillibles lesquelles capitaine demandai-je 4193_3103_000035 monsieur le professeur j'en suis fâché pour l'un des meilleurs navires de cette brave marine américaine mais on m'attaquait et j'ai dû me défendre je me suis contenté toutefois de mettre la frégate hors d'état de me nuire elle ne sera pas gênée de réparer ses avaries au port le plus prochain 4193_3103_000036 par conséquent il ne devait déplacer dans ces conditions que les neuf dixièmes de son volume soit treize cent cinquante six mètres cubes et quarante huit centièmes c'est-à-dire ne peser que ce même nombre de tonneaux j'ai donc dû ne pas dépasser ce poids en le construisant suivant les dimensions susdites 4193_3103_000037 j'ouvre des robinets ils se remplissent et le bateau s'enfonçant vient affleurer la surface de l'eau bien capitaine mais nous arrivons alors à la véritable difficulté 4193_3103_000038 a ce propos je vous demanderai si l'abordage du nautilus et du scotia qui a eu un si grand retentissement a été le résultat d'une rencontre fortuite purement fortuite monsieur 4193_3103_000039 lorsque vous êtes par mille mètres de profondeur les parois du nautilus supportent une pression de cent atmosphères si donc à ce moment vous voulez vider les réservoirs supplémentaires pour alléger votre bateau et remonter à la surface 4193_3103_000040 je vous répète monsieur que le pouvoir dynamique de mes machines est à peu près infini les pompes du nautilus ont une force prodigieuse et vous avez dû le voir quand leurs colonnes d'eau se sont précipitées comme un torrent sur l'abraham lincoln 4193_3103_000041 là mes ouvriers c'est-à-dire mes braves compagnons que j'ai instruits et formés et moi nous avons achevé notre nautilus puis l'opération terminée le feu a détruit toute trace de notre passage sur cet îlot que j'aurais fait sauter si je l'avais pu 4193_3103_000042 la seconde enveloppe la quille haute de cinquante centimètres et large de vingt-cinq pesant à elle seule soixante-deux tonneaux la machine le lest les divers accessoires et aménagements 4193_3103_000043 parfaitement monsieur donc à moins que vous ne remplissiez le nautilus en entier je ne vois pas comment vous pouvez l'entraîner au sein des masses liquides monsieur le professeur répondit le capitaine nemo il ne faut pas confondre la statique avec la dynamique sans quoi l'on s'expose à de graves erreurs 4193_3103_000044 or j'ai des réservoirs supplémentaires capables d'embarquer cent tonneaux je puis donc descendre à des profondeurs considérables lorsque je veux remonter à la surface et l'affleurer 4193_3103_000045 une dernière question capitaine nemo faites monsieur le professeur vous êtes donc riche riche à l'infini monsieur et je pourrais sans me gêner payer les dix milliards de dettes de la france 4193_3103_000046 je naviguais à deux mètres au-dessous de la surface des eaux quand le choc s'est produit j'ai d'ailleurs vu qu'il n'avait eu aucun résultat fâcheux aucun monsieur mais quant à votre rencontre avec l'abraham lincoln 4193_3103_000047 le nautilus se compose de deux coques l'une intérieure l'autre extérieure réunies entre elles par des fers en t qui lui donnent une rigidité extrême en effet grâce à cette disposition cellulaire il résiste comme un bloc comme s'il était plein 4193_3103_000048 comprenez donc avec quel abandon je me fie à mon nautilus puisque j'en suis tout à la fois le capitaine le constructeur et l'ingénieur le capitaine nemo parlait avec une éloquence entraînante le feu de son regard la passion de son geste le transfiguraient 4193_3103_000049 voilà monsieur voilà le navire par excellence et s'il est vrai que l'ingénieur ait plus de confiance dans le bâtiment que le constructeur et le constructeur plus que le capitaine lui-même 4193_3103_000050 s'agit-il d'aller à mille mètres je tiens compte alors de la réduction du volume sous une pression équivalente à celle d'une colonne d'eau de mille mètres c'est-à-dire sous une pression de cent atmosphères cette réduction sera alors de quatre cent trente-six cent millièmes 4193_3103_000051 je regardai fixement le bizarre personnage qui me parlait ainsi abusait il de ma crédulité l'avenir devait me l'apprendre fin du chapitre treize de la première partie 4193_3103_000052 hélice chez scott de glasgow ses réservoirs ont été fabriqués par cail et compagnie de paris sa machine par krupp en prusse son éperon dans les ateliers de motala en suède ses instruments de précision chez hart frères de new york et cetera et chacun de ces fournisseurs a reçu mes plans sous des noms divers 4193_3103_000053 ces deux dimensions vous permettent d'obtenir par un simple calcul la surface et le volume du nautilus sa surface comprend mille onze mètres carrés et quarante-cinq centièmes son volume quinze cents mètres cubes et deux dixièmes 4193_3103_000054 vous êtes donc ingénieur capitaine nemo oui monsieur le professeur me répondit-il j'ai étudié à londres à paris à new york du temps que j'étais un habitant des continents de la terre mais comment avez-vous pu construire en secret cet admirable nautilus 4193_3103_000055 je devrai donc accroître le poids de façon à peser quinze cent treize tonneaux soixante-dix-sept centièmes au lieu de quinze cent sept tonneaux deux dixièmes l'augmentation ne sera conséquemment que de six tonneaux cinquante-sept centièmes seulement seulement monsieur aronnax et le calcul est facile à vérifier 4193_3103_000056 or le nautilus en jauge quinze cents il revient donc à seize cent quatre-vingt-sept mille francs soit deux millions y compris son aménagement soit quatre ou cinq millions avec les oeuvres d'art et les collections qu'il renferme 4193_3103_000057 et par conséquent subir une poussée de bas en haut qui doit être évaluée à une atmosphère par trente pieds d'eau soit environ un kilogramme par centimètre carré 4193_3103_000058 oui il aimait son navire comme un père aime son enfant mais une question indiscrète peut-être se posait naturellement et je ne pus me retenir de la lui faire 4193_3103_000059 et si je les remplis d'eau le bateau déplaçant alors quinze cent sept tonneaux ou les pesant sera complètement immergé c'est ce qui arrive monsieur le professeur ces réservoirs existent en abord dans les parties inférieures du nautilus 4193_3103_000060 le principal se porte vers les côtes d'irlande et de norvège tandis que le second fléchit vers le sud à la hauteur des acores puis frappant les rivages africains et décrivant un ovale allongé il revient vers les antilles 4193_3103_000061 ce jour-là le nautilus traversa une singulière portion de l'océan atlantique personne n'ignore l'existence de ce grand courant d'eau chaude connu sous le nom du golf stream 4193_3103_000062 la direction du nautilus ne s'était pas modifiée tout espoir de revenir vers les mers européennes devait donc être momentanément rejeté le capitaine nemo maintenait le cap vers le sud où nous entraînait-il je n'osais l'imaginer 4193_3103_000063 après être sorti des canaux de floride il se dirige vers le spitzberg mais avant de pénétrer dans le golfe du mexique vers le quarante quatrième degré de latitude nord ce courant se divise en deux bras 4193_3103_000064 on pense bien qu'il ne fut pas question de plonger en remplissant les réservoirs peut-être n'eussent-ils pu accroître suffisamment la pesanteur spécifique du nautilus d'ailleurs pour remonter il aurait fallu chasser cette surcharge d'eau et les pompes n'auraient pas été assez puissantes pour vaincre la pression extérieure 4193_3103_000065 nous avions atteint une profondeur de seize mille mètres quatre lieues et les flancs du nautilus supportaient alors une pression de seize cents atmosphères c'est-à-dire seize cents kilogrammes par chaque centimètre carré de sa surface 4193_3103_000066 maîtrisée par l'inclinaison de ses plans demeurait immobile l'instrument fut braqué sur ces sites du fond océanique et en quelques secondes nous avions obtenu un négatif d'une extrême pureté 4193_3103_000067 si quelques-uns de ces animaux ne peuvent vivre qu'à la surface des mers ou des fleuves d'autres moins nombreux se tiennent à des profondeurs assez grandes parmi ces derniers j'observais l'hexanche espèce de chien de mer muni de six fentes respiratoires le télescope aux yeux énormes 4193_3103_000068 mon silence depuis quatre mois ne devait-il pas lui paraître une acceptation tacite de cette situation revenir sur ce sujet n'aurait-il pas pour résultat de donner des soupçons qui pourraient nuire à nos projets si quelque circonstance favorable se présentait plus tard de les reprendre 4193_3103_000069 le capitaine nemo voulait évidemment accomplir son programme sous-marin et je ne doutais pas qu'il ne songeât après avoir doublé le cap horn à revenir vers les mers australes du pacifique 4193_3103_000070 je ne puis décrire cet ensemble de roches lisses noires polies sans une mousse sans une tache aux formes étrangement découpées et solidement établies sur ce tapis de sable qui étincelait sous les jets de la lumière électrique cependant le capitaine nemo après avoir terminé son opération m'avait dit 4193_3103_000071 mais bientôt ces derniers représentants de la vie animale disparurent et au-dessous de trois lieues le nautilus dépassa les limites de l'existence sous-marine comme fait le ballon qui s'élève dans les airs au-dessus des zones respirables 4193_3103_000072 or ce second bras c'est plutôt un collier qu'un bras entoure de ses anneaux d'eau chaude cette portion de l'océan froide tranquille immobile que l'on appelle la mer de sargasses véritable lac en plein atlantique les eaux du grand courant ne mettent pas moins de trois ans à en faire le tour 4193_3103_000073 les poissons observés par conseil et par moi pendant cette période différaient peu de ceux que nous avions déjà étudiés sous d'autres latitudes les principaux furent quelques échantillons de ce terrible genre de cartilagineux divisé en trois sous-genres qui ne comptent pas moins de trente-deux espèces 4193_3103_000074 dans un autre un soldat avec son sabre dans un autre enfin un cheval avec son cavalier tout ceci à vrai dire n'est pas article de foi toujours est-il qu'aucun de ces animaux ne se laissa prendre aux filets du nautilus et que je ne pus vérifier leur voracité 4193_3103_000075 c'étaient ces mêmes parages où le capitaine denham de l'herald fila quatorze mille mètres de sonde sans trouver de fond là aussi le lieutenant parcker de la frégate américaine congress n'avait pu atteindre le seul sous-marin par quinze mille cent quarante mètres 4193_3103_000076 au milieu de cet inextricable tissu d'herbes et de fucus je remarquai de charmants alcyons stellés aux couleurs roses des actinies qui laissaient traîner leur longue chevelure de tentacules des méduses vertes rouges bleues et particulièrement ces grandes rhizostomes de cuvier 4193_3103_000077 dont il jouait avec beaucoup d'expression mais la nuit seulement au milieu de la plus secrète obscurité lorsque le nautilus s'endormait dans les déserts de l'océan 4193_3103_000078 on a le droit de ne point croire aux récits des pêcheurs mais voici ce qu'ils racontent on a trouvé dans le corps de l'un de ces animaux une tête de buffle et un veau tout entier dans un autre deux thons et un matelot en uniforme 4193_3103_000079 de nombreuses épaves des restes de quilles ou de carènes des bordages défoncés et tellement alourdis par les coquilles et les anatifes qu'ils ne pouvaient remonter à la surface de l'océan et le temps justifiera un jour cette autre opinion de maury 4193_3103_000080 on sait que les pèlerines les huîtres vivent par deux mille mètres d'eau et que mac clintock le héros des mers polaires a retiré une étoile vivante d'une profondeur de deux mille cinq cent mètres 4193_3103_000081 j'ajouterai en effet que la vessie natatoire des poissons renferme plus d'azote que d'oxygène quand ces animaux sont pêchés à la surface des eaux et plus d'oxygène que d'azote au contraire quand ils sont tirés des grandes profondeurs ce qui donne raison à votre système mais continuons nos observations 4193_3103_000082 son hélice embrayée sur un signal du capitaine ses plans dressés verticalement le nautilus emporté comme un ballon dans les airs s'enlevait avec une rapidité foudroyante 4193_3103_000083 que ces matières ainsi accumulées pendant des siècles se minéraliseront sous l'action des eaux et formeront alors d'inépuisables houillères réserve précieuse que prépare la prévoyante nature pour ce moment où les hommes auront épuisé les mines des continents 4193_3103_000084 le seul parti était de se soumettre mais ce qu'on ne devait plus attendre de la force ou de la ruse j'aimais à penser qu'on pourrait l'obtenir par la persuasion ce voyage terminé le capitaine nemo ne consentirait-il pas à nous rendre la liberté sous serment de ne jamais révéler son existence 4193_3103_000085 nous avions fait alors près de treize mille lieues depuis notre départ dans les hautes mers du pacifique le point nous mettait par quatre cent cinquante degrés trente-sept minutes de latitude sud et trois cent soixante-dix degrés cinquante-trois minutes de longitude ouest 4193_3103_000086 je ne dis pas non mais ces scènes ne nous donnèrent aucune sérénade à notre passage et je le regrette pour terminer enfin conseil classa une grande quantité de poissons volants 4193_3103_000087 pendant les dix-neuf jours que j'ai mentionnés plus haut aucun incident particulier ne signala notre voyage je vis peu le capitaine il travaillait 4193_3103_000088 à bouche lumineuse qui pendant la nuit après avoir tracé des raies de feu dans l'atmosphère plongeaient dans les eaux sombres comme autant d'étoiles filantes jusqu'au treize mars notre navigation se continua dans ces conditions ce jour-là le nautilus fut employé à des expériences de sondages qui m'intéressèrent vivement 4193_3103_000089 des troupes élégantes et folâtres de dauphins nous accompagnèrent pendant des jours entiers ils allaient par bandes de cinq ou six chassant en meute comme les loups dans les campagnes d'ailleurs 4193_3103_000090 ce fut là une des raisons qui amenèrent colomb à supposer l'existence d'un nouveau monde lorsque les navires de ce hardi chercheur arrivèrent à la mer de sargasses ils naviguèrent non sans peine au milieu de ces herbes qui arrêtaient leur marche au grand effroi des équipages et ils perdirent trois longues semaines à les traverser 4193_3103_000091 des squales galonnés longs de cinq mètres à tête déprimée et plus large que le corps à nageoire caudale arrondie et dont le dos porte sept grandes bandes noires parallèles et longitudinales 4193_3103_000092 il est plus probable cependant que ces herbages algues et fucus enlevés au rivage de l'europe et de l'amérique sont entraînés jusqu'à cette zone par le gulf stream 4193_3103_000093 la mer de sargasses à proprement parler couvre toute la partie immergée de l'atlantide certains auteurs ont même admis que ces nombreuses herbes dont elle est semée sont arrachées aux prairies de cet ancien continent 4193_3103_000094 non monsieur le professeur répondit le capitaine je n'aurai pas cette impolitesse toutefois je vous demanderai comment vous expliquez que des êtres puissent vivre à de telles profondeurs 4193_3103_000095 puis des squales-perlons gris cendré percés de sept ouvertures branchiales et pourvus d'une seule nageoire dorsale placée à peu près vers le milieu du corps passaient aussi de grands chiens de mer poissons voraces s'il en fut 4193_3103_000096 l'explication qu'on en peut donner dit-il me semble résulter d'une expérience connue de tout le monde si l'on place dans un vase des fragments de bouchons ou de corps flottants quelconques 4193_3103_000097 telle était cette région que le nautilus visitait en ce moment une prairie véritable un tapis serré d'algues de fucus natans de raisins du tropique si épais si compact que l'étrave d'un bâtiment ne l'eût pas déchiré sans peine 4193_3103_000098 et dont le trait terminal se détache en noir comme s'il était dû au pinceau de certains artistes flamands puis au-delà un horizon de montagnes une admirable ligne ondulée qui compose les arrière plans du paysage 4193_3103_000099 le capitaine et moi postés dans le salon nous suivions l'aiguille du manomètre qui déviait rapidement bientôt fut dépassée cette zone habitable où résident la plupart des poissons 4193_3103_000100 dont l'ombrelle bleuâtre est bordée d'un feston violet toute cette journée du vingt-deux février se passa dans la mer du sargasses où les poissons amateurs de plantes marines et de crustacés trouvent une abondante nourriture le lendemain l'océan avait repris son aspect accoutume 4193_3103_000101 quelques auteurs plus poètes que naturalistes prétendent que ces poissons chantent mélodieusement et que leurs voix réunies forment un concert qu'un choeur de voix humaines ne saurait égaler 4193_3103_000102 par les panneaux largement ouverts le milieu liquide éclairé électriquement se distribuait avec une clarté parfaite nulle ombre nulle dégradation de notre lumière factice le soleil n'eût pas été plus favorable à une opération de cette nature le nautilus sous la poussée de son hélice 4193_3103_000103 cette famille des delphiniens compte dix genres et ceux que j'aperçus tenaient du genre des delphinorinques remarquables par un museau excessivement étroit et quatre fois long comme le crâne 4193_3103_000104 mais ces sommets pouvaient appartenir à des montagnes hautes comme l'hymalaya ou le mont-blanc plus hautes même et la profondeur de ces abîmes demeurait inévaluable le nautilus descendit plus bas encore malgré les puissantes pressions qu'il subissait 4193_3103_000105 le capitaine nemo résolut d'envoyer son nautilus à la plus extrême profondeur à fin de contrôler ces différents sondages je me préparai à noter tous les résultats de l'expérience les panneaux du salon furent ouverts et les manoeuvres commencèrent pour atteindre ces couches si prodigieusement reculées 4193_3103_000106 pendant cette partie du voyage nous naviguâmes des journées entières à la surface des flots la mer était comme abandonnée à peine quelques navires à voiles en charge pour les indes se dirigeant vers le cap de bonne-espérance 4193_3103_000107 juste fit le capitaine ensuite parce que si l'oxygène est la base de la vie on sait que la quantité d'oxygène dissous dans l'eau de mer augmente avec la profondeur au lieu de diminuer et que la pression des couches basses contribue à l'y comprimer 4193_3103_000108 serment d'honneur que nous aurions tenu mais il fallait traiter cette délicate question avec le capitaine or serais-je bien venu à réclamer cette liberté lui-même n'avait-il pas déclaré dès le début et d'une façon formelle que le secret de sa vie exigeait notre emprisonnement perpétuel à bord du nautilus 4193_3103_000109 c'est l'épreuve positive que j'en donne ici on y voit ces roches primordiales qui n'ont jamais connu la lumière des cieux ces granits inférieurs qui forment la puissante assise du globe ces grottes profondes évidées dans la masse pierreuse ces profils d'une incomparable netteté 4193_3103_000110 on sait que l'équipage du bull-dog de la marine royale a pêché une astérie par deux mille six cent vingt brasses soit plus d'une lieue de profondeur mais capitaine nemo peut-être me direz-vous qu'on ne sait rien 4193_3103_000111 le malarmat cuirassé aux thoracines grises aux pectorales noires que protégeait son plastron de plaques osseuses d'un rouge pâle puis enfin le grenadier qui vivant par douze cents mètres de profondeur supportait alors une pression de cent vingt atmosphères 4193_3103_000112 non moins voraces que les chiens de mer si j'en crois un professeur de copenhague qui retira de l'estomac d'un dauphin treize marsouins et quinze phoques c'était il est vrai un épaulard appartenant à la plus grande espèce connue et dont la longueur dépasse quelquefois vingt-quatre pieds 4193_3103_000113 on sait cela répondit le capitaine nemo d'un ton légèrement surpris eh bien monsieur le professeur on a raison de le savoir car c'est la vérité 4193_3103_000114 une heure plus tard nous étions par treize mille mètres trois lieues et quart environ et le fond de l'océan ne se laissait pas pressentir cependant par quatorze mille mètres j'aperçus des pics noirâtres qui surgissaient au milieu des eaux 4193_3103_000115 en rasant les pentes de ces roches perdues sous les eaux j'apercevais encore quelques coquilles des serpuls des spinorbis vivantes et certains échantillons d'astéries 4193_3103_000116 je l'explique par deux raisons répondis-je d'abord parce que les courants verticaux déterminés par les différences de salure et de densité des eaux produisent un mouvement qui suffit à entretenir la vie rudimentaire des encrines et des astéries 4193_3103_000117 aussi le capitaine nemo ne voulant pas engager son hélice dans cette masse herbeuse se tint-il à quelques mètres de profondeur au-dessous de la surface des flots ce nom de sargasses vient du mot espagnol sargazzo qui signifie varech 4193_3103_000118 leur corps mesurant trois mètres noir en dessus était en dessous d'un blanc rosé semé de petites taches très rares je citerai aussi dans ces mers de curieux échantillons de ces poissons de l'ordre des acanthoptérigiens et de la famille des sciénoides 4193_3103_000119 bien que je ne fusse pas facile à décourager je comprenais que les chances de jamais revoir mes semblables diminuaient de jour en jour surtout en ce moment où le capitaine nemo courait en téméraire vers le sud de l'atlantique 4193_3103_000120 quelle situation m'écriai-je parcourir dans ces régions profondes où l'homme n'est jamais parvenu voyez capitaine voyez ces rocs magnifiques ces grottes inhabitées ces derniers réceptacles du globe où la vie n'est plus possible 4193_3103_000121 puis l'hélice fut portée à son maximum de vitesse et sa quadruple branche battit les flots avec une indescriptible violence sous cette poussée puissante la coque du nautilus frémit comme une corde sonore et s'enfonça régulièrement sous les eaux 4193_3103_000122 je demandai au capitaine nemo s'il avait observé des poissons à des profondeurs plus considérables des poissons me répondit-il rarement mais dans l'état actuel de la science que présume-t-on que sait-on 4193_3103_000123 ce varech le varech-nageur ou porte-baie forme principalement ce banc immense et voici pourquoi suivant le savant maury l'auteur de la géographie physique du globe ces hydrophytes se réunissent dans ce paisible bassin de l'atlantique 4193_3103_000124 je partage l'opinion de maury et j'ai pu étudier le phénomène dans ce milieu spécial où les navires pénètrent rarement au-dessus de nous flottaient des corps de toute provenance entassés au milieu de ces herbes brunâtres des troncs d'arbres arrachés aux andes ou aux montagnes rocheuses et flottés par l'amazone ou le mississipi 4193_3103_000125 un jour nous fûmes poursuivis par les embarcations d'un baleinier qui nous prenait sans doute pour quelque énorme baleine d'un haut prix mais le capitaine nemo ne voulut pas faire perdre à ces braves gens leur temps et leurs peines et il termina la chasse en plongeant sous les eaux 4193_3103_000126 le capitaine nemo résolut d'aller chercher le fond océanique par une diagonale suffisamment allongée au moyen de ses plans latéraux qui furent placés sous un angle de quarante-cinq degrés avec les lignes d'eau du nautilus 4193_3103_000127 cet incident avait paru vivement intéresser ned land je ne crois pas me tromper en disant que le canadien avait dû regretter que notre cétacé de tôle ne pût être frappé à mort par le harpon de ces pêcheurs 4193_3103_000128 toutes ces raisons je les pesais je les retournais dans mon esprit je les soumettais à conseil qui n'était pas moins embarrassé que moi en somme 4193_3103_000129 quels sites inconnus et pourquoi faut-il que nous soyons réduits à n'en conserver que le souvenir vous plairait-il me demanda le capitaine nemo d'en rapporter mieux que le souvenir 4193_3103_000130 le voici capitaine on sait qu'en allant vers les basses couches de l'océan la vie végétale disparaît plus vite que la vie animale on sait que là où se rencontrent encore des êtres animés ne végète plus une seule hydrophyte 4193_3103_000131 mes regards se reportèrent sur le manomètre l'instrument indiquait une profondeur de six mille mètres notre immersion durait depuis une heure le nautilus glissant sur ses plans inclinés s'enfonçait toujours les eaux désertes étaient admirablement transparentes et d'une diaphanité que rien ne saurait peindre 4193_3103_000132 ned land avait donc eu raison de craindre dans ces larges mers privées d'îles il ne fallait plus tenter de quitter le bord nul moyen non plus de s'opposer aux volontés du capitaine nemo 4193_3103_000133 dans la bibliothèque je trouvais souvent des livres qu'il laissait entrouverts et surtout des livres d'histoire naturelle mon ouvrage sur les fonds sous-marins feuilleté par lui était couvert de notes en marge qui contredisaient parfois mes théories et mes systèmes 4193_3103_000134 remontons monsieur le professeur il ne faut pas abuser de cette situation ni exposer trop longtemps le nautilus à de pareilles pressions remontons répondis-je tenez-vous bien je n'avais pas encore eu le temps de comprendre pourquoi le capitaine me faisait cette recommandation quand je fus précipité sur le tapis 4193_3103_000135 depuis ce moment pendant dix-neuf jours du vingt trois février au douze mars le nautilus tenant le milieu de l'atlantique nous emporta avec une vitesse constante de cent lieues par vingt-quatre heures 4193_3103_000136 et que l'on imprime à l'eau de ce vase un mouvement circulaire on verra les fragments éparpillés se réunir en groupe au centre de la surface liquide c'est-à-dire au point le moins agité 4193_3103_000137 que voulez-vous dire par ces paroles je veux dire que rien n'est plus facile que de prendre une vue photographique de ces régions sous-marines je n'avais pas eu le temps d'exprimer la surprise que me causait cette nouvelle proposition que sur un appel du capitaine nemo un objectif était apporté dans le salon 4193_3103_000138 je sentais ses tôles trembler sous la jointure de leurs boulons ses barreaux s'arquaient ses cloisons gémissaient les vitres du salon semblaient se gondoler sous la pression des eaux et ce solide appareil eût cédé sans doute si ainsi que l'avait dit son capitaine il n'eût été capable de résister comme un bloc plein 4193_3103_000139 il coupait la masse des eaux avec un frémissement sonore aucun détail n'était visible en quatre minutes il avait franchi les quatre lieues qui le séparaient de la surface de l'océan et après avoir émergé comme un poisson volant il retombait en faisant jaillir les flots à une prodigieuse hauteur 4193_3103_000140 mais le capitaine se contentait d'épurer ainsi mon travail il était rare qu'il discutât avec moi quelquefois j'entendais résonner les sons mélancoliques de son orgue 4193_3103_000141 dans le phénomène qui nous occupe le vase c'est l'atlantique le gulf stream c'est le courant circulaire et la mer de sargasses le point central où viennent se réunir les corps flottants 4193_3103_000142 rien n'était plus curieux que de voir les dauphins leur donner la chasse avec une précision merveilleuse quelle que fût la portée de son vol quelque trajectoire qu'il décrivît même au-dessus du nautilus l'infortuné poisson trouvait toujours la bouche du dauphin ouverte pour le recevoir c'étaient ou des pirapèdes ou des trigles-milans 1770_3103_000000 évidemment de l'intérieur du bateau on avait par un robinet donné entrée à l'eau extérieure qui nous envahissait et dont cette chambre fut bientôt remplie 1770_3103_000001 d'étoiles de mer qui constellaient le sable et d'astérophytons verruqueux fines dentelles brodées par la main des naïades dont les festons se balançaient aux faibles ondulations provoquées par notre marche 1770_3103_000002 il était alors dix heures du matin les rayons du soleil frappaient la surface des flots sous un angle assez oblique et au contact de leur lumière décomposée par la réfraction comme à travers un prisme 1770_3103_000003 nous marchions sur un sable fin uni non ridé comme celui des plages qui conserve l'empreinte de la houle ce tapis éblouissant véritable réflecteur repoussait les rayons du soleil avec une surprenante intensité 1770_3103_000004 la lumière prit une teinte uniforme nous atteignîmes une profondeur de cent mètres subissant alors une pression de dix atmosphères mais mon vêtement de scaphandre était établi dans des conditions telles que je ne souffrais aucunement de cette pression 1770_3103_000005 toutes ces merveilles je les entrevis dans l'espace d'un quart de mille m'arrêtant à peine et suivant le capitaine nemo qui me rappelait d'un geste bientôt la nature du sol se modifia à la plaine de sable succéda une couche de vase visqueuse que les américains nomment oaze 1770_3103_000006 bientôt quelques formes d'objets à peine estompées dans l'éloignement se dessinèrent à mes yeux je reconnus de magnifiques premiers plans de rochers tapissés de zoophytes du plus bel échantillon et je fus tout d'abord frappé d'un effet spécial à 1770_3103_000007 des rhodymènes palmés semblables à des éventails de cactus j'observai que les plantes vertes se maintenaient plus près de la surface de la mer tandis que les rouges occupaient une profondeur moyenne 1770_3103_000008 des méduses dont l'ombrelle opaline ou rose tendre festonnée d'un liston d'azur nous abritait des rayons solaires et des pélagies panopyres qui dans l'obscurité eussent semé notre chemin de lueurs phosphorescentes 1770_3103_000009 et maintenant comment pourrais-je retracer les impressions que m'a laissées cette promenade sous les eaux les mots sont impuissants à raconter de telles merveilles 1770_3103_000010 polypes et échinodermes abondaient sur le sol les isis variées les cornulaires qui vivent isolément des touffes d'oculines vierges désignées autrefois sous le nom de corail blanc 1770_3103_000011 je distinguais nettement les objets à une distance de cent mètres au-delà les fonds se nuançaient des fines dégradations de l'outremer puis ils bleuissaient dans les lointains et s'effaçaient au milieu d'une vague obscurité 1770_3103_000012 je suis monsieur partout où va monsieur répondit conseil sur un appel du capitaine deux hommes de l'équipage vinrent nous aider à revêtir ces lourds vêtements imperméables faits en caoutchouc sans couture et préparés de manière à supporter des pressions considérables 1770_3103_000013 vingt mille lieues sous les mers par jules verne première partie chapitre seize promenade en plaine cette cellule était à proprement parler l'arsenal et le vestiaire du nautilus 1770_3103_000014 mais comment sortirons nous vous l'allez voir le capitaine nemo introduisit sa tête dans la calotte sphérique conseil et moi nous en fîmes autant non sans avoir entendu le canadien nous lancer un bonne chasse ironique 1770_3103_000015 et je me trouvais très bien de cette loi physique reconnue par archimède je n'étais plus une masse inerte et j'avais une liberté de mouvement relativement grande 1770_3103_000016 là la poussière dont l'air est saturé leur donne l'apparence d'un brouillard lumineux mais sur mer comme sous mer ces traits électriques se transmettent avec une incomparable pureté 1770_3103_000017 on eût dit une armure à la fois souple et résistante ces vêtements formaient pantalon et veste le pantalon se terminait par d'épaisses chaussures garnies de lourdes semelles de plomb 1770_3103_000018 ces pelouses à tissu serré douces au pied eussent rivalisé avec les plus moelleux tapis tissés par la main des hommes mais en même temps que la verdure s'étalait sous nos pas elle n'abandonnait pas nos têtes 1770_3103_000019 libre à vous monsieur répondit le harponneur haussant les épaules mais quant à moi à moins qu'on ne m'y force je n'entrerai jamais là-dedans on ne vous forcera pas maître ned dit le capitaine nemo et conseil va se risquer demanda ned 1770_3103_000020 le tissu de la veste était maintenu par des lamelles de cuivre qui cuirassaient la poitrine la défendaient contre la poussée des eaux et laissaient les poumons fonctionner librement ses manches finissaient en forme de gants assouplis qui ne contrariaient aucunement les mouvements de la main 1770_3103_000021 les fongies hérissées en forme de champignons les anémones adhérant par leur disque musculaire figuraient un parterre de fleurs émaillé de porpites parées de leur collerette de tentacules azurés 1770_3103_000022 il y avait loin on le voit de ces scaphandres perfectionnés aux vêtements informes tels que les cuirasses de liège les soubrevestes les habits de mer les coffres et cetera qui furent inventés et prônés dans le dix huitième siècle 1770_3103_000023 le capitaine nemo un de ses compagnons sorte d'hercule qui devait être d'une force prodigieuse conseil et moi nous eûmes bientôt revêtu ces habits de scaphandres 1770_3103_000024 la lampe ruhmkorff suspendue à ma ceinture le fusil à la main j'étais prêt à partir mais pour être franc emprisonné dans ces lourds vêtements et cloué au tillac par mes semelles de plomb il m'eût été impossible de faire un pas 1770_3103_000025 devant ce splendide spectacle conseil s'était arrêté comme moi évidemment le digne garçon en présence de ces échantillons de zoophytes et de mollusques classait classait toujours 1770_3103_000026 devait faciliter notre retour à bord en projetant ses rayons avec une netteté parfaite effet difficile à comprendre pour qui n'a vu que sur terre ces nappes blanchâtres si vivement accusées 1770_3103_000027 pendant un quart d'heure je foulai ce sable ardent semé d'une impalpable poussière de coquillages la coque du nautilus dessinée comme un long écueil disparaissait peu à peu mais son fanal lorsque la nuit se serait faite au milieu des eaux 1770_3103_000028 capitaine nemo dis-je cette arme est parfaite et d'un maniement facile je ne demande plus qu'à l'essayer mais comment allons-nous gagner le fond de la mer en ce moment monsieur le professeur le nautilus est échoué par dix mètres d'eau et nous n'avons plus qu'à partir 1770_3103_000029 une seconde porte percée dans le flanc du nautilus s'ouvrit alors un demi-jour nous éclaira un instant après nos pieds foulaient le fond de la mer 1770_3103_000030 quand le pinceau lui-même est inhabile à rendre les effets particuliers à l'élément liquide comment la plume saurait-elle les reproduire le capitaine nemo marchait en avant et son compagnon nous suivait à quelques pas en arrière 1770_3103_000031 conseil et moi nous restions l'un près de l'autre comme si un échange de paroles eût été possible à travers nos carapaces métalliques je ne sentais déjà plus la lourdeur de mes vêtements de mes chaussures de mon réservoir d'air 1770_3103_000032 la lumière qui éclairait le sol jusqu'à trente pieds au-dessous de la surface de l'océan m'étonna par sa puissance les rayons solaires traversaient aisément cette masse aqueuse et en dissipaient la coloration 1770_3103_000033 que ne savais-je comme le capitaine nemo et son compagnon échanger mes pensées au moyen de signes convenus aussi faute de mieux je me parlais à moi-même je criais dans la boîte de cuivre qui coiffait ma tête dépensant peut-être en vaines