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monsieur le président au cours de l' année la commission européenne a lancé une procédure visant l' accord transfrontalier sur le prix des livres conclu entre l' allemagne et l' autriche
par le biais de cette procédure qui s' appuyait sur le respect des règles européennes de concurrence la commission visait en réalité à mettre en cause le système du prix unique du livre qui permet notamment de soutenir la création littéraire et d' assurer la survie des petites maisons d' édition et des petites librairies
le parlement européen avait alors vivement réagi en adoptant à la quasi unanimité le novembre une résolution qui défendait le prix unique du livre et demandait à la commission d' adapter aux exigences culturelles sa politique communautaire concernant l' accord en matière de prix des livres
sous l' impulsion des gouvernements français et allemand le conseil s' est appuyé sur la position du parlement européen pour adopter le février une résolution demandant notamment la continuité des systèmes existants de prix du livre
la fermeté du conseil et du parlement a amené la commission à reconnaître que les règles de concurrence ne pouvaient pas s' appliquer mécaniquement dans le domaine du livre
elle confirmait donc qu' elle n' avait l' intention de mettre en cause ni les accords contractuels conclus dans certains états membres ni les dispositions législatives nationales comme la loi lange en france
néanmoins quelques mois plus tard après la mise en place de la nouvelle commission la direction générale de la concurrence pousse une nouvelle fois la commission à agir contre les accords transfrontaliers et le prix unique du livre
face à cette nouvelle offensive de la commission qui ne peut s' empêcher d' exprimer sa volonté dérégulatrice il était important de réagir très vite
je me félicite donc de ce débat et de la nouvelle prise de position du parlement européen sur cette question
dans sa proposition de résolution mon groupe souligne que les livres sont d' abord des biens culturels et ne doivent donc pas être soumis aux règles de concurrence de la même façon que toutes les marchandises
leur spécificité doit être pleinement reconnue dans le cadre de la politique culturelle de l' union européenne que nous souhaitons voir développer
c' est pourquoi nous espérons que le parlement européen confirmera sa position de novembre afin de défendre les accords transfrontaliers et le prix unique du livre
pourquoi la commission ne reprendraitelle pas notre proposition d' étendre la possibilité du système du prix unique du livre à l' ensemble des états membres
pour tenir compte de l' évolution des technologies il conviendrait également que la directive sur le commerce électronique inclue les exigences exprimées par les différentes législations nationales concernant le prix unique du livre afin d' empêcher qu' il soit contourné
en conclusion j' espère que le conseil manifestera la même fermeté que le parlement européen pour sauvegarder et promouvoir le système du prix unique du livre qui comme le note notre résolution mieux que tout autre système améliore la production et la distribution d'uvres littéraires sans éliminer la concurrence
monsieur le président monsieur le commissaire tout ce qui a de la valeur est sans défense écrivait le poète néerlandais lucebert
ces paroles sont assurément précieuses dans le débat relatif au système de prix unique du livre
je tiens d' abord à souligner qu' il ne s' agit absolument pas d' une vache sacrée de bibliophiles
utilisant des mots revêtant une signification similaire l' ancien commissaire van miert a autrefois exprimé de vives critiques à l' encontre de ceux qui prônent le maintien des prix imposés
pour plus de commodité il ne faisait même pas remarquer que les opposants des prix imposés avaient plus que probablement élu le jeu du marché au rang de veau d' or
le système de prix unique du livre et la restriction des possibilités d' importation parallèle qui en résulte réduisent la concurrence
une subvention croisée apparaît alors entre les éditions qui marchent bien et celles qui vont mal
la suppression des prix imposés se traduira par une concurrence accrue et des prix moins élevés
elle concorderait donc avec les intérêts du consommateur
ce raisonnement semble tenir la route il s' avère cependant boiteux sur deux points essentiels
premièrement les autorités sont constituées pour diriger la société en tant que tout
lors de l' exercice de cette responsabilité il est inacceptable pour la société dans son ensemble que ces mêmes autorités honorent certains intérêts spécifiques et en nient d' autres
dans le cadre de cette discussion les autorités ne peuvent donc prêter une attention exclusive à l' intérêt particulier des consommateurs
deuxièmement le raisonnement repose sur l' hypothèse tacite selon laquelle le prix est le seul élément important aux yeux du consommateur
cette vision est extrêmement simpliste
pour ma part je n' ai encore jamais rencontré de consommateurs aussi limités ceuxci n' ont qu' une existence théorique
en effet le consommateur réel tient également compte de la qualité de la diversité de l' accessibilité et de la distribution pertinente de l' offre globale des livres
