[ {"source_document": "", "creation_year": 1488, "culture": " French\n", "content": "D'AMOURS ***\nS'ensuyvent: les cinquante & ung arestz Donnez au grant conseil\nd'amours/ a l'encontre de plusieurs parties. Nouvellement imprimez a\nparis.\n[Illustration]\nOn les vent a paris en la rue neufve nostre dame a l'enseigne de l'escu\nde France.\n\u00b6 Cy commence les cinquante et ung arrestz d'amours.\n Environ la fin de septembre\n Que saillent violetes & flours\n Je me trouvay en la grant chambre\n Du noble parlement d'amours\n Et advint si bien qu'on vouloit\n Les derreniers arrestz prononcer\n Et que a ceste heure on appelloit\n Le greffier pour les commencer\n Si estoyent illec bien vingt six\n A les rapporter et a veoir\n Ou meillieu desquelz je me assis\n Pour en faire comme eulx devoir\n Le president tout de drap d'or\n Avoit robbe fourree d'ermines\n Et sur le col ung camail d'or\n Tout couvert d'esmerauldes fines\n Les seigneurs lays pour vestement\n Avoyent robbes de vermeil\n Frangees par hault de dyamans\n Reluysans comme le souleil\n Les aultres conseilliers d'eglise\n Estoyent vestus de velours pers\n A grant fueillage de venise\n Bordez a l'endroit et l'envers\n Dessus si avoyent leurs manteaulx\n Tout de grosses perles barrez\n Fermans a moult riches fermaulx\n Et puis leurs chapperons fourrez\n Apr\u00e9s y avoit les deesses\n En moult grant triumphe & honneur\n Toutes legistes et clergesses\n Qui s\u00e7avoyent le decret par cueur\n Toutes estoyent vestues de vert\n Fourrez de penne de letisses\n Et avoyent leur col tout couvert\n De colliers d'or gens et propice\n Puis portoyent atours a ces fins\n Moult excellens et precieulx\n Qui estoyent si deliez et fins\n Que on veoit leurs beaux cheveux\n Leurs habitz sentoyent le cypr\u00e9s\n Et le mutz si habondamment\n Que l'en n'eust sceu estre au plus pres\n Sans esternuer largement\n Oultre plus en lieu d'herbe verd\n Qu'on a acoustum\u00e9 d'espendre\n Tout le parquet estoit couvert\n De rommarins et de lavende\n Plusieurs amans et amoureux\n Illec vindrent de divers lieux\n Dont il en eust moins de piteux\n Et d'amans courroucez joyeulx\n Par derriere les bancz j'en vis\n Qui lesditz arrestz escoutoyent\n Dont leurs cueurs estoyent tant ravis\n Qu'ilz ne s\u00e7avoyent ou ilz estoyent\n Les ungz de paour serroient leurs dentz\n Et estoyent aussi froitz que marbre\n Les aultres esmeuz et ardans\n Tremblans comme la fueille en l'arbre\n Nul n'est si saige ne parfait\n Que quant il oit son jugement\n Qu'il ne soit a moyti\u00e9 deffait\n Et troubl\u00e9 a l'entendement\n Je laisseray ceste matiere\n Car de cela pou me challoit\n Et racompteray la maniere\n Comment le president parloit\n Et tout ainsi et au plus pres\n Que les arrestz luy ouy dire\n Je les ay escriptz cy apr\u00e9s\n En la forme que l'orr\u00e9s lire\n Sans y adjouster quelque chose\n Aussi retenir ne oster\n Et les pronon\u00e7a tout en prose\n Comme vous orr\u00e9s reciter\nPremier arrest.\nPar devant le prevost de deuil se assist despye\u00e7a ung proc\u00e9s entre une\ntresgracieuse dame et le procureur d'amours en cas d'exc\u00e9s d'une part/ &\nung jeune amant escuyer deffendeur d'aultre part. et disoient lesditz\ndemandeurs que ceste dame en tout son temps a est\u00e9 de grant renommee\nfort esbatant joyeuse & de plaisant maintien & qu'elle s'est tousjours\nbien & honnestement entretenue en service d'amours/ sans jamais avoir\nest\u00e9 reprise d'aulcun villain cas blasme ou reproche. Or estoit que ja\npie\u00e7a cest amoureux s'acointa de elle/ et apr\u00e9s plusieurs allees/ et\nvenues il la pria d'aymer en luy presentant plusieurs dons et bagues\nqu'elle ne voulut prendre ne recepvoir pour doubte de commettre symonie\nen amours qui est deffendue/ mais l'en remercia en luy soubzryant et\nrespondant moult gracieusement toutes & quantes fois qu'il parloit a\nelle. Et peult bien estre que pour la loyault\u00e9 qu'elle cuidoit trouver\nen luy disant que elle l'aymoit bien et qu'il estoit taill\u00e9 d'avoir\nbeaucoup de biens au temps advenir sans y penser nul mal dont le galant\nmal considerant que dames sont tousjours plus promptes a resjouyr Cueurs\nd'amoureux que a faire douloir s'esmeut & eschauffa tellement qu'il luy\nsembla que la besoingne estoit ja faicte et qu'il en viendroit bien au\ndessus de ces attainctes & de faict une journee luy vint dire qu'il\nestoit mort & qu'il ne viveroit pas trois jours si elle ne luy octroyoit\nce qu'il luy demandoit De laquelle chose ceste dame estoit moult esbahie\nEt a brief luy respondit que d'autant qu'elle l'aymoit elle le herroit\ndesormais s'il luy parloit plus de cella dont il ne tint guieres de\ncompte ains se effor\u00e7a de proceder oultre & de prendre par force ung\nbaiser parquoy elle le voulloit frapper et neantmoins ne s'en voult\ndepartir ains revient vers elle faignant de plorer de doulleur et\nd'angoisse qu'il enduroit. Et ou qu'il s'estoit faict frotter le\nvisaige/ et les yeulx de eaue de soulcye affin que il semblast plus\npyteux. Et tellement que ceste dame esmeue de piti\u00e9 en cuydant\nveritablement que les larmes qu'il avoit aux yeulx lui venissent du\nparfond du cueur le baisa & acola deux ou trois fois pour obvier a\nplusgrant meschief ou que il ne cheust en desespoir. Et avecques ce luy\nfeist plusieurs aultres gratuitez et menus plaisirs dont il ne fut\nencores pas content/ ains perseverant de mal en pis voullut mettre la\nmain au testin/ et a ceste cause elle s'en courrou\u00e7a/ et apr\u00e9s pour le\neslongner et pour lui monstrer qu'il n'estoit pas la ou il cuidoit elle\nluy donna cong\u00e9 affin qu'il n'y retournast plus/ mais ce nonobstant\nencores fut il plus eschauff\u00e9 de y venir que devant. Et apr\u00e9s advint que\nung jour sus le jour arriva en la maison d'elle court habill\u00e9/ et\ndesguis\u00e9 a tout une gente daguette pendante a sa ceinture/ et apr\u00e9s\nqu'il l'eut saluee et bien longuement quacquet\u00e9 il commen\u00e7a a dire ces\nmotz. Madame mauldicte soit l'heure que je feus oncques n\u00e9/ neantmoins\nje ne eusse point tant souffert de paine que faitz pour vous et puis que\nainsi est qui ne vous en chault et que n'y voullez remedier j'ayme\nmieulx me tuer icy par devant vous que de plus languir Et je vous\nasseure ma foy que jamais je ne me partyray de ceans qui ne m'emportera\nles piedz devant/ Car il me souffist que je meure & pour vous & en auray\nmerite. Et sur ce point ledit amoureux print sa dague et commence a soy\ndeslasser faingnant de s'en frapper a la poictrine. A quoy la dessus\ndicte dame pour doubte d'esclendre mist la main au devant du pourpoint\net du pommeau et le tence tresbien luy demonstrant que il seroit perdu &\nhomicide de soymesmes Et aussi elle le reconforte le myeulx que elle\npeust pour le destourner du mal fait qu'il voulloit faire/ mais au\ndernier riens ne valut/ car il commence a jurer et maulgreer que il se\ntueroit illec en la place sans plus attendre pas une heure/ et faict\nainsy qu'il faignoit de soy frapper et mettre la dague dedans le corps\nceste povre femme toute seulle esmeue et troublee & non pas sans cause\npour obvier a l'effusion du sang qui s'en feust ensuy et ad ce qu'on\neust peu dire que s'eust elle mesme est\u00e9 et qu'elle l'eust tu\u00e9 qui eust\nest\u00e9 grant esclandre pour elle et les siens a tousjours fut contrainte\nde luy souffrir acomplir sa mauvaise voulent\u00e9. Depuis laquelle fiction\nainsi faicte qui n'estoit que une vraye trahison pour decepvoir ceste\npovre femme comme il a bien monstr\u00e9 & c'est ledit amoureux vent\u00e9 et deu\ndire en plusieurs lieux qu'il en avoit jouy par subtilz moiens\nnonobstant que aultres y avoient bien failly en cessivant & esjouyssant\n& deshonnorant sans cause en maintes manieres.