paroles plus d'air qu'il ne convenait 1770_3103_000034 bon fit le harponneur désappointé qui voyait s'évanouir ses rêves de viande fraîche et vous monsieur aronnax vous allez vous introduire dans ces habits-là il le faut bien maître ned 1770_3103_000035 c'était un véritable chagrin pour moi d'écraser sous mes pas les brillants spécimens de mollusques qui jonchaient le sol par milliers les peignes concentriques les marteaux les donaces véritables coquilles bondissantes 1770_3103_000036 nous avions quitté le nautilus depuis une heure et demie environ il était près de midi je m'en aperçus à la perpendicularité des rayons solaires qui ne se réfractaient plus la magie des couleurs disparut peu à peu et les nuances de l'émeraude et du saphir s'effacèrent de notre firmament 1770_3103_000037 nous marchions d'un pas régulier qui résonnait sur le sol avec une intensité étonnante les moindres bruits se transmettaient avec une vitesse à laquelle l'oreille n'est pas habituée sur la terre 1770_3103_000038 un léger berceau de plantes marines classées dans cette exubérante famille des algues dont on connaît plus de deux mille espèces se croisait à la surface des eaux je voyais flotter de longs rubans de fucus les uns globuleux les autres tubulés des laurencies des cladostèphes au feuillage si délié 1770_3103_000039 cependant nous voyions suffisamment à nous conduire et il n'était pas encore nécessaire de mettre les appareils ruhmkorff en activité en ce moment le capitaine nemo s'arrêta 1770_3103_000040 uniquement composée de coquilles siliceuses ou calcaires puis nous parcourûmes une prairie d'algues plantes pélagiennes que les eaux n'avaient pas encore arrachées et dont la végétation était fougueuse 1770_3103_000041 une douzaine d'appareils de scaphandres suspendus à la paroi attendaient les promeneurs ned land en les voyant manifesta une répugnance évidente à s'en revêtir mais mon brave ned lui dis-je les forêts de l'île de crespo ne sont que des forêts sous-marines 1770_3103_000042 je sentais seulement une certaine gêne aux articulations des doigts et encore ce malaise ne tarda-t-il pas à disparaître quant à la fatigue que devait amener cette promenade de deux heures sous un harnachement dont j'avais si peu l'habitude elle était nulle 1770_3103_000043 le haut de notre vêtement était terminé par un collet de cuivre taraudé sur lequel se vissait ce casque de métal trois trous protégés par des verres épais permettaient de voir suivant toutes les directions rien qu'en tournant la tête à l'intérieur de cette sphère 1770_3103_000044 en effet l'eau est pour le son un meilleur véhicule que l'air et il s'y propage avec une rapidité quadruple en ce moment le sol s'abaissa par une pente prononcée 1770_3103_000045 fleurs rochers plantules coquillages polypes se nuançaient sur leurs bords des sept couleurs du spectre solaire c'était une merveille une fête des yeux que cet enchevêtrement de tons colorés 1770_3103_000046 une boîte à projectiles évidée dans l'épaisseur de la crosse renfermait une vingtaine de balles électriques qui au moyen d'un ressort se plaçaient automatiquement dans le canon du fusil dès qu'un coup était tiré l'autre était prêt à partir 1770_3103_000047 cependant nous allions toujours et la vaste plaine de sable semblait être sans bornes j'écartais de la main les rideaux liquides qui se refermaient derrière moi et la trace de mes pas s'effaçait soudain sous la pression de l'eau 1770_3103_000048 de là cette immense réverbération qui pénétrait toutes les molécules liquides serai-je cru si j'affirme qu'à cette profondeur de trente pieds j'y voyais comme en plein jour 1770_3103_000049 cette famille produit à la fois les plus petits et les plus grands végétaux du globe car de même qu'on a compté quarante mille de ces imperceptibles plantules dans un espace de cinq millimètres carrés de même on a recueilli des fucus dont la longueur dépassait cinq cents mètres 1770_3103_000050 il ne s'agissait plus que d'emboîter notre tête dans sa sphère métallique mais avant de procéder à cette opération je demandai au capitaine la permission d'examiner les fusils qui nous étaient destinés 1770_3103_000051 une véritable kaléidoscopie de vert de jaune d'orange de violet d'indigo de bleu en un mot toute la palette d'un coloriste enragé que ne pouvais-je communiquer à conseil les vives sensations qui me montaient au cerveau et rivaliser avec lui d'interjections admiratives 1770_3103_000052 l'un des hommes du nautilus me présenta un fusil simple dont la crosse faite en tôle d'acier et creuse à l'intérieur était d'assez grande dimension elle servait de réservoir à l'air comprimé qu'une soupape manoeuvrée par une gâchette laissait échapper dans le tube de métal 1770_3103_000053 véritablement cette eau qui m'entourait n'était qu'une sorte d'air plus dense que l'atmosphère terrestre mais presque aussi diaphane au-dessus de moi j'apercevais la calme surface de la mer 1770_3103_000054 mes mouvements aidés par l'eau se produisaient avec une surprenante facilité arrivé à cette profondeur de trois cents pieds je percevais encore les rayons du soleil mais faiblement a leur éclat intense avait succédé un crépuscule rougeâtre moyen terme entre le jour et la nuit 1770_3103_000055 ni le poids de cette épaisse sphère au milieu de laquelle ma tête ballottait comme une amande dans sa coquille tous ces objets plongés dans l'eau perdaient une partie de leur poids égale à celui du liquide déplacé 1770_3103_000056 après quelques minutes un vif sifflement parvint à mon oreille je sentis une certaine impression de froid monter de mes pieds à ma poitrine 1770_3103_000057 laissant aux hydrophytes noires ou brunes le soin de former les jardins et les parterres des couches reculées de l'océan ces algues sont véritablement un prodige de la création une des merveilles de la flore universelle 1770_3103_000058 les troques les casques rouges les strombes ailes d'ange les aphysies et tant d'autres produits de cet inépuisable océan mais il fallait marcher et nous allions en avant pendant que voguaient au-dessus de nos têtes des troupes de physalies laissant leurs tentacules d'outre-mer flotter à la traîne 1770_3103_000059 mais ce cas était prévu car je sentis que l'on me poussait dans une petite chambre contiguë au vestiaire mes compagnons également remorqués me suivaient j'entendis une porte munie d'obturateurs se refermer sur nous et une profonde obscurité nous enveloppa 1770_3103_000060 il attendit que je l'eusse rejoint et du doigt il me montra quelques masses obscures qui s'accusaient dans l'ombre à une petite distance c'est la forêt de l'île crespo pensais-je et je ne me trompais pas 1770_3135_000000 les autres valets jusqu'à les appeler brutaux eh bien qu'en prétendez-vous faire ce que j'en prétends faire il faut mais sortons d'ici auparavant fin de la scène première 1770_3135_000001 pas tout à fait à dire vrai pour moi je vous avoue que j'en suis tout scandalisé a-t-on jamais vu dites-moi deux pecques provinciales faire plus les renchéries que celles-là et deux hommes traités avec plus de mépris que nous 1770_3135_000002 en un mot c'est un ambigu de précieuse et de coquette que leur personne je vois ce qu'il faut être pour en être bien reçu et si vous m'en croyez nous leur jouerons tous deux une pièce qui leur fera voir leur sottise et pourra leur apprendre à connaître un peu mieux leur monde et comment encore 1770_3135_000003 ont-elles répondu que oui et non à tout ce que nous avons pu leur dire et ne m'avouerez-vous pas enfin que quand nous aurions été les dernières personnes du monde on ne pouvait nous faire pis qu'elles ont fait 1770_3135_000004 il me semble que vous prenez la chose fort à coeur sans doute je l'y prends et de telle façon que je me veux venger de cette impertinence je connais ce qui nous a fait mépriser l'air précieux n'a pas seulement infecté paris il s'est aussi répandu dans les provinces et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne part 1770_3135_000005 j'ai un certain valet nommé mascarille qui passe au sentiment de beaucoup de gens pour une manière de bel esprit car il n'y a rien de meilleur marché que le bel esprit maintenant c'est un extravagant qui s'est mis en tête de vouloir faire l'homme de condition il se pique ordinairement de galanterie et de vers et des 1770_3135_000006 a peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges je n'ai jamais vu tant parler à l'oreille qu'elles ont fait entre elles tant bailler tant se frotter les yeux et demander tant de fois quelle heure est-il 4724_3731_000000 en cet endroit des animaux en cet autre des personnages le jeune homme s'émut voyant peint un lion ah monstre cria-t-il 4724_3731_000001 les jardins parlent peu si ce n'est dans mon livre de façon que lassé de vivre avec des gens muets notre homme un beau matin va chercher compagnie et se met en campagne 4724_3731_000002 nouveau bellérophon vivait seul et caché il fût devenu fou la raison d'ordinaire n'habite pas longtemps chez les gens séquestrés il est bon de parler et meilleur de se taire 4724_3731_000003 voilà toujours curée le point est de l'avoir car le trajet est grand et de plus il nous faut nager contre le vent 4724_3731_000004 le dieu dont l'aile est légère et la langue a des douceurs alla voir les noires sœurs 4724_3731_000005 dès que l'un de ceux-ci s'empare de nos cœurs tous viennent à la file il ne s'en manque guère 4724_3731_000006 tâchent au moins de le paraître peuple caméléon peuple singe du maître on dirait qu'un esprit anime mille corps c'est bien là que les gens sont de simples ressorts 4724_3731_000007 jupiter le voulait ainsi qu'est-ce que jupiter un corps sans connaissance 4724_3731_000008 l'ours très mauvais complimenteur lui dit viens-t'en me voir l'autre reprit seigneur 4724_3731_000009 bref il ne pleura point un flatteur l'alla dire et soutint qu'il l'avait vu rire 4724_3731_000010 quand il fut en l'âge où la chasse plaît le plus aux jeunes esprits cet exercice avec mépris lui fut dépeint 4724_3731_000011 de certains compliments de consolation qui sont surcroît d'affliction il fit avertir sa province que les obsèques se feraient un tel jour en tel lieu 4724_3731_000012 le père pour venir à bout d'une précaution sur qui roulait la vie de celui qu'il aimait défendit que jamais on lui laissât passer le seuil de son palais 4724_3731_000013 pendant qu'il se livrait à la mélancolie non loin de là certain vieillard s'ennuyait aussi de sa part 4724_3731_000014 pour revenir à notre affaire le cerf ne pleura point comment eût-il pu faire 4724_3731_000015 un de ces gens lui dit que des lions surtout il éloignât l'enfant jusques à certain âge jusqu'à vingt ans point davantage 4724_3731_000016 combien fait-il de vœux combien perd-il de pas s'outrant pour acquérir des biens ou de la gloire 4724_3731_000017 jupiter voyant nos fautes dit un jour du haut des airs remplissons de nouveaux hôtes les cantons de l'univers 4724_3731_000018 ami m'a-t-elle dit garde que ce convoi quand je vais chez les dieux ne t'oblige à des larmes 4724_3731_000019 mais rien à l'homme ne suffit pour fournir aux projets que forme un seul esprit il faudrait quatre corps encore loin d'y suffire 4724_3731_000020 le vent de plus en plus l'éloignait de nos chiens ami dit l'un tes yeux sont meilleurs que les miens porte un peu tes regards sur ces plaines profondes 4724_3731_000021 on rencontre sa destinée souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter un père 4724_3731_000022 jusqu'au point de marquer dans les cieux notre sort il dépend d'une conjoncture de lieux de personnes de temps non des conjonctions de tous ces charlatans 4724_3731_000023 comme l'ours en un jour ne disait pas deux mots l'homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage l'ours allait à la chasse 4724_3731_000024 voilà mes chiens à boire ils perdirent l'haleine et puis la vie ils firent tant qu'on les vit crever à l'instant 4724_3731_000025 certain ours montagnard ours à demi léché confiné par le sort dans un bois solitaire 4724_3731_000026 il n'embrasa que l'enceinte d'un désert inhabité ton père frappe à côté qu'arriva-t-il notre engeance 4724_3731_000027 ce n'est peut-être pas de nos seigneurs les ours le manger ordinaire mais j'offre ce que j'ai l'ours l'accepte 4724_3731_000028 le cerf eut un présent bien loin d'être puni amusez les rois par des songes 4724_3731_000029 casse la tête à l'homme en écrasant la mouche et non moins bon archer que mauvais raisonneur roide mort étendu sur la place il le couche 4724_3731_000030 percer mars le soleil et des vides sans fin un atome la peut détourner en chemin où l'iront retrouver les faiseurs d'horoscope 4724_3731_000031 d'où vient donc que son influence agit différemment sur ces deux hommes-ci puis comment pénétrer jusques à notre monde comment percer des airs la campagne profonde 4724_3731_000032 il aimait les jardins était prêtre de flore il l'était de pomone encore ces deux emplois sont beaux mais je voudrais parmi quelque doux et discret ami 4724_3731_000033 les vertus devraient être sœurs ainsi que les vices sont frères 4724_3731_000034 le temps de pleurs est passé la douleur est ici superflue votre digne moitié couchée entre des fleurs tout près d'ici m'est apparue et je l'ai d'abord reconnue 4724_3731_000035 bien souvent même il se perd et ce dernier en sa route nous vient du seul jupiter 4724_3731_000036 même précaution nuisit au poète eschyle quelque devin le menaça dit-on de la chute d'une maison aussitôt il quitta la ville 4724_3731_000037 aux champs élysiens j'ai goûté mille charmes conversant avec ceux qui sont saints comme moi laisse agir quelque temps le désespoir du roi j'y prends plaisir 4724_3731_000038 et d'aller les voilà bons amis avant que d'arriver arrivés les voilà se trouvant bien ensemble et bien qu'on soit à ce qu'il semble beaucoup mieux seul qu'avec des sots 4724_3731_000039 ce fils par trop chéri ni le bon homme eschyle n'y font rien tout aveugle et menteur qu'est cet art 4724_3731_000040 le pauvre eschyle ainsi sut ses jours avancer de cet exemple il résulte que cet art s'il est vrai fait tomber dans les maux que craint celui qui le consulte 4724_3731_000041 habités par cette race qui m'importune et me lasse va-t'en mercure aux enfers 4724_3731_000042 l'état où nous voyons l'europe mérite que du moins quelqu'un d'eux l'ait prévu que ne l'a-t-il donc dit mais nul d'eux ne l'a su 4724_3731_000043 vous voyez mon logis si vous me vouliez faire tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas j'ai des fruits j'ai du lait 4724_3731_000044 mais je l'en justifie et maintiens qu'il est faux je ne crois point que la nature se soit lié les mains et nous les lie encore 4724_3731_000045 il peut frapper au but une fois entre mille ce sont des effets du hasard 4724_3731_000046 il pouvait sans sortir contenter son envie avec ses compagnons tout le jour badiner sauter courir se promener 4724_3731_000047 le tonnerre ayant pour guide le père même de ceux qu'il menaçait de ses feux se contenta de leur crainte 4724_3731_000048 fin de la fable quatorze les obsèques de la lionne cet enregistrement fait partie du domaine public 4724_3731_000049 ce berger et ce roi sont sous même planète l'un d'eux porte le spectre et l'autre la houlette 4724_3731_000050 un jour que le vieillard dormait d'un profond somme sur le bout de son nez une allant se placer mit l'ours au désespoir il eut beau la chasser 4724_3731_000051 buvons toute cette eau notre gorge altérée en viendra bien à bout ce corps demeurera bientôt à sec et ce sera provision pour la semaine 4724_3731_000052 j'entends de ceux qui n'étant pas contraires peuvent loger sous même toit à l'égard des vertus rarement on les voit 4724_3731_000053 amène-moi la furie la plus cruelle des trois race que j'ai trop chérie tu périras cette fois jupiter ne tarda guère à modérer son transport 4724_3731_000054 qui parut un morceau de rocher à ses yeux étant de cheveux dépourvue laissa tomber sa proie afin de la casser 4724_3731_000055 le jeune homme inquiet ardent plein de courage à peine se sentit des bouillons d'un tel âge qu'il soupira pour ce plaisir 4724_3731_000056 à peine on eut ouï la chose qu'on se mit à crier miracle apothéose 4724_3731_000057 notre sort en dépend sa course entresuivie ne va non plus que nous jamais d'un même pas 4724_3731_000058 témoin ces deux mâtins qui dans l'éloignement virent un âne mort qui flottait sur les ondes 4724_3731_000059 mais comment esquisser et que faire se tirer en gascon d'une semblable affaire est le mieux il sut donc dissimuler sa peur 4724_3731_000060 l'homme est ainsi bâti quand un sujet l'enflamme l'impossibilité disparaît à son âme 4724_3731_000061 mit son lit en plein champ loin des toits sous les cieux un aigle qui portait en l'air une tortue passa par là vit l'homme et sur sa tête nue 4724_3731_000062 mais quoi qu'on fasse propos conseil enseignement rien ne change un tempérament 4724_3731_000063 rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami mieux vaudrait un sage ennemi fin de la fable dix 4724_3731_000064 eu pour toute lignée un fils qu'il aima trop jusques à consulter sur le sort de sa géniture les diseurs de bonne aventure 4724_3731_000065 ses prévôts y seraient pour régler la cérémonie et pour placer la compagnie jugez si chacun s'y trouva le prince aux cris s'abandonna et tout son antre en résonna 4724_3731_000066 et comme ce logis plein de magnificences abondait partout en tableaux et que la laine et les pinceaux traçaient de tous côtés chasses et paysages 4724_3731_000067 les lions n'ont point d'autre temple on entendit à son exemple rugir en leur patois messieurs les courtisans 4724_3731_000068 à tisiphone et mégère il préféra ce dit-on l'impitoyable alecton ce choix la rendit si fière 4724_3731_000069 parmi les animaux le chien se pique d'être soigneux et fidèle à son maître mais il est sot il est gourmand 4724_3731_000070 je définis la cour un pays où les gens tristes gais prêts à tout à tout indifférents sont ce qu'il plaît au prince ou s'ils ne peuvent l'être 4724_3731_000071 à mi-chemin je crois que tous demeureraient quatre mathusalem bout à bout ne pourraient mettre à fin ce qu'un seul désire 4724_3731_000072 j'y crois voir quelque chose est-ce un bœuf un cheval eh qu'importe quel animal dit l'un de ces mâtins 4724_3731_000073 il la renvoie et pourtant il lance un foudre à l'instant sur certain peuple perfide 4724_3731_000074 chétif hôte des bois tu ris tu ne suis pas ces gémissantes voix nous n'appliquerons point sur tes membres profanes nos sacrés ongles 4724_3731_000075 mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés nul animal n'avait affaire dans les lieux que l'ours habitait si bien que tout ours qu'il était il vint à s'ennuyer de cette triste vie 4724_3731_000076 vulcain entreprit l'affaire ce dieu remplit ses fourneaux de deux sortes de carreaux l'un jamais ne se fourvoie et c'est celui que toujours 4724_3731_000077 l'ours porté d'un même dessein venait de quitter sa montagne tous deux par un cas surprenant se rencontrent en un tournant l'homme eut peur 4724_3731_000078 si j'arrondissais mes états si je pouvais remplir mes coffres de ducats si j'apprenais l'hébreu les sciences l'histoire tout cela c'est la mer à boire 4724_3731_000079 plus l'obstacle était grand plus fort fut le désir il savait le sujet des fatales défenses 4724_3731_000080 la femme du lion mourut aussitôt chacun accourut pour s'acquitter envers le prince 4724_3731_000081 cette mort le vengeait la reine avait jadis étranglé sa femme et son fils 4724_3731_000082 sous la tapisserie un clou se rencontra ce clou le blesse il pénétra jusqu'aux ressorts de l'âme 4724_3731_000083 qu'elle jura par pluton que toute l'engeance humaine serait bientôt du domaine des dettes de là-bas jupiter n'approuva pas le serment de l'euménide 4724_3731_000084 et ces gens veulent au compas tracer le cours de notre vie il ne se faut point arrêter aux deux faits ambigus que je viens de conter 4724_3731_000085 c'est toi qui me fais vivre dans l'ombre et dans les fers à ces mots il se livre aux transports violents de l'indignation porte le poing sur l'innocente bête 4724_3731_000086 ô vous rois qu'il voulut faire arbitres de notre sort laissez entre la colère et l'orage qui la suit l'intervalle d'une nuit 4724_3731_000087 toutes en un sujet éminemment placées se tenir par la main sans être dispersées l'un est vaillant mais prompt l'autre est prudent mais froid 4724_3731_000088 et cette chère tête pour qui l'art d'esculape en vain fit ce qu'il put dut sa perte à ces soins qu'on prit pour son salut 4724_3731_000089 apportait du gibier faisait son principal métier d'être bon émoucheur écartait du visage de son ami dormant ce parasite ailé que nous avons mouche appelé 4724_3731_000090 je t'attraperai bien dit-il et voici comme aussitôt fait que dit le fidèle émoucheur vous empoigne un pavé le lance avec roideur 4724_3731_000091 l'immense éloignement le point et sa vitesse celle aussi de nos passions permettent-ils à leur faiblesse de suivre pas à pas toutes nos actions 4724_3731_000092 la colère du roi comme dit salomon est terrible et surtout celle du roi lion mais ce cerf n'avait pas accoutumé de lire le monarque lui dit 4724_3731_000093 venez loups vengez la reine immolez tous ce traître à ses augustes mânes le cerf reprit alors sire 4724_3731_000094 prit pied sur cette indulgence tout l'olympe s'en plaignit et l'assembleur de nuages jura le styx et promit de former d'autres orages 4937_3731_000000 à la fin le pauvre homme s'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus rendez-moi lui dit-il mes chansons et mon somme et reprenez vos cent écus 4937_3731_000001 le sommeil quitta son logis il eut pour hôtes les soucis les soupçons les alarmes vaines tout le jour il avait l'œil au guet et la nuit si quelque chat faisait du bruit le chat prenait l'argent 4937_3731_000002 si sur le point du jour parfois il sommeillait le savetier alors en chantant l'éveillait et le financier se plaignait que les soins de la providence n'eussent pas au marché fait vendre le dormir comme le manger et le boire 4937_3731_000003 fin de la fable deux le savetier et le financier cet enregistrement fait partie du domaine public 4937_3731_000004 le savetier crut voir tout l'argent que la terre avait depuis plus de cent ans produit pour l'usage des gens il retourne chez lui dans sa cave il enserre l'argent et sa joie à la fois plus de chant il perdit la voix du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines 4937_3731_000005 en son hôtel il fait venir le chanteur et lui dit or çà sire grégoire que gagnez-vous par an par an ma foi monsieur dit avec un ton de rieur le gaillard savetier 4937_3731_000006 l'une fait tort à l'autre et monsieur le curé de quelque nouveau saint charge toujours son prône le financier riant de sa naïveté lui dit je veux vous mettre aujourd'hui sur le trône prenez ces cent écus gardez-les avec soin pour vous en servir au besoin 4937_3731_000007 un savetier chantait du matin jusqu'au soir c'était merveille de le voir merveille de l'ouïr il faisait des passages plus content qu'aucun des sept sages son voisin au contraire étant tout cousu d'or chantait peu dormait moins encore c'était un homme de finance 4937_3731_000008 ce n'est point ma manière de compter de la sorte et je n'entasse guère un jour sur l'autre il suffit qu'à la fin j'attrape le bout de l'année chaque jour amène son pain 1770_3731_000000 l'épouse indiscrète et peu fine sort du lit quand le jour fut à peine levé et de courir chez sa voisine ma commère dit-elle un cas est arrivé n'en dites rien surtout car vous me feriez battre mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre 1770_3731_000001 les femmes et le secret 1770_3731_000002 pour éprouver la sienne un mari s'écria la nuit étant près d'elle ô dieux qu'est-ce cela je n'en puis plus on me déchire quoi j'accouche d'un œuf d'un œuf oui le voilà frais et nouveau pondu ah gardez bien de le dire on m'appellerait poule enfin n'en parlez pas 1770_3731_000003 ce n'est pas encore tout car une autre commère en dit quatre et raconte à l'oreille le fait précaution peu nécessaire car ce n'était plus un secret comme le nombre d'œufs grâce à la renommée de bouche en bouche allait croissant avant la fin de la journée ils se montaient à plus d'un cent 1770_3731_000004 la femme du pondeur s'en retourne chez elle l'autre grille déjà de conter la nouvelle elle va la répandre en plus de dix endroits au lieu d'un œuf elle en dit trois 1770_3731_000005 la femme neuve sur ce cas ainsi que sur mainte autre affaire crut la chose et promit ses grands dieux de se taire mais ce serment s'évanouit avec les ombres de la nuit 1770_3731_000006 au nom de dieu gardez-vous bien d'aller publier ce mystère vous moquez-vous dit l'autre ah vous ne savez guère quelle je suis allez ne craignez rien 577_394_000000 il n'est donc pas surprenant que ce succès dû à moi seul m'en devienne plus précieux et le surcroît de plaisir que j'ai éprouvé dans mon triomphe et que je ressens encore n'est que la douce impression du sentiment de la gloire 577_394_000001 enfin soit dit entre nous je n'aurais pas voulu que vous le vissiez ainsi car il avait l'air très touchant et très propre à ce que je crois à inspirer cette tendre pitié qui est un des plus dangereux pièges de l'amour 577_394_000002 enfin je le verrai s'éloigner s'éloigner pour jamais et mes regards qui le suivront ne verront pas les siens se retourner sur moi et j'étais réservée à tant d'humiliation que du moins 577_394_000003 non je connais trop bien votre cœur pour croire qu'il pense ainsi du mien aussi la peine que m'a faite votre lettre est-elle bien moins relative à moi qu'à vous-même ô ma jeune amie je vous le dis avec douleur mais vous êtes bien trop digne d'être aimée pour que jamais l'amour vous rende heureuse 577_394_000004 l'ivresse fut complète et réciproque et pour la première fois la mienne survécut au plaisir je ne sortis pas de ses bras que pour tomber à genoux pour lui jurer un amour éternel 577_394_000005 j'ai reçu votre lettre mon trop jeune ami mais avant de vous remercier il faut que je vous gronde je vous préviens que si vous ne vous corrigez pas vous n'aurez plus de réponse de moi quittez donc si vous m'en croyez ce ton de cajolerie qui n'est plus que du jargon dès qu'il n'est pas l'expression de l'amour 577_394_000006 je cherche vainement une cause à cette étrange idée il me semble pourtant qu'elle tient de plus ou moins près aux éloges que je me suis permis de donner à d'autres femmes je l'infère au moins de votre affectation à relever les épithètes d'adorable de céleste d'attachante dont je me suis servi en vous parlant de madame de tourvel ou de la petite volanges 577_394_000007 et si je remarquai d'abord un peu plus de confusion et une sorte de recueillement j'attribuai l'un et l'autre à l'état de prude aussi sans m'occuper des légères différences que je croyais purement locales 577_394_000008 mais monsieur de valmont qu'avez-vous et que voulez-vous dire la démarche que vous faites aujourd'hui n'est-elle pas volontaire n'est-ce pas le fruit de vos propres réflexions 577_394_000009 il était à la vérité sans toilette et sans poudre mais je l'ai trouvé pâle et défait et ayant surtout la physionomie altérée son regard que nous avons vu si vif et si gai était triste et abattu 577_394_000010 j'ai cru ma chère belle qu'il pourrait vous être utile d'avoir ces réflexions à opposer aux idées chimériques d'un bonheur parfait dont l'amour ne manque jamais d'abuser notre imagination espoir trompeur auquel on tient encore même alors qu'on se voit forcé de l'abandonner 577_394_000011 et moi de nouvelles raisons de vous aimer davantage je vous attends ici sous peu de jours mon aimable fille comme vous me l'annoncez venez retrouver le calme et le bonheur dans les mêmes lieux où vous l'aviez perdu venez surtout vous réjouir avec votre tendre mère d'avoir si heureusement tenu la parole que vous lui avez donnée 577_394_000012 vous ne trouverez donc dans ma lettre que ce qui manque à la vôtre franchise et simplesse je vous dirai bien par exemple que j'aurais grand plaisir à vous voir et que je suis contrariée de n'avoir auprès de moi que des gens qui m'ennuient au lieu de gens qui me plaisent mais vous cette même phrase vous la traduisez ainsi 577_394_000013 mais vous choisissez vos maîtresses si jeunes que vous m'avez fait apercevoir pour la première fois que je commence à être vieille c'est bien fait à vous de préparer ainsi une longue carrière de constance et je vous souhaite de tout mon cœur qu'elle soit réciproque 577_394_000014 si je vous donnais une préférence marquée sur toutes deux puisque enfin je ne pouvais renouveler notre première liaison qu'au préjudice des deux autres je ne crois pas qu'il y ait là si grand sujet de reproche 577_394_000015 et sans me dire qu'elle soit bonne il ne m'a point articulé qu'elle fût mauvaise alors je me suis plainte de sa retraite qui avait un peu l'air d'une manie et je tâchais de mêler un peu de gaieté à ma petite réprimande mais lui m'a répondu seulement d'un ton pénétré 577_394_000016 la voilà donc vaincue cette femme superbe qui avait osé croire qu'elle pourrait me résister oui mon amie elle est à moi entièrement à moi et depuis hier elle n'a plus rien à m'accorder 577_394_000017 quoique frappée de mes remarques j'ai pourtant commencé la conversation comme si je ne m'étais aperçue de rien je lui ai d'abord parlé de sa santé 577_394_000018 et la certitude des ressources en cas de défaite enfin je n'ai engagé l'action qu'avec une retraite assurée par où je puisse couvrir et conserver tout ce que j'avais conquis précédemment 577_394_000019 cette visite m'importune je me repens d'avoir promis qu'a-t-il besoin de me revoir encore que sommes-nous à présent l'un à l'autre s'il m'a offensée je le lui pardonne je le félicite même de vouloir réparer ses torts je l'en loue 577_394_000020 mais ne savez-vous pas que ces mots plus souvent pris au hasard que par réflexion expriment moins le cas qu'on fait de la personne que la situation dans laquelle on se trouve quand on en parle et si dans le moment même où j'étais si vivement affecté ou par l'une ou par l'autre je ne vous en désirais pourtant pas moins 577_394_000021 je m'y consacre tout entière dès ce moment je me donne à vous et vous n'éprouverez de ma part ni refus ni regrets ce fut avec cette candeur naïve et sublime qu'elle me livra sa personne et ses charmes et qu'elle augmenta mon bonheur en le partageant 577_394_000022 et le son de sa voix commençait à annoncer une émotion assez forte aussi me précipitant à ses genoux et d'un ton dramatique que vous me connaissez ah cruelle me suis-je écrié peut-il exister pour moi un bonheur que vous ne partagiez pas où donc le trouver loin de vous ah jamais jamais 577_394_000023 vous avez raison de vous rendre aux motifs tendres et honnêtes qui à ce que vous me mandez retardent votre bonheur la longue défense est le seul mérite qui reste à celles qui ne résistent pas toujours et ce que je trouverais impardonnable à toute autre qu'à un enfant comme la petite volanges 577_394_000024 je consens à en avoir de la reconnaissance et je vous en aimerai mieux et davantage sur ce mon cher chevalier je prie dieu qu'il vous ait en sainte et digne garde du château de ce vingt-deux octobre dix sept cent 577_394_000025 ce départ était nécessaire et que vous m'éloignez de vous il le faut et pour toujours je le dois je n'ai pas besoin de vous dire que pendant ce court dialogue la voix de la tendre prude était oppressée et que ses yeux ne s'élevaient pas jusqu'à moi 577_394_000026 et qu'il suffisait de l'étonner par un grand mouvement pour que l'impression en restât profonde et favorable je suppléai donc par la terreur à la sensibilité qui se trouvait en défaut 577_394_000027 je l'ai trouvé écrivant et entouré de différents tas de papiers qui avaient l'air d'être l'objet de son travail il s'en occupait au point que j'étais au milieu de sa chambre qu'il n'avait pas encore tourné la tête pour savoir qui entrait 577_394_000028 du château de ce quatre novembre dix sept cents fin des lettres cent vingt et une à cent trente cet enregistrement fait partie du domaine public 577_394_000029 si j'ai eu tort de m'y livrer songez au moins que c'est pour la dernière fois ah calmez-vous calmez-vous je vous en conjure et pendant ce long discours je me rapprochais insensiblement 577_394_000030 que si la bonté divine est infinie l'usage en est pourtant réglé par la justice et qu'il peut venir un moment où le dieu de miséricorde se change en un dieu de vengeance si vous continuez à m'honorer de votre confiance je vous prie de croire que tous mes soins vous seront acquis 577_394_000031 et le moment le plus beau de ma vie celui où je verrai mes efforts prospérer par la bénédiction du tout-puissant faibles pêcheurs que nous sommes 577_394_000032 mais je trouvai une résistance vraiment effrayante moins encore par son excès que par la forme sous laquelle elle se montrait figurez-vous une femme assise d'une raideur immobile 577_394_000033 si quelque jour il en juge autrement il n'entendra de ma part ni plainte ni reproche j'ai déjà osé fixer les yeux sur ce moment fatal et mon parti est pris 577_394_000034 je sais fort bien que l'usage a introduit dans ce cas un doute respectueux mais vous savez aussi que ce n'est qu'une forme un simple protocole et j'étais ce me semble autorisé à croire que ces précautions minutieuses n'étaient plus nécessaires entre nous 577_394_000035 ne rencontre-t-on pas presque partout une résistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe et ai-je trouvé nulle part le charme dont je parle ce n'est pourtant pas non plus celui de l'amour 577_394_000036 et malgré votre petit murmure vous avez je crois quelques actions de grâces à lui rendre ce n'est pas que je ne sente fort bien qu'il vous eût été plus agréable que cette résolution vous fût venue la première et que celle de valmont n'en eût été que la suite il me semble même humainement parlant que les droits de notre sexe en eussent été mieux conservés 577_394_000037 j'en ai fondé la preuve sur la méfiance et l'effroi que j'avais inspirés sur la fuite scandaleuse qui s'en était suivie le refus de répondre à mes lettres celui même de les recevoir et cetera 577_394_000038 pour le champ de ma gloire et en effet elle ne revint à elle que soumise et déjà livrée à son heureux vainqueur jusque-là ma belle amie vous me trouverez je crois une pureté de méthode qui vous fera plaisir et vous verrez que je ne me suis écarté en rien des vrais principes de cette guerre 577_394_000039 ce n'est pas que plusieurs ne soient honnêtes dans leurs procédés et constants dans leur affection mais parmi ceux-là même combien peu savent encore se mettre à l'unisson de notre cœur 577_394_000040 j'ai ajouté que pour cette fois je ne lui ferais aucune instance aimant mes amis pour eux-mêmes c'est à cette phrase si simple que serrant mes mains et parlant avec une véhémence que je ne puis vous rendre 577_394_000041 mais je remarquai qu'en face d'elle était le portrait du mari et j'eus peur je l'avoue qu'avec une