affirmer que le système des prix uniques du livre profite exclusivement aux éditeurs et aux libraires relève donc de la fabulation or quiconque a déjà lu des livres pour enfants sait que les contes ne sont pas tout à fait vrais
ceux qui plaident en faveur de la suppression des prix imposés pour les livres doivent aussi en connaître les conséquences
la diversité de l' offre des librairies diminuera très probablement
la culture de masse sera mise à l' honneur ce qui à terme s' avérera funeste pour la formation culturelle des citoyens
dans mon pays les paysbas nous croyons en outre que le système des prix fixes protège notre zone linguistique relativement petite
d' aucuns pourraient évidemment objecter que l' état ne doit pas se montrer paternaliste envers ses citoyens ni les inciter à acquérir une formation culturelle et qu' il n' est dès lors pas responsable des variations éventuelles dans l' offre de livres
les autorités doivent se garder d' influencer les choses et le mécanisme du marché assure un équilibre entre l' offre et la demande
ce raisonnement paraît neutre en soi mais il ne l' est pas
implicitement cette prise de position érige en effet le résultat du jeu du marché comme la seule issue correcte
dans notre société il semble qu' introduire le mécanisme de marché dans la quasitotalité des domaines politiques soit devenu l' objectif premier
cette conception est une conséquence directe de l' inversion du but et du moyen
les aboutissements d' une politique libérale strictement conforme aux règles du marché ne sont par définition pas dénués de toute norme
en adoptant une telle politique les autorités se prononcent également sur ce qu' elles estiment bien ou mal
or il importe justement que des facteurs autres que financiers soient déterminants dans le secteur culturel étant donné que les choses de grande valeur sont aujourd' hui très vulnérables
lorsque les forces du libre échange régneront en maîtres nous devrons réécrire les mots du poète lucebert qui deviendront plus rien n' a de valeur
nous devons à tout prix éviter cette situation
monsieur le président mon pays le royaumeuni a eu un long débat politique sur la valeur d' un accord imposant le prix de revente des livres
ce débat s' est terminé sur l' abolition de l' accord sur le prix des livres
rien au royaumeuni ne prouve que l' abolition de cet accord se soit soldée par une diminution du choix une augmentation des prix ou un repli du nombre de librairies spécialisées
au contraire le nombre de livres vendus et de maisons d' édition semble même progresser
c' est une très bonne chose
c' est en tout cas ma conviction puisque je pense que les livres existent pour être lus c' est du moins la conclusion à laquelle je suis arrivé lorsque j' ai étudié la littérature anglaise à l' université
en vertu du principe de subsidiarité tout état membre est libre d' imposer un prix de revente fixe aux livres s' il le souhaite
de même si deux ou plusieurs états membres souhaitent créer une zone interne de prix de revente fixe qu' ils le fassent
mais ils ne doivent pas perdre de vue la compatibilité avec les règles du marché unique
un système réglementaire de ce type ne peut exercer aucune influence sur le prix des livres vendus en dehors de la juridiction de l' état membre concerné pas plus qu' il ne peut exercer d' influence sur les livres introduits ou réintroduits sur son territoire
ce nouveau canal de vente qui se développe conjointement avec le commerce électronique se répand de plus en plus et devient de plus en plus populaire il respecte totalement les principes du marché unique et offre d' énormes possibilités pour les petites entreprises spécialisées
l' idée d' imposer un prix de revente fixe est une preuve d' intolérance qui va à l' encontre des principes du marché unique
je l' assimile même à une forme concrète de censure et d' un rationnement artificiel de l' offre de livres en faveur des personnes plus favorisées
en outre je crois que cela nuit au commerce communautaire conforme et légitime et fait peser la menace de niveler par le bas les échanges littéraires en europe de reléguer la littérature au rang des revues pornographiques distribuée si mes informations sont exactes dans les boîtes aux lettres dans des enveloppes en papier kraft non marquées et de réduire dans le monde libre le commerce légitime de livres à une introduction en fraude et un passage en fraude de la littérature soidisant corrompue d' europe orientale
une chose est sûre je m' élève contre ce principe car je pense que c' est démodé intolérant réactionnaire et à plus long terme philistin
monsieur le président mesdames et messieurs vous pouvez croire que dans ce dossier je sais de quoi je parle vu que je suis la fille d' un libraire mes parents possédaient une petite librairie dans une petite ville
nous gagnions à peine plus que le minimum nécessaire pour vivre mais bon
sans un système de prix fixes je peux vous assurer que n' aurions pas pu nous en sortir
c' est pourquoi je ne peux être que déçue par votre exposé monsieur le commissaire il démontre que la question d' un système transfrontalier de prix fixes pour le secteur du livre risque bien de devenir une histoire sans fin
c' est un peu une lapalissade que d' affirmer que les livres ne sont pas des biens comparables au beurre aux ufs et au fromage mais plutôt des biens culturels qui ne peuvent par conséquent pas s' adapter de la même manière que le beurre les ufs et le fromage au jeu de la concurrence