\n\u00b6 Parquoy elle concluoit a l'encontre de luy qu'il fust condempn\u00e9 a luy\nfaire amende honnourable et prouffitable. Honnourable c'est assavoir nue\nteste en chemise tenant une torche ardant a sa main du poix de quattre\nlivres de cire disant que faulcement et maulvaisement il l'a deceue\ntrahie et circonvenue si s'en repent et luy en requiert mercy et pardon.\nEt pour amende prouffitable qu'il feust condamn\u00e9 envers elle en la somme\nde .iiii.M. livres parisis ou aultre telle somme que de raison deveroit/\net en ces despens dommages/ et interestz. Et aussi requeroit qu'il lui\nfust deffendu de parler a elle en aulcune maniere. Et au regard du\nprocureur d'amours il concluoit et requeroit a l'encontre dudit amant\nque pour la raison dudict cas ou il y avoit faulcet\u00e9 & trahison il fut\npugny de telle pugnition corporelle et publique que le cas le requeroit\net se il ne l'estoit au moins qu'il fust perpetuellement a tousjours\nbanni d'amours et le declaira inhabille de estre en la compaignie de\nbien et de dames et damoyselles comme traystre et de mauvais affaire que\ntous ses biens feussent declairez/ confisquez/ et appartenir a amours.\nEt oultre qu'il feust train\u00e9 sus une claye et batu par les carrefourgs\nde syons de vert osier & de branches de groseliers affin que desoresmais\ntous autres y prinssent exemple avecques aultres conclusions plus a\nplain declairees ou proc\u00e9s. De la partie de cest amoureux deffendeur fut\ndeffendu au contraire. Et disoit que voirement il estoit vray qu'il\navoit est\u00e9 bien fort feru de l'amour de ycelle demanderesse/ et qu'il\nl'avoit servie moult longuement et fait envers elle tous les debvoirs\nqu'il est possible de faire a loyal serviteur mais elle lui avoit user\nde bien rudes & estranges termes. Car combien qu'elle luy eust promis de\nchierement l'aymer et entretenir en sa bonne grace. Touteffoys bien\nsouvent faisoyt semblant de non le congnoistre/ puis a une fois elle lui\nsoubzrioit & l'autre fois luy rechignoyt ou n'en tenoit compte. Et brief\nle povre gallant le plus du temps ne s\u00e7avoit ou il estoit & en eust bien\nvoulu saillir/ mais il ne pouoit/ car quant il s'en voulloit oster\nc'estoit lors que il commen\u00e7oit plusfort a aimer que jamais ne dormoit\npoint ne nuyct ne jour/ ain\u00e7oys tousjours pensoit a elle/ & en ce\nfaisant bien souvent frissonnoit/ et luy sembloit qu'il avoit plus de\ncent esguilles autour du col qui le picquoyent S'il eust voulu manger il\nn'eust sceu car il n'y avoit si bonne ne si doulce viande qui amere ne\nluy semblast. Or disoit il que pour obvier a ceste maladie et aux acc\u00e9s\nde telles fievres blanches plusieurs foys supplye et requist ceste dame\ncy qu'elle eust de luy piti\u00e9 et le voulsist secourir dont elle n'avoit\nvoulu riens faire ains le pourmenoit de jour en aultre de dymenche au\njeudy tellement que au dernier quant il veit que il n'en pouoit plus il\nvoulut trouver maniere de luy dire au vray l'angoisse & la douleur qu'il\nsouffroit pour elle. Et fut vray voirement que pource qu'elle n'y\nvouloit pas pourveoir il print alors sa dague pour s'en frapper et\ndisoit veritablement que veu le tresgrant mal que il avoit il se feust\ntu\u00e9 et ainsi l'avoit il deliber\u00e9 de le faire se elle ne luy eust ayd\u00e9 et\nsecouru de sa bonne grace/ dont il se sentoit bien tenu a elle/ et quant\nest de ce que on luy mettoit a sus qu'il avoit publy\u00e9 le cas pour la\ndiffamer il respondit qu'il ne l'avoit jamais dit ne declair\u00e9 sinon a\naulcuns de ces particulliers et secretz amys que il tenoit bien si seurs\njusques la que jamais riens ne revelleroyent/ et que on avoit cela song\u00e9\npour charger son honneur a tort et sans cause. Et au regard du cas\nprincipal disoit qu'il n'y avoit veu de son cost\u00e9 aucun exc\u00e9s/ crisme ne\nmalleffice/ Mais luy avoit ayd\u00e9 et secouru ladicte demanderesse de son\nbon gr\u00e9 et consentement et qu'il valloit mieulx avoir le personnage par\namour que venir par force: ou faire esclandre/ & par ainsi disoit qu'il\nne luy en pouoit rien demander/ ains estoit en voye d'absouldre ses\nfaitz concluoit et demandoit despens encontre ladicte demanderesse. Les\ndictes partyes ouyes en tout ce quelles voulurent dire & alleguer/ ledit\nprevost de dueil veues toutes les informations faictes en ceste matiere\net la confession dudit amant deffendeur par laquelle les demandeurs\nprindrent & requirent droit estre fait condampna par sa sentence ledit\namoureux deffendeur a faire amende honnourable a sadicte dame/ et luy\ncrier mercy treshumblement a genoulx sans saincture ne chapperon a tout\nune torche ardante en sa main en disant ces motz. Madame je congnois et\nconfesse ycy devant dieu et devant le monde que comme mal conseill\u00e9 et\nmal advis\u00e9/ je vous ay trahie faulcement et maulvaisement/ dont je vous\ncrie mercy et a la justice d'amours. Et avecques ce le declaira priv\u00e9 de\ntous biens et plaisirs d'amours/ et ses biens confisquez en le\nbannissant perpetuellement du royaulme d'amours & de toutes bonnes\ncompagnies comme indigne d'y estre et habiter. Et semblablement le\ncondampna envers ladicte demanderesse pour amende prouffitable en la\nsomme de mille livres parisis/ et a tenir prison jusques a plaine\nsatisfation et en ses despens dommaiges et interestz/ de laquelle\nsentence ainsi donnee par ledit prevost de dueil icelluy deffendeur se\nest sentu aggrav\u00e9 et en a appell\u00e9 en la court de ceans/ et semblablement\nen a appell\u00e9 ladicte demanderesse et ledict procureur d'amours pour ce\nque ilz disoyent que il ne leur avoit pas assez adjug\u00e9/ et que ledict\ndeffendeur en avoit trop bon march\u00e9. et depuis ont lesdictes parties\nconclud audict proc\u00e9s par escript. et a est\u00e9 veu et receu ceans pour\njuger a bene vel male. Si a ladicte court finablement veu le proc\u00e9s et\ntout ce qui a est\u00e9 produyct en ycelluy a grant et meure deliberation et\ntout veu et consider\u00e9 ce que faict a considerer. Adoncques ladicte court\nd'amours dict que entant que ledict amoureux est appellant il a est\u00e9\nbien jug\u00e9 par ledit prevost de dueil/ et mal appell\u00e9 par luy/ et le\namendera. Et entant que touche lesditz demandeurs qu'ilz ont bien\nappell\u00e9 et ledit prevost mal jug\u00e9/ et en amendant le jugement/ la court\noultre les condampnations dessusdictes condampne ledict amoureux\nappellant a aller en voyaige nudz piedz a monseigneur sainct valentin et\ny porter ung veu de cire du poix de quarante livres/ et a raporter\ncertiffication comme il y aura est\u00e9 dedans ung moys Et en oultre\ndesclaire ladicte demanderesse estre exemptee a tousjours de luy & des\nsiens jusques a la tierce generation/ et si ordonne que en signe de la\ndessusdicte trahyson et faulcet\u00e9/ touteffoys et quantes que on le\nservira desormais a table on mettra le pain devant luy a l'envers et le\ndessus dessoubz. Et avecques cela le condampne la court en moult grans\ndespens de la cause d'appel envers ladicte dame demanderesse. la\ntauxation reservee par devers elle.