femme si singulière un seul regard que le hasard dirigerait de ce côté ne détruisît en un moment l'ouvrage de tant de soins enfin nous restâmes seuls et j'entrai en matière 577_394_000042 c'est donc à votre neveu que je me suis consacrée c'est pour lui que je me suis perdue il est devenu le centre unique de mes pensées de mes sentiments de mes actions tant que ma vie sera nécessaire à son bonheur elle me sera précieuse et je la trouverai fortunée 577_394_000043 répétez-moi que vous m'aimez que vous me pardonnez oui vous me pardonnerez je connais votre bonté mais comment espérer la même indulgence de ceux que j'ai tant offensés alors il s'est baissé sur moi pour me cacher je crois des marques de douleur que le son de sa voix me décelait malgré lui 577_394_000044 oh mon indulgente amie pardonnez-moi cette plainte je sais qu'il ne m'appartient pas de sonder les secrets de dieu mais tandis que je lui demande sans cesse et toujours vainement la force de vaincre mon malheureux amour il la prodigue à celui qui ne la lui demandait pas et me laisse sans secours entièrement livrée à ma faiblesse 577_394_000045 je ferai plus je l'imiterai et séduite par les mêmes erreurs son exemple me ramènera mais quand son projet est de me fuir pourquoi commencer par me chercher le plus pressé pour chacun de nous n'est-il pas d'oublier l'autre 577_394_000046 vous verrez par les deux copies des lettres ci-jointes quel médiateur j'avais choisi pour me rapprocher de ma belle et avec quel zèle le saint personnage s'est employé pour nous réunir 577_394_000047 tandis que dans les femmes c'est un sentiment profond qui non seulement anéantit tout désir étranger mais qui plus fort que la nature et soustrait à son empire ne leur laisse éprouver que répugnance dégoût là même où semble devoir naître la volupté 577_394_000048 dans les maux sans remèdes les conseils ne peuvent plus porter que sur le régime ce que je vous demande seulement c'est de vous souvenir que plaindre un malade ce n'est pas le blâmer 577_394_000049 et cependant le même charme subsiste j'aurais même je l'avoue un plaisir assez doux à m'y livrer s'il ne me causait quelque inquiétude serai-je donc à mon âge maîtrisé comme un écolier par un sentiment involontaire et inconnu non 577_394_000050 je suivais simplement la grande route des consolations bien persuadé que comme il arrive d'ordinaire les sensations aideraient le sentiment et qu'une seule action ferait plus que tous les discours que pourtant je ne négligeais pas 577_394_000051 pour en sortir en vainqueur couronné il était six heures du soir quand j'arrivai chez la belle recluse car depuis son retour sa porte était restée fermée à tout le monde elle essaya de se lever quand on m'annonça mais ses genoux tremblants ne lui permirent pas de rester dans cette situation 577_394_000052 vous éprouverez bientôt ma chère fille que les peines que vous redoutez s'allégeront d'elles-mêmes et quand elles devraient subsister toujours et dans leur entier vous n'en sentirez pas moins qu'elles seraient encore plus faciles à supporter que le remords du crime et le mépris de soi-même 577_394_000053 ajouter un mot de plus pourrait vous faire soupçonner que j'ai l'orgueil d'y compter encore quand au contraire je me rends justice en cessant d'y prétendre je suis avec respect madame votre très humble et très obéissante servante 577_394_000054 car enfin si j'ai eu quelquefois auprès de cette femme étonnante des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime j'ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes 577_394_000055 c'est à moi de porter la peine de mon audacieuse imprudence ne devrais-je pas sentir que puisqu'il m'était défendu de l'aimer je ne devais pas me permettre de le voir ma faute ou mon malheur est de m'être refusée trop longtemps à cette vérité vous m'êtes témoin ma chère et digne amie que je me suis soumise à ce sacrifice 577_394_000056 et qui peut-être exigent quelques remèdes ne sont pourtant rien en comparaison de la maladie effrayante dont voilà la guérison assurée ensuite comme votre amie 577_394_000057 cependant monsieur le vicomte permettez-moi de vous inviter à ne pas différer sans de fortes raisons afin de pouvoir vous livrer plus tôt et plus entièrement aux dispositions louables que vous me témoignez songez que celui qui tarde à profiter du moment de la grâce s'expose à ce qu'elle lui soit retirée 577_394_000058 il me semble que vous auriez trop de sacrifices à me faire et moi au lieu d'en avoir la reconnaissance que vous ne manqueriez pas d'en attendre je serais capable de croire que vous m'en devriez encore vous voyez bien qu'aussi éloignés l'un de l'autre par notre façon de penser nous ne pouvons nous rapprocher d'aucune manière 577_394_000059 il vous faut fuir il le faut non s'écria-t-elle à ce dernier mot elle se précipita ou plutôt tomba évanouie dans mes bras comme je doutais encore d'un si heureux succès je feignis un grand effroi mais tout en m'effrayant je la conduisis ou la portais vers le lieu précisément désigné 577_394_000060 ce fut pour y parvenir que je passai le plus tôt possible à une apparente tranquillité propre à calmer les effets de cet état violent sans en affaiblir l'impression ma transition fut 577_394_000061 elle se rassit sur-le-champ comme le domestique qui m'avait introduit avait quelque service à faire dans l'appartement elle en parut impatientée nous remplîmes cet intervalle par les compliments d'usage mais pour ne rien perdre d'un temps dont tous les moments étaient précieux 577_394_000062 oui ma tante m'a-t-il dit aimez aimez beaucoup un neveu qui vous respecte et vous chérit et comme vous dites aimez-le pour lui-même ne vous affligez pas de son bonheur et ne troublez par aucun regret l'éternelle tranquillité dont il espère bientôt jouir 577_394_000063 aujourd'hui est encore en dessous du jargon des compliments et ne devient plus qu'un simple protocole auquel on ne croit pas davantage qu'au très humble serviteur 577_394_000064 mais d'abord il pourrait fort bien qu'il n'y en ait aucune car le caprice qui vous ferait préférer peut également vous faire exclure je veux pourtant bien par politesse vous motiver mon avis 577_394_000065 et les siennes je les brûlerai comme infectées du poisson dangereux qui a corrompu mon âme qu'est-ce donc que l'amour s'il nous fait regretter jusqu'aux dangers auxquels il nous expose si surtout on peut craindre de le ressentir encore même lorsqu'on ne l'inspire plus 577_394_000066 voici le récit de ce qui s'est passé vous pouvez être sûre qu'il est fidèle car je vivrais quatre-vingts autres années que je n'oublierais pas l'impression que m'a faite cette triste scène j'ai donc été ce matin chez mon neveu 577_394_000067 mais par là même il me serait plus pénible encore de vous voir en juger autrement voilà pourtant le seul tort que je me connaisse car je n'imagine pas que vous ayez pu penser sérieusement qu'il existât une femme dans le monde qui me parût préférable à vous et encore moins que j'aie pu vous apprécier aussi mal que vous feignez de le croire 577_394_000068 adieu comme autrefois oui adieu mon ange je t'envoie tous les baisers de l'amour p s savez-vous que prévan au bout de son mois de prison a été obligé de quitter son corps c'est aujourd'hui la nouvelle de tout paris en vérité le voilà cruellement puni d'un tort qu'il n'a pas eu et votre succès est complet 577_394_000069 seul il sera mon juge comme je n'aurai vécu que pour lui ce sera en lui que reposera ma mémoire et s'il est forcé de reconnaître que je l'aimais je serai suffisamment justifiée 577_394_000070 je suis encore trop plein de mon bonheur pour pouvoir l'apprécier mais je m'étonne du charme inconnu que j'ai ressenti serait-il donc vrai que la vertu augmentât le prix d'une femme jusque dans le moment de sa faiblesse mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes 577_394_000071 cependant tandis qu'elle se dérobait à moi j'ajoutai d'un ton bas et sinistre mais de façon qu'elle pût m'entendre hé bien la mort 577_394_000072 ces crises revinrent plusieurs fois et toujours plus fortes la dernière fut même si violente que j'en fus entièrement découragé et craignis un moment d'avoir remporté une victoire inutile je me rabattis sur les lieux communs d'usage et dans le nombre se trouva celui-ci 577_394_000073 ce ne fut qu'alors que je pris le parti de feindre de m'éloigner aussi me retenant avec force non écoutez-moi dit-elle vivement laissez-moi répondis-je vous m'écouterez je le veux 577_394_000074 sur ce que je lui ai remontré qu'elle risquait peut-être par son refus de mettre obstacle à votre heureux retour et de s'opposer ainsi en quelque sorte aux vues miséricordieuses de la providence 577_394_000075 l'homme jouit du bonheur qu'il ressent et la femme de celui qu'il procure cette différence si essentielle et si peu remarquée influe pourtant d'une manière bien sensible sur la totalité de leur conduite respective le plaisir de l'un est de satisfaire des désirs celui de l'autre est surtout de les faire naître 577_394_000076 vous voyez à présent combien peu doit m'affecter la crainte que vous paraissez avoir qu'un jour m de valmont ne me perde car avant de le vouloir il aura donc cessé de m'aimer et que me feront alors de vains reproches que je n'entendrai pas 577_394_000077 adieu ma belle amie j'attends votre réponse avec beaucoup d'empressement paris ce trois novembre mille sept cents lettre cent trente mme de rosemonde à la présidente de tourvel 577_394_000078 pour la petite cécile je crois bien inutile de vous en parler vous n'avez pas oublié que c'est à votre demande que je me suis chargé de cette enfant et je n'attends que votre congé pour m'en défaire 577_394_000079 ces mêmes lettres qu'il refusa si longtemps à mes demandes réitérées je les recevrai de son indifférence il me les remettra comme des objets inutiles et qui ne l'intéressent plus et mes mains tremblantes en recevant ce dépôt honteux sentiront qu'il leur est remis d'une main ferme et tranquille 577_394_000080 j'avais donc cru n'avoir rien de mieux à faire que de la laisser dans l'oubli mais puisque vous revenez sur elle que vous paraissez tenir aux idées qu'elle contient et que vous prenez mon silence pour un consentement il faut vous dire clairement mon avis j'ai pu avoir quelquefois la prétention de remplacer à moi seule tout un sérail 577_394_000081 un peu surprise de ce ton de reproche elle voulut répliquer la résolution que vous avez prise dit-elle n'est que l'effet de mon désespoir repris-je avec emportement et vous avez voulu que je sois malheureux je vous prouverai que vous avez réussi au-delà de vos souhaits je désire votre bonheur reprit-elle 577_394_000082 et nous ne voulons en perdre aucun mais qu'est-ce que ces considérations légères auprès des objets importants qui se trouvent remplis voit-on celui qui se sauve du naufrage se plaindre de n'avoir pas le choix des moyens 577_394_000083 dites-moi donc ma belle amie d'où peut venir ce ton d'aigreur et de persiflage qui règne dans votre dernière lettre quel est donc ce crime que j'ai commis apparemment sans m'en douter et qui vous donne tant d'humeur 577_394_000084 et n'allez pas croire que des exceptions plus ou moins nombreuses et qu'on peut citer puissent s'opposer avec succès à ces vérités générales elles ont pour garant la voix publique qui pour les hommes seulement a distingué l'infidélité de l'inconstance 577_394_000085 il ne me sera pas plus difficile de me justifier sur le charme inconnu dont vous me paraissez aussi un peu choquée car d'abord de ce qu'il est inconnu il ne s'ensuit pas qu'il soit plus fort 577_394_000086 tandis que je parlais ainsi je sentais son cœur palpiter avec violence j'observais l'altération de la figure je voyais surtout les larmes la suffoquer et ne couler cependant que rares pénibles 577_394_000087 j'avoue qu'en me livrant à ce point j'avais beaucoup compté sur le secours des larmes mais soit mauvaise disposition soit peut-être seulement l'effet de l'attention pénible et continuelle que je mettais à tout il me fut impossible de pleurer par bonheur je me ressouvins que pour subjuguer une femme tout moyen était également bon 577_394_000088 je me la rende utile en me pénétrant par elle du sentiment de ma faiblesse oui ces lettres qu'il ne se soucie plus de garder je les conserverai précieusement je m'imposerai la honte de les relire chaque jour jusqu'à ce que mes larmes aient effacé les dernières traces 577_394_000089 ah je vaincrai ce cœur rebelle je l'accoutumerai aux humiliations c'est surtout pour y parvenir que j'ai enfin consenti à recevoir jeudi prochain la pénible visite de m de valmont 577_394_000090 nous nous sommes donc remis à causer tranquillement il m'a dit peu de temps après que peut-être une affaire la plus grande affaire de sa vie le rappellerait bientôt à paris 577_394_000091 dans la foule des femmes auprès desquelles j'ai rempli jusqu'à ce jour le rôle et les fonctions d'amant j'en avais encore rencontré aucune qui n'eût au moins autant d'envie de se rendre que j'en avais de l'y déterminer 577_394_000092 mon ami quand vous m'écrirez que ce soit pour me dire votre façon de penser et de sentir et non pour m'envoyer des phrases que je trouverai sans vous plus ou moins bien dites dans le premier roman du jour 577_394_000093 mais il est sage d'éclairer un convalescent sur les dangers qu'il a courus pour lui inspirer la prudence dont il a besoin et la soumission aux conseils qui peuvent encore lui être nécessaires puisque vous me choisissez pour votre médecin c'est comme tel que je vous parle que je vous dis que les petites incommodités que vous ressentez à présent 577_394_000094 c'est je crois tout ce qu'on peut faire mais je crains à présent de m'être amolli comme annibal dans les délices de capoue voilà ce qui s'est passé depuis je m'attendais bien qu'un si grand événement ne se passerait pas sans les larmes et le désespoir d'usage 577_394_000095 s'il s'y trouvait quelques sentiments dont j'aie à rougir couvrez-les de votre indulgente amitié je m'en remets entièrement à elle ce n'est pas à vous que je veux dérober aucun de mes mouvements de mon cœur 577_394_000096 il faut avant tout le combattre et l'approfondir peut-être au reste en ai-je déjà entrevu la cause je me plais au moins dans cette idée et je voudrais qu'elle fût vraie 577_394_000097 apprenez-moi à vivre où vous n'êtes pas en sorte que quand vous serez je suppose auprès de votre maîtresse vous ne sauriez pas y vivre que je n'y sois en tiers quelle pitié 577_394_000098 il me semble même que cette marche franche et libre quand elle est fondée sur une ancienne liaison est bien préférable à l'insipide cajolerie qui affadit si souvent l'amour peut-être au reste le prix que je trouve à cette manière ne vient-il que de celui que j'attache au bonheur qu'elle me rappelle 577_394_000099 je n'en veux recevoir que de vous vous seule savez m'entendre et parler à mon cœur votre précieuse amitié remplira toute mon existence rien ne me paraîtra difficile pour sonder les soins que vous voudrez bien vous donner 577_394_000100 quelle femme vraiment délicate et sensible n'a pas trouvé l'infortune dans ce même sentiment qui lui promettait tant de bonheur les hommes savent-ils apprécier la femme qu'ils possèdent 577_394_000101 payez au moins ce vœu sincère par un regret par une larme et croyez que le dernier de mes sacrifices ne sera pas le plus pénible à mon cœur adieu 577_394_000102 émue plus que je ne puis vous dire je me suis levée précipitamment et sans doute a-t-il remarqué mon effroi car sur-le-champ se composant davantage pardon a-t-il repris pardon madame je sens que je m'égare malgré moi 577_394_000103 est-ce donc là le style de l'amitié non mon ami chaque sentiment a son langage qui lui convient et se servir d'un autre c'est déguiser la pensée qu'on exprime 577_394_000104 si tant de charmes ai-je donc repris ont fait sur mon cœur une impression si profonde tant de vertus n'en ont pas moins fait sur mon âme séduit sans doute par le désir de m'en rapprocher j'avais osé m'en croire digne je ne vous reproche point d'en avoir jugé autrement 577_394_000105 non mes souffrances me seront chères si son bonheur en est le prix sans doute il fallait qu'il revînt à son tour au père commun le dieu qui l'a formé devait chérir son ouvrage il n'avait point créé cet être charmant pour n'en faire qu'un réprouvé 577_394_000106 aussitôt que j'en ai reconnu la nécessité mais pour qu'il fût entier il y manquait que m de valmont ne le partageât point vous avouerai-je que cette idée est à présent ce qui me tourmente le plus insupportable orgueil qui adoucit les maux que nous éprouvons par ceux que nous faisons souffrir 577_394_000107 car j'ai beau me regarder je ne peux pas me trouver déchue jusque-là c'est peut-être un tort que j'ai mais je vous préviens que j'en ai beaucoup d'autres encore j'ai surtout celui de croire que l'écolier le doucereux danceny uniquement occupé de moi 577_394_000108 inutilement vous aurais-je parlé plus tôt avec cette apparente vérité l'amour est un sentiment indépendant que la prudence peut faire éviter mais qu'elle ne saurait vaincre et qui une fois né ne meurt que de sa belle mort et du défaut absolu d'espoir 577_394_000109 quand même la scène d'hier m'aurait comme je le crois emporté un peu plus loin que je ne comptais quand j'aurais un moment partagé le trouble et l'ivresse que je faisais naître cette illusion passagère serait dissipée à présent 577_394_000110 et je crains qu'il ne me faille beaucoup de temps mais beaucoup avant de changer de sentiment quand je serai corrigée je vous promets de vous en avertir jusque-là croyez-moi faites d'autres arrangements et gardez vos baisers vous avez tant à les placer mieux 577_394_000111 ou quand vous craindrez de compromettre auprès de l'attachante cécile l'idée supérieure que vous êtes bien aise qu'elle conserve de vous alors descendant jusqu'à moi vous viendrez y chercher 577_394_000112 et qui comptait déjà deux années de triomphe enfin des démarches éclatantes inspirées par ces différents motifs et qui toutes n'avaient pour but que de se soustraire à mes poursuites 577_394_000113 serait de ne pas savoir fuir un danger dont elle a été suffisamment avertie par l'aveu qu'elle a fait de son amour vous autres hommes vous n'avez pas d'idée de ce que c'est la vertu 577_394_000114 en prononçant ces dernières paroles nos regards se rencontrèrent et je ne sais ce que la timide personne vu ou crut voir dans les miens mais elle se leva d'un air effrayé et s'échappa de mes bras dont je l'avais entourée 577_394_000115 mais le bonheur porte à l'indulgence et puis je n'oublie pas qu'en me replaçant au nombre de vos soupirants je dois me soumettre de nouveau à vos petites fantaisies souvenez-vous cependant que le nouvel amant ne veut rien perdre de ses anciens droits de l'ami 577_394_000116 et vous pouvez être sûre que je ne me laisserai pas tellement enchaîner que je ne puisse toujours briser ces nouveaux liens en jouant et à ma volonté mais déjà je vous parle de ma rupture et vous ignorez encore par quels moyens j'en ai acquis le droit 577_394_000117 elle a consenti à recevoir votre visite à condition toutefois que ce sera la dernière et m'a chargé de vous annoncer qu'elle serait chez elle jeudi prochain vingt huit si ce jour ne pouvait pas vous convenir vous voudrez bien l'en informer et lui en indiquer un autre votre lettre sera reçue 577_394_000118 vous vous êtes regardée me dites-vous à ce sujet et vous ne vous êtes pas trouvée déchue à ce point je le crois bien et cela prouve seulement que votre miroir est fidèle mais n'auriez-vous pas pu en conclure avec plus de facilité et de justice qu'à coup sûr je n'avais pas jugé ainsi de vous 577_394_000119 fuyons cette passion funeste qui ne laisse de choix qu'entre la honte et le malheur et souvent même les réunit tous deux et qu'au moins la prudence remplace la vertu que ce jeudi est encore loin que ne puis-je consommer à l'instant ce douloureux sacrifice et en oublier à la fois et la cause et l'objet 577_394_000120 femme adorable lui dis-je en risquant l'enthousiasme vous n'avez pas d'idée de l'amour que vous inspirez vous ne saurez jamais à quel point vous fûtes adorée et de combien ce sentiment m'était plus cher que mon existence puissent tous vos jours être fortunés et tranquilles puissent-ils s'embellir de tout le bonheur dont vous m'avez privé 577_394_000121 je redoublai mes protestations et heureux par moi j'ajoutai des louanges à ses tendres propos tandis que je parlais tous ses membres s'assoupirent elle retomba avec mollesse appuyée sur son fauteuil et m'abandonnant une main que j'avais osé prendre je sens dit-elle que cette idée me console et me soulage 577_394_000122 enfin ce goût exclusif qui caractérise particulièrement l'amour n'est dans l'homme qu'une préférence qui sert au plus à augmenter un plaisir qu'un autre objet affaiblirait peut-être mais ne détruirait pas 577_394_000123 je ne m'en vante pas ni ne m'en accuse je dis simplement ce qui est vous sentirez aisément d'après cela quelle impression a dû me faire votre lettre et les vérités sévères qu'elle contient ne croyez pas cependant qu'elle ait pu faire naître un regret en moi ni qu'elle puisse jamais me faire changer de sentiment ni de conduite 577_394_000124 et ces femmes à qui il manque toujours d'être moi vous trouvez peut-être aussi que cela manque à votre cécile voilà pourtant où conduit un langage qui par l'abus que l'on en fait 577_394_000125 plaire n'est pour lui qu'un moyen de succès tandis que pour elle c'est le succès lui-même et la coquetterie si souvent reprochée aux femmes n'est autre chose que l'abus de cette façon de sentir et par là même en prouve la vérité 577_394_000126 m'ayant appelé à mon secours cette même idée de mon bonheur j'en ressentis bientôt les favorables effets vous avez raison me dit la tendre personne et je ne puis plus supporter mon existence qu'autant qu'elle servira à vous rendre heureux 577_394_000127 au milieu de l'étonnement où m'a jetée madame la nouvelle que j'ai apprise hier je n'oublie pas la satisfaction qu'elle doit vous causer et je me hâte de vous en faire part m de valmont ne s'occupe plus ni de moi ni de son amour et ne veut plus que réparer par une vie plus édifiante les fautes ou plutôt les erreurs de sa jeunesse 577_394_000128 aussitôt qu'il m'a aperçue j'ai très bien remarqué qu'en se levant il s'efforçait de composer sa figure peut-être même est-ce là ce qui m'y a fait faire plus attention 577_394_000129 et la difficulté d'achever le mensonge que le devoir exigeait n'a pas permis de finir la phrase j'ai donc repris du ton le plus tendre il est donc vrai que c'est moi que vous avez fui 577_394_000130 lisez donc et voyez à quoi s'expose la sagesse en essayant de secourir la folie j'étudiais si attentivement mes discours et les réponses que j'obtenais que j'espère vous rendre les uns et les autres avec une exactitude dont vous serez contente 577_394_000131 de ce qu'il en coûte pour la sacrifier mais pour peu qu'une femme raisonne elle doit savoir qu'indépendamment de la faute qu'elle commet une faiblesse est pour elle le plus grand des malheurs et je ne conçois pas qu'aucune s'y laisse jamais prendre quand elle peut avoir un moment pour y réfléchir 577_394_000132 qui pourrait l'emporter sur les délicieux plaisirs que vous seule savez rendre toujours nouveaux comme toujours plus vifs j'ai donc voulu dire seulement que celui-là était d'un genre que je n'avais pas encore éprouvé 577_394_000133 et pourquoi ma chère belle ne voulez-vous plus être ma fille pourquoi semblez vous m'annoncer que toute correspondance va être rompue entre nous est-ce pour me punir de n'avoir pas deviné ce qui était contre toute vraisemblance ou me soupçonnez vous de vous avoir affligée volontairement 577_394_000134 je vous prie d'oublier mes discours et de vous souvenir seulement de mon profond respect je ne manquerai pas a-t-il ajouté d'aller vous en renouveler l'hommage avant mon départ 577_394_000135 mais repris-je aussitôt d'un air égaré je suis venu n'est-il pas vrai pour vous rendre vos lettres de grâce daignez les reprendre ce douloureux sacrifice me reste à faire ne me laissez rien qui puisse affaiblir mon courage et tirant de ma poche le précieux recueil 577_394_000136 j'ai pu remarquer son ingénuité et sa fraîcheur j'ai pu même la croire un moment attachante parce que plus ou moins on se complaît toujours un peu dans son ouvrage mais assurément elle n'a assez de consistance en aucun genre pour fixer en rien l'attention 577_394_000137 dépêchez-vous donc de renvoyer votre pesant belleroche et laissez là le doucereux danceny pour ne vous occuper que de moi mais que faites-vous donc tant à cette campagne que vous ne me répondez pas seulement savez-vous que je vous gronderais volontiers 577_394_000138 et moi les moyens de vous y conduire c'est avec son secours que j'espère vous convaincre bientôt que la religion sainte peut donner seule même en ce monde le bonheur solide et durable qu'on cherche vainement dans l'aveuglement des passions humaines 577_394_000139 il me semble qu'à tout prendre vous valez mieux qu'un procès et deux avocats et peut-être même encore que l'attentif belleroche vous voyez qu'au lieu de vous désoler de mon absence vous devriez vous en féliciter car jamais je ne vous ai fait un si beau compliment 577_394_000140 mais je ne perdrai rien pour attendre n'est-il pas vrai et j'espère pouvoir regarder comme convenu entre nous l'heureux arrangement que je vous ai proposé dans ma dernière lettre vous voyez que je m'exécute et comme je vous l'ai promis mes affaires seront assez avancées pour pouvoir vous donner une partie de mon temps 577_394_000141 comme l'amie d'une femme raisonnable et vertueuse je me permettrai d'ajouter que cette passion qui vous avait subjuguée déjà si malheureuse par elle-même le devenait encore plus par son objet si j'en crois ce qu'on me dit mon neveu 577_394_000142 quel compte avons-nous à demander à celui qui ne nous doit rien et quand il serait possible que nous eussions quelques droits auprès de lui quels pourraient être les miens me vanterais-je d'une sagesse que déjà je ne dois qu'à valmont il m'a sauvée et j'oserais me plaindre en souffrant pour lui 577_394_000143 là je la pressai dans mes bras sans qu'elle se défendît aucunement et jugeant par cet oubli des bienséances combien l'émotion était forte puissante 577_394_000144 d'une figure invariable n'ayant l'air ni de penser ni d'écouter ni d'entendre dont les yeux fixes laissent échapper des larmes assez continues mais qui coulent sans effort telle était mme de tourvel pendant mes discours mais si j'essayais de ramener son attention vers moi par une caresse par le geste même 577_394_000145 mais étouffons ce coupable murmure ne sais-je pas que l'enfant prodigue à son retour obtint plus de grâces de son père que le fils qui ne s'était jamais absenté 577_394_000146 tout me prouvait assez que l'effet était tel que j'avais voulu le produire mais comme en amour rien ne se finit que de très près et que nous étions alors assez loin l'un de l'autre il fallait avant tout se rapprocher 577_394_000147 il est fort doux d'avoir un jeune ami dont le cœur est occupé ailleurs ce n'est pas là le système de toutes les femmes mais c'est le mien il me semble qu'on se livre avec plus de plaisir à un sentiment dont on ne peut rien avoir à craindre aussi j'ai passé pour vous d'assez bonne heure peut-être au rôle de confidente 577_394_000148 mais je me punis de mon erreur comme on gardait le silence de l'embarras j'ai continué j'ai désiré madame ou me justifier à vos yeux ou d'obtenir de vous le pardon des torts que vous me supposez 577_394_000149 le voilà dis-je ce dépôt trompeur des assurances de votre amitié il m'attachait à la vie reprenez-le donnez ainsi vous-même le signal qui doit me séparer de vous pour jamais ici l'amante craintive céda entièrement à sa tendre inquiétude 577_394_000150 et met presque un prix égal à les séduire et à les perdre je crois bien que vous l'auriez converti jamais personne sans doute n'en fut plus digne mais tant d'autres s'en sont flattées de même dont l'espoir a été déçu que j'aime bien mieux que vous n'en soyez pas réduite à cette ressource 577_394_000151 là je l'entendrai me dire lui-même que je ne lui suis plus rien que l'impression faible et passagère que j'avais faite sur lui est entièrement effacée je verrai ses regards se porter sur moi sans émotion tandis que la crainte de déceler la mienne me fera baisser les yeux 577_394_000152 si vous voulez que je me calme répondit la belle effarouchée vous-même soyez donc plus tranquille hé bien oui je vous le promets lui dis-je j'ajoutai d'une voix plus faible si l'effort est grand au moins ne doit-il pas être long 577_394_000153 aussitôt que vous le désirerez quelque grandes que soient mes occupations mon affaire la plus importante sera toujours de remplir les devoirs du saint ministère auquel je me suis particulièrement dévoué 577_394_000154 je ne puis sans doute qu'applaudir à cet heureux changement et m'en féliciter si comme il le dit et j'ai pu y concourir en quelque chose mais pourquoi fallait-il que j'en fusse l'instrument et qu'il m'en coûtât le repos de ma vie le bonheur de monsieur de valmont ne pouvait-il arriver jamais que par mon infortune 577_394_000155 ici au contraire j'ai trouvé une première prévention défavorable et fondée depuis sur les conseils et les rapports d'une femme haineuse mais clairvoyante une timidité naturelle et extrême que fortifiait une pudeur éclairée un attachement à la vertu que la religion dirigeait 577_394_000156 que nous avons remarqué souvent être si semblable à l'autre jugez-moi donc comme turenne ou comme frédéric j'ai forcé à combattre l'ennemi qui ne voulait que temporiser je me suis donné par de savantes manœuvres le choix du terrain et celui des dispositions 577_394_000157 je me permettrai même d'ajouter que s'il me venait en fantaisie de lui donner un adjoint ce ne serait pas vous au moins pour le moment et par quelles raisons m'allez-vous demander 577_394_000158 je vous devrai ma tranquillité mon bonheur ma vertu et le fruit de vos bontés pour moi sera de m'avoir enfin rendue digne je me suis je crois beaucoup égarée dans cette lettre je le présume au moins par le trouble où je n'ai pas cessé d'être en vous écrivant 577_394_000159 mais comme j'avais peur de la deviner ma chère belle et que ce début ne me menât à une confidence dont je ne voulais pas je ne lui ai fait aucune question et je me suis contentée de lui répondre que plus de dissipation serait utile à sa santé 577_394_000160 eh qui sommes-nous pour nous blâmer les uns les autres laissons le droit de juger à celui seul qui lit dans les cœurs et j'ose même croire qu'à ses yeux paternels une foule de vertus peut racheter une faiblesse 577_394_000161 nous ne pouvons rien par nous-mêmes mais le dieu qui vous rappelle peut tout et nous devons également à sa bonté vous le désir constant de vous rejoindre à lui 577_394_000162 paris ce premier novembre dix-sept cent lettre cent vingt-neuf le vicomte de valmont à la marquise de merteuil 579_394_000000 si sa belle ingénue veut être docile tout sera terminé peu de temps après son arrivée à la campagne j'ai cent moyens tous prêts 579_394_000001 je vous envoie le billet de votre maman et la copie de ma réponse j'espère que vous approuverez ce que je lui dis j'ai bien besoin que vous approuviez aussi les démarches que j'ai faites depuis ce fatal événement 579_394_000002 je ne mentirai pas beaucoup sûrement je souffre plus que si j'avais la fièvre les yeux me brûlent à force d'avoir pleuré et j'ai un poids sur l'estomac qui m'empêche de respirer 579_394_000003 vous ne sauriez croire combien la douleur l'embellit pour peu qu'elle prenne de coquetterie je vous garantis qu'elle pleurera souvent pour cette fois elle pleurait sans malice 579_394_000004 apprenez donc ce que j'ai fait en rentrant chez moi avant-hier matin je lus votre lettre je la trouvai lumineuse 579_394_000005 vraiment oui je vous expliquerai le billet de danceny l'événement qui le lui a fait écrire est mon ouvrage et c'est je crois mon chef-d'œuvre 579_394_000006 et si vous refusez de le prendre ce sera quoique vous puissiez dire me prouver assez combien peu vous y mettez de prix quittez donc un langage que je ne puis ni ne veux entendre 579_394_000007 je vous ai permis de m'écrire dites-vous j'en conviens mais quand vous me rappelez cette permission croyez-vous que j'oublie à quelles conditions elle vous fut donnée 579_394_000008 si j'y eusse été aussi fidèle que vous l'avez été peu auriez-vous reçu une seule réponse de moi voilà pourtant la troisième 579_394_000009 ou si ce n'est qu'un sot comme je suis tentée quelquefois de le croire il sera désespéré et se tiendra pour battu 579_394_000010 vous avez il est vrai le secret de mlle de volanges mais permettez-moi de le dire je suis autorisé à croire que c'est l'effet de la surprise non de la confiance 579_394_000011 ce sera elle qui vous remettra cette lettre et vous pourrez lui donner votre réponse ce secours ne vous sera guère utile si comme le croit m de valmont 579_394_000012 à dieu ne plaise dit-il en se levant que je doute de la sagesse de mme de merteuil mais j'oserais croire qu'elle la doit plus à sa légèreté qu'à ses principes 579_394_000013 en choisissant bien dans cette correspondance et n'en produisant qu'une partie la petite volanges paraîtrait avoir fait toutes les premières démarches et s'être absolument jetée à la tête 579_394_000014 je fis naître en elle l'espoir de voir danceny en secret et m'asseyant sur le lit s'il était là lui dis-je 579_394_000015 je n'aimais pas monsieur de valmont et je ne le croyais pas tant votre ami je tâcherai de m'accoutumer à lui et je l'aimerai à cause de vous 579_394_000016 tout le monde paraissait être de mon avis et la conversation languissait comme il arrive toujours quand on ne dit que du bien de son prochain lorsqu'il s'éleva un contradicteur c'était prévan 579_394_000017 la crainte de ce qui pourrait compromettre sa réputation m'engage à ce sacrifice et le bonheur de la voir quelquefois m'en dédommagera 579_394_000018 or dans ce cas au moins me serai-je vengée de lui autant qu'il était en moi chemin faisant 579_394_000019 mais cette absence subite et totale ne donnera-t-elle donc pas autant de prise aux remarques que vous voulez éviter que l'ordre que par cette raison même vous n'avez point voulu donner à votre porte 579_394_000020 qu'aujourd'hui pourtant on nomme amour je me hâterais de tirer avantage de tout ce que je pourrais obtenir 579_394_000021 et il n'y a peu de moyens plus sûrs pour la répandre ou si par miracle ils ne parlaient pas nous parlerions nous et il sera plus commode de mettre l'indiscrétion sur leur compte 579_394_000022 la mienne a besoin que vous m'assuriez que vous pardonnez à l'amour les maux qu'il vous fait souffrir adieu ma cécile adieu ma tendre amie 579_394_000023 cela me rappelle ajoutai-je qu'un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrétaire dans lequel je vis beaucoup de papiers que sans doute elle conserve 579_394_000024 je n'ai pas