cela n'enlève rien au fait que certains produits de l'imprimerie ne répondent pas à cette exigence
mais une anomalie ne peut toutefois pas tenir lieu de norme surtout ici de même on ne peut arguer du fait qu'existent des livres qui rapportent beaucoup d' argent
en effet les bestsellers sont eux aussi des exceptions qui confirment la règle
il n' est pas légitime de considérer les livres exclusivement comme des produits économiques
fort heureusement votre prédécesseur qui défendait une telle conception n' a pas pu la faire passer ce qui nous permet encore d' espérer
mais le danger ne semble visiblement pas écarté
c' est pourquoi nous vous avons pressé monsieur le commissaire de déclarer très clairement que le livre était avant tout un bien culturel
étant donné que les systèmes nationaux de fixation de prix ne semblent heureusement pas être contestés nous devons par conséquent envisager la possibilité d' instaurer une telle réglementation pour des espaces linguistiques unitaires transfrontaliers
ce qui a prévalu pendant des centaines d'années dans l' espace germanophone entre l' autriche l' allemagne et la suisse ce qui a garanti une multiplicité des ouvrages ce qui ne nuit en rien à la concurrence mais assure au contraire le maintien d' une multitude de petites et de grandes librairies dans les villes et les campagnes tout cela ne peut être à la merci des entreprises toute puissantes du marché et du chantage auxquelles elles se livrent qu' il s' agisse de librairies de maisons de vente par correspondance ou de commerce électronique
ce bien culturel qu' est le livre a droit à l' égalité des chances sur les différentes voies qui le concernent en ce compris les moyens de distribution pour les lecteurs la réglementation française se présente à nous comme une solution possible
elle est en outre compatible avec la législation européenne et a déjà prouvé son efficacité c'est pourquoi comme vous pouvez aisément le constater monsieur le commissaire le parlement européen tous groupes politiques confondus attend le feu vert pour une réglementation comparable pour l' allemagne ou l' autriche qu' elle soit de nature contractuelle ou législative
celleci permettra que cette histoire sans fin trouve une fois pour toute une issue heureuse à moins de vous voir reprocher d' être vous et la commission des tueurs de culture
vous devriez vous épargner cette affligeante réputation
vous devez faire le choix entre la culture et le commerce
donnez la priorité à la culture
monsieur le commissaire cette question a souvent fait l' objet de discussions au sein de la commission économique et monétaire si le débat se poursuit aujourd' hui en ce lieu je dois constater que ce qui a été convenu entre le secteur allemand et autrichien du livre et la commission n' a pas une seule fois été mentionné au cours du débat
je constate également c' est du moins ce qui ressort des interventions de cette semaine qu' il semble s' opérer ici un rapprochement s' appuyant sur la reconnaissance des systèmes nationaux de prix fixes du livre et une réglementation inspirée du droit français
ce rapprochement laisse entrevoir monsieur le commissaire monti que vous êtes prêts à mettre en balance les aspects culturels intégrés depuis maastricht au traité ce par rapport à l' article du même traité en tant que commissaire à la concurrence cet article vous impose de veiller à des normes saines de concurrence et de contribuer à protéger le consommateur
la question est comment y parvenir
je suis persuadé que nous sommes sur la bonne voie
nous n' avons pas à accuser le commissaire de médiocrité culturelle car il assume seulement son devoir de gardien des traités
je pense que si une solution économiquement raisonnable voit le jour une solution acceptée par les maisons d' éditions une solution qui admet l' idée d' espaces linguistiques si une solution est dégagée qui parvienne à éviter une restriction majeure de la concurrence dans le respect de l' article nous serons sur la bonne voie pour trouver une réglementation raisonnable
c' est la raison pour laquelle je tiens à appuyer totalement la proposition de résolution présentée par le collègue rothley
je regrette toutefois l' absence d' une indication rappelant l' obligation pour la commission d' observer les règles de la concurrence
il convient de l' ajouter sans quoi nous perdons notre crédibilité et mettons le commissaire monti dans une position qui ne lui convient certainement pas j'ai confiance dans son jugement avisé
monsieur le président monsieur le commissaire nous avons déjà longuement discuté de cette question et l' échange d' idées a bien eu lieu
même les dernières évolutions du dossier ont été prises en considération
c' est pourquoi je souhaiterais souligner à nouveau brièvement quelques éléments
premièrement la politique signifie l' organisation et plus particulièrement l' organisation des espaces vitaux et de la vie en communauté
deuxièmement le commerce du livre n' est pas selon nous un simple réseau de distribution de livres
il forge des identités comme le livre forge l' identité
troisièmement il ne s' agit pas simplement selon moi de la question du commerce transfrontalier entre l' allemagne et l' autriche même si elle est à la base de ce dossier mais bien de savoir quel rôle remplissent les espaces linguistiques et culturels