\nLe .ii. arrest.\nPar devant le baillif de joye c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre ung\njeune compagnon amoureux demandeur d'une part. Et sa dame deffenderesse\nd'autre part. Et disoit ledict amoureux demandeur que ainsi qu'il avoit\nprins cong\u00e9 de sadicte dame pour s'en aller en sa maison elle le\nrappella et hucha pour parler a luy/ et apr\u00e9s quant il fut tout aupr\u00e9s\nd'elle elle faisant semblant de s'acouter et de vouloir parler de secret\nle baisa si tresasprement que elle le cuyda faire seigner du nez Et puis\nquant vint au desserrer le frappa moult durement de la patte de son\nchapperon ou il y avoit une esguille et une espingle de laquelle il eut\nla joue toute esgratisgnee qui depuis est debvenue enflee et ne sera\nd'icy a troys moys qu'il n'y paire. A l'occasion duquel cas il ne s'est\nos\u00e9 monstrer devant les gens par certain temps et est encores tres fort\nmalade. et pource que il s\u00e7avoit bien que sadite dame ne l'avoit pas\nfait par haine et maltallent qu'elle eust a luy il ne vouloit point\ntendre a reparation/ mais concluoit & requetoit seulement qu'elle fust\ncondampnee a le garir & faire penser durant sa maladie. De la partie de\nladicte dame fut deffendu au contraire/ & disoit que l'amant avoit est\u00e9\ninvaseur & assaillant pour avoir ledit baiser/ et au regard de la\npicqueure elle estoit advenue par fortune/ & advanture dont elle ne\npouoit mais/ et aussi n'y avoit chose dont l'en deust parler/ car ledict\namant n'en laissoit a boire ne a menger et se plaingnoyt de sa teste\nSurquoy les parties ouyes ledict bailly de joye par sa sentence & au\nregard a certains rappors de medecins d'amours qui avoient rapport\u00e9 le\nperil/ et dit que la playe estoit en lieu dangereux condampna ladicte\ndame a mouiller de sa salive tous les moys la playe de son amy pour\nfaire en aller le venin jusques a ce qu'il fust guery. Et aussy a luy\nfournir de drappeaulx surquoy seroit fait bon emplastre. De laquelle\nsentence ceste defenderesse c'est sentue grevee/ et en a appell\u00e9 en la\ncourt de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger Et finablement tout\nveu & consider\u00e9 ce que estoit a considerer. La court d'amours a regard\u00e9\net dit qu'il a est\u00e9 bien jug\u00e9 par ledit bailly/ et mal appell\u00e9 par\nladicte dame appellante et l'amendera. Et en oultre pource qu'il est\napparu en ladicte court & venu a congnoissance que icelle appellante a\ndeu dire et soy vanter que depuis ladicte sentence que s'il convenoyt\nmoullier ladicte playe de sa sallive/ elle le mordroit en ce faisant si\nasprement qu'il luy en souviendroit a tousjours mais. La court l'a\ncondampnee en trente livres d'amende envers les prisonniers d'amours\npour employer en bancquetz et en herbe verte et es despens de la cause\nd'appel la tauxation reservee par devers luy et si ordonne qu'elle sera\ncontraincte a obeyr a l'arrest par prinse de son corps\n\u00b6 Le troisiesme arrest\nPar devant le vergier d'amours en la province de beault\u00e9 c'est assis ung\naultre proc\u00e9s entre ung amoureux demandeur en matiere de recision de\ncontract de une part. Et sa noble dame et amye deffenderesse d'aultre\npart. Et disoit ledit demandeur que du temps qu'ilz acointerent l'ung\nl'autre ilz firent ensemble plusieurs promesses et alliances d'amours/ &\nentre les aultres il y en eut ung compass\u00e9 entre eulx deux/ par lequel\nledit amoureux luy promist que toutes et quanteffoys qu'il se vouldroit\ncoucher et mettre son coeuvrechief de nuit/ il seroit tenu de nouer le\nbout dudit coeuvrechief a deux bons & fors neuz et de dire pour l'amour\nd'elle en le tyrant/ dieu doint bonne nuyt a madame. Et aussi elle\ndiroit pareillement quant il se lieveroit au matin en mettant sa\nchemise/ Dieu doint bon jour a mon tresdoulx amy. Et avecques ce estoit\ndit que le gallant debvoyt toutes les sepmaynes passer sur le tard une\nfoys ou deux devant son huys. Et attendre une bonne certaine heure qui\nestoit dite pour avoir ung boucquet ou une viollette qu'elle luy debvoit\npour recompense getter avant qu'il s'en allast/ ou dire a dieu/ dieu\ndoint bonne nuit or disoit cest amoureux que en faisant ledict contract\nil avoit est\u00e9 enormement deceu. Car premierement au regard de tyrer son\ncouvrechief toutes les nuytz il en estoit en telle necessit\u00e9 qu'il luy\nfailoit avoir ung neuf de trois jours en trois jours tant en rompoit et\ndeschiroit. Et si pour tirer ne pour nouer il ne luy en estoit de rien\nmieulx et ne s'en sentoit point en nulle maniere plus allegi\u00e9 quant il\nestoit couch\u00e9. Mais souventeffois encore pour ce que ledit couvrechief\nestoit trop serr\u00e9 ou nou\u00e9 il luy failloit tout oster & le remettre qui\nluy estoit grant peine avec le mal qu'il avoit Et touchant l'autre point\nil y avoit aussi et de l'autre moiti\u00e9 de juste pris/ Car seullement pour\navoir ung povre boucquet ou une viollette/ ce galant estoit contrainct\nde aller et passer une fois ou d'eux la sepmaine par devant l'huys de sa\ndame ou il souffroyt maux infinis/ car premierement il advenoit\ntressouvent qu'il ne la trouvoit point a l'uys ne ame a qui parler/ et\nainsi convenoit attendre illec et longuement jambaier le povre amant\nsans avoir feu ne clart\u00e9. Secondement car quant il s'en vouloit partir\nil veoit aulcuneffois la lueur de la chandelle par les verrieres dont il\nestoit transy et ravy qu'il ne s\u00e7avoit qu'il devenoit Et pource qu'il\ncuidoit lors qu'elle ne fust pas couchee et que tantost deust venir/ il\nattendoit tout seul illecques emmi la rue deux ou trois heures/ et\naucuneffois toute la nuit & se pourmenant pour doubte de morfondre\nregardant en hault les gouttieres/ s'elle viendroyt point aux fenestres\nou il y avoit aussi grant martire/ et mesmement ou temps de yver pour\nles neiges et la froidure qu'il luy convenoit endurer dont il estoit\nsouvent en tel point qu'il ne sentoit membre qu'il eust si que l'en eust\nouy cliqueter ses dens l'une contre l'autre comme une cigoingne\nTiercement