perdu mon temps depuis votre dernière lettre et j'ai dit comme l'architecte athénien ce qu'il a dit je le ferai 579_394_000025 quand on est occupé d'ailleurs et c'est le cas où vous serez c'est de vos soins que va dépendre le dénouement de cette intrigue jugez du moment où il faudra réunir les acteurs 579_394_000026 vous ne serez pas surpris sans doute de ne plus être reçu dans une maison où vous n'avez répondu aux preuves de l'amitié la plus sincère que par l'oubli de tous les procédés 579_394_000027 j'imagine que je n'ai pas besoin de vous recommander le secret vis-à-vis de mme de volanges sur mon projet de campagne 579_394_000028 j'ai droit d'espérer que vous ne me forcerez pas de recourir à ce moyen je vous préviens aussi que si vous faites à l'avenir la moindre tentative pour entretenir ma fille dans l'égarement où vous l'avez plongée 579_394_000029 je sens bien que le scrupuleux danceny se révolterait d'abord mais comme il serait personnellement attaqué je crois qu'on en viendrait à bout 579_394_000030 cet article de ma lettre est aussi la seule réponse que je puisse faire à ce que vous me dites sur le sort que vous destinez à mlle de volanges et que vous voulez rendre dépendant de ma conduite 579_394_000031 persuadée que vous aviez très bien indiqué la cause du mal je ne m'occupai plus qu'à trouver le moyen de le guérir je commençai pourtant par me coucher 579_394_000032 je m'amusais à lui monter la tête sur le plaisir qu'elle aurait à le voir le lendemain il n'est sorte de folies que je ne lui aie fait dire il fallait bien lui rendre en espérance ce que je lui ôtais en réalité 579_394_000033 ce parti que je prends doit vous prouver ainsi que mes refus ne portent pas sur la crainte que vous trouviez dans ces lettres un seul sentiment dont vous ayez personnellement à vous plaindre 579_394_000034 de points de suspension ce neuf septembre mille sept cent quelque chose lettre soixante sept la présidente de tourvel au vicomte de valmont 579_394_000035 nous nous serions séparées parfaitement contentes l'une de l'autre si elle n'avait voulu me charger d'une lettre pour danceny ce que j'ai constamment refusé en voici les raisons que vous approuverez sans doute 579_394_000036 je parlai enfin presque aussi bien qu'aurait pu faire une dévote et pour frapper le coup décisif j'allai jusqu'à dire que je croyais avoir vu donner et recevoir une lettre 579_394_000037 il faudra donc que vous donniez aujourd'hui cette idée à danceny et comme je ne suis pas sûre de la femme de chambre de la petite volanges dont elle-même paraît se méfier indiquez lui la mienne ma fidèle victoire 579_394_000038 vous m'y parlez avec franchise vous me témoignez de la confiance vous m'offrez enfin votre amitié que de biens madame et quels regrets de ne pouvoir en profiter 579_394_000039 frappée de ce nouvel agrément que je ne lui connaissais pas et que j'étais bien aise d'observer je ne lui donnai d'abord que de ces consolations gauches qui augmentent plus les peines qu'elles ne les soulagent 579_394_000040 elles peuvent devenir utiles je m'explique malgré la prudence que nous mettrons il peut arriver un éclat 579_394_000041 sans lui je serais réduit au désespoir de ne pouvoir même adoucir les chagrins que je vous cause ils finiront je l'espère mais ma tendre amie promettez-moi de ne pas trop vous y livrer de ne point vous en laisser abattre 579_394_000042 maman sait tout je ne conçois pas comment elle a pu se douter de quelque chose et pourtant elle a tout découvert hier au soir maman me parut bien avoir un peu d'humeur mais je n'y fis pas grande attention 579_394_000043 voilà madame une bien longue lettre elle ne le serait pas encore assez si elle vous laissait le moindre doute de l'honnêteté de mes sentiments 579_394_000044 il a besoin de repos et j'ai remarqué qu'une cajolerie était pour toutes l'oreiller le plus doux à leur offrir adieu ma belle amie je pars demain si vous avez des ordres à me donner pour la comtesse de 579_394_000045 c'est l'amour qui m'a conduit c'est lui qui réclame votre indulgence qui vous demande de pardonner une confidence nécessaire et sans laquelle nous resterions peut-être à jamais séparés 579_394_000046 c'est de vous seule que j'attends quelque consolation n'est-il pas plaisant en effet de consoler pour et contre et d'être le seul agent de deux intérêts directement contraires 579_394_000047 de ne pas la conduire si vite que le remords ne puisse la suivre de faire expirer sa vertu dans une lente agonie de la fixer sans cesse sur ce désolant spectacle 579_394_000048 je ne crains pas d'ajouter que celui que m'a inspiré mademoiselle votre fille est tel qu'il peut vous déplaire mais non vous offenser 579_394_000049 car l'infatigable chevalier ne m'avait pas laissé dormir un moment et je croyais avoir sommeil 579_394_000050 je l'embrassai elle se laissa aller dans mes bras et ses larmes recommencèrent à couler sans effort dieu qu'elle était belle 579_394_000051 elle a emporté toutes les lettres de danceny je frémis toutes les fois que je songe qu'il me faudra reparaître devant elle je n'ai fait que pleurer toute la nuit 579_394_000052 j'ai fini la mienne par une cajolerie et c'est encore une suite de mes profondes observations après que le cœur d'une femme a été exercé quelque temps 579_394_000053 sans chercher madame à justifier ma conduite et sans me plaindre de la vôtre je ne puis que m'affliger d'un événement qui fait le malheur de trois personnes toutes trois dignes d'un sort plus heureux 579_394_000054 je ne t'écrirai pas plus longtemps parce que je veux avoir le temps d'écrire à madame de merteuil et aussi à danceny pour avoir ma lettre toute prête si elle veut bien s'en charger 579_394_000055 mais je vous en supplie écoutez mes raisons et daignez vous souvenir pour les apprécier que la seule consolation au malheur d'avoir perdu votre amitié est l'espoir de conserver votre estime 579_394_000056 qui moi je consentirais à partager avec quelqu'un un sentiment émané de votre âme si jamais je vous le dis ne me croyez plus 579_394_000057 et je me trompe ou son sommeil ne sera plus tranquille il fallait bien lui apprendre le prix du temps et je me flatte qu'à présent il regrette celui qu'il a perdu 579_394_000058 je saurai le défendre s'il est la source de mes maux il en est aussi le remède non encore une fois non persistez dans vos refus cruels mais laissez-moi mon amour 579_394_000059 vous pourrez le désespérer mais non l'anéantir de quel droit prétendez-vous disposer d'un cœur dont vous refusez l'hommage 579_394_000060 une retraite austère et éternelle la soustraira à vos poursuites c'est à vous de voir monsieur si vous craindrez aussi peu de causer son infortune que vous avez peu craint de tenter son déshonneur 579_394_000061 mais pour éviter que cette idée ne lui vînt ou au moins qu'elle ne pût s'en servir j'ai pris mon parti sur-le-champ et en rentrant chez la mère je l'ai décidée à éloigner sa fille pour quelque temps à la mener à la campagne 579_394_000062 elles sont l'unique bien qui me reste elles seules me retracent encore un sentiment qui fait tout le charme de ma vie cependant vous pouvez m'en croire je ne balancerais pas un instant à vous en faire le sacrifice 579_394_000063 me voilà comme la divinité recevant les vœux opposés des aveugles mortels et ne changeant rien à mes décrets immuables 579_394_000064 ne serait-ce pas risquer le fruit de mes travaux que de donner si tôt à nos jeunes gens un moyen si facile d'adoucir leurs peines 579_394_000065 et de toutes celles qui se donneraient dans cette aventure ce serait sûrement la plus religieusement gardée mais vous voilà bien avertie et vous savez le proverbe 579_394_000066 ah si magdeleine était ainsi elle dut être bien plus dangereuse pénitente que pécheresse 579_394_000067 je me couchai dans ces douces idées aussi je dormis et me réveillai fort tard 579_394_000068 vous partez incessamment pour la campagne mais alors c'est lui-même qui veut nous servir la femme chez qui vous allez est sa parente il profitera de ce prétexte pour s'y rendre dans le même temps que vous 579_394_000069 et levez cet obstacle sur-le-champ en lui indiquant la voie de ma femme de chambre il n'y a point de doute qu'il n'accepte et vous aurez pour prix de vos peines la confidence d'un cœur neuf qui est toujours intéressante 579_394_000070 en réunissant tous ces sentiments en leur donnant plus d'énergie ne saurait se prêter comme eux à cette tranquillité à cette froideur de l'âme qui permet des comparaisons qui souffre même des préférences 579_394_000071 ce besoin là ne lui manquera plus j'ai cela de bon moi c'est qu'il ne faut que me faire apercevoir de mes fautes je ne prends point de repos que je n'aie tout réparé 579_394_000072 j'aurai soin que la démarche réussisse cette idée me plaît d'autant plus que la confidence ne sera utile qu'à nous et point à eux car je ne suis pas à la fin de mon récit 579_394_000073 et loin de consentir à vos offres insidieuses je renouvelle à vos pieds le serment de vous aimer toujours de points de suspension ce dix septembre mille-sept-cents quelque chose 579_394_000074 adieu vicomte voilà bien longtemps que je suis à vous écrire et mon dîner en a été retardé mais l'amour-propre et l'amitié dictaient ma lettre et tous deux sont bavards 579_394_000075 je lui serai fidèle elle en a reçu le serment je le renouvelle en ce jour pardon madame je m'égare il faut revenir 579_394_000076 vous me défendez de me présenter chez vous à l'avenir et sans doute je me soumettrai à tout ce qu'il vous plaira d'ordonner à ce sujet 579_394_000077 ce qu'elle me promit d'autant plus volontiers que je lui fis observer combien il serait heureux que cette enfant prît assez de confiance en moi pour m'ouvrir son cœur et me mettre à portée de lui donner mes sages conseils 579_394_000078 et dussiez-vous me refuser toujours un bonheur que je désirerai sans cesse il faut vous prouver au moins que mon cœur en est digne 579_394_000079 celle-ci vient de m'envoyer un projet de capitulation toute sa lettre annonce le désir d'être trompée il est impossible d'en offrir un moyen plus commode et aussi plus usé 579_394_000080 j'y gagnais encore d'être par la suite aussi longtemps et aussi secrètement que je voudrais avec la jeune personne sans que la mère en prît jamais ombrage 579_394_000081 pour me livrer à ce sentiment si doux si bien fait pour mon cœur je n'attends que votre aveu et la parole que j'exige de vous que cette amitié suffira à votre bonheur 579_394_000082 mais adieu j'ai faim de points de suspension ce neuf septembre mille sept cent quelque chose 579_394_000083 vous connaissez l'ami dont je vous parle il est celui de la femme que vous aimez le mieux c'est le vicomte de valmont 579_394_000084 renoncez à un sentiment qui m'offense et m'effraie et auquel peut-être vous devriez être moins attaché en songeant qu'il est l'obstacle qui nous sépare 579_394_000085 dans la lettre soixante-six du vicomte ô ma cécile qu'allons-nous devenir quel dieu nous sauvera des malheurs qui nous menacent 579_394_000086 j'oublierai tout ce qu'on a pu me dire je me reposerai sur vous du soin de justifier mon choix vous voyez ma franchise elle doit vous prouver ma confiance 579_394_000087 sinon je le mettrai dans ta lettre et tu voudras bien l'envoyer comme de toi ce n'est que d'elle que je puis recevoir quelque consolation 579_394_000088 quoique toutes deux soient datées d'aujourd'hui elles ont été écrites hier chez moi et sous mes yeux celle à la petite fille dit tout ce que nous voulions 579_394_000089 concevez vous ma cécile quel plaisir de nous retrouver ensemble de pouvoir nous jurer de nouveau un amour éternel et de voir dans nos yeux de sentir dans nos âmes que ce serment ne sera pas trompeur 579_394_000090 j'étais si troublée que quand elle me demanda ce que c'était je ne sus lui répondre autre chose sinon que ce n'était rien 579_394_000091 je serais bien malheureuse et bien maladroite si maîtresse de l'esprit de sa femme comme je le suis et vas l'être plus encore je ne trouvais pas mille moyens d'en faire ce que je veux qu'il soit 579_394_000092 j'ai cependant tant de choses à vous dire qu'il faut bien faire un effort sur soi-même et si cette lettre a peu d'ordre et de suite vous devez sentir assez combien ma situation est douloureuse pour m'accorder quelque indulgence 579_394_000093 il me reste un autre objet à traiter avec vous celui des lettres que vous me demandez je suis vraiment peiné d'ajouter un refus aux torts que vous me trouvez déjà 579_394_000094 c'est un mauvais rêve dont le réveil sera délicieux et à tout prendre il me semble qu'elle me doit de la reconnaissance au fait quand j'y aurais mis un peu de malice 579_394_000095 aussitôt que je revins à moi ma mère qui avait appelé ma femme de chambre se retira en me disant de me coucher 579_394_000096 et de ne lui accorder le bonheur de m'avoir dans ses bras qu'après l'avoir forcée à n'en plus dissimuler le désir au fait je vaux bien peu si je ne vaux pas la peine d'être demandé 579_394_000097 je m'arrêterai chez elle au moins pour dîner je suis fâché de partir sans vous voir faites-moi passer vos sublimes instructions et aidez-moi de vos sages conseils dans ce moment décisif 579_394_000098 et pendant le rire qu'elle excitait prévan reprit sa place et la conversation générale changea mais les deux comtesses de b auprès de qui était notre incrédule 579_394_000099 plus sensible encore au chagrin d'en être la cause qu'à celui d'en être victime j'ai souvent essayé depuis hier d'avoir l'honneur de vous répondre sans pouvoir en trouver la force 579_394_000100 elle s'est enfin si mal conduite que je n'ai eu qu'à applaudir il est vrai qu'elle a pensé rompre tous nos projets par le parti qu'elle avait pris de faire rentrer sa fille au couvent 579_394_000101 comme je ne me dissimule point que ce titre qui ne paraît d'abord qu'une dispute de mots est pourtant d'une importance réelle à obtenir j'ai mis beaucoup de soin à ma lettre et j'ai tâché d'y répandre ce désordre qui peut seul peindre le sentiment 579_394_000102 ma seule inquiétude était que mme de vollange ne profitât de ce moment pour gagner la confiance de sa fille ce qui eût été bien facile en n'employant avec elle que le langage de la douceur de l'amitié 579_394_000103 et puis je ne serais pas fâchée de les obliger à mêler quelques domestiques dans cette aventure car enfin si elle se conduit à bien comme je l'espère il faudra qu'elle se sache immédiatement après le mariage 579_394_000104 de ce moment je chercherai à vous tromper je pourrai vous désirer encore mais à coup sûr je ne vous aimerai plus 579_394_000105 j'en profitai dès le soir même et après ma partie finie je chambrai la petite dans un coin et la mis sur le chapitre de danceny sur lequel elle ne tarit jamais 579_394_000106 si vous jugez qu'elle ait besoin de quelque encouragement de ma part mandez le moi je crois lui avoir donné une assez bonne leçon sur le danger de garder des lettres pour oser lui écrire à présent 579_394_000107 et le regret d'en être privé céderait au désir de vous prouver ma déférence respectueuse mais des considérations puissantes me retiennent et je m'assure que vous-même ne pourrez les blâmer 579_394_000108 quant au mystère dans lequel vous désirez que cet événement reste enseveli soyez tranquille madame sur tout ce qui intéresse mlle de volanges je peux défier le cœur même d'une mère 579_394_000109 la pauvre petite comme elle rougira en vous remettant sa première lettre au vrai ce rôle de confident contre lequel il s'est établi des préjugés me paraît un très joli délassement 579_394_000110 et par ce moyen je la menai au point d'être véritablement suffoquée elle ne pleurait plus et je craignis un moment des convulsions 5830_4703_000000 une situation grave étant donnée il avait tout ce qu'il fallait pour être stupide un tour de clef de plus il pouvait être sublime 5830_4703_000001 et défit l'enveloppe tout en disant dieu de dieu avons-nous cherché ma soeur et moi et c'est vous qui l'aviez trouvé sur le boulevard n'est-ce pas ce doit être sur le boulevard voyez-vous ça a tombé quand nous avons couru c'est ma mioche de soeur qui a fait la bêtise 5830_4703_000002 cinq francs du luisant un monarque dans cette piaule c'est chenâtre vous êtes un bon mion je vous fonce mon palpitant bravo les fanandels deux jours de pivois et de la viandemuche et du fricotmar on pitancera chenument et de la bonne mouise 5830_4703_000003 ce personnage et cette jeune fille quoiqu'ils parussent et peut-être parce qu'ils paraissaient éviter les regards avaient naturellement quelque peu éveillé l'attention des cinq ou six étudiants qui se promenaient de temps en temps le long de la pépinière les studieux après leur cours 5830_4703_000004 les étoiles sont comme des lampions d'illuminations on dirait qu'elles fument et que le vent les éteint je suis ahurie comme si j'avais des chevaux qui me soufflent dans l'oreille quoique ce soit la nuit 5830_4703_000005 en rentrant nous ne l'avons plus trouvé comme nous ne voulions pas être battues que cela est inutile que cela est entièrement inutile que cela est absolument inutile nous avons dit chez nous que nous avions porté les lettres chez les personnes et qu'on nous avait dit 5830_4703_000006 maintenant il voyait clairement tout il comprenait que son voisin jondrette avait pour industrie dans sa détresse d'exploiter la charité des personnes bienfaisantes 5830_4703_000007 elle posa le livre prit une plume et s'écria et je sais écrire aussi elle trempa la plume dans l'encre et se tournant vers marius voulez-vous voir tenez je vais écrire un mot pour voir 5830_4703_000008 l'homme pouvait avoir une soixantaine d'années il paraissait triste et sérieux toute sa personne offrait cet aspect robuste et fatigué des gens de guerre retirés du service 5830_4703_000009 s'il avait eu une décoration marius eût dit c'est un ancien officier il avait l'air bon mais inabordable et il n'arrêtait jamais son regard sur le regard de personne 5830_4703_000010 elle entra résolument regardant avec une sorte d'assurance qui serrait le coeur toute la chambre et le lit défait 5830_4703_000011 il n'y a pas de fautes d'orthographe vous pouvez regarder nous avons reçu de l'éducation ma soeur et moi nous n'avons pas toujours été comme nous sommes nous n'étions pas faites ici elle s'arrêta fixa sa prunelle éteinte sur marius 5830_4703_000012 et avant qu'il eût eu le temps de répondre elle écrivit sur une feuille de papier blanc qui était au milieu de la table les cognes sont là puis jetant la plume 5830_4703_000013 elle s'approcha de lui et lui posa une main sur l'épaule vous ne faites pas attention à moi mais je vous connais monsieur marius je vous rencontre ici dans l'escalier et puis je vous vois entrer chez un appelé le père mabeuf qui demeure du côté d'austerlitz des fois quand je me promène par là 5830_4703_000014 marius en ouvrant cette lettre remarqua que le pain à cacheter large et énorme était encore mouillé le message ne pouvait venir de bien loin il lut mon aimable voisin jeune homme 5830_4703_000015 et le père monsieur leblanc si bien que personne ne les connaissant d'ailleurs en l'absence du nom le surnom avait fait loi 5830_4703_000016 je sais lire moi elle saisit vivement le livre ouvert sur la table et lut assez couramment le général bauduin reçut l'ordre d'enlever avec les cinq bataillons de sa brigade le château de hougomont qui est au milieu de la plaine de waterloo 5830_4703_000017 son sourire corrigeait ce que toute sa physionomie avait de sévère à de certains moments c'était un singulier contraste que ce front chaste et ce sourire voluptueux 5830_4703_000018 cela vous va très bien vos cheveux ébouriffés sa voix cherchait à être très douce et ne parvenait qu'à être basse une partie des mots se perdait dans le trajet du larynx aux lèvres comme sur un clavier où il manque des notes 5830_4703_000019 je crois devoir espérer que votre coeur généreux s'humanisera à cet exposé et vous subjuguera le désir de m'être propice en daignant me prodiguer un léger bienfait je suis avec la considération distinguée qu'on doit aux bienfaiteurs de l'humanité jondrette 5830_4703_000020 elle fredonnait comme si elle eût été seule des bribes de vaudeville des refrains folâtres que sa voix gutturale et rauque faisaient lugubres 5830_4703_000021 une toute jeune fille était debout dans la porte entrebâillée la lucarne du galetas où le jour paraissait était précisément en face de la porte et éclairait cette figure d'une lumière blafarde 5830_4703_000022 à peine eut-elle achevé ce couplet qu'elle s'écria allez-vous quelquefois au spectacle monsieur marius moi j'y vais j'ai un petit frère qui est ami avec des artistes et qui me donne des fois des billets par exemple je n'aime pas les banquettes de galeries on y est gêné on y est mal 5830_4703_000023 s ma fille attendra vos ordres cher monsieur marius cette lettre au milieu de l'aventure obscure qui occupait marius depuis la veille au soir c'était une chandelle dans une cave tout fut brusquement éclairé 5830_4703_000024 c'était une créature hâve chétive décharnée rien qu'une chemise et une jupe sur une nudité frissonnante et glacée 5830_4703_000025 et qui promettait peut-être d'avoir d'assez beaux yeux seulement ils étaient toujours levés avec une sorte d'assurance déplaisante elle avait cette mise à la fois vieille et enfantine des pensionnaires de couvent une robe mal coupée de gros mérinos noir 5830_4703_000026 nous ferons comme eux et nous dirons m leblanc pour la facilité de ce récit marius les vit ainsi presque tous les jours à la même heure pendant la première année il trouvait l'homme à son gré mais la fille assez maussade 5830_4703_000027 les voilà ces pauvres lettres et à quoi avez-vous vu qu'elles étaient à moi ah oui à l'écriture c'est donc vous que nous avons cogné en passant hier au soir on n'y voyait pas quoi j'ai dit à ma soeur est-ce que c'est un monsieur 5830_4703_000028 et cette absence complète d'angles qui rendait les sicambres si reconnaissables parmi les romains et qui distingue la race léonine de la race aquiline 5830_4703_000029 c'était une façon de fille de treize ou quatorze ans maigre au point d'en être presque laide gauche insignifiante 5830_4703_000030 elle saisit la pièce bon dit-elle il y a du soleil et comme si ce soleil eût eu la propriété de faire fondre dans son cerveau des avalanches d'argot elle poursuivit 5830_4703_000031 les étudiants disaient ah monsieur leblanc est à son banc et marius comme les autres avait trouvé commode d'appeler ce monsieur inconnu m leblanc 5830_4703_000032 d'autres fois courfeyrac le rencontrait et lui disait bonjour monsieur l'abbé quand courfeyrac lui avait tenu quelque propos de ce genre marius était huit jours à éviter plus que jamais les femmes 5830_4703_000033 en sortant de l'enfance n'ont déjà plus rien dans ce monde ni la liberté ni la vertu ni la responsabilité 5830_4703_000034 il avait l'esprit ailleurs et où est l'esprit est le regard il avait dû plus d'une fois croiser les jondrette dans le corridor ou dans l'escalier 5830_4703_000035 marius s'était reculé doucement mademoiselle dit-il avec sa gravité froide j'ai là un paquet qui est je crois à vous permettez-moi de vous le remettre 5830_4703_000036 elle reprit et son accent exprimait ce bonheur de se vanter de quelque chose auquel nulle créature humaine n'est insensible 5830_4703_000037 une grisette passant un jour près de lui dit voilà un veuf fort propre il avait les cheveux très blancs la première fois que la jeune fille qui l'accompagnait vint s'asseoir avec lui sur le banc qu'ils semblaient avoir adopté 5830_4703_000038 l'allée qui longe le parapet de la pépinière un homme et une toute jeune fille presque toujours assis côte à côte sur le même banc à l'extrémité la plus solitaire de l'allée du côté de la rue de l'ouest 5830_4703_000039 je vois les arbres comme des fourches je vois des maisons toutes noires grosses comme les tours de notre-dame je me figure que les murs blancs sont la rivière je me dis tiens il y a de l'eau là 5830_4703_000040 elle remuait les chaises elle dérangeait les objets de toilette posés sur la commode elle touchait aux vêtements de marius elle furetait ce qu'il y avait dans les coins tiens dit-elle vous avez un miroir 5830_4703_000041 elle s'interrompit ah waterloo je connais ça c'est une bataille dans les temps mon père y était mon père a servi dans les armées nous sommes joliment bonapartistes chez nous allez c'est contre les anglais waterloo 5830_4703_000042 marius s'était levé et considérait avec une sorte de stupeur cet être presque pareil aux formes de l'ombre qui traversent les rêves 5830_4703_000043 la grâce de l'âge luttait encore contre la hideuse vieillesse anticipée de la débauche et de la pauvreté un reste de beauté se mourait sur ce visage de seize ans comme ce pâle soleil qui s'éteint sous d'affreuses nuées à l'aube d'une journée d'hiver 5830_4703_000044 éclata de rire en disant avec une intonation qui contenait toutes les angoisses étouffées par tous les cynismes bah et elle se mit à fredonner ces paroles sur un air gai j'ai faim mon père pas de fricot j'ai froid ma mère pas de tricot grelotte lolotte sanglote jacquot 5830_4703_000045 le vieil homme parlait peu et par instants il attachait sur elle des yeux remplis d'une ineffable paternité marius avait pris l'habitude machinale de se promener dans cette allée il les y retrouvait invariablement 5830_4703_000046 la jeune fille répondit avec sa voix de galérien ivre c'est une lettre pour vous monsieur marius elle appelait marius par son nom 5830_4703_000047 et que c'était à grand'peine que celle-ci qui venait d'entrer dans sa chambre avait éveillé en lui à travers le dégoût et la pitié un vague souvenir de l'avoir rencontrée ailleurs 5830_4703_000048 ce visage n'était pas absolument inconnu à marius il croyait se rappeler l'avoir vu quelque part que voulez-vous mademoiselle demanda-t-il 5830_4703_000049 ni des femmes espèces de monstres impurs et innocents produits par la misère tristes créatures sans nom sans âge sans sexe auxquelles ni le bien ni le mal ne sont plus possibles et qui 5830_4703_000050 il était à cette saison de la vie où l'esprit des hommes qui pensent se compose presque à proportions égales de profondeur et de naïveté 5830_4703_000051 il ne pouvait douter que ce ne fût à lui qu'elle eût affaire mais qu'était-ce que cette fille comment savait-elle son nom sans attendre qu'il lui dît d'avancer elle entra 5830_4703_000052 ce qui était poignant surtout c'est que cette fille n'était pas venue au monde pour être laide dans sa première enfance elle avait dû même être jolie 5830_4703_000053 ils avaient l'air du père et de la fille marius examina pendant deux ou trois jours cet homme vieux qui n'était pas encore un vieillard et cette petite fille qui n'était pas encore une personne 5830_4703_000054 avant d'être ici l'autre hiver nous demeurions sous les arches des ponts on se serrait pour ne pas geler ma petite soeur pleurait l'eau comme c'est triste 5830_4703_000055 le capitaine espagnol don alvarès la malheureuse mère balizard le poète dramatique genflot le vieux comédien fanbatou se nommaient tous les quatre jondrette si toutefois jondrette lui-même s'appelait jondrette 5830_4703_000056 son profil dont toutes les lignes étaient arrondies sans cesser d'être fermes avait cette douceur germanique qui a pénétré dans la physionomie française par l'alsace et la lorraine 5830_4703_000057 il y a quelquefois du gros monde il y a aussi du monde qui sent mauvais puis elle considéra marius prit un air étrange et lui dit 5830_4703_000058 les narines ouvertes et passionnées l'air sincère et calme et sur tout son visage je ne sais quoi qui était hautain pensif et innocent 5830_4703_000059 rien n'était plus morne que de la voir s'ébattre et pour ainsi dire voleter dans la chambre avec des mouvements d'oiseau que le jour effare ou qui a l'aile cassée 5830_4703_000060 marius songeait et la laissait faire elle s'approcha de la table ah dit-elle des livres une lueur traversa son oeil vitreux 5830_4703_000061 marius à cette époque était un beau jeune homme de moyenne taille avec d'épais cheveux très noirs un front haut et intelligent 5830_4703_000062 voilà toujours mon dîner d'aujourd'hui pensa-t-il demain nous verrons il prit les seize sous et donna les cinq francs à la fille 5830_4703_000063 et auxquelles il ne prenait point garde à la vérité on l'eût fort étonné si on lui eût dit que c'étaient des femmes l'une était la vieille barbue qui balayait sa chambre et qui faisait dire à courfeyrac voyant que sa servante porte sa barbe 5830_4703_000064 j'ai appris vos bontés pour moi que vous avez payé mon terme il y a six mois je vous bénis jeune homme ma fille aînée vous dira que nous sommes sans un morceau de pain depuis deux jours quatre personnes et mon épouse malade si je ne suis point dessus dans ma pensée 5830_4703_000065 il s'était enfui comme un parthe en leur décochant un sobriquet frappé uniquement de la robe de la petite et des cheveux du vieux il avait appelé la fille melle lanoire 5830_4703_000066 depuis assez longtemps déjà que marius habitait la masure il n'avait eu nous l'avons dit que de bien rares occasions de voir d'entrevoir même son très infime voisinage 5830_4703_000067 elle avait les pieds nus de larges trous à son jupon laissaient voir ses longues jambes et ses genoux maigres elle grelottait elle tenait en effet une lettre à la main qu'elle présenta à marius 5830_4703_000068 ce muet malentendu entre lui et les jolies passantes l'avait rendu farouche il n'en choisit aucune par l'excellente raison qu'il s'enfuyait devant toutes il vécut ainsi indéfiniment bêtement disait courfeyrac 5830_4703_000069 marius ne porte point la sienne l'autre était une espèce de petite fille qu'il voyait très souvent et qu'il ne regardait jamais depuis plus d'un an marius remarquait dans une allée déserte du luxembourg 5830_4703_000070 cinquante ans mêlés à quinze ans un de ces êtres qui sont tout ensemble faibles et horribles et qui font frémir ceux qu'ils ne font pas pleurer 5830_4703_000071 courfeyrac lui disait encore n'aspire pas à être vénérable car ils se tutoyaient glisser au tutoiement est la pente des amitiés jeunes 5830_4703_000072 et il lui tendit l'enveloppe qui renfermait les quatre lettres elle frappa dans ses deux mains et s'écria nous avons cherché partout puis elle saisit vivement le paquet 5830_4703_000073 cette hardiesse perçait je ne sais quoi de contraint d'inquiet et d'humilié l'effronterie est une honte 5830_4703_000074 âmes écloses hier fanées aujourd'hui pareilles à ces fleurs tombées dans la rue que toutes les boues flétrissent en attendant qu'une roue les écrase 5830_4703_000075 cependant tandis que marius attachait sur elle un regard étonné et douloureux la jeune fille allait et venait dans la mansarde avec une audace de spectre 5830_4703_000076 savez-vous monsieur marius que vous êtes très joli garçon et en même temps il leur vint à tous les deux la même pensée qui la fit sourire et qui le fit rougir 5830_4703_000077 qu'il se procurait des adresses et qu'il écrivait sous des noms supposés à des gens qu'il jugeait riches et pitoyables des lettres que ses filles portaient à leurs risques et périls car ce père en était là qu'il risquait ses filles 5830_4703_000078 mais ce n'était pour lui que des silhouettes il avait pris si peu garde que la veille au soir il avait heurté sur le boulevard sans les reconnaître les filles jondrette car c'était évidemment elles 5830_4703_000079 cette lettre venait d'où venaient les quatre autres c'était la même écriture le même style la même orthographe le même papier la même odeur de tabac il y avait cinq missives cinq histoires cinq noms cinq signatures et un seul signataire 5830_4703_000080 tiens dit-elle c'est celle pour ce vieux qui va à la messe au fait c'est l'heure je vas lui porter il nous donnera peut-être de quoi déjeuner 5830_4703_000081 des clavicules terreuses des mains rouges la bouche entr'ouverte et dégradée des dents de moins l'oeil terne hardi et bas les formes d'une jeune fille avortée et le regard d'une vieille femme corrompue 5830_4703_000082 les autres après leur partie de billard courfeyrac qui était un de ces derniers les avait observés quelque temps mais trouvant la fille laide il s'en était bien vite et soigneusement écarté 5830_4703_000083 ces infortunées faisaient encore on ne sait quels métiers sombres et que de tout cela il était résulté au milieu de la société humaine telle qu'elle est faite deux misérables êtres qui n'étaient ni des enfants ni des filles 5830_4703_000084 elle se démenait sans se préoccuper de sa nudité par instants sa chemise défaite et déchirée lui tombait presque à la ceinture 5830_4703_000085 livre six la conjonction de deux étoiles chapitre un le sobriquet mode de formation des noms de familles 5830_4703_000086 puis elle se remit à rire et ajouta savez-vous ce que cela fera si nous déjeunons aujourd'hui cela fera que nous aurons eu notre déjeuner d'avant-hier notre dîner d'avant-hier notre déjeuner d'hier notre dîner d'hier tout ça en une fois ce matin tiens parbleu si vous n'êtes pas contents crevez chiens 5830_4703_000087 et recommençait il faisait ce va-et-vient cinq ou six fois dans sa promenade et cette promenade cinq ou six fois par semaine sans qu'ils en fussent arrivés ces gens et lui à échanger un salut 5830_4703_000088 jeunes et vieilles et il évitait par-dessus le marché courfeyrac il y avait pourtant dans toute l'immense création deux femmes que marius ne fuyait pas 5830_4703_000089 chaque fois que ce hasard qui se mêle aux promenades des gens dont l'oeil est retourné en dedans amenait marius dans cette allée et c'était presque tous les jours il y retrouvait ce couple 5830_4703_000090 il jouait une partie avec la destinée et il les mettait au jeu marius comprenait que probablement à en juger par leur fuite de la veille par leur essoufflement par leur terreur et par ces mots d'argot qu'il avait entendus 5830_4703_000091 pour ceinture une ficelle pour coiffure une ficelle des épaules pointues sortant de la chemise une pâleur blonde et lymphatique 5830_4703_000092 il avait l'oeil petit et le regard grand au temps de sa pire misère il remarquait que les jeunes filles se retournaient quand il passait et il se sauvait ou se cachait la mort dans l'âme 5830_4703_000093 j'entends des orgues de barbarie et les mécaniques des filatures est-ce que je sais moi je crois qu'on me jette des pierres je me sauve sans savoir tout tourne tout tourne quand on n'a pas mangé c'est très drôle 5830_4703_000094 elle ramena sa chemise sur ses épaules fit un profond salut à marius puis un signe familier de la main et se dirigea vers la porte en disant bonjour monsieur c'est égal je vas trouver mon vieux 5830_4703_000095 ma soeur m'a dit je crois que c'est un monsieur cependant elle avait déplié la supplique adressée au monsieur bienfaisant de l'église saint jacques du haut pas 5830_4703_000096 quand je pensais à me noyer je disais non c'est trop froid je vais toute seule quand je veux je dors des fois dans les fossés savez-vous la nuit quand je