que pour la pluye et mauvais temps qu'il couroit il estoit\nparfoys contraint de s'en partir et retourner tout mouilli\u00e9 a l'ostel\nsans rien faire fors seulement baiser la cliquette de l'uis a son amye\npour luy dire a dieu Et ses habillemens estoient sy tres trempez que la\nchemise qu'il avoit vestue il luy failloit changier/ tout aussy tost\nqu'il estoyt a l'hostel et prendre tous nouveaulx habillemens qui luy\nestoit pareillement moult grant et tresgrief martyre sans encores n'y\ncompter ne comprendre la paine qu'il avoit d'estre congneu du dangier du\nguet/ et aussy de se bouter dedans les boues/ et de cheoir aux russeaulx\nou dedans la fange/ et de se heurter a grosses pierres/ ou rencontrer\nune charrette et moult d'autres malles adventures qui pouoyent venir de\nnuyct/ et aussi que il avoyt est\u00e9 souventeffois/ et estoyt encores\nenormement deceu Et pource requeroit que ledict contract feust mis au\nneant et qu'il feust remis en sa franche libert\u00e9. Et disoyt oultre que a\ngreigneur seuret\u00e9 il en avoit a ceste fin obtenues lettres de\nrelievement d'amours/ et dispensation sur ce dont en tant que mestier\nestoit requeroit l'enterinement/ offroit a prouver et demandoit despens.\nDe la partie de ceste deffenderesse si fut deffendu tout au contraire et\ndisoit que de se plaingdre du contract/ le demandeur avoyt grant tort.\nCar par icelluy elle estoyt subjecte a plus grande paine que il\nn'estoit. neantmoins elle estoit tenue touteffoys/ et quanteffoys qu'il\nplaira a amours de s'en departir et y renoncer/ Mais d'y venyr par\nrecision ce n'estoyt point la maniere et ne voulloyt point qu'il luy\nfeust reprouch\u00e9 que elle eust jamais receu homme/ car c'estoyt trop\ngrant blasme et ce n'estoit pas le renom. Et pour venir a ses deffenses\ndisoyt que ledict contract fut fait et pass\u00e9 a la grande priere et\nrequeste dudict amant. Car elle n'y pensoit point quant il luy vint\nsupplyer et requerir sur tous les plaisirs qu'elle luy pouoit faire\nqu'elle voulsist consentir lesdictes choses qui y sont contenues/ et\noultre qu'elle n'en fist point de difficult\u00e9/ icelluy amant luy jura que\nla cause pourquoy on requeroit. n'estoit sinon affin qu'elle l'eust en\nmemoyre/ et qu'il feust seur que une fois le jour et en mettant sa\ncoiffe elle penseroyt a luy/ Parquoy de s'en plaindre maintenant et dyre\nqu'il a est\u00e9 deceu & si n'y avoit nulle apparence/ et si rompoyt\nbeaucoup de coeuvrechiefz le moys/ aussi faisoit elle de coiffes et luy\nfailloit bien souvent des rubens tous neufz. Et au regard de l'autre\npoint de venir et passer devant son huys une foys la sepmaine il avoyt\npareillement grant tort de se plaindre/ car toutes et quanteffoys\nqu'elle doubtoyt qu'il viendroit icelle deffenderesse trois heures\ndevant elle estoit toute ravye et ne s\u00e7avoyt qu'elle faisoyt. Et pos\u00e9\nqu'elle beust & mengeast si avoit elle tousjours le cueur a luy et luy\nfaysoit bien mal quant il luy convenoyt tant attendre a l'huys/ mais\nn'en estoit maistresse pour la craincte de dangier qu'il failloit cheoir\net amasser qui luy estoit plus grande peine la moyti\u00e9 que tout le\nmartyre que ledict amant pourroyt souffrir/ car il fault aulcuneffoys\nfayre semblant de dormir quant on veult veiller/ et de plorer ou l'on a\nbien grant fain de rire/ et de parler de froydure c'estoyt trop grant\nhonte a luy/ Car jamais amans ne doibvent avoir froit soyt que il gelle\na pierres fendant/ et s'il enduroit de malles nuitz aussi faisoyt elle\nde son cost\u00e9 de trouver quelque fa\u00e7on de eschapper pour venir a la\nfenestre ou parfoys estoit toute nue par l'espasse de deux grosses\nheures a veoyr de quel cost\u00e9 le vent venoyt et avoit ledit demandeur a\nplus belle occupation de passer le temps qu'elle/ car en attendant il se\npouoit pourmener et dire ses heures et oraysons ne n'y avoyt personne\nqui alors l'eust empesch\u00e9. Et quant est de la pluye et de la neyge les\nestaulx ne luy pouoyent faillyr et si n'y a eaue qui face mal a telz\ngens et au regard des pierres et aultres mauvaises rencontrees qui\nsurvient la nuyct/ respondit ladicte dame que telz maulx ne adviennent\nvoulentiers synon a gens qui n'ont point parfaicte fiance en amours et\nqui font aucuneffoys des faulcetez et trahysons. Et disoit oultre plus\nceste dicte jeune dame deffenderesse que toutes les plainctes et paynes\ndont cest amoureux se plaignoit n'estoit a comparer a nulles des siennes\ncar plus avoit de peine en ung jour seullement a tirer les violettes que\nledict amant n'en avoyt en toute l'annee/ et ne failloit point a venir a\nla comparaison des biens et plaisirs l'ung de l'autre. Car plus coustoyt\nle fyl dont elle lyoit les boucquetz & violetes qu'elle luy donnoit que\ntous les plaisirs qu'il luy eut sceu faire. Et pour ce disoit ceste\ndeffenderesse qu'il n'y avoit point eu deception audit contract et qu'il\nne debvoyt estre receindr\u00e9 sinon du consentement d'elle et que ledict\namant l'en vint prier et requerre a ces fins concluoit et demandoit\ndespens. Apr\u00e9s parties ouyes & apr\u00e9s ce qu'elles furent appointees en\ndroit le viguier appointa que lesdictes lettres et reliefvement ne\nseroient point interrin\u00e9s et qu'il n'y avoit point matiere de receindre\nledict contract et condampna ledict amant demandeur a l'entretenir\njusques au bon playsir de sadicte dame et es despens de laquelle\nsentence c'est sentu agrav\u00e9 et appelle en la court de ceans ou ledict\nproc\u00e9s a est\u00e9 receu pour jugier/ si a la court veu ycelluy proc\u00e9s et\ntout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout consyder\u00e9 la\ncourt dit qu'il a est\u00e9 bien dit et appoinct\u00e9 par ledit viguier & mal\nappell\u00e9 par ledict amant et l'amendera. si le condempne la court es\ndespens de la cause d'apel la tauxation reservee par devers elle.\n\u00b6 Le .iiii. arrest\nDevant le mayre de Boys verd c'est assis aultre proc\u00e9s entre ung\namoureux et sa dame/ et estoit pour raison d'une cotte verte dont\nladicte dame se plaignoit disant qu'il la lui avoit baillee si rudement\nqu'il l'avoit cuid\u00e9 affoler et que en cheant sa gorgerette estoit\ndespecee & en avoit on peu veoir le bout de sa chemyse/ requerant en\neffect qu'il fust deffendu audit amant de ne se jouer ne toucher plus a\nelle sans son cong\u00e9 et que pour la faulte qu'il avoyt faicte feust\ncondampn\u00e9 a faire amende honnorable. Et qu'on luy deffendist seullement\nque il ne se jouast plus a elle en quelque maniere que ce fust ne\naprochast du lieu ou elle seroit sans la licence ou que elle ne\nl'appellast. De laquelle sentence il s'est tenu agrav\u00e9 & en a appell\u00e9 en\nla court de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger. Si a veu la\ncourt ycelluy proc\u00e9s et tout veu dit a est\u00e9 qu'il a est\u00e9 bien jug\u00e9 et\nmal appell\u00e9 et bien appoint\u00e9 par ledit maire/ et mal appell\u00e9 par\nl'appellant et l'amendera & si le condampne es despens de la cause\nd'appel la tauxation reservee par devers elle.\n\u00b6 Le .v. arrest.\nPar devant le conservateur des haulx previlleges d'amours s'est assis\nung aultre proc\u00e9s entre d'eux gentilz compaignons tous deux amoureux en\nung lieu/ & d'une mesme dame/ l'ung demandeur & complaignant en cas de\nsaisine et de nouvellet\u00e9 de une part/ et l'autre deffendeur & opposant\nd'aultre part. Et disoit ledit demandeur que ung premier jour du moys de\nmay ainsi qu'il estoit sur les rues pour aller la nuyct resveiller les\npotz de marjoleine et planter le may devant l'huys de une moult\ngracieuse dame dont est question affin de la resjouyr/ ainsi qu'on a\nacoustum\u00e9. Icelle dame ce voyant le print en grace/ et le retint pour\nson amy/ en luy promettant des biens a grant plant\u00e9 et plus qu'il ne\nvalloit. et a celle intencion l'a depuis servie moult longuement Et a ce\ntiltre disoit qu'il avoit droit et estoit en bonne possession et saisine\nde soy dire et porter serviteur d'ycelle dame & de jouyr et user par le\nmoyen de la grace d'elle des biens d'amours qui en despendent ensemble\ndes joyes chieres liesses honneurs doulx regardz/ beaulx accueilz &\nprerogatives qui y appartiennent. En possession et saisine que ledict\ndeffendeur ne doibt aller a la messe ou elle va pour luy bailler a\nl'entree de l'eaue benoiste. en possession & saisine que il ne luy doit\npoint soubz ryre en passant/ ne faire quelque signe ou semblant de la\nregarder. En possession et saisine qu'il ne peult ou doit parler a elle\nde secret ne aultrement en quelque maniere que ce soit se n'estoit en la\nsaluant que il dist dieu gard dieu begnie. En saisine et possession\nqu'il ne se doyt point agenouillier a l'opposite du cost\u00e9 ou elle se\nassiet durant la messe. En possession et saisine que en se promenant en\nl'eglise ou elle est il ne doit claquer son patin/ ne redrecier le poil\nde son chapeau. En possession et saisine que se ledit deffendeur a et\nporte nouveaux gans es mains qui ne les doit point enfoncer ne faire\nsemblant de alonger les dois en tirant. En saisine et possession qu'il\nne doit point lire les oraisons ne les escripteaux des tumbes qui sont\nau pres de ladite dame durant ce qu'elle est en l'eglise En possession\net saisine que se ledit defendeur est agenouill\u00e9 & il y a quelque chien\nderriere qui aboye ou ung coffre qui crie qu'il ne se doit point\nretourner ne ne doit regarder ladicte dame ne luy getter en passant ung\ndoulx yeulx. En possession et saisyne pareillement qu'il ne doyt point\nalumer la torche devant elle dont l'en lieve dieu au moins ne doyt\nfrapper du baston a terre deux ou trois fois ne laisser choir le\ncouvercle pour dire regardez moy. En possession et saisyne que ledit\ndefendeur ne peut ne doit porter la paix & ne la doibt point baiser\napr\u00e9s elle/ mais doibt attendre que tous les aultres l'ayent eue et\nbaisee devant luy et nonobstant ledit deffendeur l'avoit troubl\u00e9 en ses\ndictes possessions et saisines parquoy avoit obtenue ladicte\ncomplaincte. Si concinoit pour pertinent en matiere de nouvellet\u00e9 et en\ncas de delay demandoit la reverence. Et de la partie dudit deffendeur au\ncontraire estoit dict/ que long temps il fut nomm\u00e9 par l'universit\u00e9\nd'amours aux premiers benefices qui vacqueroyent au dyocesse dont ceste\ndame cy estoit et que encore d'abondant il avoit obtenu grace\nexpectative pour accepter la premiere qui seroit sans amy & si avoit\ndispence d'en avoir d'eux nonobstant l'incompatibilit\u00e9. Et disoit\navecques ce qu'il avoit fait ses diligences par devers la dame dont il\nestoit question pour estre pourveu de sa grace/ et dedens les nuitz et\nles jours qui y sont ordonnez. Disoit oultre que apr\u00e9s ce qu'il trouva\nladicte dame vaquant d'amy et qu'elle luy eust faict une gracieuse chere\n& tresgracieusement acueilly/ il accepta l'amour d'elle et fist\npourveoir par l'executeur de sadicte grace expectative et n'y eut reffus\nne contredit de dangier/ ne de malle bouche. Et deslors en fut mis en\npossession et saisine/ et a ce tiltre avoit droit et estoit en bonne\npossession et saisine/ et de se porter et dire serviteur et amy d'elle/\net avoyt la moiti\u00e9 des joies que amoureux cuyde avoir quant il rencontre\nbonne dame. En possessyon et saisine que ledit demandeur sa partie\nadverse ne la peu ne doit appeller sa dame ou maistresse ne s'en dire\nserviteur. En possession et saisine qu'il ne doit s'acouter ne parler a\nelle ne pareillement l'acompaigner en voyage ne autre part au moins ne\nla doibt tenir par soubs les bras. En possession et saisine que s'elle\nveult aller en pellerinaige il ne la doibt point mener derriere luy ne\nluy aider a secourre sa robe. en possession & saisine qu'il ne luy doit\npoint alumer sa chandelle au monstier ne faire le petit genoul devant\nelle. En possession et saisine que sur le chemin son fouet ou aussi sa\nverge s'elle cheoit a terre il ne luy doibt point relever ne bailler. En\npossession et saisine qu'il ne doibt porter la botte fauve pour l'amour\nd'elle ne la soulcie sur son chappeau En possession et saisine qu'il ne\npeult pareillement fermer sadicte botte fauve d'eguillette verte ne son\nchapeau cordonn\u00e9 houppe de cheveulx En possession et saisine qu'il ne se\ndoibt point desguiser ne faire fringuer son cheval devant son huis en la\nrue En possession et saisine qu'il ne doyt point au harnoys de ses\nchevaulx porter la livree d'elle/ Ne avoir plus d'une robbe neufve la\nsepmaine. En possession et saysine que ses cheveulx ne doivent venir\njusques sur les yeulx ne qu'il ne doit avoir a son bonnet rubens de soye\nverte. En saisine et possession qu'il ne doit point dancer aux nopces ne\nautre part avec sadicte dame ne icelle prendre en chapellet. En\npossession et saisine qu'il ne doit point servir a la table ou elle se\nsiet ne de luy bailler quarreaulx ou tronchet ou pacet a mettre soubz\nses piedz et proposoit possessoire tout pertinent en requerant en ce cas\nde delay la recreance Et pour respondre au fait de ladicte partie\nadverse disoit qu'il ne pouoit avoir aucun droit en ceste matiere car\nson don ou tiltre estoit obtenu long temps apr\u00e9s celuy du deffendeur/ et\nsi n'avoit nomm\u00e9 grandeur et calefic en amours ains avoit seullement\nseduitte celle dame par persuasions et belles parolles tellement qu'elle\nc'estoit condescendue a l'aimer & l'avoit en garde qui estoit mal fait a\nluy veu qu'il s\u00e7avoit qu'il l'avoit par avant acceptee a dame et en\nestoit pourveu Disoit oultre plus que son don ne pouoit riens valoir/ le\nbien n'estoit point vacquant au temps qu'il l'acointa et n'estoit point\nune entreprinse faicte/ pour luy cuyder faire bailler le bont de sa\ndame/ et par maulvais rapportz ou l'en ne devoit point adjouster foy. A\nquoy ledit amoureux demandeur pour ses replicques disoit que en matiere\nd'amours n'y a point de priorit\u00e9 ne de posteriorit\u00e9/ la