marche sur le boulevard 5830_4703_000097 jamais parmi les animaux la créature née pour être une colombe ne se change en une orfraie cela ne se voit que parmi les hommes 5830_4703_000098 et elle le regarda d'un air égaré à force de creuser et d'approfondir ses poches marius avait fini par réunir cinq francs seize sous c'était en ce moment tout ce qu'il possédait au monde 5830_4703_000099 il pensait qu'elles le regardaient pour ses vieux habits et qu'elles en riaient le fait est qu'elles le regardaient pour sa grâce et qu'elles en rêvaient 5830_4703_000100 en passant elle aperçut sur la commode une croûte de pain desséchée qui y moisissait dans la poussière elle se jeta dessus et y mordit en grommelant c'est bon c'est dur ça me casse les dents puis elle sortit 5830_4703_000101 ceci fit souvenir marius de ce que la malheureuse venait chercher chez lui il fouilla dans son gilet il n'y trouva rien la jeune fille continuait et semblait parler comme si elle n'avait plus conscience que marius fût là des fois je m'en vais le soir des fois je ne rentre pas 5830_4703_000102 on sentait qu'avec d'autres conditions d'éducation et de destinée l'allure gaie et libre de cette jeune fille eût pu être quelque chose de doux et de charmant 5830_4703_000103 il portait un pantalon bleu une redingote bleue et un chapeau à bords larges qui paraissaient toujours neufs une cravate noire et une chemise de quaker c'est-à-dire éclatante de blancheur mais de grosse toile 5830_4703_000104 voilà comment la chose se passait marius arrivait le plus volontiers par le bout de l'allée opposé à leur banc il marchait toute la longueur de l'allée passait devant eux puis s'en retournait jusqu'à l'extrémité par où il était venu 5830_4703_000105 mon cher un conseil ne lis pas tant dans les livres et regarde un peu plus les margotons les coquines ont du bon ô marius à force de t'enfuir et de rougir tu t'abrutiras 5830_4703_000106 ses façons étaient réservées froides polies peu ouvertes comme sa bouche était charmante ses lèvres les plus vermeilles et ses dents les plus blanches du monde 5830_4703_000107 marius n'eût pu le dire il n'y avait rien et il y avait tout ce fut un étrange éclair elle baissa les yeux et il continua son chemin 5830_4703_000108 il n'y avait qu'un coupable le vent mais marius en qui frémissait confusément le bartholo qu'il y a dans chérubin était déterminé à être mécontent et était jaloux de son ombre 5830_4703_000109 marius poussa de nouveau la porte elle continua de la retenir tenez dit-elle vous avez tort quoique vous ne soyez pas riche vous avez été bon ce matin soyez-le encore à présent 5830_4703_000110 que marius vous avez l'air triste qu'est-ce que vous avez moi dit marius oui vous je n'ai rien si non je vous dis que si ah laissez-moi tranquille 5830_4703_000111 le père et la fille se donnant le bras venaient de passer devant le banc de marius marius s'était levé derrière eux et les suivait du regard comme il convient dans cette situation d'âme éperdue 5830_4703_000112 marius lui jeta un regard bourru et féroce la jeune fille eut ce petit redressement en arrière accompagné d'un haussement de paupières qui signifie eh bien qu'est-ce qu'il a donc 5830_4703_000113 ce les qui était devenu la avait je ne sais quoi de significatif et d'amer enfin peux-tu dit marius vous avoir l'adresse de la belle demoiselle il y avait encore dans ces 5830_4703_000114 rien ne saurait rendre le charme dangereux de cette lueur inattendue qui éclaire vaguement tout-à-coup d'adorables ténèbres et qui se compose de toute l'innocence du présent et de toute la passion de l'avenir 5830_4703_000115 qu'il avait la malpropreté l'inconvenance et la stupidité inouïe d'aller se promener au luxembourg avec ses habits de tous les jours c'est-à-dire avec un chapeau cassé près de la ganse de grosses bottes de roulier 5830_4703_000116 c'est ainsi en effet que s'éveille dans le coeur humain et que s'impose même sans droit l'âcre et bizarre jalousie de la chair 5830_4703_000117 c'est vous reprit marius presque durement toujours vous donc que me voulez-vous elle semblait pensive et ne regardait pas elle n'avait plus son assurance du matin elle n'était pas entrée et se tenait dans 5830_4703_000118 vous m'avez donné de quoi manger dites-moi maintenant ce que vous avez vous avez du chagrin cela se voit je ne voudrais pas que vous eussiez du chagrin qu'est-ce qu'il faut faire pour cela puis-je servir à quelque chose employez-moi je ne vous demande 5830_4703_000119 au fond d'une âme cette fleur sombre pleine de parfums et de poisons qu'on appelle l'amour 5830_4703_000120 quand on se sent tomber il s'approcha de la jondrette écoute lui dit-il elle l'interrompit avec un éclair de joie dans les yeux oh oui tutoyez moi j'aime mieux cela eh bien 5830_4703_000121 d'ailleurs elle ne les lui rendrait pas quant à la questionner sur la demeure des gens qui étaient venus tout à l'heure cela était inutile il était évident qu'elle ne la savait point puisque la lettre signée fanbatou était adressée au monsieur bienfaisant de l'église 5830_4703_000122 flottant dans un désespoir immense voilà ce qui emplissait confusément son cerveau tout à coup il fut violemment arraché à sa rêverie il entendit la voix haute et dure de jondrette prononcer ces paroles pleines du plus étrange intérêt pour lui 5830_4703_000123 tous les renseignements sans lesquels sa vie était obscure pour lui-même allait-il savoir enfin qui il aimait qui était cette jeune fille qui était son père l'ombre si épaisse qui les couvrait était-elle au moment de s'éclaircir 5830_4703_000124 c'était un de ces jours où elle déterminait m leblanc à quitter le banc et à se promener dans l'allée il faisait une vive brise de plérial qui remuait le haut des platanes 5830_4703_000125 digne des nymphes de virgile et des faunes de théocrite et souleva sa robe cette robe plus sacrée que celle d'isis presque jusqu'à la hauteur de la jarretière 5830_4703_000126 il était seul dans l'allée c'est vrai mais il pouvait y avoir eu quelqu'un et s'il y avait eu quelqu'un comprend-on une chose pareille c'est horrible ce qu'elle vient de faire là hélas la pauvre enfant n'avait rien fait 5830_4703_000127 cette fille lui fut odieuse à voir c'était elle qui avait ses cinq francs il était trop tard pour les lui redemander le cabriolet n'était plus là le fiacre était bien loin 5830_4703_000128 je te dis que j'en suis sûr et que je l'ai reconnu de qui parlait jondrette il avait reconnu qui m leblanc le père de son ursule quoi est-ce que jondrette le connaissait marius allait-il avoir de cette façon brusque et inattendue 5830_4703_000129 pas vos secrets vous n'aurez pas besoin de me dire mais enfin je peux être utile je peux bien vous aider puisque j'aide mon père quand il faut porter des lettres aller dans les maisons demander de porte en porte trouver une adresse suivre quelqu'un moi je sers à ça eh bien 5830_4703_000130 qu'avait-il donc à être si content ce débris de mars que s'est-il donc passé entre cette jambe de bois et l'autre marius arriva au paroxysme de la jalousie il était peut-être là se dit-il il a peut-être vu 5830_4703_000131 c'est une vierge qui regarde comme une femme il est rare qu'une rêverie profonde ne naisse pas de ce regard là où il tombe 5830_4703_000132 reprit-il tu as amené ici ce vieux monsieur avec sa fille oui sais-tu leur adresse non trouve-la moi l'oeil de la jondrette de morne était devenu joyeux de joyeux 5830_4703_000133 le bas blanc de la première femme venue lui eût fait plus de plaisir quand son ursule après avoir atteint l'extrémité de l'allée revint sur ses pas avec m leblanc et passa devant le banc où marius s'était rassis 5830_4703_000134 ce fut là leur première querelle marius achevait à peine de lui faire cette scène avec les yeux que quelqu'un traversa l'allée c'était un invalide tout courbé tout ridé et tout blanc en uniforme 5830_4703_000135 du haut pas marius entra dans sa chambre et poussa sa porte derrière lui elle ne se ferma pas il se retourna et vit une main qui retenait la porte entrouverte qu'est-ce que c'est demanda-t-il qui est là c'était la fille jondrette 5830_4703_000136 il finit par pardonner mais ce fut un grand effort il la bouda trois jours cependant à travers tout cela et à cause de tout cela la passion grandissait et devenait folle 5830_4703_000137 le voile allait-il se déchirer ah ciel il bondit plutôt qu'il ne monta sur la commode et reprit sa place près de la petite lucarne de la cloison il revoyait l'intérieur du bouge jondrette 5830_4703_000138 tout à coup un souffle de vent plus en gaîté que les autres et probablement chargé de faire les affaires du printemps s'envola de la pépinière s'abattit sur l'allée enveloppa la jeune fille dans un ravissant frisson 5830_4703_000139 du reste en dehors même de cette jalousie la vue de cette jambe charmante n'avait eu pour lui rien d'agréable 5830_4703_000140 ce premier regard d'une âme qui ne se connaît pas encore est comme l'aube dans le ciel c'est l'éveil de quelque chose de rayonnant et d'inconnu 5830_4703_000141 sur une chaise la tête et les deux coudes sur son lit abîmé dans des pensées qu'il ne pouvait saisir et comme en proie à un vertige tout ce qui s'était passé depuis le matin l'apparition de l'ange sa disparition ce que cette créature venait de lui dire une lueur d'espérance 5830_4703_000142 lui avait adressé un clignement d'oeil très fraternel et très joyeux comme si un hasard quelconque avait fait qu'ils pussent être d'intelligence et qu'ils eussent savouré en commun quelque bonne 5830_4703_000143 toutes les puretés et toutes les candeurs se concentrent dans ce rayon céleste et fatal qui plus que les oeillades les mieux travaillées des coquettes a le pouvoir magique de faire subitement éclore 5830_4703_000144 à l'instant où il allait rentrer dans sa cellule il aperçut derrière lui dans le corridor la jondrette aînée qui le suivait 5830_4703_000145 ayant sur le torse la petite plaque ovale de drap rouge aux épées croisées croix de saint-louis du soldat et orné en outre d'une manche d'habit sans bras dedans d'un menton d'argent et d'une jambe de bois 5830_4703_000146 vous pouvez bien me dire ce que vous avez j'irai parler aux personnes quelquefois quelqu'un qui parle aux personnes ça suffit pour qu'on sache les choses et tout s'arrange servez-vous de moi une idée traversa l'esprit de marius quelle branche 5830_4703_000147 marius crut distinguer que cet être avait l'air extrêmement satisfait il lui sembla même que le vieux cynique tout en clopinant près de lui 5830_4703_000148 tout ce que tu voudras tout ce que je voudrai oui vous aurez l'adresse elle baissa la tête puis d'un mouvement brusque elle tira la porte qui se referma marius se retrouva seul il se laissa tomber 5830_4703_000149 une jambe d'une forme exquise apparut marius la vit il fut exaspéré et furieux la jeune fille avait rapidement baissé sa robe d'un mouvement divinement effarouché mais il n'en fut pas moins indigné 5830_4703_000150 du corridor où marius l'apercevait par la porte entrebâillée ah çà répondrez-vous fit marius qu'est-ce que vous me voulez elle leva sur lui son oeil morne où une espèce de clarté semblait s'allumer vaguement et lui dit 5830_4703_000151 il passa près de ce banc la jeune fille leva les yeux sur lui leurs deux regards se rencontrèrent qu'y avait-il cette fois dans le regard de la jeune fille 5830_4703_000152 et il eut envie d'exterminer l'invalide le temps aidant toute pointe s'émousse cette colère de marius contre ursule si juste et si légitime qu'elle fût passa 4193_4703_000000 s'entreprêtant leurs noms et leurs trucs se dérobant dans leur propre ombre boîtes à secrets et asiles les uns pour les autres défaisant leurs personnalités comme on ôte son faux nez au bal masqué parfois se simplifiant au point de ne plus être qu'un 4193_4703_000001 ces êtres peu prodigues de leurs visages n'étaient pas de ceux qu'on voit passer dans les rues le jour fatigués des nuits farouches qu'ils avaient ils s'en allaient dormir tantôt dans les fours à plâtre tantôt dans les carrières abandonnées de montmartre ou de montrouge parfois dans les égouts ils se terraient 4193_4703_000002 l'or et l'argent ont pour eux une odeur il y a des bourgeois naïfs dont on pourrait dire qu'ils ont l'air volables ces hommes suivent patiemment ces bourgeois au passage d'un étranger ou d'un provincial ils ont des tressaillements d'araignée 4193_4703_000003 et qui transforme lentement le dessus par le dessous et le dehors par le dedans immense fourmillement inconnu la société se doute à peine de ce creusement qui lui laisse sa surface et lui change les entrailles 4193_4703_000004 ils faisaient sur le passant le coup d'état d'en bas les trouveurs d'idées en ce genre les hommes à imagination nocturne s'adressaient à eux pour l'exécution on fournissait aux quatre coquins le canevas ils se chargeaient de la mise en scène ils travaillaient sur scénario 4193_4703_000005 que faut-il pour faire évanouir ces larves de la lumière de la lumière à flots pas une chauve-souris ne résiste à l'aube éclairez la société en dessous 4193_4703_000006 lacenaire fit cette réponse énigmatique pour le magistrat mais claire pour la police c'est peut-être patron-minette on devine parfois une pièce sur l'énoncé des personnages on peut de même presque apprécier une bande sur la liste des bandits 4193_4703_000007 ces travaux se superposent il y a les mines supérieures et les mines inférieures il y a un haut et un bas dans cet obscur sous-sol qui s'effondre parfois sous la civilisation et que notre indifférence et notre insouciance foulent aux pieds 4193_4703_000008 cette appellation patron-minette venait probablement de l'heure à laquelle leur besogne finissait l'aube étant l'instant de l'évanouissement des fantômes et de la séparation des bandits 4193_4703_000009 les sociétés humaines ont toutes ce qu'on appelle dans les théâtres un troisième dessous le sol social est partout miné tantôt pour le bien tantôt pour le mal 4193_4703_000010 à eux quatre ces bandits formaient une sorte de protée serpentant à travers la police et s'efforçant d'échapper aux regards indiscrets de vidocq sous diverses figures arbres flammes fontaines 4193_4703_000011 il y avait une dynastie de brujon nous ne renonçons pas à en dire un mot boulatruelle le cantonnier déjà entrevu laveuve finistère homère hogu nègre 4193_4703_000012 mais rien n'arrête ni n'interrompt la tension de toutes ces énergies vers le but et la vaste activité simultanée qui va et vient monte descend et remonte dans ces obscurités 4193_4703_000013 car dans les ténèbres sacrées il y a de la lumière latente les volcans sont pleins d'une ombre capable de flamboiement toute lave commence par être nuit les catacombes où s'est dite la première messe n'étaient pas seulement la cave de rome elles étaient le souterrain du monde 4193_4703_000014 patron-minette tel était le nom qu'on donnait dans la circulation souterraine à l'association de ces quatre hommes dans la vieille langue populaire fantasque qui va s'effaçant tous les jours patron-minette signifie le matin de même que entre chien et loup signifie le soir 4193_4703_000015 ils étaient toujours en situation de prêter un personnel proportionné et convenable à tous les attentats ayant besoin d'un coup d'épaule et suffisamment lucratifs un crime étant en quête de bras ils lui sous-louaient des complices ils avaient une troupe d'acteurs de ténèbres à la disposition de toutes les tragédies de cavernes 928_486_000000 dans lequel phileas fogg passepartout fix chacun de son côté va à ses affaires pendant les derniers jours de la traversée le temps fut assez mauvais le vent devint très fort 928_486_000001 mr fogg il est vrai était en retard de vingt-quatre heures mais ce retard ne pouvait avoir de conséquences fâcheuses pour le reste du voyage 928_486_000002 quant à passepartout on devine dans quelle colère peu dissimulée il passa ce temps d'épreuve jusqu'alors tout avait si bien marché 928_486_000003 au débarqué du bateau il offrit son bras à la jeune femme et la conduisit vers un palanquin il demanda aux porteurs de lui indiquer un hôtel 928_486_000004 il avait confié ses inquiétudes à fix qui le fin renard essayait de le consoler en lui disant que mr fogg en serait quitte pour prendre le prochain paquebot ce qui mettait passepartout dans une colère bleue 928_486_000005 oui monsieur mais on a dû réparer une de ses chaudières et son départ a été remis à demain je vous remercie répondit mr fogg qui de son pas automatique redescendit dans le salon du rangoon 928_486_000006 le pilote ne sut jamais sans doute pourquoi ses réponses lui valurent cette amicale expansion a un coup de sifflet il remonta sur la passerelle et dirigea le paquebot 928_486_000007 mais je ne puis abuser vous n'abusez pas et votre présence ne gêne en rien mon programme passepartout monsieur répondit passepartout allez au carnatic et retenez trois cabines 928_486_000008 le rangoon dut mettre à la cape pendant un demi-jour se maintenant avec dix tours d'hélice seulement de manière à biaiser avec les lames 928_486_000009 quant à passepartout il saisit la main du pilote et l'étreignit vigoureusement en disant vous pilote vous êtes un brave homme 928_486_000010 mais depuis deux ans celui-ci n'habitait plus la chine sa fortune faite il s'était établi en europe en hollande croyait-on 928_486_000011 et les passagers furent en droit de garder rancune à ces longues lames affadissantes que le vent soulevait du large pendant les journées du trois et du quatre novembre ce fut une sorte de tempête la bourrasque battit la mer avec véhémence 928_486_000012 en cette circonstance le hasard avait singulièrement servi phileas fogg il faut en convenir sans cette nécessité de réparer ses chaudières 928_486_000013 enregistré par christophe le tour du monde en quatre vingts jours de jules verne chapitre dix huit 928_486_000014 passepartout mourait du désir d'interroger cet homme de lui demander si le paquebot de yokohama avait quitté hong kong mais il n'osait pas aimant mieux conserver un peu d'espoir jusqu'au dernier instant 928_486_000015 passepartout pendant toute la durée de la bourrasque demeura sur le pont du rangoon il n'aurait pas pu rester en bas il grimpait dans la mâture il étonnait l'équipage et aidait à tout avec une adresse de singe 928_486_000016 l'itinéraire de phileas fogg portait l'arrivée du paquebot aux cinq or il n'arrivait que le six 928_486_000017 passepartout enchanté de continuer son voyage dans la compagnie de la jeune femme qui était fort gracieuse pour lui quitta aussitôt l'hôtel du club 928_486_000018 là on connaîtrait immanquablement un personnage tel que l'honorable jejeeh qui comptait parmi les plus riches commerçants de la ville le courtier auquel s'adressa mister fogg connaissait en effet le négociant parsi 928_486_000019 évidemment il y aurait vingt-quatre heures de retard à yokohama mais pendant les vingt-deux jours que dure la traversée du pacifique il serait facile de les regagner 928_486_000020 la terre et l'eau semblaient être à la dévotion de son maître steamers et railways lui obéissaient le vent et la vapeur s'unissaient pour favoriser son voyage l'heure des mécomptes avait-elle donc enfin sonné 928_486_000021 a cela mrs aouda ne répondit rien d'abord elle passa sa main sur son front et resta quelques instants à réfléchir puis de sa douce voix 928_486_000022 mais cet homme sans nerfs ne ressentait ni impatience ni ennui il semblait vraiment que cette tempête rentrât dans son programme qu'elle fût prévue 928_486_000023 fogg assistait à ce spectacle d'une mer furieuse qui semblait lutter directement contre lui avec son habituelle impassibilité 928_486_000024 et ceux-ci lui désignèrent l'hôtel du club le palanquin se mit en route suivi de passepartout et vingt minutes après il arrivait à destination 928_486_000025 cent fois il interrogea le capitaine les officiers les matelots qui ne pouvaient s'empêcher de rire en voyant un garçon si décontenancé 928_486_000026 le carnatic fût parti à la date du cinq novembre et les voyageurs pour le japon auraient dû attendre pendant huit jours le départ du paquebot suivant 928_486_000027 son front ne s'assombrit pas un instant et cependant un retard de vingt heures pouvait compromettre son voyage en lui faisant manquer le départ du paquebot de yokohama 928_486_000028 et l'on put estimer qu'il arriverait à hong kong avec vingt heures de retard sur l'heure réglementaire et plus même si la tempête ne cessait pas 928_486_000029 toutes les voiles avaient été serrées et c'était encore trop de ces agrès qui sifflaient au milieu des rafales la vitesse du paquebot on le conçoit fut notablement diminuée 928_486_000030 sa satisfaction aurait même été sans bornes si le rangoon eût été obligé de fuir devant la tourmente tous ces retards lui allaient car ils obligeraient le sieur fogg à rester quelques jours à hong kong 928_486_000031 demain à la marée du matin répondit le pilote ah fit mr fogg sans manifester aucun étonnement 928_486_000032 aussitôt il fit demander à mrs aouda la permission de se présenter devant elle et sans autre préambule il lui apprit que l'honorable jejeeh ne résidait plus à hong kong et qu'il habitait vraisemblablement la hollande 928_486_000033 fin du chapitre dix huit cet enregistrement fait partie du domaine public 928_486_000034 il ne comptait pas ses nausées et quand son corps se tordait sous le mal de mer son esprit s'ébaudissait d'une immense satisfaction 928_486_000035 quel est le nom de ce steamer demanda mr fogg le carnatic répondit le pilote n'était-ce pas hier qu'il devait partir 928_486_000036 un appartement fut retenu pour la jeune femme et phileas fogg veilla à ce qu'elle ne manquât de rien puis il dit à mrs aouda qu'il allait immédiatement se mettre à la recherche de ce parent aux soins duquel il devait la laisser à hong kong 928_486_000037 fixé dans la partie du nord-ouest il contraria la marche du paquebot le rangoon trop instable roula considérablement 928_486_000038 en effet le steamer qui fait de yokohama à san francisco la traversée du pacifique était en correspondance directe avec le paquebot de hong kong et il ne pouvait partir avant que celui-ci fût arrivé 928_486_000039 passepartout comme si les vingt mille livres du pari eussent dû sortir de sa bourse ne vivait plus cette tempête l'exaspérait cette rafale le mettait en fureur et il eût volontiers fouetté cette mer désobéissante 928_486_000040 que dois-je faire monsieur fogg dit-elle c'est très simple répondit le gentleman revenir en europe 928_486_000041 passepartout secouait le baromètre mais rien n'y faisait ni les secousses ni les injures dont il accablait 928_486_000042 enfin le ciel avec ses rafales et ses bourrasques entrait dans son jeu il était bien un peu malade mais qu'importe 928_486_000043 a six heures le pilote monta à bord du rangoon et prit place sur la passerelle afin de diriger le navire à travers les passes jusqu'au port 928_486_000044 mais on ne pouvait regagner tout le temps perdu il fallait bien en prendre son parti et la terre ne fut signalée que le six à cinq heures du matin 928_486_000045 en même temps il donnait à passepartout l'ordre de demeurer à l'hôtel jusqu'à son retour afin que la jeune femme n'y restât pas seule le gentleman se fit conduire à la bourse 928_486_000046 passepartout se rasséréna avec le temps les huniers et les basses voiles purent être établis et le rangoon reprit sa course avec une merveilleuse vitesse 928_486_000047 mais si passepartout ne se hasarda pas à interroger le pilote mr fogg après avoir consulté son 928_486_000048 enfin la tourmente s'apaisa l'état de la mer se modifia dans la journée du quatre novembre le vent sauta de deux quarts dans le sud et redevint favorable 928_486_000049 passepartout qui était présent eût volontiers embrassé le pilote auquel fix aurait voulu tordre le cou 928_486_000050 demanda de son air tranquille au dit pilote s'il savait quand il partirait un bateau de hong kong pour yokohama 928_486_000051 passepartout voulait absolument savoir combien de temps durerait la tempête on le renvoyait alors au baromètre qui ne se décidait pas à remonter 928_486_000052 c'était donc vingt-quatre heures de retard et le départ pour yokohama serait nécessairement manqué 928_486_000053 le carnatic ne devant partir que le lendemain matin à cinq heures mr fogg avait devant lui seize heures pour s'occuper de ses affaires c'est-à-dire de celles qui concernaient mrs aouda 928_486_000054 au milieu de cette flottille de jonques de tankas de bateaux pêcheurs de navires de toutes sortes qui encombraient les pertuis de hong kong à une heure le rangoon était à quai et les passagers débarquaient 928_486_000055 pauvre garçon fix lui cacha soigneusement sa satisfaction personnelle et il fit bien car si passepartout eût deviné le secret contentement de fix fix eût passé un mauvais quart d'heure 928_486_000056 missis aouda qui s'entretint avec son compagnon de ce contretemps le trouva aussi calme que par le passé fix lui ne voyait pas les choses du même œil bien au contraire cette tempête lui plaisait 928_486_000057 phileas fogg se trouvait donc à vingt-quatre heures près dans les conditions de son programme trente-cinq jours après avoir quitté londres 928_486_000058 ce qui s'expliquait par suite de nombreuses relations qu'il avait eues avec ce pays pendant son existence commerciale phileas fogg revint à l'hôtel du club 928_486_000059 passepartout était enchanté de l'aimable compagnon que le hasard lui avait procuré en la personne de fix le dimanche vingt octobre vers midi on eut connaissance de la côte indienne 928_486_000060 au souper de huit heures les tables pliaient sous les plats de viande fraîche et les entremets fournis par la boucherie et les offices du paquebot les passagères il y en avait quelques-unes changeaient de toilette deux fois par jour 928_486_000061 le paquebot pénétra dans cette rade formée par les îles salcette colaba éléphanta butcher et à quatre heures et demie il accostait les quais de bombay 928_486_000062 un mouvement involontaire faillit lui échapper la feuille trembla dans sa main le signalement libellé sur le passeport était identique à celui qu'il avait reçu du directeur de la police métropolitaine 928_486_000063 le mongolia ne devait arriver que le vingt-deux octobre à bombay or il y arrivait le vingt c'était donc depuis son départ de londres 928_486_000064 en ce moment il donnait certaines marques d'impatience allant venant ne pouvant tenir en place cet homme se nommait fix 928_486_000065 et c'est curieux cette inde là très curieux des mosquées des minarets des temples des fakirs des pagodes des tigres des serpents des bayadères mais il faut espérer que vous aurez le temps de visiter le pays 928_486_000066 une dizaine de canots se détachèrent de la rive et allèrent au-devant du mongolia bientôt 928_486_000067 c'est là qu'il devait se réapprovisionner de combustible grave et importante affaire que cette alimentation du foyer des paquebots à de telles distances des centres de production 928_486_000068 pendant la nuit suivante le mongolia franchit le détroit de bab el mandeb dont le nom arabe signifie la porte des larmes et le lendemain quatorze il faisait escale à steamer point au nord-ouest de la route d'aden 928_486_000069 et pourtant malgré la rafale malgré la houle le paquebot poussé par sa puissante machine courait sans retard vers le détroit de bab el mandeb 928_486_000070 il s'inquiétait peu d'observer cette mer rouge si féconde en souvenirs ce théâtre des premières scènes historiques de l'humanité il ne venait pas reconnaître les curieuses villes semées sur ses bords et dont la pittoresque silhouette se découpait quelquefois à l'horizon 928_486_000071 quatre heures le temps d'embarquer son charbon de suez à aden à l'extrémité de la mer rouge on compte treize cent dix milles et il faut faire provision de combustible 928_486_000072 le navire mieux appuyé roula moins les passagères en fraîches toilettes reparurent sur le pont les chants et les danses recommencèrent le voyage s'accomplit donc dans les meilleures conditions 928_486_000073 non toute cette gymnastique cessera à bombay n'en doutez pas et il se porte bien mr fogg demanda fix du ton le plus naturel 928_486_000074 l'inspecteur de police demeura seul pris d'une impatience nerveuse avec ce pressentiment assez bizarre que son voleur devait se trouver à bord du mongolia 928_486_000075 je vous le répète dans les conditions où vous êtes je crains que ce ne soit difficile savez-vous bien que d'après le signalement que vous avez reçu ce voleur ressemble absolument à un honnête homme 928_486_000076 devait avoir obtenu sa préférence fix ne fut pas longtemps livré à ses réflexions de vifs coups de sifflet annoncèrent l'arrivée du paquebot 928_486_000077 et neuf milles cinquante-trois centièmes entre suez et bombay il les avait toujours dépassées 928_486_000078 depuis cette rencontre passepartout et fix causèrent souvent ensemble l'inspecteur de police tenait à se lier avec le domestique du sieur 928_486_000079 en attendant l'arrivée du mongolia deux hommes se promenaient sur le quai au milieu de la foule d'indigènes et d'étrangers qui affluent dans cette ville naguère une bourgade à laquelle la grande oeuvre de m de lesseps 928_486_000080 là-dessus le passager salua fix et retourna à bord du steamer fin du chapitre six 928_486_000081 le détective très alléché évidemment par la forte prime promise en cas de succès attendait donc avec une impatience facile à comprendre l'arrivée du mongolia 928_486_000082 un gain de deux jours que phileas fogg inscrivit méthodiquement sur son itinéraire à la colonne des bénéfices 928_486_000083 sur lequel il désirait sans doute faire apposer le visa britannique fix instinctivement prit le passeport et d'un rapide coup d'oeil il en lut le signalement 928_486_000084 mais ce retard ne pouvait nuire en aucune façon au programme de phileas fogg il était prévu d'ailleurs le mongolia au lieu d'arriver à aden le quinze octobre seulement au matin y entrait le quatorze au soir c'était un gain de quinze heures 928_486_000085 précisément depuis deux jours fix avait reçu du directeur de la police métropolitaine le signalement de l'auteur présumé du vol 928_486_000086 rien que pour la compagnie péninsulaire c'est une dépense annuelle qui se chiffre par huit cent mille livres vingt millions de francs il a fallu en effet établir des dépôts en plusieurs ports et dans ces mers éloignées 928_486_000087 il ne peut être éloigné répondit le consul combien de temps stationnera-t-il à suez demanda fix 928_486_000088 les passagers étaient assez nombreux à bord quelques-uns restèrent sur le spardeck à contempler le panorama pittoresque de la ville mais la plupart débarquèrent dans les canots qui étaient venus accoster le mongolia 928_486_000089 sous-lieutenants à sept mille francs brigadiers à soixante mille généraux à cent mille le traitement des fonctionnaires civils est encore plus élevé 928_486_000090 le charbon revient à quatre-vingts francs la tonne le mongolia avait encore seize cent cinquante milles à faire avant d'atteindre bombay et il devait rester quatre heures à steamer point afin de remplir ses soutes 928_486_000091 il a été signalé hier au large de port saïd et les cent soixante kilomètres du canal ne comptent pas pour un tel marcheur 928_486_000092 et il trouva même qu'avec ces murs circulaires et un fort démantelé qui se dessinait comme une anse elle ressemblait à une énorme demi-tasse 928_486_000093 cela pouvait le servir à l'occasion il lui offrait donc souvent au bar room du mongolia quelques verres de whisky ou de pale ale 928_486_000094 vers le sud une jetée longue de deux mille mètres s'allongeait comme un bras sur la rade de suez à la surface de la mer rouge roulaient plusieurs bateaux de pêche ou de cabotage dont quelques-uns 928_486_000095 je ne sais vraiment pas comment avec le signalement que vous avez reçu vous pourrez reconnaître votre homme s'il est à bord du mongolia monsieur le consul 928_486_000096 savez-vous monsieur passepartout que ce prétendu voyage en quatre-vingts jours pourrait bien cacher quelque mission secrète une mission diplomatique par exemple 928_486_000097 deux heures plus tard le pilote montait à bord du mongolia a l'horizon un arrière plan de collines se profilait harmonieusement sur le fond du ciel bientôt les rangs de palmiers qui couvrent la ville se détachèrent vivement 928_486_000098 retournant à bombay et un brigadier général de l'armée anglaise qui rejoignait son corps à bénarès ces trois passagers avaient pour le whist la même passion que mr fogg 928_486_000099 ma foi monsieur fix je n'en sais rien je vous l'avoue et au fond je ne donnerais pas une demi-couronne pour le savoir 928_486_000100 ce fix devait surveiller avec le plus grand soin tous les voyageurs prenant la route de suez et si l'un d'eux lui semblait suspect le filer en attendant un mandat d'arrestation 928_486_000101 en dépit des fâcheux pronostics du gouvernement britannique et des sinistres prédictions de l'ingénieur stephenson voyait chaque jour des navires anglais traverser ce canal 928_486_000102 il lui était accordé cent soixante-huit heures pour accomplir la traversée entre aden et bombay du reste cette mer indienne lui fut favorable le vent tenait dans le nord-ouest les voiles vinrent en aide à la vapeur 928_486_000103 bien nourri bien logé il voyait du pays et d'ailleurs il s'affirmait à lui-même que toute cette fantaisie finirait à bombay 928_486_000104 là au coin de la place répondit l'inspecteur en indiquant une maison éloignée de deux cents pas alors euh je vais aller chercher mon maître à qui pourtant cela ne plaira guère de se déranger 928_486_000105 les voleurs deviennent mesquins la race des sheppard s'étiole on se fait pendre maintenant pour quelques shillings monsieur fix répondit le consul vous parlez d'une telle façon que je vous souhaite vivement de réussir mais 928_486_000106 de parsis de juifs d'arabes d'européens composant les vingt-cinq-mille habitants d'aden il admira les fortifications qui font de cette ville le gibraltar de la mer des indes 928_486_000107 eh bien dit fix si le voleur a pris cette route et ce bateau il doit entrer dans son plan de débarquer à suez afin de gagner par une autre voie les possessions hollandaises ou françaises de l'asie 928_486_000108 monsieur fix répondit passepartout enchanté de vous retrouver à bord et où allez-vous donc mais ainsi que vous à bombay c'est au mieux est-ce que vous avez déjà fait ce voyage 928_486_000109 le mongolia faisait régulièrement les voyages de brindisi à bombay par le canal de suez c'était un des plus rapides marcheurs de la compagnie et les vitesses réglementaires soit dix milles à l'heure entre brindisi et suez 928_486_000110 on aperçut la gigantesque coque du mongolia passant entre les rives du canal et onze heures sonnaient quand le steamer vint mouiller en rade pendant que sa vapeur fusait à grand bruit par les tuyaux d'échappement 928_486_000111 il ne rêvait même pas aux dangers de ce golfe arabique dont les anciens historiens strabon arrien arthémidore edrisi 