raison est\nbonne/ car l'amour et le bien vient de dames et est leur facult\u00e9 de le\ndonner et tollir toutes et quanteffois qu'il leur plaist & a qui bon\nleur semble. Et ainsy doncques qu'il failloyt qu'elles fussent\ncontraintes a aymer tousjours ung qu'elles avoyent aym\u00e9 au commencement\nsans le changer ou prendre d'autres elles qui sont dames et usant de\nfranche libert\u00e9 seroient subgettes de soubzmettre leurs cueurs aux\nvoulentez des hommes sans le pouoir oster/ parquoy deviendroient serves\net privees de franchise et de domination qui est le plus beau previlege\nqu'elles ayent et aussy tout le plaisir seroit dehors ne n'auroient plus\namour de luy/ car par ce moyen il leur fauldroit admettre qu'elles\ndevroient ha\u00efr & n'y auroit jamais nul jeune amant pourveu ne advanc\u00e9\npour service qu'il peust faire par ce que les premiers vouldroient\ntousjours gouverner. Sur quoy ledit deffendeur disoit que au contraire\nque l'en ne doibt point ainsi despointer ung loyal amant qui a bien\nservy sans cause ne matiere et sans ce que sa dame l'eust trouv\u00e9 en\nfaulte ou present meffait/ ains fault qu'il soit ouy premierement/ et\nqu'il soit declaration sur la privation ou aultrement jamais il ne\nauroit bien ne service remuner\u00e9/ car il adviendroit tous les jours que\njeunes amoureux pour estre avancez/ et entrez en la grace des dames qui\ncroyent moult de legier tout ce qu'on leur rapporte/ et leur louenge\nsoulleroyent et suppediteroyent les aultres par blandissemens et belles\nbourdes ou par mauvaises parolles qu'ilz apporteroyent de leurs\npersonnes pour devenir maistres & leur oster leurs lieux. Et ainsi tous\namoureux qui auroyent doncques fait leurs debvoirs le temps precedent\npour bien servir auroyent des maulx et les jeunes pour mal faire et mal\nraporter seroyent honnour\u00e9s et bien venus ou n'a apparence au monde Et\nsur ce furent les parties appointees et despuis ledit conservateur par\nsa sentence dist et declaira que entant que touchoit le principal les\nparties estoyent contraires/ et feroyent leur enqueste et icelle faicte\net raportee par devers luy il leur feroit droit et au regard de la\nrecreance des possessions et choses contencieuses il adjugea audit\ndemandeur le requerant pour en jouyr regir et gouverner soubz la main\nd'amours pendant le proc\u00e9s et jusques a ce que aultrement en feust\nordonn\u00e9. De laquelle sentence ledit deffendeur en a appell\u00e9 en la court\nou ledit proc\u00e9s a grant et meure deliberation et que faisoyt a veoir en\nceste matiere: Et tout veu ladicte court dit que en tant que ledit\nconservateur adjugea la recreance audict demandeur il jugea mal au\nsurplus en amendant le jugement/ la court adjuge ladicte recreance et\njouyssance des possessions/ et choses contencieuses audict deffendeur.\nEt se retient la court la canonyssance de la cause principalle ou les\nparties viendront proceder ceans au premier jour ainsi qu'il\nappartiendra par raison.\nLe .vi. arrest.\nDe certaine tauxation de despens que deux conseilliers de la court de\nceans avoient faicte a une jeune dame a l'encontre d'ung sien amy\nmontant la somme de .xix. livres .iii. solz six deniers parisis pour\nraison de certain voyage et pellerinaige ou elle par grant ardeur avoit\nvou\u00e9 sondit amy et auquel elle avoit est\u00e9 nudz piedz pour luy affin\nqu'il fust guary d'une griefve malladie de fievres blanches qu'il avoit\nlors & aussi pour acheter des bouquetz de romarin & genievre dont on\nl'avoit chauff\u00e9/ et d'autres menues drogueries que on luy avoit baillez\ndurant sa maladie. Cest amant cy s'est sentu agrav\u00e9 et en a appell\u00e9 en\nla court de ceans. Le proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger et a la court veu\nladicte tauxation de despens & diminution baillee au contraire. Et tout\nveu la court dict qu'il a est\u00e9 bien taux\u00e9 par lesditz conseilliers et\nmal appell\u00e9 par l'appellant et l'amendera & si le condampne es despens\nde la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.\nLe .vii. arrest\nPar devant les conseilliers ordonn\u00e9 sur le fait de la justice du tresor\nd'amours c'est assis .i. aultre proc\u00e9s entre le cueur d'amours dudict\ntresor demandeur d'une part/ Et ung jeune amant deffendeur d'aultre\npart/ et disoit ledit demandeur que nulle amour ne peut tenir par\nacquisition aucuns biens d'amours ne faire fondation de rente ou revenue\ns'elle n'est deuement amortie. Et que toutes et quanteffoys que aulcun\nfaict contre amours est en possession de prendre les fruictz et la\nrevenue de la rente non amortie/ c'est assavoir de troys annees l'une.\nOr disoit ledit demandeur que ledit deffendeur sans licence d'amours ne\navoir sur ce amortissement avoit faict ung contract par maniere de\nfondation avec une religieuse par lequel elle estoit tenue de pryer pour\nluy et de dire aussi certaines oraisons. Et aussi en ce faisant ledit\namoureux la debvoit fournir de soyes/ et de plusieurs aultres menues\nbacguettes/ moyennant lesquelles ycelle religieuse luy debvoit envoyer\npour souvenance tous les moys de l'an certaines bourses faictes a sa\ndevise/ Et pour ce requeroit le procureur de amours demandeur que ledit\namant deffendeur fust condampn\u00e9 a rendre & luy bailler de troys bourses\nl'une/ selon les ordonnances et qu'il feust enjoinct audit deffendeur de\nprendre amortissement desdictes amours de ladicte rente/ ou de en vuyder\nses mains. de la partie duquel amoureux deffendeur feust deffendu au\ncontraire et disoit que luy considerant que en amours y a tresgrande\npeine car ceulx qui s'i mettent/ ne sont pas aulcunes foys maistres de\neulx en oster quant bon leur semble/ Et mesmement affin que amours luy\naydast en tous ses affaires et besongnes il estoit bien vray vrayement\nque pour les grans biens qu'il avoit aperceuz en une religieuse de son\naccointance il luy avoit pri\u00e9 & requis que toutes et quantes foys que\nelle se trouveroit a matines et l'en commenceroit a chanter te deum\nlaudamus qu'elle dist lors ung de profundis pour l'ame de luy ce que\nelle luy avoit accord\u00e9 Et aussi pour la recompensation de la peine\nicelluy amant luy avoit promis d'envoyer de la soye et de l'or de\nchippre pour soy esbatre a faire de belles bourses & des soursainctes et\ndes cordelieres & seroit tenue a en bailler de troys l'une. Or disoit\nledict deffendeur que proprement ce ne estoit point acquisition\nperpetuelle/ mais estoit seullement une pension viagere faicte de la\nvoulent\u00e9 et union des deux cueurs par quoy n'y failloit nul\namortyssement/ car il n'y avoit point d'obligation ne constitution de\nrendre sinon tant tenu tant pay\u00e9. Et que chascune desdictes parties\nestoit en son entier pour n'en retenir riens se bon ne luy sembloit. Et\ndisoit oultre que veu que la dessusdicte fondation estoit faicte pour le\nsalut de l'ame & pour convertir en piteux usages le dessusdit procureur\nd'amours n'en doibt riens avoir