928_486_000112 en effet répondit le détective je vous reconnais vous êtes le domestique de cet anglais original précisément monsieur 928_486_000113 j'ai arrêté dans ma vie plus d'un de ces gentlemen et pourvu que mon voleur soit à bord je vous réponds qu'il ne me glissera pas entre les mains je le souhaite monsieur fix car il s'agit d'un vol important 928_486_000114 les physionomies honnêtes sont celles-là qu'il faut dévisager surtout travail difficile j'en conviens et qui n'est plus du métier mais de l'art 928_486_000115 où la mer rouge et la mer des indes se montrent propices aux desseins de phileas fogg la distance entre suez et aden est exactement de treize cent dix milles 928_486_000116 je m'aperçois qu'il n'est pas inutile de voyager si l'on veut voir du nouveau a six heures du soir le mongolia battait des branches de son hélice les eaux de la rade d'aden et courait bientôt sur la mer des indes 928_486_000117 la formalité du visa accomplie phileas fogg revint à bord reprendre sa partie interrompue passepartout lui flâna suivant sa coutume au milieu de cette population de somanlis de banians 928_486_000118 cependant le paquebot s'avançait rapidement le treize on eut connaissance de moka qui apparut dans sa ceinture de murailles ruinées au-dessus desquelles se détachaient quelques dattiers verdoyants 928_486_000119 ou tout au moins si ce gentleman songeait à ces éventualités il n'en laissait rien paraître c'était toujours l'homme impassible le membre imperturbable du 928_486_000120 et il lui demanda fort poliment s'il pouvait lui indiquer les bureaux de l'agent consulaire anglais et en même temps ce passager présentait un passeport 928_486_000121 ce passeport n'est pas le vôtre dit-il au passager non répondit celui-ci c'est le passeport de mon maître et votre maître il est resté à bord 928_486_000122 parmi ces passagers du mongolia on comptait divers fonctionnaires civils et des officiers de tout grade de ceux-ci les uns appartenaient à l'armée britannique proprement dite 928_486_000123 ont conservé dans leurs façons l'élégant gabarit de la galère antique tout en circulant au milieu de ce populaire fix 928_486_000124 je vous répète que le mongolia a toujours gagné la prime de vingt-cinq livres que le gouvernement accorde pour chaque avance de vingt-quatre heures sur les temps réglementaires 928_486_000125 mais via bombay car depuis qu'un chemin de fer traverse dans toute sa largeur la péninsule indienne il n'est plus nécessaire de doubler la pointe de ceylan 928_486_000126 que le brave garçon acceptait sans cérémonie et rendait même pour ne pas être en reste trouvant d'ailleurs ce fix un gentleman bien honnête 928_486_000127 un vol magnifique répondit l'agent enthousiasmé cinquante-cinq mille livres nous n'avons pas souvent de pareilles 928_486_000128 l'arrivée du paquebot était évidemment prochaine le temps était assez beau mais l'air froid par ce vent d'est quelques minarets se dessinaient au-dessus de la ville sous les pâles rayons du soleil 928_486_000129 les autres commandaient les troupes indigènes de cipayes tous chèrement appointés même à présent que le gouvernement s'est substitué aux droits et aux charges de l'ancienne compagnie des indes 928_486_000130 au loin dans les montagnes se développaient de vastes champs de caféiers passepartout fut ravi de contempler cette ville célèbre 928_486_000131 et ils jouaient pendant des heures entières non moins silencieusement que lui quant à passepartout le mal de mer n'avait aucune prise sur lui 928_486_000132 ont toujours parlé avec épouvante et sur lequel les navigateurs ne se hasardaient jamais autrefois sans avoir consacré leur voyage par des sacrifices propitiatoires que faisait donc cet original emprisonné dans le mongolia 928_486_000133 le paquebot mongolia de la compagnie péninsulaire et orientale steamer en fer à hélice et à spardeck jaugeant deux mille huit cents tonnes et possédant une force nominale de cinq cents chevaux 928_486_000134 on faisait de la musique on dansait même quand la mer le permettait mais la mer rouge est fort capricieuse et trop souvent mauvaise comme tous ces golfes étroits et longs 928_486_000135 phileas fogg achevait alors le trente-troisième robre de la journée et son partenaire et lui grâce à une manoeuvre audacieuse ayant fait les treize levées terminèrent cette belle traversée par un chelem admirable 928_486_000136 plusieurs fois répondit fix je suis un agent de la compagnie péninsulaire alors vous connaissez l'inde mais oui répondit fix qui ne voulait pas trop s'avancer 928_486_000137 et vous dites monsieur le consul demanda-t-il pour la dixième fois que ce bateau ne peut tarder non monsieur fix répondit le consul 928_486_000138 quand le vent soufflait soit de la côte d'asie soit de la côte d'afrique le mongolia long fuseau à hélice pris par le travers roulait épouvantablement les dames disparaissaient alors les pianos se taisaient chants et danses cessaient à la fois 928_486_000139 le lendemain du départ de suez le dix octobre ce ne fut pas sans un certain plaisir qu'il rencontra sur le pont l'obligeant personnage auquel il s'était adressé en débarquant en égypte 928_486_000140 il occupait une cabine à l'avant et mangeait lui aussi consciencieusement il faut dire que décidément ce voyage fait dans ces conditions ne lui déplaisait plus il en prenait son parti 928_486_000141 la plupart des passagers embarqués à brindisi avaient presque tous l'inde pour destination les uns se rendaient à bombay les autres à calcutta 928_486_000142 toute la horde des portefaix et des fellahs se précipita vers le quai dans un tumulte un peu inquiétant pour les membres et les vêtements des passagers 928_486_000143 je l'espère monsieur fix vous comprenez bien qu'il n'est pas permis à un homme sain d'esprit de passer sa vie à sauter d'un paquebot dans un chemin de fer et d'un chemin de fer dans un paquebot sous prétexte de faire le tour du monde en quatre-vingts jours 928_486_000144 le purser l'homme de confiance de la compagnie l'égal du capitaine à bord faisait somptueusement les choses au déjeuner du matin au lunch de deux heures au dîner de cinq heures et demie 928_486_000145 je ne me trompe pas dit-il en l'abordant avec son plus aimable sourire c'est bien vous monsieur qui m'avez si complaisamment servi de guide à suez 928_486_000146 mr fogg et son domestique descendirent à terre le gentleman voulait faire viser son passeport fix le suivit sans être remarqué 928_486_000147 mais reprit l'agent il faut qu'il se présente en personne aux bureaux du consulat afin d'établir son identité quoi cela est nécessaire indispensable et où sont ces bureaux 928_486_000148 qui contractait avec une persistance remarquable ses muscles sourciliers à travers ses longs cils brillait un oeil très vif mais dont il savait à volonté éteindre l'ardeur 928_486_000149 enfin de toutes les avaries possibles qui en obligeant le mongolia à relâcher dans quelque port auraient compromis son voyage aucunement 928_486_000150 très bien monsieur fix moi aussi d'ailleurs je mange comme un ogre qui serait à jeun c'est l'air de la mer et votre maître je ne le vois jamais sur le pont jamais il n'est pas curieux 928_486_000151 abrégeant ainsi de moitié l'ancienne route de l'angleterre aux indes par le cap de bonne-espérance l'autre était un petit homme maigre de figure assez intelligente nerveux 928_486_000152 et c'était un de ces détectives ou agents de police anglais qui avaient été envoyés dans les divers ports après le vol commis à la banque d'angleterre 928_486_000153 qu'aucun incident ou accident ne pouvait surprendre il ne paraissait pas plus ému que les chronomètres du bord on le voyait rarement sur le pont 928_486_000154 d'abord il faisait ses quatre repas par jour sans que jamais ni roulis ni tangage pussent détraquer une machine si merveilleusement organisée 928_486_000155 note de l'auteur on vivait donc bien à bord du mongolia dans cette société de fonctionnaires auxquels se mêlaient quelques jeunes anglais qui le million en poche allaient fonder au loin des comptoirs de commerce 928_486_000156 par une habitude de sa profession dévisageait les passants d'un rapide coup d'oeil il était alors dix heures et demie mais il n'arrivera pas ce paquebot s'écria-t-il en entendant sonner l'horloge du port 928_486_000157 il doit bien savoir qu'il ne serait pas en sûreté dans l'inde qui est une terre anglaise à moins que ce ne soit un homme très fort répondit le consul 928_486_000158 voici dans quelles circonstances avait été lancée cette dépêche concernant le sieur phileas fogg le mercredi neuf octobre on attendait pour onze heures du matin à suez 928_486_000159 répondit fix ces gens-là on les sent plutôt qu'on ne les reconnaît c'est du flair qu'il faut avoir et le flair est comme un sens spécial auquel concourent l'ouïe la vue et l'odorat 928_486_000160 monsieur le consul répondit dogmatiquement l'inspecteur de police les grands voleurs ressemblent toujours à d'honnêtes gens 928_486_000161 assure un avenir considérable de ces deux hommes l'un était l'agent consulaire du royaume-uni établi à suez qui 6318_5203_000000 fin de la fable treize les deux aventuriers et le talisman cet enregistrement fait partie du domaine public 6318_5367_000000 son regard comme le tien aimable bête profond et froid coupe et fend comme un dard et des pieds jusques à la tête un air subtil un dangereux parfum nagent autour de son corps brun 6318_5367_000001 le chat viens mon beau chat sur mon coeur amoureux retiens les griffes de ta patte et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux mêlés de métal et d'agate 6318_5367_000002 lorsque mes doigts caressent à loisir ta tête et ton dos élastique et que ma main s'enivre du plaisir de palper ton corps électrique je vois ma femme en esprit 6318_5471_000000 perle de rêve de jean courdil enregistré pour librivox par sévès une perle luit et repose dans le sein d'une jeune rose au calice vermeil et pur que seras-tu perle éphémère 6318_5471_000001 a l'aurore vierge chimère je serai nuage d'azur une larme paraît et brille dans l'oeil doux de la blanche fille que nul frisson n'agite encor que seras-tu larme tremblante 6318_5471_000002 a la première aube troublante je m'envolerai rêve d'or 6318_5565_000000 où le soleil de la montagne fière luit c'est un petit val qui mousse de rayons un soldat jeune bouche ouverte tête nue et la nuque baignant dans le frais cresson bleu dort 6318_5565_000001 les parfums ne font pas frissonner sa narine il dort dans le soleil la main sur sa poitrine tranquille il a deux trous rouges au côté droit 6318_5565_000002 il est étendu dans l'herbe sous la nue pâle dans son lit vert où la lumière pleut les pieds dans les glaïeuls il dort souriant comme sourirait un enfant malade il fait un somme nature berce-le chaudement il a froid 7591_6742_000000 une chanteuse en péplos brodé chantera des chansons de rhodes accompagnée par deux aulétrides qui auront des guirlandes de myrte enroulées à leurs jambes brunes c'est bien qu'elles soient épilées de frais lavées et parfumées des pieds à la tête prêtes à d'autres jeux si on les leur demande 7591_6742_000001 cent quatre les mystères dans l'enceinte trois fois mystérieuse où les hommes ne pénètrent pas nous t'avons fêtée astarté de la nuit mère du monde fontaine de la vie des dieux 7591_6742_000002 tu es malade ô kléôn mais une femme te peut guérir va chez la jeune satyra la fille de ma voisine gorgô sa croupe est une rose au soleil et elle ne te refusera pas le plaisir qu'elle-même préfère 7591_6742_000003 enfin quand l'acte religieux fut consommé et quand dans le triangle unique on eut plongé le phallos pourpré alors le mystère commença mais je n'en dirai pas davantage cent cinq les courtisanes égyptiennes 7591_6742_000004 j'en révélerai quelque chose mais pas plus qu'il n'est permis autour du phallos couronné cent vingt femmes se balançaient en criant les initiées étaient en habits d'hommes les autres en tunique fendue 7591_6742_000005 hélas ah gyrinno avec l'amour mes larmes aussi débordent essuie-les avec tes cheveux ne les baise pas ma chérie et enlace-moi de plus près encore pour maîtriser mes tremblements 7591_6742_000006 car le poison de ma beauté un jour a servi de remède on m'avait mandée en costume dans la chambre d'un jeune homme que les femmes ne tentaient point des caleçons crevés se collaient à mes cuisses et mes seins jaillissaient nus d'une brassière brodée d'or 7591_6742_000007 toi qui accordes en secret la grâce toi qui unis toi qui aimes toi qui saisis d'un furieux désir les races multipliées des bêtes sauvages et joins les sexes dans les forêts 7591_6742_000008 les fumées des parfums les fumées des torches flottaient entre nous comme des nuées je pleurais à larmes brûlantes toutes aux pieds de la borbeia nous nous sommes jetées sur le dos 7591_6742_000009 chevelures mouillées jambes agiles seins rougis et bousculés sueur des joues écume des lèvres ô dionysos elles t'offraient en retour l'ardeur que tu jetais en elles 7591_6742_000010 elles comprennent le hellène et feignent de le parler mal pour se rire de nous dans leur langue mais nous dent pour dent nous parlons lydien et elles s'inquiètent tout à coup 7591_6742_000011 bilitis n'est pas athêna mais elle ne se montre qu'à ses heures et châtie les yeux trop ardents cent vingt deux ô dieu de bois 7591_6742_000012 cinq chaînettes d'or qui font le tour de mes joues et de mon menton se suspendent aux cheveux par deux larges agrafes sur mes bras qu'envierait iris treize bracelets d'argent s'étagent qu'ils sont lourds mais ce sont des armes et je sais une ennemie qui en a souffert 7591_6742_000013 cent trente-sept conseil à un amant si tu veux être aimé d'une femme ô jeune ami quelle qu'elle soit ne lui dis pas que tu la veux mais fais qu'elle te voie tous les jours puis disparais pour revenir 7591_6742_000014 cent six je chante ma chair et ma vie certes je ne chanterai pas les amantes célèbres si elles ne sont plus pourquoi en parler ne suis-je pas semblable à elles n'ai-je pas trop de songer à moi-même je t'oublierai pasiphaë bien que ta passion fût extrême 7591_6742_000015 les roses sont encore sur la route les torches n'ont pas fini de brûler et je reviens par le même chemin avec maman et je songe ainsi ce qu'elle est aujourd'hui moi aussi j'aurais pu l'être suis-je déjà si grande fille 7591_6742_000016 son âge seize ans sa taille grande elle n'a connu personne ici hors psappha qui en est éperdument amoureuse et a voulu me l'acheter vingt mines si tu la loues elle est à toi 7591_6742_000017 entre ta chair et la mienne un rêve brûlant m'a possédée je te serrais sur moi comme sur une blessure et je criais mnasidika mnasidika mnasidika 7591_6742_000018 gyrinno c'est une tâche et de toutes la plus rude réveille-toi il ne faut pas que tu dormes que m'importent tes paupières bleues et la barre de douleur qui brûle tes jambes maigres astarté bouillonne dans mes reins 7591_6742_000019 cette enfant n'est pas courtisane bilitis nul ne la connaît vraiment n'est-ce pas un scandale et tolérerons-nous que ces filles viennent salir dans la journée les lits qui nous attendent le soir 7591_6742_000020 ô perpétuellement fécondée ô vierge et nourrice de tout chaste et lascive pure et jouissante ineffable nocturne douce respiratrice du feu écume de la mer 7591_6742_000021 je veux choisir dans toute la forêt une pauvre hamadryade aux bras levés et dans ses cheveux couleur de feuilles je piquerai ma plus lourde rose voyez j'en ai tant pris aux champs que je ne pourrai les rapporter si vous ne m'en faites un bouquet 7591_6742_000022 terre sacrée nourrice de tout accueille doucement la pauvre morte endors la dans tes bras ô mère et fais pousser autour de la stèle non les orties et les ronces mais les faibles violettes blanches 7591_6742_000023 dieu nous ne t'avons pas acheté pour te sacrifier nos virginités nul ne peut donner ce qu'il n'a plus et les zélatrices de pallas ne courent pas les rues d'amathonte non tu veillais autrefois sur les chevelures des arbres sur les fleurs bien arrosées sur les fruits lourds et savoureux c'est pourquoi nous t'avons choisi 7591_6742_000024 à l'entendre tu savais déjà lire pourtant tu n'étais pas sevrée et le soir penchée sur toi elle ouvrait sa tunique et te donnait le sein afin que tu ne pleures pas disait-elle 7591_6742_000025 je ne te louerai pas syrinx ni toi byblis ni toi par la déesse entre toutes choisie hélène aux bras blancs si quelqu'un souffrit je ne le sens qu'à peine si quelqu'un aima j'aime davantage 7591_6742_000026 dans une débauche que deux jeunes gens et des courtisanes firent chez moi où l'amour ruissela comme le vin damalis pour fêter son nom dansa la figure de pasiphae elle avait fait faire à kitiôn deux masques de vache et de taureau pour elle et pour 7591_6742_000027 cent trente deux la danse des fleurs anthis danseuse de lydie a sept voiles autour d'elle elle déroule le voile jaune sa chevelure noire se répand le voile rose glisse de sa bouche le voile blanc tombé laisse voir ses bras nus 7591_6742_000028 poupée si je voulais la revoir je te donnerais à l'aphrodite comme le plus cher de mes cadeaux mais je veux penser qu'elle est tout à fait morte 7591_6742_000029 et surtout si mon désespoir est une perpétuelle torture c'est que je sais instant par instant comment elle défaille dans les bras de l'autre et ce qu'elle lui demande et ce qu'elle lui donne 7591_6742_000030 seize les danses au clair de lune sur l'herbe molle dans la nuit les jeunes filles aux cheveux de violettes ont dansé toutes ensemble et l'une des deux faisait les réponses de l'amant 7591_6742_000031 cent vingt-trois la danseuse aux crotales tu attaches à tes mains légères tes crotales retentissants myrrhinidion ma chérie et à peine nue hors de la robe tu étires tes membres nerveux 7591_6742_000032 et le vent de la mer relevant vers le ciel les cheveux roux de héliokomis les tordait comme une flamme furieuse sur une torche de blanche cire cent-deux la mer de kypris 7591_6742_000033 je connaîtrai l'amour dans la nuit et plus tard des petits enfants se nourriront à mes seins gonflés vingt les confidences 7591_6742_000034 une nuit de repos vous fera du bien vous dormirez dans mon lit même sans fards et mal coiffées mettez une simple tunique de laine et laissez vos bijoux au coffre nul ne vous fera danser pour admirer vos jambes et les mouvements lourds de vos reins nul ne vous demandera les figures sacrées pour juger si vous êtes amoureuses 7591_6742_000035 les autres ont dit vous nous viendrez chercher elles avaient serré leurs robes en tunique d'homme et elles luttaient sans énergie en mêlant leurs jambes dansantes puis chacune se disant vaincue a pris son amie par les oreilles comme une coupe par les deux anses et la tête penchée a bu le baiser 7591_6742_000036 ah va maintenant c'est une belle victoire que de ravir à terre une jeune fille en larmes 7591_6742_000037 je me suis amusée de ton corps parce que tu as les cheveux courts les seins en pointe sur ton corps maigre et les mamelons noirs comme deux petites dattes comme il faut de l'eau et des fruits une femme aussi est nécessaire mais déjà je ne sais plus ton nom toi qui as passé dans mes bras comme l'ombre d'une autre adorée 7591_6742_000038 sur le plus haut promontoire je me suis couchée en avant la mer était noire comme un champ de violettes la voie lactée ruisselait de la grande mamelle divine 7591_6742_000039 petite colombe la plus joyeuse de toutes les courtisanes qui plus que toute autre aima les orgies les cheveux flottants les danses molles et les tuniques d'hyacinthe 7591_6742_000040 héraïos ô mois triste et doux les feuilles tombent doucement comme la neige le soleil est plus pénétrant dans la forêt plus éclaircie je n'entends plus rien que le silence 7591_6742_000041 le cortège les flûtes le chant nuptial et le char fleuri de l'époux toutes ces fêtes un autre soir se dérouleront autour de moi parmi les branches d'olivier comme à cette heure même melissa je me dévoilerai devant un homme 7591_6742_000042 cent trente-cinq la violence non tu ne me prendras pas de force n'y compte pas lamprias si tu as entendu dire qu'on a violé parthenis sache qu'elle y a mis du sien car on ne jouit pas de nous sans y être invité 7591_6742_000043 quatre vingt quinze le dernier essai que veux-tu vieille te consoler c'est peine perdue 7591_6742_000044 la pression de ses lèvres avaient déteint tes petites joues et à ta main gauche voici ce doigt cassé qui la fit tant pleurer cette petite cyclas que tu portes c'est elle qui te l'a brodée 7591_6742_000045 alors ils m'embrassent sur la joue ils posent leurs têtes sur mes seins ils me supplient avec les yeux je sais bien ce que cela veut dire cela veut dire bilitis chérie dis-nous car nous sommes gentils l'histoire du héros perseus ou la mort de la petite hellé 7591_6742_000046 toi tu ne m'as rien dit tu ne m'as rien donné car tu es pauvre et tu n'es pas beau mais c'est toi que j'aime 7591_6742_000047 voici l'oïnanthê des montagnes de kypre je la ferai couler entre mes seins la liqueur de rose qui vient de phasêlis embaumera ma nuque et mes joues 7591_6742_000048 ô vénérable priapos dieu de bois que j'ai fait sceller dans le marbre du bord de mes bains ce n'est pas sans raison gardien des vergers que tu veilles ici sur des courtisanes 7591_6742_000049 cent-vingt-huit thérapeutique ô asklêpios sois moi propice ô dieu de la santé divine le jour où l'éternelle nuit noire menacera mes yeux effrayés 7591_6742_000050 mais avant de la mettre au tombeau on l'a merveilleusement coiffée et on l'a couchée dans les roses la pierre même qui la recouvre est tout imprégnée d'essences et de parfums 7591_6742_000051 mais elles se teignent au pinceau et se parfument profondément les prêtresses de l'astarté font l'amour au coucher de la lune puis dans une salle de tapis où brûle une haute lampe d'or elles se couchent au hasard 7591_6742_000052 fin de la section dix-neuf des chansons de bilitis enregistrées par severine 7591_6742_000053 elle portait des cornes terribles et une queue véritable à son caleçon de cuir les autres femmes menées par moi tenant des fleurs et des flambeaux nous tournions sur nous-mêmes avec des cris et nous caressions damalis du bout de nos chevelures pendantes 7591_6742_000054 fin de la section dix-neuf des chansons de bilitis enregistrées par severine 7591_6742_000055 plus que toute autre elle aima les glottismes savoureux les caresses sur la joue les jeux que la lampe voit seule et l'amour qui brise les membres et maintenant elle est une petite ombre 7591_6742_000056 je chante ma chair et ma vie et non pas l'ombre stérile des amoureuses enterrées reste couché ô mon corps selon ta mission voluptueuse savoure la jouissance quotidienne et les passions sans lendemain ne laisse pas une joie inconnue aux regrets du jour de ta mort 7591_6742_000057 quatre-vingt quatorze à gyrinnô ne crois pas que je t'aie aimée je t'ai mangée comme une figue mûre je t'ai bue comme une eau ardente je t'ai portée autour de moi comme une ceinture de peau 7591_6742_000058 tu es plus grande qu'elle n'était ton corps différent m'étonne regarde je t'ai enfin cédé oui c'est moi tu peux jouer avec mes seins caresser ma hanche ouvrir mes genoux mon corps tout entier s'est livré à tes lèvres infatigables 7591_6742_000059 mélixô les jambes serrées le corps penché les bras en avant tu glisses ta double flûte légère entre tes lèvres mouillées de vin et tu joues au dessus de la couche où téléas m'étreint encore 7591_6742_000060 cent trente-neuf le tombeau d'une jeune courtisane ici gît le corps délicat de lydé 7591_6742_000061 et j'ajoutai en m'enfuyant ô gourmand de fruits et de légumes le petit jardin de bilitis n'a qu'une figue mais elle est bonne fin de la section vingt-cinq des chansons de bilitis 7591_6742_000062 que d'autres dis-tu ne songent qu'aux voluptés basses veillent la nuit dorment le jour et demandent encore à l'adultère une satiété criminelle oui ta femme travaille à l'étable on dit même qu'elle a mille tendresses pour le plus jeune de tes ânes ah ha c'est un bel animal il a une touffe noire sur les yeux 7591_6742_000063 les petits enfants la rivière est presque à sec les joncs flétris meurent dans la fange l'air brûle et loin des berges creuses un ruisseau clair coule sur les graviers 7591_6742_000064 achetez-moi quelque chose explique-toi petite car nous ne savons pas ce que tu vends toi tes roses ou tout à la fois si vous m'achetez toutes mes fleurs vous aurez la vendeuse pour rien 7591_6742_000065 nymphes des bois et des fontaines amies bienfaisantes je suis là ne vous cachez pas mais venez m'aider car je suis fort en peine de tant de fleurs cueillies 7591_6742_000066 je suis vraiment toute couverte d'or mes seins sont cuirassés de deux pectoraux d'or les images des dieux ne sont pas aussi riches que je le suis et je porte sur ma robe épaisse une cointure lamée d'argent 7591_6742_000067 enfant garde bien la porte et ne laisse pas entrer les passants car moi et six filles aux beaux bras nous nous baignons secrètement dans les eaux tièdes du bassin nous ne voulons que rire et nager laisse les amants dans la rue nous tremperons nos jambes dans l'eau et assises sur le bord du marbre nous jouerons aux osselets 7591_6742_000068 neuf la pluie la pluie fine a mouillé toutes choses très doucement et en silence il pleut encore un peu je vais sortir sous les arbres pieds nus pour ne pas tacher mes chaussures 7591_6742_000069 les jeunes gens la supplient elle secoue la tête en arrière au son des flûtes seulement elle le déchire un peu puis tout à fait et avec les gestes de la danse elle cueille les fleurs de son corps en chantant où sont mes roses où sont mes violettes parfumées où sont mes touffes de persil 7591_6742_000070 combien en as-tu et que savent-elles faire j'en ai sept trois dansent la kordax avec l'écharpe et le phallos néphélê aux aisselles lisses mimera l'amour de la colombe entre ses seins couleur de roses 7591_6742_000071 parfois elle faisait la roue sur les mains et sur les pieds ou bien les deux bras en l'air et les genoux écartés elle se courbait à la renverse et touchait la terre en riant 7591_6742_000072 puis je sentis qu'il revenait à moi et je vis même très clairement ses désirs réveillés qu'il ne me cachait point mais par ruse je sus résister non mon ami ce soir lysippos me possède adieu 7591_6742_000073 voici qu'on a porté au tombeau pittakos chargé d'années beaucoup sont morts que j'ai connus et celle qui vit est pour moi comme si elle n'était plus 7591_6742_000074 oh comme la saveur du matin est amère gyrinno appprécie-la les baisers sont plus difficiles mais plus étranges et plus lents quatre vingt treize myriné non traduite 7591_6742_000075 mais toi ne prends pas de repos prolonge les baisers à perte d'haleine ne la laisse pas dormir même si elle t'en prie baise toujours la partie de son corps vers laquelle elle tourne les yeux 7591_6742_000076 elle dégage ses petits seins du voile rouge qui se dénoue elle abaisse le voile vert de sa croupe jusqu'aux pieds elle tire le voile bleu de ses épaules mais elle presse sur sa pudeur le dernier voile transparent 7591_6742_000077 nous nous sommes couchées avant le crépuscule voici déjà la mauvaise aurore mais je ne suis pas lasse pour si peu je ne dormirai pas avant le second soir je ne dormirai pas il ne faut pas que tu dormes 7591_6742_000078 fin de la section dix-neuf des chansons de bilitis enregistrées par severine 7591_6742_000079 non mélixô petite musicienne tu es une honnête amie hier tu ne m'as pas refusé de changer ta flûte pour une autre quand je désespérais d'accomplir un amour plein de difficultés mais tu es sûre 7591_6742_000080 huit le réveil il fait déjà grand jour je devrais être levée mais le sommeil du matin est doux et la chaleur du lit me retient blottie je veux rester couchée encore 7591_6742_000081 louez la petite fille aux paupières bleues aux cheveux courts aux seins aigus vêtue seulement d'une ceinture d'où pendaient des rubans jaunes et des tiges d'iris noirs 7591_6742_000082 et qu'en ferai-je voici vingt-deux nuits que j'essaye en vain d'échapper au souvenir soit je prendrai celle-ci encore mais préviens la pauvre petite pour qu'elle ne s'effraye point si je sanglote dans ses bras 7591_6742_000083 toutes sous la bassaris et les couronnes de pampre couraient et criaient et sautaient les crotales claquaient dans les mains et les thyrses crevaient la peau des tympanôns retentissants 7591_6742_000084 le lendemain je suis allée chez elle et nous avons rougi dès que nous nous sommes vues elle m'a fait entrer dans sa chambre pour que nous fussions toutes seules j'avais beaucoup de choses à lui dire mais en la voyant j'oubliai 7591_6742_000085 je suis allée avec plango chez les courtisanes égyptiennes tout en haut de la vieille ville elles ont des amphores de terre des plateaux de cuivre et des nattes jaunes où elles s'accroupissent sans effort 7591_6742_000086 torti tortue que fais-tu là au milieu je taille un roseau pour la flûte funèbre hélas hélas qu'est-il arrivé je ne le dirai pas je ne le dirai pas 7591_6742_000087 cent vingt-neuf la commande vieille écoute-moi je donne un festin dans trois jours il me faut un divertissement tu me loueras toutes tes filles 7591_6742_000088 cent un les ménades à travers les forêts qui dominent la mer les ménades se sont ruées maskhalê aux seins fougueux hurlante brandissait le phallos qui était de bois de sycomore et barbouillé de vermillon 7591_6742_000089 il a voulu m'approcher j'ai pris une faux contre le mur et je lui aurais fendu la joue s'il avait avancé d'un pas alors reculant un peu il se mit à sourire et souffla vers moi dans sa main disant reçois le baiser 7591_6742_000090 torti tortue que fais-tu là au milieu je presse les olives pour l'huile de la stèle hélas hélas et qui donc est mort peux-tu le demander peux-tu le demander 7591_6742_000091 que tu es jolie les bras en l'air les reins arqués et les seins rouges tu commences tes pieds l'un devant l'autre se posent hésitent et glissent mollement ton corps se plie comme une écharpe tu caresses ta peau qui frissonne et la volupté inonde tes longs yeux évanouis 7591_6742_000092 elles se tiennent immobiles les mains posées sur les genoux quand elles offrent la bouillie elles murmurent bonheur et quand on les remercie elles disent grâce à toi 7591_6742_000093 peut-être plus que tu ne crois quel est ton nom charmant je ne dis pas cela si vite tu as quelqu'un ce soir toujours celui qui m'aime et comment l'aimes tu comme il veut soupons ensemble si tu le désires mais que donnes-tu ceci cinq drachmes c'est pour mon esclave et pour moi dis toi-même cent 7591_6742_000094 la pluie au printemps est délicieuse les branches chargées de fleurs mouillées ont un parfum qui m'étourdit on voit briller au soleil la peau délicate des écorces 7591_6742_000095 le sexe pur ou le sourire de kypris philommeïdès cent-trois les prêtresses de l'astarte 7591_6742_000096 je la vois tenant sa tasse de lait et me regardant de côté avec un sourire je la vois poudrée et coiffée ouvrant ses grands yeux devant son miroir et retouchant du doigt le rouge de ses lèvres 7591_6742_000097 fin de la section vingt-six des chansons de bilitis enregistrée par séverine 7591_6742_000098 cent hymne à la nuit les masses noires des arbres ne bougent pas plus que des montagnes les étoiles emplissent un ciel immense un air chaud comme un souffle humain caresse mes yeux et mes joues 7591_6742_000099 leurs chambres sont silencieuses sans angles et sans encoignures tant les couches successives de chaux bleue ont émoussé les chapiteaux et arrondi le pied des murs 7591_6742_000100 tout à coup tu claques des crotales cambre-toi sur les pieds dressés secoue les reins lance les jambes et que tes mains pleines de fracas appellent tous les désirs en bande autour de ton corps tournoyant 7591_6742_000101 je suis aimée des petits enfants dès qu'ils me voient ils courent à moi et s'accrochent à ma tunique et prennent mes jambes dans leurs petits bras s'ils ont cueilli des fleurs ils me les donnent toutes s'ils ont pris un scarabée ils le mettent dans ma main s'ils n'ont rien ils me caressent et me font asseoir devant eux 7591_6742_000102 ô nuit qui enfantait les dieux comme tu es douce sur mes lèvres comme tu es chaude dans mes cheveux comme tu entres en moi ce soir et comme je me sens grosse de tout ton printemps 7591_6742_000103 hélas que de fleurs sur la terre ayez pitié des fleurs tombées il ne faut pas les balayer et les mêler dans la boue mais les conserver aux abeilles les scarabées et les limaces traversent le chemin entre les flaques d'eau 7591_6742_000104 quatre vingt dix sept à la poupée de cire poupée de cire jouet chéri qu'elle appelait son enfant elle t'a laissée toi aussi et elle t'oublie comme moi qui fus avec elle ton père ou ta mère je ne sais 7591_6742_000105 nous jouerons aussi à la balle ne laisse pas entrer les amants nos chevelures sont trop mouillées nos gorges ont la chair de poule et le bout de nos doigts se ride d'ailleurs il s'en repentirait celui qui nous surprendrait nues 7591_6742_000106 soudain je m'assis sur ses genoux je la pris dans mes bras je lui parlai à l'oreille vivement anxieusement alors elle mit sa tête contre la mienne et me dit tout 7591_6742_000107 va donner les ordres adieu cent-trente la figure de pasiphaé 7591_6742_000108 garde aujourd'hui nos têtes blondes les pavots ouverts de nos lèvres et les violettes de nos yeux garde les fruits durs de nos seins et donne-nous des amants qui te ressemblent 7591_6742_000109 ses mugissements et nos chants et les danses effrénées ont duré plus que la nuit la chambre vide est encore chaude je regarde mes mains rougies et les canthares de khios où nagent des roses 7591_6742_000110 dix neuf l'amie mariée nos mères étaient grosses en même temps et ce soir elle s'est mariée melissa ma plus chère amie 7591_6742_000111 on dit qu'elle joue entre ses pattes sous son ventre gris et doux mais ceux qui disent cela sont des médisants si ton âne lui plaît agorakritès c'est que son regard sans doute lui rappelle le tien 7591_6742_000112 j'ai dansé selon le rite au son des crotales les douze désirs d'aphroditê et voici que l'amour est entré en lui tout à coup et sur le lit de sa virginité j'ai recommencé toute la danse 7591_6742_000113 si vous refusez prenez garde celle de vous qui a les cheveux orangés je l'ai vue hier saillie comme une bête par le satyre lamprosathès et je dénoncerai l'impudique 7591_6742_000114 à côté de leurs flancs étroits considère nos hanches luxuriantes large couche creusée pour l'amant dis enfin quelles lèvres humaines sinon celles qu'ils voudraient avoir élaborent les voluptés 7591_6742_000115 ta voix est-ce le bruit de la mer est-ce le silence de la plaine ta voix je ne la comprends pas mais elle me jette la tête aux pieds et mes larmes lavent mes deux mains 7591_6742_000116 cent quarante la petite marchande de roses hier m'a dit naïs j'étais sur la place quand une petite fille en loques rouges a passé portant des roses devant un groupe de jeunes gens et voici ce que j'ai entendu 7591_6742_000117 holà par