ne demander. et par ses moyens\nconclurent affin de absolution Surquoy finablement parties ouyes elles\nfurent appoinctees en droit et depuis lesdictz conseilliers du tresor\npar leur sentence condampnerent ledict amoureux deffendeur a faire\namortir a ses despens ladicte rente. Et avecques ce ordonnerent et\nappoincterent qu'il seroit tenu et oblig\u00e9 de bailler de trois bourses\nl'une & pareillement la tierce partie des cordelieres soursainctes/ et\nboucquetz/ et aultres choses/ que ycelle religieuse luy envoyeroit\njusques ad ce que ladicte fondation fust deuement amortie. de laquelle\nsentence ledit demandeur s'est tenu pour grev\u00e9 et en appelle en la court\nde ceans ou ledict proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger. Si a la court veu\nicelluy proc\u00e9s et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant\n& meure deliberation et tout veu dit qu'il a est\u00e9 mal jugi\u00e9 par lesdictz\nconseilliers/ et bien appell\u00e9 par l'appellant/ et en amendant le\njugement la court absoult des impetrations et demandes a luy faictes par\nledit procureur d'amours et ordonne que les bourses soursainctes\ncordelieres et biens qu'il avoit est\u00e9 contraint de conseigner en main de\njustice lui seront rendus et mys a plaine delivrance.\n\u00b6 Le .viii. arrest.\nPar vertu de certaines lettres de chancellerye d'amours ung amant ja\npie\u00e7a feist mettre ung beau cordon tout plain de fleurs en main\nsequestre/ et disoit pour soubstenir sa main mise que sa dame lui avoit\ndonn\u00e9 ledict cordon pour le mettre a son chappeau affin qu'il eust\nsouvenance d'elle et ung jour a une feste en ostant son chapeau de sa\nteste ledict cordon eschappa et le perdit dont il fut dolent. Et pour ce\nque depuis il l'a trouv\u00e9 es mains de ung aultre amoureux deffendeur de\nsa partie adverse il la faict arrester et concluoit tout pertinent a\nmatiere d'arrest en requerant que ledit cordon luy fust restitu\u00e9 et mys\nen plaine delivrance de la partye dudict deffendeur si fut deffendu au\ncontraire & disoit qu'il estoit bien d'accord avecques ledit demandeur\nque la dame dont estoit question le avoit fait de sa main et que elle\nluy avoit donn\u00e9 par grant excellence de joye/ mais iceluy demandeur\ncomme ingract ne en avoit tenu compte/ ain\u00e7oys pour certaines menues\nparolles que elle luy avoit dictes en se jouant & rigolant de ce qu'il\nmettoit la houpe dudit cordon trop sur le cost\u00e9 cestuy amoureux\ndemandeur remply de impacience avoit rendu et gect\u00e9 par despit ledit\ncordon a celle dame & a celle dame a aussi clerement se par domination\nou autrement s'il y avoit eu droit si s'en estoit il depparty/ et n'en\npouoyt plus riens demander/ mais debvoit encores selon les droictz\nd'amours estre griefvement pugny veu que en ce faisant il estoit encouru\nen voye d'ingratitude disoit oultre ledit deffendeur que ladicte dame\navoit aussi fait serment qu'en disoit de ycelluy demandeur ne rauroit\njamais ledit cordon & puis l'avoit liberalement donn\u00e9 de bon cueur audit\ndeffendeur a la charge touteffois de le porter pour l'amour d'elle comme\nil avoit fait/ parquoy ledit arrest ne se pouoit soubstenir/ ne requerir\nmainte levee ne provision d'avoir ledit cordon a sa caution. A quoy de\nladicte partie de ce demandeur fut repliqu\u00e9 au contraire disant que\ntoutes et quanteffoys que il trouve ce qu'il luy appartient et par don\nil le peult prendre de fait et faire proceder par voye de arrest comme\nsadicte chose Or disoit il que le cordon luy appartenoit de don a luy\nfaict par sa dame ledit deffendeur confessoyt mesmement. Et ainsi\nl'arrest estoit bien recepvable. Et au regard de ce qu'il avoit reget\u00e9\npar despit n'estoit pas vray/ mais disoit que pour ce que ladicte dame\nluy reprochoit bien ledict cordon & que luy sembloit qu'il en devoit\nestre plus subgect vers elle/ iceluy demandeur luy avoit rebaill\u00e9 en\nceste intencion/ et touteffoys pour le luy garder. et nompas pour le\ndonner a ung aultre amant. Disoit oultre plus que ce n'estoit pas trop\ngrant honneur audict deffendeur de se vouloir ainsi fringuer/ ou de\nvouloir porter des biens dont les autres avoyent par avant fait leurs\nmonstres et grans jours et quant a la provison n'en escheoit point/ mais\nse la matiere estoyt disposee a embellir/ elle luy debvoit estre faicte\navant que audit deffendeur veu que il estoit despoint\u00e9 et mesmes que\npour enrichir et embellir le dessusdit cordon il luy avoit faict mettre\nquatre ou cinq perles & de menues pensees tout a l'entour. Surquoy ledit\ndeffendeur dit au contraire que des incontinent que ung amant contemne\nles biens donnez par sa dame de quelque estat que il soit il se rend\nindigne de les tenir & posseder & peult bien icelle dame les luy oster &\nfaire arracher devant tout le monde/ et puis le donner ou il luy plaist.\net ne portoit pas ycelluy deffendeur ledict cordon pour faire quelque\ndesplaisir audit demandeur/ mais tant seulement pour complaire a ladicte\ndame & luy obeir comme il estoit tenu de faire. Les parties ouyes a\nplain furent appointees par le juge ordonn\u00e9 en droit & depuis par sa\nsentence les appointa contraires et en enqueste. et au regard de la\nprovision requise par chascune des partyes il ordonne que en baillant\ncaution par ledit deffendeur de rendre et restituer ledict cordon toutes\n& quanteffois que il seroit ordonn\u00e9 il luy seroit rendu et delivr\u00e9 pour\nen jouyr pendant le proc\u00e9s soubz la main d'amours & jusques a ce que\naultrement en fust appoint\u00e9 & sans prejudice des droictz de parties. De\nlaquelle sentence ledict demandeur c'est tenu agrav\u00e9 et a appell\u00e9 en la\ncourt de ceans ou ledict proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger. et si a la\ncourt veu ycelluy proc\u00e9s et tout ce qui faisoit a veoir en ceste\nmatiere/ et tout veu dict que tant que le juge ordonna que ledit cordon\nseroit entierement rendu et delivr\u00e9 audict deffendeur sans declairer que\nles perles et menues pensees que ledit appellant y avoit faict mettre du\nsien a sa plaisance en seroyent ostees que il juge mal. Et au surplus\nbien en amendant le jugement la court dit que lesdictes menues pensees\nfaictes a perles seroyent premierement ostees dudit cordon et baillees\nau demandeur pour en faire ce que bon luy semblera & au surplus renvoyez\nles parties a huytaine par devant ledict juge pour proceder sur le\nprincipal ainsi qu'il appartiendroyt par raison.\n\u00b6 Le .ix. arrest.