les deux déesses qui est l'insolent qui a mis le pied sur ma robe c'est un amoureux c'est un sot j'ai été maladroit pardonne-moi l'imbécile ma robe jaune est toute déchirée par derrière et si je marche ainsi dans la rue on va me prendre pour une fille pauvre qui sert la kypris inverse 7591_6742_000118 et maintenant répands sur mes reins la bakkaris irrésistible il vaut mieux pour une courtisane connaître les parfums de lydie que les mœurs du péloponèse 7591_6742_000119 elles peignent leurs chevelures et leurs mains teintes de pourpre mêlées à leurs boucles noires semblent des branches de corail dans une mer sombre et flottante elles ne s'épilent jamais pour que le triangle de la déesse marque leur ventre comme un temple 7591_6742_000120 où demeures-tu dans cette maison bleue à quelle heure veux-tu que je t'envoie chercher tout de suite si tu veux tout de suite va devant cent neuf la robe déchirée 7591_6742_000121 et je n'ai pas commandé pour nous deux joueuses de flûte aux belles bouches mais deux marmites de pois rissolés des gâteaux au miel des croquettes frites et ma dernière outre de khios 7591_6742_000122 cent huit conversation bonjour bonjour aussi tu es bien pressée peut-être moins que tu ne penses tu es une jolie fille 7591_6742_000123 cent vingt sept à un égaré l'amour des femmes est le plus beau de tous ceux que les mortels éprouvent et tu penserais ainsi kléôn si tu avais l'âme vraiment voluptueuse mais tu ne rêves que vanités 7591_6742_000124 tu perds tes nuits à chérir les éphèbes qui nous méconnaissent regarde les donc qu'ils sont laids compare à leurs têtes rondes nos chevelures immenses cherche nos seins blancs sur leurs poitrines 7591_6742_000125 et quand une troupe de marchands qui passe mène boire au fleuve les énormes boeufs blancs ils croisent leurs mains derrière eux et regardent les grandes bêtes dix huit les contes 7591_6742_000126 oh va de ton mieux fais des efforts c'est manqué je me défends à peine cependant je n'appellerai pas au secours et je ne lutte même pas mais je bouge pauvre ami c'est manqué encore 7591_6742_000127 et combien veux-tu de tes roses il faut six oboles à ma mère ou bien je serai battue comme une chienne suis-nous tu auras une drachme alors je vais chercher ma petite soeur 7591_6742_000128 tu sais te faire aimer disait-il mais tu n'en es pas émue que faut-il faire pour que tu m'aimes je le regardais plus loin que les yeux et je lui dis avec lenteur t'imaginer que tu es femme 7591_6742_000129 c'est là que du matin au soir les petits enfants nus viennent jouer ils se baignent pas plus haut que leurs mollets tant la rivière est basse mais ils marchent dans le courant et glissent quelquefois sur les roches et les petits garçons jettent de l'eau sur les petites filles qui rient 7591_6742_000130 ne suis-je pas bien imprudente moi qui loue une aussi jeune fille pour distraire mes heures laborieuses moi qui la montre ainsi nue aux regards curieux de mes amants ne suis-je pas inconsidérée 7591_6742_000131 sept le passant comme j'étais assise le soir devant la porte de la maison un jeune homme est venu à passer il m'a regardée j'ai tourné la tête il m'a parlé je n'ai pas répondu 7591_6742_000132 continue ce petit jeu m'amuse d'autant que je suis sûre de vaincre encore un essai malheureux et peut-être tu seras moins disposé à me prouver tes désirs éteints bourreau que fais-tu chien tu me brises les poignets et ce genou qui m'éventre 7591_6742_000133 je me souviens d'une nuit qu'elle passa la joue sur mon sein si doucement que le bonheur me tint éveillée et le lendemain elle avait au visage la marque de la papille ronde 7591_6742_000134 tu nous attendais au passage et tu nous suivais dans la rue maintenant tu es selon tes voeux étendue à la place aimée et la tête sur ce coussin où flotte une autre odeur de femme 7591_6742_000135 les chansons de bilitis par pierre louys section dix neuf quatre vingt onze la tentative tu étais jalouse de nous gyrinno fille trop ardente que de bouquets as-tu fait suspendre au marteau de notre porte 7591_6742_000136 et j'ai crié et j'ai pleuré tant que ma mère est accourue inquiète croyant que j'avais été piquée par un scorpion je pleurais il m'a embrassée ma mère aussi m'a embrassée et m'a emportée dans ses bras 7591_6742_000137 disant cela j'ai dénoué ma ceinture en moiteur et je l'ai roulée autour de sa tête elle était toute chaude encore de la chaleur de mon ventre le parfum de ma peau sortait de ses mailles fines il la respira longuement les yeux fermés 7591_6742_000138 amaltheia n'a-t-elle pas nourri dzeus j'irai donc mais pas encore le soleil s'est levé très tôt et ma mère n'est pas éveillée 7591_6742_000139 cent vingt-six à un mari heureux je t'envie agorakritès d'avoir une femme aussi zélée c'est elle-même qui soigne l'étable et le matin au lieu de faire l'amour elle donne à boire aux bestiaux tu t'en réjouis 7591_6742_000140 quatre-vingt-douze l'effort encore assez de soupirs et de bras étirés recommence penses-tu donc que l'amour soit un délassement 7591_6742_000141 les vierges ont dit nous ne sommes pas pour vous et comme si elles étaient honteuses elles cachaient leur virginité un aegipan jouait de la flûte sous les arbres 7591_6742_000142 mille ménades autour de moi dormaient dans les fleurs déchirées les longues herbes se mêlaient aux chevelures et voici que le soleil naquit dans l'eau orientale 7591_6742_000143 cent trente-huit les amies à dîner myromêris et maskhalê mes amies venez avec moi car je n'ai pas d'amant ce soir et couchées sur des lits de byssos nous causerons autour du dîner 7591_6742_000144 cent sept les parfums je me parfumerai toute la peau pour attirer les amants sur mes belles jambes dans un bassin d'argent je verserai du nard de tarsos et du metôpiôn d'aigypte 7591_6742_000145 sous mes bras de la menthe crépue sur mes cils et sur mes yeux de la marjolaine de kôs esclave défais ma chevelure et emplis-la de fumée d'encens 7591_6742_000146 je n'osais pas même me jeter à son cou je regardais sa ceinture haute je m'étonnais que rien n'eût changé sur son visage qu'elle semblât encore mon amie et que cependant depuis la veille elle eût appris tant de choses qui m'effarouchaient 7591_6742_000147 quatre vingt dix huit chant funèbre chantez un chant funèbre muses mytiléniennes chantez la terre est sombre comme un vêtement de deuil et les arbres jaunes frissonnent comme des chevelures coupées 7591_6742_000148 quand la première aube se mêla aux lueurs affaiblies des flambeaux je fis entrer dans l'orgie une joueuse de flûte vicieuse et agile qui tremblait un peu ayant froid 7591_6742_000149 le second fit pour moi des vers il disait que mes cheveux sont noirs comme ceux de la nuit sur la mer et mes yeux bleus comme ceux du matin le troisième était si beau que sa mère ne l'embrassait pas sans rougir il mit ses mains sur mes genoux et ses lèvres sur mon pied nu 7591_6742_000150 on m'a dit que depuis ta rupture tu allais d'amour en amour sans trouver l'oubli ni la paix je viens te proposer quelqu'un parle c'est une jeune esclave née à sardes elle n'a pas sa pareille au monde car elle est à la fois homme et femme bien que sa poitrine et ses longs cheveux et sa voix claire fassent illusion 7591_6742_000151 cent vingt cinq la ceinture chaude tu crois que tu ne m'aimes plus téléas et depuis un mois tu passes tes nuits à table comme si les fruits les vins les miels pouvaient te faire oublier ma bouche tu crois que tu ne m'aimes plus pauvre fou 7591_6742_000152 ô astarté irrésistible entends-moi prends-moi possède-moi ô lune et treize fois chaque année arrache à mes entrailles la libation de mon sang 7591_6742_000153 nous applaudissons à grands cris soit que souriant sur l'épaule tu agites d'un frémissement ta croupe convulsive et musclée soit que tu ondules presque étendue au rythme de tes souvenirs cent vingt quatre la joueuse de flûte 7591_6742_000154 ne t'arrêteras-tu pas je crois qu'il me parle encore me quitteras-tu ainsi fâchée tu ne réponds pas hélas je n'ose plus parler il faut bien que je rentre chez moi pour changer de robe et je ne puis te suivre qui est ton père c'est le riche armateur nikias tu as de beaux yeux je te pardonne 7591_6742_000155 cent-dix les bijoux un diadème d'or ajouré couronne mon front étroit et blanc 7591_6742_000156 les fleurs qui vont fleurir vont toutes naître de moi le vent qui respire est mon haleine le parfum qui passe est mon désir toutes les étoiles sont dans mes yeux 7591_6742_000157 car je sais bien à quoi tu penses tu attends la fin de cette nuit excessive qui t'anime cruellement en vain et au premier matin tu courras dans la rue avec ton seul ami psyllos vers ton petit matelas défoncé 7591_6742_000158 les prêtresses de l'astarté font l'amour au lever de la lune puis elles se relèvent et se baignent dans un bassin vaste aux margelles d'argent de leurs doigts recourbés 7591_6742_000159 tout à l'heure j'irai dans l'étable je donnerai aux chèvres de l'herbe et des fleurs et l'outre d'eau fraîche tirée du puits où je boirai en même temps qu'elles puis je les attacherai au poteau pour traire les douces mamelles tièdes et si les chevreaux n'en sont pas jaloux je sucerai avec eux les tettes assouplies 7591_6742_000160 le premier me donna un collier un collier de perles qui vaut une ville avec les palais et les temples et les trésors et les esclaves 7591_6742_000161 c'étaient les mêmes flots et les mêmes rivages qui virent un jour apparaître le corps blanc d'aphrodita je cachai tout à coup mes yeux dans mes mains car j'avais vu trembler sur l'eau mille petites lèvres de lumière 7591_6742_000162 je ne veux pas marcher sur eux ni effrayer ce lézard doré qui s'étire et cligne des paupières dix les fleurs 7591_6742_000163 quatre vingt seize le souvenir déchirant je me souviens à quelle heure du jour ne l'ai-je pas devant mes yeux je me souviens de la façon dont elle soulevait ses cheveux avec ses faibles doigts si pâles 8128_7016_000000 le bruit extraordinaire qu'il faisait en sifflant dans les branches leur fit lever les yeux voici les chênes dit thomas en tremblant de tous ses membres et en effet fortin reconnut les deux grands arbres qui se dessinaient dans l'ombre 8128_7016_000001 il commence à se repentir d'être entré dans le bois son courage l'abandonne son fusil tombe de ses mains soit fatigue soit saisissement il est forcé de s'appuyer contre un arbre qui se trouve près de lui 8128_7016_000002 une voix inconnue lui répond viens je t'attends il hésite cependant il va en avant la lumière disparaît bientôt il la revoit plus loin on lui crie encore me voilà viens je t'attends 8128_7016_000003 orlandine donna encore d'autres détails auxquels thibaud faillit d'étouffer de rire car il s'agissait d'un souper qu'il avait fait la veille avec ses deux amis et trois demoiselles de la ville 8128_7016_000004 le lendemain matin des paysans qui allaient vendre leurs légumes au marché de lyon entendirent des gémissemens dans une masure abandonnée qui était près du chemin et servait de voirie ils y entrèrent et trouvèrent thibaud couché sur une charogne à demi pourrie 8128_7016_000005 thomas dit partons toute la famille tremblait et personne n'eut la force ni peut-être la pensée tant ils étaient effrayés de s'opposer à ce téméraire dessein 8128_7016_000006 infernaliana par charles nodier les petites chiennes blanches conte noir on raconte que vers le commencement du dix-septième siècle on remarquait dans la forêt de bondy sur le bord du grand chemin qui traverse le bois dans la direction de l'est à l'ouest deux grands chênes 8128_7016_000007 cependant comme il était curieux de savoir à qui il avait affaire et qu'elle paraissait fatiguée il la pria de vouloir bien s'asseoir sur un banc de pierre que l'on entrevoyait auprès d'une porte 8128_7016_000008 dans ce moment terrible il recommande son âme à dieu et tire de sa poche un crucifix que cet homme pieux avait toujours avec lui mais ses forces l'ont abandonné il tombe à genoux au pied de l'arbre et bientôt il perd l'usage de ses sens 8128_7016_000009 et lui serrait le bras pour ne pas tomber alors thibaud empressé de la retenir lui posait la main sur le coeur ce qu'il faisait pourtant avec discrétion pour ne pas l'effaroucher 8128_7016_000010 mon père dit l'aîné grand gaillard de vingt ans je viens avec vous viens si tu te sens assez de courage réponds fortin mais je te préviens que je vais droit aux deux chênes vous n'y pensez pas mon père réplique thomas 8128_7016_000011 se renouveler refusa de passer les nuits suivantes avec caroline qui lui reprocha de l'abandonner à un vampire les visites nocturnes continuèrent caroline belle riche et maîtresse de ses actions à vingt et un ans voulut se marier dans l'espoir d'éloigner le fantôme 8128_7016_000012 thibaud impatienté de cette solitude s'écria en grossissant sa voix sacré mort du grand diable je lui baille mon sang et mon âme que si la grande diablesse sa fille venait à passer je la prierais d'amour tant je me sens échauffé par le vin 8128_7016_000013 alors je vis à travers une autre fenêtre d'une maison voisine une chambre bien éclairée où soupaient trois jeunes cavaliers et trois jeunes filles ils chantaient buvaient riaient et s'embrassaient 8128_7016_000014 viendrai toutes les nuits passer un quart-d'heure avec vous du reste soyez tranquille je ne vous ferai aucun mal je borne ma vengeance à vous forcer de voir chaque nuit celui que vous avez conduit au tombeau par votre imprudente conduite l'amie peu curieuse de voir la même scène 8128_7016_000015 à la vérité ma sourde gouvernante me criait souvent aux oreilles je ne sais quelles leçons de morale mais je les entendais aussi peu que si j'eusse été aussi sourde qu'elle car elle me parlait des devoirs du mariage et ne me disait ce que c'était que le mariage 8128_7016_000016 elle était obligée d'y renoncer et s'en allait en me bégayant des excuses dont elle se tirait aussi mal que de son histoire je vous ai dit qu'il y avait un monsieur qui venait me voir une fois tous les ans quand j'eus quinze ans ce monsieur me fit monter dans un carrosse avec ma duègne 8128_7016_000017 il tira de ce double accident un mauvais présage et s'en retourna tristement chez lui ce jour-là thibaud régala encore ses amis 8128_7016_000018 mais quelque adresse qu'on employât pour tacher de la surprendre elle se levait au moment qu'on croyait mettre la main dessus alors elle s'éloignait de quelques pas en s'enfonçant dans le bois 8128_7016_000019 et qui leur paraissaient être au plus à la distance de vingt pas allons thomas dit fortin d'une voix assez forte malgré qu'il ne fut pas très rassuré lui-même allons dit-il c'est à mon tour à marcher devant 8128_7016_000020 cette petite bête paraissait endormie et ne semblait s'éveiller que lorsque quelque passant surpris de voir un si joli animal perdu au milieu du bois s'approchait pour la caresser 8128_7016_000021 il était charitable envers les pauvres et bienfaisant envers tous thibaud de la jacquière son fils unique était d'humeur différente c'était un beau garçon 8128_7016_000022 il les embrassa les fit entrer chez son père et se mit à boire avec eux il continua de mener une vie qui navra le coeur du bon prévôt 8128_7016_000023 ce n'était qu'une cabane en apparence mais l'intérieur en est magnifique comme vous le verrez si le petit nègre en fait le chemin car je vois qu'il a trouvé de la lumière et rallumé sa lanterne 8128_7016_000024 mais comme on lui avait bien recommandé de ne pas aller du côté du grand chemin de l'est à l'ouest et que ce jeune garçon était très soumis aux ordres de ses parents on ne s'en inquiéta que légèrement et chacun retourna à son travail 8128_7016_000025 infernaliana par charles nodier les aventures de thibaud de la jacquière petit roman un riche marchand de lyon nommé jacques de la jacquière devint prévôt de la ville à cause de sa probité et des grands biens qu'il avait acquis sans faire tache à sa réputation 8128_7016_000026 fortin ne peut reconnaître cette voix ce n'est ni celle de thomas ni celle de célestin la lanterne disparaît tout à fait il ne sait plus où il est il veut retourner sur ses pas il ne peut retrouver le grand chemin qu'il vient de quitter 8128_7016_000027 nous entrâmes donc continua orlandine sous une porte cochère et l'on me fit monter dans de grandes et belles chambres ensuite par un escalier tournant dans une tourelle fort haute 8128_7016_000028 les gens de la maison se retirent et caroline dit d'une voix mourante ah il est parti enfin tu l'as donc vu oui et je ne suis que trop sûre qu'il exécutera ses menaces et quoi t'aurait il parlé voici ce que je viens d'entendre pendant trois ans je 8128_7016_000029 les branches étaient cassées les feuilles noircies et séchées l'herbe était foulée et couverte de lambeaux de vêtemens fortin reconnut ceux de ses deux malheureux fils et le même sort lui était réservé s'il n'avait été armé du signe divin qui seul l'avait sauvé du démon 8128_7016_000030 souvenez-vous seulement que vous avez mis trois ans à me conduire douloureusement au tombeau adieu mademoiselle a cette nuit en achevant ces paroles qu'il eut une peine infinie à prononcer il expira caroline saisie de frayeur s'enfuit 8128_7016_000031 heureusement je savais parler lorsqu'on m'enferma au château de sombre car je ne l'aurais sûrement point appris des deux compagnes de ma prison pour ce qui est du portier je ne le voyais qu'au moment où il nous passait notre dîner à travers la grille de la seule fenêtre que nous eussions 8128_7016_000032 il disparut avec la dot et quantité de bijoux qui n'en faisaient pas partie l'amie de caroline sensible à tant de malheurs accourut auprès d'elle la consola de son mieux et l'emmena dans une terre où elle acheva tristement sa pénitence les trois ans écoulés son 8128_7016_000033 l'intérieur était fort orné et parmi les meubles précieux on remarquait surtout des fauteuils en velours de gènes à franges d'or et un lit en moire de venise mais tout cela n'occupait guère thibaud il ne voyait que la charmante orlandine 8128_7016_000034 ils cheminent encore mais à mesure qu'ils avancent il semble que les arbres s'éloignent la forêt paraît ne plus finir fortin entend de tous côtés des sifflements comme si le bois était rempli de serpents de temps en temps il roule sous ses pieds des corps inconnus 8128_7016_000035 ils le placèrent sur leurs paniers et le portèrent ainsi chez le prévôt de lyon le malheureux de la jacquière reconnut son fils thibaud fut mis dans un lit où bientôt il parut reprendre quelque connaissance 8128_7016_000036 il fit un faux pas tomba sur le nez et cassa sa lanterne la jeune dame parut fort effrayée et ne sachant quel parti prendre thibaud se hâta de l'accoster le plus poliment qu'il put et lui offrit son bras pour la reconduire chez elle 8128_7016_000037 l'incorrigible thibaud répondit comme je l'ai dit je le ferais un moment après ils virent sortir d'une rue voisine une jeune dame voilée qui annonçait beaucoup de charmes et de jeunesse un petit nègre la suivait 8128_7016_000038 et si au lieu de la poursuivre l'on passait outre elle revenait à sa place en regardant les personnes et remuant la queue si l'on faisait semblant de revenir elle se laissait approcher ayant l'air d'attendre mais bientôt elle s'échappait comme la première fois et se rendait ensuite à la même place avec opiniâtreté 8128_7016_000039 nous n'en sortîmes que le troisième jour ou plutôt la troisième nuit du moins la soirée était fort avancée un homme ouvrit la portière et nous dit vous voici sur la place bellecour et voilà la maison du prévôt jacques de la jacquière où voulez-vous qu'on vous conduise 8128_7016_000040 scandalisé lui-même de la mauvaise conduite du jeune thibaud le renvoya à lyon afin qu'il se réformât un peu dans la maison de son père le bon prévôt demeurait alors au coin de la place bellecour 8128_7016_000041 une sueur froide découle de tout son corps des substances aériennes passent à tout moment devant son visage et autour de lui il ne les voit pas mais il sent une haleine puante et brûlante et un air froid comme si quelque oiseau de grandeur extraordinaire agitait ses ailes au-dessus de lui 8128_7016_000042 et lorsque la nuit fut venue ils sortirent pour prendre l'air sur la place bellecour et se promenèrent par les rues comptant y trouver quelque fortune mais la nuit était si épaisse qu'ils ne rencontrèrent ni fille ni femme 8128_7016_000043 à quoi voulez-vous que nous passions notre soirée il me vient une idée voici un grand miroir allons y faire des mines comme j'en faisais au château de sombre 8128_7016_000044 dont les fenêtres étaient bouchées avec un drap vert très épais au reste la tourelle était bien éclairée ma duègne m'ayant fait asseoir sur un siége me donna son chapelet pour m'amuser et sortit en fermant la porte à double tour 8128_7016_000045 ils marchèrent si longtemps qu'à la fin il semblait à thibaud qu'ils s'étaient égarés dans les rues de lyon mais il en fut bien aise car il lui parut qu'il en aurait d'autant meilleur marché de la belle égarée 8128_7016_000046 l'inconnue accepta après quelques façons et thibaud se retournant vers ses amis leur dit à demi-voix vous voyez que celui que j'ai invoqué ne m'a pas fait attendre ainsi bonsoir les deux amis comprirent ce qu'il voulait dire et se retirèrent en riant 8128_7016_000047 de rallumer les flambeaux mais inutilement au bout d'un quart d'heure passé dans les plus mortelles angoisses on entend l'heure caroline pousse un profond soupir comme une personne qui sort d'un long assoupissement les bougies se rallument d'elles-mêmes 8128_7016_000048 il se leva avec effroi courut comme un fou jusques chez lui le fait raconté fut vérifié par les autorités qui vinrent avec les archers visiter les lieux le récit de fortin fut reconnu vrai on vit toutes les traces d'un repas horrible des danses et des jeux de la troupe diabolique 8128_7016_000049 il faut nécessairement que nous ayons dépassé les deux chênes retournons dit thomas retournons dit fortin mais dans ce moment il vint un si fort coup de vent qu'ils furent obligés de porter la main à leurs chapeaux 8128_7016_000050 il est tombé sa lanterne s'est brisée et c'est alors monsieur que j'ai eu le bonheur de vous rencontrer thibaud allait répondre quelque galanterie lorsque le petit nègre vint avec sa lanterne allumée 8128_7016_000051 mais ces vœux charitables lui déplurent il prit sur la table une tasse d'or la remplit de vin et dit sacré mort du grand diable je lui veux bailler dans ce vin mon sang et mon âme si jamais je deviens plus homme de bien que je le suis 8128_7016_000052 souvent aussi ma servante bègue s'efforçait de me conter quelque histoire qu'elle m'assurait être fort drôle mais ne pouvant jamais aller jusqu'à la seconde phrase 8128_7016_000053 il se recommanda à saint-jacques son patron et porta devant son image un cierge de dix livres orné de deux anneaux d'or chacun du poids de cinq marcs mais en voulant placer le cierge sur l'autel il le fit tomber et renversa une lampe d'argent qui brûlait devant le saint 8128_7016_000054 l'amie de caroline outrée de cette dureté envers un mourant la pressa avec plus de vivacité et lui reprocha sa coquetterie et ses mauvais procédés envers un homme à qui elle pouvait au moins offrir en expiation un instant de pitié 8128_7016_000055 de le venir trouver chez une de ses soeurs mais comme il ne pouvait envoyer son carrosse qui était allé chercher un prêtre nous y allions à pied 8128_7016_000056 lorsque je me vis seule je jettai mon chapelet je pris des ciseaux que j'avais à ma ceinture et je fis une ouverture dans le drap vert qui bouchait la fenêtre 8128_7016_000057 en vain voulut-on faire des recherches la petite chienne blanche paraissait et aussitôt chacun était glacé d'effroi reconnaissant que ce lieu était habité par le démon qui s'y tenait d'une manière inexpugnable 8128_7016_000058 ils partent donc la nuit était des plus sombres en vain thomas avançait sa lanterne ils se heurtaient à chaque instant contre les arbres s'embarrassaient dans les ronces revenaient sur leurs pas croyant trouver une issue et s'égaraient toujours davantage 8128_7016_000059 précipitamment et son amie employa tous les moyens possibles pour calmer son extrême agitation caroline la supplia de passer la nuit avec elle on lui dressa un lit dans la même chambre on laissa les flambeaux allumés et les deux amies ne pouvant dormir s'entretinrent long-tems ensemble 8128_7016_000060 des griffes semblent vouloir entourer ses jambes cependant il n'en est qu'effleuré une odeur infecte l'environne plusieurs êtres semblent se glisser autour de lui mais il ne sent rien exténué de fatigue il se retourne pour proposer à thomas de s'asseoir un instant thomas n'y est plus 8128_7016_000061 vous avez le cou fait à peu près comme le mien les épaules aussi mais pour la poitrine quelle différence la mienne était comme cela l'année dernière mais j'ai tant engraissé que je ne me reconnais plus ôtez donc votre ceinture votre pourpoint 8128_7016_000062 qu'elle ne se soutenait qu'avec peine mais elle se rassura peu à peu et s'appuya plus franchement sur le bras de son cavalier quelquefois même elle faisait des faux pas 8128_7016_000063 quelqu'un nous a arrêtés pour me dire qu'il me trouvait jolie ma duègne qui est sourde crut qu'il m'insultait et lui répondit des injures d'autres gens sont survenus et se sont mêlés de la querelle j'ai eu peur j'ai pris la fuite le petit nègre a couru après moi 8128_7016_000064 thibaud voulut prononcer le nom de jésus mais le diable qui le devina lui saisit la gorge avec les dents et l'empêcha de prononcer ce nom sacré 8128_7016_000065 ils se remirent en marche et arrivèrent au bout du faubourg à une chaumière isolée dont le petit nègre ouvrit la porte avec une clé qu'il avait à sa ceinture 8128_7016_000066 qu'elle aurait dû se contenter d'éloigner avec froideur et décence au bout de trois ans de persévérance d'une part et de mauvais traitements de l'autre le malheureux amant succomba à une maladie dont son funeste amour fut en grande partie le principe 8128_7016_000067 et un vieux portier qui était aveugle ce portier n'avait pas beaucoup à faire car il n'ouvrait la porte qu'une fois par an et cela à un monsieur qui ne venait chez nous que pour me prendre par le menton et pour parler à ma duègne en la langue biscayenne que je ne sais point 8128_7016_000068 pourquoi toutes ces aiguillettes thibaud ne se possédant plus porta orlandine sur le lit de moire de venise et se crut le plus heureux des hommes mais ce bonheur ne fut pas de longue durée le malheureux thibaud sentit des griffes aiguës qui s'enfonçaient dans ses reins 8128_7016_000069 à l'heure du dîner il ne parut point encore on commença alors à soupçonner quelque malheur enfin l'heure du souper étant arrivée sans qu'il fut de retour son père nommé jean fortin dit à son épouse femme allume la lanterne 8128_7016_000070 alors il dit d'une voix faible ouvrez à ce saint ermite d'abord on ne le comprit pas mais enfin on ouvrit la porte et on vit entrer un vénérable religieux qui demanda qu'on le laissa seul avec thibaud 8128_7016_000071 je m'y amusais à voir que ma gouvernante était faite autrement que moi à présent je veux savoir si je ne suis pas autrement faite que vous orlandine plaça deux chaises devant le miroir après quoi elle détacha la fraise de thibaud et lui dit 8128_7016_000072 sans qu'aucun bruit pût éclairer leur marche les chênes fatals même ne paraissaient pas thomas dit à son père je crois que nous les avons passés non dit fortin 8128_7016_000073 mais le bruit de ces apparitions retint les prétendants un seul un gascon nommé monsieur de forbignac se présenta pour époux la nécessité le fit agréer mais dès le lendemain des noces sans qu'on put savoir comment s'était passée la nuit 8128_7016_000074 on ne parlait que des malices de thibaud à paris à fontainebleau et dans les autres villes où séjournait le roi un jour ce roi qui était françois premier 8128_7016_000075 lui annonça enfin qu'elle ne le verrait plus il tint parole une leçon aussi sévère adoucit son caractère la mort de m de forbignac qui eut l'honnêteté de ne pas revenir laissa caroline libre de se remarier et cette fois elle trouva un époux qui la rendit parfaitement 8128_7016_000076 je me nomme orlandine au moins c'est ainsi que m'appelaient les personnes qui habitaient avec moi le château de sombre dans les pyrénées là je n'ai vu d'autres humains que ma gouvernante qui était sourde une servante qui bégayait si fort qu'autant aurait valu qu'elle fût muette 8128_7016_000077 oui seule reprit la dame avec ce petit nègre et ma gouvernante mais je ne pense pas qu'elle puisse y revenir ce soir le monsieur qui m'a fait conduire la nuit dernière dans cette chaumière m'envoya dire il y a deux heures 8128_7016_000078 pour le coup dit fortin voilà qui me parait bien singulier nous devrions être à l'autre bout du bois il ne faut que cinq quarts d'heure pour le traverser tout entier et voilà déjà une grande heure et demie que nous marchons 8128_7016_000079 ces propos déplurent aux amis de thibaud qui n'étaient pas d'aussi grands pécheurs que lui et l'un d'eux lui dit notre ami songez que le diable étant l'ennemi des hommes il leur fait assez de mal sans qu'on l'y invite en l'appelant par son nom 8128_7016_000080 ce petit nain apporta dans un bassin de vermeil quatre perdrix appétissantes et un flacon d'excellent vin aussitôt on se mit à table 8128_7016_000081 elle me prit encore par la main sans me rien dire et me fit remonter en carrosse nous arrivâmes après une longue course à la dernière maison du 8128_7016_000082 enfin il était reconnu dans les environs que cette petite chienne était tout au moins un suppôt du diable si ce n'était le diable lui-même l'anecdote suivante jetta plus que jamais la terreur dans le voisinage le bruit s'en répandit même dans toute la contrée 8128_7016_000083 les deux amies partirent enfin le mourant voyant entrer caroline fit un dernier effort et prenant la parole d'une voix éteinte 8128_7016_000084 il était grand jour lorsqu'il revint de son évanouissement le soleil en réchauffant ses membres était peut-être cause du retour de ses forces fortin regarda autour de lui il vit son arme brisée et macérée comme si elle avait été mâchée avec des dents 8128_7016_000085 caroline fatiguée de ses importunités consentit enfin d'assez mauvaise grâce et dit allons conduisez-moi donc chez votre protégé mais nous n'y resterons qu'un moment je vous en avertis je n'aime ni les mourants ni les morts 8128_7016_000086 belle égarée interrompit thibaud en baisant la main de la jeune dame faites-moi le plaisir de me dire si vous habitez seule cette petite maison 8128_7016_000087 on résolut de planter des croix à l'entour afin que ce signe put l'empêcher d'étendre son domaine et depuis on n'entendit plus parler d'accidents dans l'autre partie du bois mais malheur à qui osait enfreindre les limites 8128_7016_000088 j'étais fort attentive à tout ce qui se passait reprit orlandine lorsque j'entendis ouvrir ma porte je me remis aussitôt à mon chapelet et ma duègne entra 8128_7016_000089 le petit nègre couvrit la table et prépara le souper thibaud s'aperçut alors que ce n'était pas un enfant comme il l'avait cru d'abord mais une espèce de vieux nain tout noir et de la plus laide figure 8128_7016_000090 on vint une seconde fois faire la même prière en ajoutant que le malade demandait à voir caroline plus par intérêt pour elle que pour lui mais ce second message ne fut pas plus heureux que le premier 8128_7016_000091 caroline nouvelle une jeune personne de dix-huit ans nommée caroline inspira la plus violente passion à un homme d'un âge mur et comme à cinquante ans on est dit-on plus amoureux qu'à vingt 8128_7016_000092 allons viens ou reste reprend fortin quant à moi je suis décidé à périr ou à éclaircir cette diablerie il faut que je retrouve mon célestin il aura sans doute couru après cette maudite chienne eh bien je la suivrai aussi et fut-ce le diable j'aurai ses cornes ou il m'emportera 8128_7016_000093 une de ses amies qui était présente lui dit avec douceur qu'elle ferait bien d'accorder cette triste consolation à un infortuné qui mourait pour elle et par elle ses instances furent inutiles 8128_7016_000094 dans le creux de l'un on voyait toujours une jolie petite chienne d'une blancheur éblouissante qui portait au cou un collier en maroquin rouge enrichi d'une boucle et de clous en or 8128_7016_000095 thibaud donna le bras à sa belle et le petit nègre dont la lanterne s'était éteinte allait devant eux la jeune dame paraissait d'abord si troublée 8128_7016_000096 mais un mauvais garnement qui avait appris à casser les vitres à séduire les filles et à jurer avec les hommes d'armes du roi qu'il servait en qualité de guidon 8128_7016_000097 il croit appercevoir à travers des buissons l'oeil de boeuf de la lanterne il reconnaît même le bas du pantalon blanc de son fils il l'appelle 8128_7016_000098 il n'est plus temps mademoiselle dit-il vous m'avez refusé avec barbarie le bonheur de vous voir quand je vous en ai fait prier et je ne désirais que vous pardonner ma mort vous me verrez dorénavant plus fréquemment que par le passé 8128_7016_000099 elle y consentit et thibaud s'étant assis auprès d'elle lui prit la main d'un air galant et la pria avec beaucoup de politesse de lui dire qui elle était la jeune dame parut d'abord intimidée elle se rassura pourtant et parla en ces termes 8128_7016_000100 thibaud fut reçu dans la maison paternelle avec beaucoup de joie on donna pour son arrivée un grand festin aux parents et aux amis de la maison tous burent à sa santé et lui souhaitèrent d'être sage et bon chrétien 8128_7016_000101 j'ai trop bien regardé à droite et à gauche et nous n'y sommes pas encore cependant je croyais que nous avions fait plus de chemin ne nous décourageons pas reprit le père ils marchent encore une demi-heure et les deux arbres ne paraissent point encore 8128_7016_000102 les pièces de fer qui la composaient paraissaient avoir passé au feu les arbres étaient teints de sang des caractères magiques et épouvantables y étaient empreints 8128_7016_000103 ces paroles firent dresser les cheveux à la tête de tous les convives ils firent le signe de la croix et quelques-uns se levèrent de table thibaud se leva aussi et alla prendre l'air sur la place bellecour où il trouva deux de ses anciens camarades mauvais sujets comme lui 8128_7016_000104 enfants donnez-moi mon fusil à deux coups cherchez mes balles et ma poire à poudre je vais aller chercher votre frère et si je ne rentre pas ce soir couchez-vous car je suis résolu de battre toute la forêt et de ne revenir qu'avec célestin c'est ainsi qu'on appelait le jeune garçon absent 8128_7016_000105 on entendit longtemps des exhortations de l'ermite et des soupirs du malheureux jeune homme lorsqu'on n'entendit plus rien on entra dans la chambre l'ermite avait disparu et l'on trouva thibaud mort sur son lit avec un crucifix entre les mains 8128_7016_000106 en disant cela il arme son fusil marche droit aux arbres thomas le suit ils font environ trois cents pas et les chênes qu'ils croyaient tout près se trouvent à la même distance qu'auparavant 8128_7016_000107 se sentant près de sa fin il sollicita pour grâce dernière que caroline daignât au moins venir recevoir son éternel adieu la jeune personne refusa sèchement de se rendre à cette demande 8128_7016_000108 quoiqu'avec beaucoup moins de moyens de plaire l'amant suranné obsédait sans cesse la jeune caroline qui était loin de répondre à ses sentiments elle eut le tort plus impardonnable de tourner en ridicule et de tourmenter cruellement l'homme 8128_7016_000109 un jeune garçon âgé de dix ans fut envoyé par ses parents faire des fagots dans le bois il ne revint pas à l'heure où sa famille se rassemblait pour déjeuner 8128_7016_000110 quelques personnes fatiguées de revenir inutilement lui jetaient des pierres qui l'atteignaient mais elle n'y paraissait pas plus sensible que si elle eût été de marbre les coups de fusil même des gardes-chasse ne la faisaient pas déloger quoiqu'ils vissent leurs balles la frapper directement sans l'avoir blessée 6318_7016_000000 bientôt après un troisième un quatrième un cinquième un sixième enfin un douzième est à la file et le cheval de s'allonger pour laisser de la place au dernier venu 6318_7016_000001 dis à mon petit fils que de dix ans ni lui ni personne n'habitera ici mais l'heure de mon retour approche je sens déjà les cruelles atteintes des flammes je brûle s'adressant alors à son compagnon qui s'emparait de lui 6318_7016_000002 fuis malheureux fuis ou redoute mon courroux mille bombes s'écrie mon hussard je n'ai pas fui devant des régiments entiers et je fuirais devant un esprit 6318_7016_000003 un soir vers la brune accablé de lassitude je dis tout haut si j'avais un cheval je serais bien heureux à peine avais-je fini ce souhait qu'un cavalier passa et me dit monsieur vous avez l'air bien fatigué vous avez encore trois lieues à faire si vous voulez profiter de la croupe de mon cheval il ne tient qu'à vous 6318_7016_000004 en effet le vieillard était déjà tout en feu et son terrible conducteur le mettait à la torture nous étions stupéfaits 6318_7016_000005 doué d'une force d'âme peu commune je ne pouvais m'empêcher de rire en lisant sa correspondance mais ce fut bien pire lorsqu'il me raconta que véritablement effrayé 6318_7016_000006 nous choisîmes l'appartement le plus agréable nous y allumâmes un grand feu et fortifiés par un bon souper nous attendîmes avec patience les revenans 6318_7016_000007 insensés nous dit-il qui a pu vous porter à venir troubler mon repos persécuté par ma famille durant toute ma vie veut-elle me persécuter encore après ma mort 6318_7016_000008 je te suivrai aux enfers s'écrie le hussard eh bien marche répond l'esprit nous le suivons son guide allait devant nous traversons une foule d'appartemens les cours les jardins 6318_7016_000009 tandis que mon intime ami le marquis se rendait au sein de sa famille qui habitait les bords du rhône au bout de six ans j'obtins un congé et je fus passer mon semestre chez mon ami 6318_7016_000010 ses joues dépouillées de chair n'offraient à notre vue qu'un monstre horrible sa tête chauve ajoutait encore à ce tableau ses mains étaient armées de griffes crochues son corps n'était qu'un vrai squelette entouré de reptiles 6318_7016_000011 notre courage devenant inutile nous nous retirâmes et ayant pris nos chevaux nous nous éloignâmes de toute la vitesse de leurs jambes 6318_7016_000012 voilà messieurs ce qui m'a dégoûté de voyager et m'a rendu moins incrédule sur les esprits nous ne savions que dire de cette aventure lorsque le second commença son récit 6318_7016_000013 enfin il était mille fois plus hideux que la mort telle qu'on nous la représente nous étions encore à considérer ce monstre lorsqu'un vieillard paraissant avoir 6318_7016_000014 nous venions de nous livrer au sommeil lorsque nous fûmes réveillés par un bacanal épouvantable on traînait de lourdes chaînes les meubles étaient en mouvement une vapeur épaisse et infecte parcourait tout le château 6318_7016_000015 depuis longtemps la peur s'était emparée de moi je n'osais respirer et j'étais plus mort que vif mais que devins-je lorsque je vis que la maudite monture allait d'une vitesse égale à la foudre et prenait un chemin nouveau 6318_7016_000016 arrivés chez le marquis nous lui fîmes le récit exact de notre aventure et l'engageâmes très fort à ne plus remettre les pieds dans son château 6318_7016_000017 ah ciel m'écriai-je notre seigneur était en même compagnie que nous ils étaient treize et le treizième était judas qui le vendit nous avons certainement un judas parmi nous jésus ne nous abandonnez pas 6318_7016_000018 le diable m'emporte si j'y conçois rien dit mon domestique jamais je n'ai visé si juste et avec si peu de succès suis-moi dit une voix sépulcrale 6318_7016_000019 il ne mettait plus les pieds dans son donjon parce que son grand père lui était apparu au moins vingt fois et que tous ses gens l'avaient reconnu et avaient été témoin du vacarme que les esprits faisaient dans sa maison 6318_7016_000020 arrivés à l'extrémité de celui-ci le vieillard nous adresse ces mots je suis damné ma famille en est la cause repoussé de son sein je me suis donné aux esprits infernaux et c'est pour me venger que je répands l'alarme dans ce château 6318_7016_000021 lorsque ressemblant tout mon courage aux armes lui dis-je ces morts ne sont que des vivans qui fuiront à notre approche a peine avais-je fini ces mots que la porte s'ouvre 6318_7016_000022 j'hésitais cependant la nécessité me força à accepter et me voilà derrière le cavalier nous n'avions pas fait cinq cents pas qu'un second voyageur se présente même offre encore acceptée 6318_7016_000023 enregistré par cébès infernaliana par charles nodier le revenant rouge mon éducation finie je fus joindre un régiment de hussard dont je venais d'obtenir la lieutenance 6318_7016_000024 que peuvent tes armes contre moi dit le revenant d'un ton froid et ironique elles pourront mieux cette fois dit le hussard et un second coup n'a pas plus de succès que le premier 6318_7016_000025 personne n'habite le château et nulle créature humaine n'en approche même en plein jour sans être saisi d'effroi vaines terreurs répliquai-je et ce soir même je cours me livrer aux esprits infernaux 6318_7016_000026 j'aime beaucoup les aventures extraordinaires lui dis-je la vue des revenans l'est passablement à mon avis aussi veux-je aller faire une visite à ton aïeul dieu t'en préserve mon ami 6318_7016_000027 attends téméraire vieillard je vais t'apprendre qu'un hussard français ne tremble point même devant les puissances de l'enfer en disant ces mots il saisit son pistolet ajuste l'esprit la balle part frappe sa poitrine et roule à ses pieds 6318_7016_000028 monstre lui dit-il auras-tu bientôt fini de me tourmenter tes ongles me déchirent tes dents affreuses me dévorent et ton souffle m'empoisonne 6318_7016_000029 nous avions tenu une correspondance active et toutes ses lettres m'entretenaient des terreurs qu'il avait eues dans son vieux château elles avaient été si grandes qu'il l'avait abandonné 6318_7016_000030 au même instant des hurlemens épouvantables se firent entendre et bientôt après je ne sentis plus rien autour de moi cependant j'allais toujours avec une rapidité extraordinaire et je me trouvai presqu'à la même place où j'avais rencontré mon maudit cavalier 6318_7016_000031 toutes les représentations de mon ami furent inutiles et suivi de mon domestique brave hussard je partis sur-le-champ dès que nous fûmes arrivés nous commençâmes à visiter nos armes ensuite nous parcourûmes toute la maison 6318_7016_000032 et nos regards se portent sur un fantôme d'une grandeur gigantesque ses yeux creux étaient enflammés sa bouche livide laissait voir des dents longues et décharnées 6318_7016_000033 un vent violent circulait dans toutes les chambres et l'on aurait dit que la foudre allait nous écraser mon domestique et moi nous nous regardions sinon épouvantés du moins surpris 6318_7016_000034 ans et tout habillé de rouge entre dans la chambre sa figure respectable nous rassure 6318_7016_000035 infernaliana par charles nodier le cheval sans fin j'ai toujours aimé les voyages et semblable au juif errant je ne restais jamais dans le même lieu tantôt en voiture tantôt à cheval tantôt à pied j'étais toujours par monts et par vaux 6318_7016_000036 cependant l'esprit infernal frappa la terre de son pied en poussant un cri effroyable aussi tôt la terre s'entrouvrit et engloutit le vieillard et son bourreau 7601_7727_000000 j'humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche tu es seul le matin va venir les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues 7601_7727_000001 sur la côte du texas entre mobile et galveston il y a un grand jardin tout plein de roses il contient aussi une villa qui est une grande rose 7601_7727_000002 ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades rené dalize vous n'aimez rien tant que les pompes de l'église 7601_7727_000003 ni les maisons flambent parce qu'on partira pour ne plus revenir ni ces mains agitées travailleront demain pour nous tous ni même on a pendu ceux qui ne savaient pas profiter de la vie 7601_7727_000004 tu as fait de douloureux et de joyeux voyages avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans j'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps 7601_7727_000005 la religion est restée simple comme les hangars de port aviation seul en europe tu n'es pas antique ô christianisme 7601_7727_000006 à tire-d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux d'afrique arrivent les ibis les flamands les marabouts 7601_7727_000007 dont il faudra changer le sens trompés trompés pauvres petits et ne sachant pas encore rire la table et les deux verres devinrent un mourant qui nous jeta le dernier regard d'orphée 7601_7727_000008 on buvait aussi et de temps à autre une cloche annonçait qu'un autre tonneau allait être mis en perce une morte assise sur un banc près d'un buisson d'épine-vinette 7601_7727_000009 j'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom neuve et propre du soleil elle était le clairon 7601_7727_000010 d'un corsage noir avec des rubans bleus et d'un chapeau gris orné d'une seule petite plume défrisée je vous aime disait-il comme le pigeon aime la colombe comme l'insecte nocturne aime la lumière 7601_7727_000011 nous traversâmes la ville et rencontrions souvent des parents des amis qui se joignaient à la petite troupe des morts récents 7601_7727_000012 tant de tendresse même que les prenant en amitié tout à coup je les invitai à une promenade loin des arcades de leur maison 7601_7727_000013 les directeurs les ouvriers les belles sténodactylographes du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent le matin par trois fois la sirène y gémit 7601_7727_000014 et les morts m'accostèrent avec des mines de l'autre monde mais leur visage et leurs attitudes devinrent bientôt moins funèbres le ciel et la terre perdirent leur aspect fantasmagorique 7601_7727_000015 tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de prague tu te sens tout heureux une rose est sur la table et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose 7601_7727_000016 je le revis près d'un moujik mourant compter les béatitudes en admirant la neige semblable aux femmes nues 7601_7727_000017 un instant voile tout de son ardente cendre les sirènes laissent les périlleux détroits arrivent en chantant bellement toutes trois et tous aigle phénix et pihis de la chine 7601_7727_000018 on reprit terre et ce fut le retour les amoureux s'entr'aimaient et par couples aux belles bouches marchaient à distances inégales 7601_7727_000019 tu marches vers auteuil tu veux aller chez toi à pied dormir parmi tes fétiches d'océanie et de guinée 7601_7727_000020 je m'en souviens j'y ai passé trois jours et autant à gouda tu es à paris chez le juge d'instruction comme un criminel on te met en état d'arrestation 7601_7727_000021 à maurice raynal s'étendant sur les côtés du cimetière la maison des morts l'encadrait comme un cloître 7601_7727_000022 aujourd'hui tu marches dans paris les femmes sont ensanglantées c'était et je voudrais ne pas m'en souvenir c'était au déclin de la beauté 7601_7727_000023 ils vivaient si noblement que ceux qui la veille encore les regardaient comme leurs égaux ou même quelque chose de moins admiraient maintenant leur puissance leur richesse et leur génie 7601_7727_000024 les barques étaient arrivées à un endroit où les chevaux légers savaient qu'un écho répondait de la rive on ne se lassait point de l'interroger il y eut des questions si extravagantes et des réponses tellement pleines d'à-propos 7601_7727_000025 que le lilas qui vient d'éclore que le thym la rose ou qu'un brin de lavande ou de romarin les musiciens s'en étaient allés nous continuâmes la promenade 7601_7727_000026 tu étais triste à mourir le jour où tu t'y vis tu ressembles au lazare affolé par le jour les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont à rebours 7601_7727_000027 ni parce que nous pouvons pleurer sans ridicule et que nous savons rire ni parce que nous fumons et buvons comme autrefois 7601_7727_000028 elle est la fille d'un sergent de ville de jersey ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercées j'ai une pitié immense pour les coutures de son ventre 7601_7727_000029 arrivé à munich depuis quinze ou vingt jours j'étais entré pour la première fois et par hasard dans ce cimetière presque désert 7601_7727_000030 à la fin tu es las de ce monde ancien bergère ô tour eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin 7601_7727_000031 ni la liberté en honneur fait qu'on imite maintenant les feuilles ô liberté végétale ô seule liberté 7601_7727_000032 tous étaient si gais si charmants si bien portants que bien malin qui aurait pu distinguer les morts des vivants 7601_7727_000033 vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière tu te moques de toi et comme le feu de l'enfer ton rire pétille les étincelles de ton rire dorent le fonds de ta vie 7601_7727_000034 et tous bras dessus bras dessous fredonnant des airs militaires oui tous vos péchés sont absous nous quittâmes le cimetière 7601_7727_000035 ni parce que nos verres nous jettent encore une fois le regard d'orphée mourant ni parce que nous avons tant grandi que beaucoup pourraient confondre nos yeux et les étoiles 7601_7727_000036 je claquais des dents devant toute cette bourgeoisie exposée et vêtue le mieux possible en attendant la sépulture 7601_7727_000037 et tu recules aussi dans ta vie lentement en montant au hradschin et le soir en écoutant dans les tavernes chanter des chansons tchèques 7601_7727_000038 après que toute la troupe se fut embarquée et quelques morts ramaient avec autant de vigueur que les vivants à l'avant du bateau que je gouvernais un mort parlait avec une jeune femme vêtue d'une robe jaune 7601_7727_000039 la cétoine qui dort dans le cœur de la rose épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de saint vit 7601_7727_000040 une femme se promène souvent dans le jardin toute seule et quand je pense sur la route bordée de tilleuls nous nous regardons comme cette femme est mennonite ses rosiers et ses vêtements n'ont pas de boutons 7601_7727_000041 il y a surtout des juifs leurs femmes portent perruque elles restent assises exsangues au fond des boutiques 7601_7727_000042 les morts se réjouissaient de voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière ils riaient de voir leur ombre et l'observaient comme si véritablement c'eût été leur vie passée 7601_7727_000043 fraternisent avec la volante machine maintenant tu marches dans paris tout seul parmi la foule des troupeaux d'autobus mugissants près de toi 7601_7727_000044 puis dans la campagne on s'éparpilla deux chevau-légers nous joignirent on leur fit fête ils coupèrent du bois de viorne et de sureau dont ils firent des sifflets qu'il distribuèrent aux enfants 7601_7727_000045 que la lumière de l'aurore que vos regards mon fiancé auront meilleure odeur encore hélas la bague était brisée 7601_7727_000046 l'européen le plus moderne c'est vous pape pie dixième et toi que les fenêtres observent la honte te retient d'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin 7601_7727_000047 bientôt entraient dans les brasseries quelques-uns nous quittèrent devant une boucherie canine pour y acheter leur repas du soir 7601_7727_000048 trop tard répondait la vivante repoussez repoussez cet amour défendu je suis mariée voyez l'anneau qui brille mes mains tremblent je pleure et je voudrais mourir 7601_7727_000049 réjouissons-nous non pas parce que notre amitié a été le fleuve qui nous a fertilisés terrains riverains dont l'abondance est la nourriture que tous espèrent 7601_7727_000050 bientôt je restai seul avec ces morts qui s'en allaient tout droit au cimetière où sous les arcades je les reconnus couchés immobiles et bien vêtus attendant la sépulture derrière les vitrines 7601_7727_000051 te voici à marseille au milieu des pastèques te voici à coblence à l'hôtel du géant te voici à rome assis sous un néflier du japon 7601_7727_000052 laissait un étudiant agenouillé à ses pieds lui parler de fiançailles je vous attendrai dix ans vingt ans s'il le faut votre volonté sera la mienne 7601_7727_000053 ils sont des christs d'une autre forme et d'une autre croyance ce sont les christs inférieurs des obscures espérances adieu adieu soleil cou coupé 7601_7727_000054 une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur cet édredon et nos rêves sont aussi irréels quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent rue des rosiers 7601_7727_000055 tandis que les militaires chantaient des tyroliennes et se répondant comme on le fait dans la montagne 7601_7727_000056 au bord d'un lac on s'amusa à faire des ricochets avec des cailloux plats sur l'eau qui dansait à peine des barques étaient amarrées dans un havre on les détacha 7601_7727_000057 ils croient en dieu ils prient les femmes allaitent des enfants ils emplissent de leur odeur le hall de la gare saint-lazare 7601_7727_000058 alors je les dénombrais ils étaient quarante-neuf hommes et femmes et enfants qui embellissaient à vue d'œil et me regardaient maintenant avec tant de cordialité 7601_7727_000059 je vous attendrai toute votre vie répondait la morte des enfants de ce monde ou bien de l'autre chantaient de ces rondes aux paroles absurdes et lyriques 7601_7727_000060 pupille christ de l'œil vingtième pupille des siècles il sait y faire et changé en roseau ce siècle comme jésus se monte dans l'air les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder 7601_7727_000061 tu es la nuit dans un grand restaurant ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant toutes même la plus laide a fait souffrir son amant 7601_7727_000062 nos enfants dit la fiancée seront plus beaux plus beaux encore hélas la bague était brisée que s'ils étaient d'argent ou d'or d'émeraude ou de diamant seront plus clairs plus clairs encore que les astres du firmament 7601_7727_000063 tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux et tu prends un café à deux sous parmi les malheureux 7601_7727_000064 et deux turbiasques nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs et parmi les algues nagent les poissons images du sauveur 7601_7727_000065 maintenant tu es au bord de la méditerranée sous les citronniers qui sont en fleur toute l'année avec tes amis tu te promènes en barque l'un est nissard il y a un mentonasque 7601_7727_000066 plus tard dans un bal champêtre les couples mains sur les épaules dansèrent au son aigre des cithares ils n'avaient pas oublié la danse ces morts et ces mortes 7601_7727_000067 voici le gage de mon amour de nos fiançailles ni le temps ni l'absence ne nous feront oublier nos promesses et un jour nous aurons une belle noce des touffes de myrthe 7601_7727_000068 située à paris entre la rue aumont thiéville et l'avenue des ternes voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant 7601_7727_000069 ils ont foi dans leur étoile comme les rois mages ils espèrent gagner de l'argent dans l'argentine et revenir dans leur pays après avoir fait fortune 7601_7727_000070 tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux 7601_7727_000071 nous nous sommes rencontrés dans un caveau maudit au temps de notre jeunesse fumant tous deux et mal vêtus attendant l'aube épris épris des mêmes paroles 7601_7727_000072 tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes la religion seule est restée toute neuve 7601_7727_000073 flottent autour du premier aéroplane ils s'écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la sainte eucharistie 7601_7727_000074 le treize juillet mille neuf cent neuf en voyant des drapeaux ce matin je ne me suis pas dit voilà les riches vêtements des pauvres ni la pudeur démocratique veut me voiler sa douleur 7601_7727_000075 il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège 7601_7727_000076 roulent l'angoisse de l'amour te serre le gosier comme si tu ne devais jamais plus être aimé si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastère 7601_7727_000077 te voici à amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide elle doit se marier avec un étudiant de leyde on y loue des chambres en latin cubicula locanda 7601_7727_000078 que c'était à mourir de rire et le mort disait à la vivante nous serions si heureux ensemble sur nous l'eau se refermera mais vous pleurez et vos mains tremblent aucun de nous ne reviendra 7601_7727_000079 soudain rapide comme ma mémoire les yeux se rallumèrent de cellule vitrée en cellule vitrée le ciel se peupla d'une apocalypse vivace 7601_7727_000080 ils ne se doutaient pas de ce qui s'était passé mais les vivants en gardaient le souvenir c'était un bonheur inespéré et si certain qu'ils ne craignaient point de le perdre 7601_7727_000081 dans la ville notre troupe diminua peu à peu on se disait au revoir à demain à bientôt 7601_7727_000082 qui sans doute sont les restes des plus anciens monuments poétiques de l'humanité l'étudiant passa une bague à l'annulaire de la jeune morte 7601_7727_000083 l'image qui te possède te fait survivre dans l'insomnie et dans l'angoisse c'est toujours près de toi cette image qui passe 7601_7727_000084 l'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri et d'amérique vient le petit colibri de chine sont venus les pihis longs et souples qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples 7601_7727_000085 où rue des étouffes dans des bouges je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs 7601_7727_000086 je le revis au bord du fleuve sur lequel flottait ophélie qui blanche flotte encore entre les nénuphars il s'en allait au milieu des hamlets blafards sur la flûte jouant les airs de la folie 7601_7727_000087 et l'on n'a plus besoin de personne fin enregistré par malone 7601_7727_000088 je suis malade d'ouïr les paroles bienheureuses l'amour dont je souffre est une maladie honteuse 7601_7727_000089 je le revis faisant ceci ou cela en l'honneur des mêmes paroles qui changent la face des enfants et je dis toutes ces choses souvenir et avenir parce que mon ami andré salmon se marie 7601_7727_000090 c'est un tableau pendu dans un sombre musée et quelquefois tu vas le regarder de près 7601_7727_000091 à nos vêtements et dans vos cheveux un beau sermon à l'église de longs discours après le banquet et la musique de la musique 7601_7727_000092 réjouissons-nous parce que directeur du feu et des poètes l'amour qui emplit ainsi que la lumière tout le solide espace entre les étoiles et les planètes l'amour veut qu'aujourd'hui mon ami andré salmon se marie 7601_7727_000093 tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste tourne à jamais la flamboyante gloire du christ c'est le beau lys que tous nous cultivons c'est la torche aux cheveux roux 7601_7727_000094 tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants 7601_7727_000095 les verres tombèrent se brisèrent et nous apprîmes à rire nous partîmes alors pèlerins de la perdition à travers les rues à travers les contrées à travers la raison 7601_7727_000096 les morts avaient choisi les vivantes et les vivants des mortes un genévrier parfois faisait l'effet d'un fantôme les enfants déchiraient l'air en soufflant les joues creuses dans leurs sifflets de viorne ou de sureau 7601_7727_000097 car il y a-t-il rien qui vous élève comme d'avoir aimé un mort ou une morte on devient si pur qu'on en arrive dans les glaciers de la mémoire à se confondre avec le souvenir on est fortifié pour la vie 7601_7727_000098 adieu faux amour confondu avec la femme qui s'éloigne avec celle que j'ai perdue l'année dernière en allemagne et que je ne reverrai plus 7601_7727_000099 à mademoiselle marie laurencin frôlée par les ombres des morts sur l'herbe où le jour s'exténue l'arlequine s'est mise nue et dans l'étang mire son corps 7601_7727_000100 long collier des sommeils affreux d'yeux arrachés à coup de pique ta mère fit un pet foireux et tu naquis de sa colique 7601_7727_000101 oiseau tranquille au vol inverse oiseau qui nidifie en l'air à la limite où brille déjà ma mémoire 7601_7727_000102 moi qui sais des lais pour les reines les complaintes de mes années des hymnes d'esclave aux murènes la romance du mal aimé et des chansons pour les sirènes 7601_7727_000103 cherchais mon corps tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même amenaient un à un les morceaux de moi-même on me bâtit peu à peu comme on élève une tour les peuples s'entassaient et je parus moi-même 7601_7727_000104 vienne la nuit sonne l'heure les jours s'en vont je demeure les mains dans les mains restons face à face tandis que sous le pont de nos bras passe 7601_7727_000105 au soleil parce que tu l'aimes je t'ai menée souviens t'en bien ténébreuse épouse que j'aime tu es à moi en n'étant rien 7601_7727_000106 il y vient aussi nos ombres que la nuit dissipera le soleil qui les rend sombres avec elles disparaîtra 7601_7727_000107 ô mes cosaques zaporogues votre seigneur éblouissant devenez mes sujets fidèles 7601_7727_000108 regret des yeux de la putain et belle comme une panthère amour vos baisers florentins avaient une saveur amère qui a rebuté nos destins 7601_7727_000109 et le bruit éternel d'un fleuve large et sombre mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire 7601_7727_000110 la licorne et le capricorne mon âme et mon corps incertain te fuient ô bûcher divin qu'ornent des astres des fleurs du matin 7601_7727_000111 sont dans mon cœur et la folie veut raisonner pour mon malheur comment voulez-vous que j'oublie 7601_7727_000112 pour que je sache enfin celui que je suis moi qui connais les autres je les connais par les cinq sens et quelques autres 7601_7727_000113 c'était tu t'en souviens à la fin de l'été deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés l'aîné portait au cou une chaîne de fer le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse 7601_7727_000114 mon cœur et ma tête se vident tout le ciel s'écoule par eux ô mes tonneaux des danaïdes comment faire pour être heureux comme un petit enfant candide 7601_7727_000115 je suis fidèle comme un dogue au maître le lierre au tronc et les cosaques zaporogues ivrognes pieux et larrons aux steppes et au décalogue 7601_7727_000116 tu regardais un banc de nuages descendre avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures et de tous ces regrets de tous ces repentirs te souviens-tu 7601_7727_000117 leur folie de machines les cafés gonflés de fumée crient tout l'amour de leurs tziganes de tous leurs siphons enrhumés de leurs garçons vêtus d'un pagne vers toi toi que j'ai tant aimée 7601_7727_000118 leur avait écrit le sultan ils rirent à cette nouvelle et répondirent à l'instant à la lueur d'une chandelle 7601_7727_000119 je connais des gens de toutes sortes ils n'égalent pas leurs destins indécis comme feuilles mortes leurs yeux sont des feux mal éteints 7601_7727_000120 la quatrième malourène est un fleuve vert et doré c'est le soir quand les riveraines y baignent leurs corps adorés et des chants de rameurs s'y traînent 7601_7727_000121 tous les regards tous les regards de tous les yeux les bords étaient déserts herbeux silencieux et la montagne à l'autre rive était très claire 7601_7727_000122 ses regards laissaient une traîne d'étoiles dans les soirs tremblants dans ses yeux nageaient les sirènes et nos baisers mordus sanglants faisaient pleurer nos fées marraines 7601_7727_000123 les anges les anges dans le ciel l'un est vêtu en officier l'un est vêtu en cuisinier et les autres chantent 7601_7727_000124 ô vous chers compagnons sonneries électriques des gares chant des moissonneuses traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre 7601_7727_000125 lorsqu'il fut de retour enfin dans sa patrie le sage ulysse son vieux chien de lui se souvint près d'un tapis de haute lisse sa femme attendait qu'il revînt 7601_7727_000126 c'était son regard d'inhumaine la cicatrice à son cou nu sortit saoule d'une taverne au moment où je reconnus la fausseté de l'amour même 7601_7727_000127 je suivis ce mauvais garçon qui sifflotait mains dans les poches nous semblions entre les maisons onde ouverte de la mer rouge lui les hébreux moi pharaon 7601_7727_000128 font danser notre race humaine sur la descente à reculons destins destins impénétrables rois secoués par la folie et ces grelottantes étoiles de fausses femmes dans vos lits 7601_7727_000129 violâtres comme leur cerne et comme cet automne et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne les enfants de l'école viennent avec fracas vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica 7601_7727_000130 baisse ta deuxième paupière la terre t'éblouit quand tu lèves la tête et moi aussi de près je suis sombre et terne 7601_7727_000131 alors sans bruit et sans qu'on pût voir rien de vivant contre le mont passèrent des ombres vivaces 7601_7727_000132 des éternels regards l'onde si lasse vienne la nuit sonne l'heure les jours s'en vont je demeure 7601_7727_000133 en glissant pas à pas sur la montagne claire qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies te souviens-tu du jour où une vieille abeille tomba dans le feu 7601_7727_000134 malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire tes prêtres fous t'ont ils paré tes victimes en robe noire ont-elles vainement pleuré malheur dieu qu'il ne faut pas croire 7601_7727_000135 c'est sur eux qui pleurent les saules le grand pan l'amour jésus-christ sont bien morts et les chats miaulent dans la cour je pleure à paris 7601_7727_000136 vienne la nuit sonne l'heure les jours s'en vont je demeure passent les jours et passent les semaines 7601_7727_000137 et le langage qu'ils inventaient en chemin je l'appris de leur bouche et je le parle encore le cortège passait 7601_7727_000138 mon beau navire ô ma mémoire avons-nous assez navigué dans une onde mauvaise à boire avons-nous assez divagué de la belle aube au triste soir 7601_7727_000139 ô mon ombre en deuil de moi-même l'hiver est mort tout enneigé on a brûlé les ruches blanches dans les jardins et les vergers 7601_7727_000140 où sous les roses qui feuillolent de beaux dieux roses dansent nus viens ma tendresse est la régente de la floraison qui paraît la nature est belle et touchante 7601_7727_000141 je ne veux jamais l'oublier ma colombe ma blanche rade ô marguerite exfoliée mon île au loin ma désirade ma rose mon giroflier les satyres et les pyraustes 7601_7727_000142 il est informe aussi près de ce qui parfait présente tout ensemble et l'effort et l'effet fin 7601_7727_000143 sur les tréteaux l'arlequin blême salue d'abord les spectateurs des sorciers venus de bohême quelques fées et les enchanteurs 7601_7727_000144 et l'unique cordeau des trompettes marines fin enregistré par malone 7601_7727_000145 la seconde nommée noubosse est un bel arc-en-ciel joyeux les dieux s'en servent à leurs noces elle a tué trente bé-rieux et fut douée par carabosse 7601_7727_000146 portez comme un joug le croissant qu'interrogent les astrologues je suis le sultan tout-puissant 7601_7727_000147 l'on jouait aux cartes et toi tu m'avais oublié te souviens-tu du long orphelinat des gares nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient 7601_7727_000148 il me suffit de sentir l'odeur de leurs églises l'odeur des fleuves dans leurs villes le parfum des fleurs dans les jardins publics 7601_7727_000149 les déités des eaux vives laissent couler leurs cheveux passe il faut que tu poursuives cette belle ombre que tu veux 7601_7727_000150 les brebis s'en vont dans la neige flocons de laine et ceux d'argent des soldats passent et que n'ai-je un cœur à moi ce cœur changeant changeant et puis encore que sais-je 7601_7727_000151 un jour le roi dans l'eau d'argent se noya puis la bouche ouverte il s'en revint en surnageant sur la rive dormir inerte face tournée au ciel changeant 7601_7727_000152 pan sifflote dans la forêt les grenouilles humides chantent beaucoup de ces dieux ont péri 7601_7727_000153 j'ai pensé à ces rois heureux lorsque le faux amour et celle dont je suis encore amoureux heurtant leurs ombres infidèles me rendirent si malheureux 7601_7727_000154 baisse ta deuxième paupière ni à cause du soleil ni à cause de la terre mais pour ce feu oblong dont l'intensité ira s'augmentant au point qu'il deviendra un jour l'unique lumière 7601_7727_000155 à fernand fleuret ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant la vie est variable aussi bien que l'euripe 7601_7727_000156 un charlatan crépusculaire vante les tours que l'on va faire le ciel sans teinte n'est constellé d'astres pâles comme du lait 7601_7727_000157 au tournant d'une rue brûlant de tous les feux de ses façades plaies du brouillard sanguinolent où se lamentaient les façades une femme lui ressemblant 1770_7727_000000 le rossignol aveugle essaya de chanter mais l'effraie ululant il trembla dans sa cage ce cyprès là-bas a l'air du pape en voyage sous la neige 1770_7727_000001 le facteur vient de s'arrêter pour causer avec le nouveau maître d'école cet hiver est très froid le vin sera très bon le sacristain sourd et boiteux est moribond 1770_7727_000002 lenchen remplis le poêle et mets l'eau du café dessus le chat s'étire après s'être chauffé gertrude et son voisin martin enfin s'épousent 1770_7727_000003 le songe herr traum survint avec sa sœur frau sorge kæthi tu n'as pas bien raccommodé ces bas apporte le café le beurre et les tartines la marmelade le saindoux un pot de lait encore un peu de café lenchen s'il te plaît 1770_7727_000004 au-delà de notre atmosphère s'élève un théâtre que construisit le ver zamir sans instrument puis le soleil revint ensoleiller les places d'une ville marine apparue contremont sur les toits se reposaient les colombes lasses 1770_7727_000005 il est mort écoutez la cloche de l'église sonnait tout doucement la mort du sacristain lise il faut attiser le poêle qui s'éteint les femmes se signaient dans la nuit indécise 1770_7727_000006 je crois qu'elle m'aime dieu garde pour ma part je n'aime que moi-même chut à présent grand'mère dit son chapelet il me faut du sucre candi leni je tousse pierre mène son furet chasser les lapins