\nPar devant le marquis des fleurs et violettes d'amours c'est assis ung\naultre proc\u00e9s d'ung amoureux demandeur d'une part & une jeune amye\ndeffenderesse d'aultre part sur ledit amoureulx disoyt que tous les plus\ngrans biens qui sont en amours/ c'est entretenir les cueurs l'ung de\nl'autre en perfaicte aliance et union d'amyti\u00e9 et que toutes et\nquanteffois que ung amant ou une dame est vaquant ou que elle\ns'entremect de complaire a plusieurs c'est signe que son cueur n'estoyt\npoint entier en loyault\u00e9 et que l'on ne se doibt pas trop fier/ or se\npressuppose disoit que ceste dame cy avoyt faict plusieurs promesses. Et\nentre les aultres que jamais elle n'auroit aultre que luy tant qu'il\nseroit vivant/ et luy pareillement a elle si en avoyent faict serment\nl'ung a l'autre sy grant et solempnel que faire peust en tel cas/ et\nainsi se avoyent promys qu'ilz ne feroient chose a leur pouoir par quoy\nnul d'entre eulx y peust prendre ne avoit desplaisir/ mais ce nonobstant\nladicte dame puis nagueres de temps en \u00e7a s'entremettoit d'entretenir\nplusieurs aultres gallans par parolles et tresbelles cheres deffendues\nen tel cas. Et oultre plus pendoit tous les jours en sa sainture et en\nsa quenouille boucquetz nouveaulx et fleurs estranges sans ce que ledit\namant les luy ayt donnees dont il a ung peu de mal en sa teste/ car\naulcunesfoys quant il est dedans son lict et s'esveille sur ce point il\nmect bien trois heures a soy endormir Et pource concluoit que sa dicte\ndame fust contraincte et condampnee a ne plus porter boucquetz ne fleurs\nen quelque maniere que c'est synon qu'il les luy donne ou qu'il en soit\nd'accord/ et aussy qu'elle ne face chiere a aultruy sinon a luy seul et\nainsi qu'elle avoit promis et offert de sa part s'elle prenoit plaisir\nen fleurs/ et boucquetz de luy en faire bailler et avoir tous les jours\ntant qu'elle vouldra affin qu'elle n'eust occasion de prendre aillieurs\nDe la part de ceste dame deffenderesse fut deffendu au contraire et\ndysoit que quelque promesse que feissent dames doibvent entendre\ncivilement c'est assavoir la ou sera leur plaisir & ne donne encore\njamais si grant auctorit\u00e9 qu'ilz n'en retiennent tousjours aulcune chose\ndevers elles & qu'elles ne soient sur leurs piedz pour user de leurs\nvoulent\u00e9s et plaisirs car elles sont dames Disoit de rechief avecques ce\nque ledict amant a tort de se plaindre de ce qu'elle porte boucquetz et\nviollettes & qu'elle tient langaige a trop de gens Car suppos\u00e9 qu'elle\nluy ait promis de l'aimer bien & loiaument elle n'est pas pourtant liee\nne obligee qu'elle puisse parler a aultre que a luy et prendre desdictes\nviollettes et boucquetz s'il ne luy en donne ung. Aussi le contract qui\nseroyt fait autrement ne se pourroyt soubtenyr car l'en scet que dames\nne peuent renoncer aux biens qui leur peuent venyr et ont don et\nprevileges de nature de rire & faire bonne chiere a tous affin que nulz\nne puissent dire qu'elles soient mal gracieuses. Et appert bien que\nledict amant est bien jeune simple et mal conseill\u00e9 de intenter proc\u00e9s\net fayre debat pour cecy. Car de tant qu'il auroyt vers elle plusieurs/\nrequerans et serviteurs et qu'elle l'avanceroit et aymeroit encore\nmieulx par dessus les aultres de tant auroit il plus de bien et en\nseroyt plus honnour\u00e9. Mais il entend mal son cas car il seroit content\nqu'on l'alast acoller devant tout le monde et qu'elle ne parlast a\naultres que a luy affin qu'on die qu'il eust le bruyt qui n'est pas la\nmaniere. Au regard des boucquetz et fleurs il a tort de s'en plaindre/\ncar elle a en sa maison des violettes et marjolaynes ou elle les prent.\nEt pose qu'on les luy donnast si n'y peust il avoir interest/ car\nl'imposition ne luy en est deue/ et si n'est chose ou l'en se doit\ngueres arrester veu que la fleur et odeur s'en passe de legier. Et quant\na l'offre qu'il luy fait de l'en fournir respondit qu'elle n'en avoit\ncure/ et ne voulloyt point nullement du monde qu'il ait occasion de les\nluy reprocher si concluoit par ces moyens affin d'absolution et de\ndespens. Sur quoy ledit demandeur disoyt au contraire que telz boucquetz\nperles et menues choses sont cause aulcuneffoys de esmouvoir les cueurs\net faire bailler les bont\u00e9s a aultres qui point ne s'en doubtent.\nFinablement partyes ouyes furent appointees en droit & par sentence s'y\nabsolut ceste deffenderesse de impetrations et demandes de ce demandeur\nen luy permetant s'elle vouloit en tant que mestier estoit de parler\nrire salluer et porter boucquetz toutes et quanteffoys qu'il luy\nplairoyt et bon luy sembleroit. Et condampner ledit amant en ses despens\ndont il sentit grev\u00e9 et appella en la court de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9\nreceu pour juger. Sy a la court veu ledit proc\u00e9s a grant & meure\ndeliberation et que faisoyt a veoir en ceste matiere. Et tout veu/ dit\nqu'il a est\u00e9 bien jugi\u00e9 et mal appell\u00e9 et l'amendera l'apellant en le\ncondampnant es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par\ndevers elle.\n\u00b6 Le .x. arrest.\nDevant le juge de la garde des seaux establ\u00e9s aux contractz d'amours il\nc'est assis ung autre proc\u00e9s entre ung amoureux demandeur en matiere de\nrecision de contrat usuratif d'une part/ & une sienne dame et amye\ndeffenderesse d'aultre part. Et disoyt ledict demandeur que de raison &\nselon les ordonnances toutes usures sont en amour prohibees et\ndeffendues et que l'en n'en doibt point user. Or ce presupos\u00e9 disoit que\ndu temps que il accointa ladicte dame luy estant en la grant chaleur et\nvoulant bien complaire a elle se ingera pour entrer en la grace de luy\noffrir corps et biens en luy faisant plusieurs dons et gratuites/ & fut\nbien vray que en ce temps ledit gallant qui estoit fort feru et surprins\nde l'amour de elle et ne luy chaloit qu'il feist luy promist & obligea\nde luy mener toutes les festes de l'annee entre minuyt/ Et le point du\njour le tabourin et les bas menestriers pour la resveiller en son lict\net oultre luy promist de luy donner a toutes les estraines ung beau\nchapperon de demy graine et aussi une robbe neufve a chascun premier\njour du mois de may de telle couleur qu'elle la vouldroit et aussi\nestoyt obligi\u00e9 de changer et porter pour l'amour d'elle tous les moys\nune robbe neufve a la devise d'elle lesquelles choses il avoit\ncontinuees ja par long temps Mais il en estoit fort lass\u00e9 veu que la\ncharge estoyt bien grande et disoyt que ledict contract ne se pouoit pas\nsoubstenir/ car pour les biens/ et plaisirs dessusdictz qu'il estoyt\ntenu de faire a ladicte deffenderesse s'il ne amendoit d'elle il n'en\navoyt pour toute recompence que ung seul baiser quant il la pouoyt\ntrouver a part qui n'estoit pas juste ne egalle recompensation. Et aussy\nla deception y estoit toute clere. Et disoyt en oultre/ que lesdictz\nmenestriers et robbes et chapperons sans les autres bagues ne la paine\nde luy pour la poursuitte coustoyt tous les ans une grant somme d'argent\nqui luy convenoit bailler et trouver/ et payer de sa bource pour\ncomplaire a elle & luy faire plaisir/ et touteffoys de son cost\u00e9 ne luy\ndonnoit que ung seul baisier ne n'y mettoit du sien que la bouche/ ou la\njoue enquoy elle gaignoyt plus de la moyti\u00e9 et sans main mettre parquoy\nl'usure y estoit toute clere et pource elle concluoit et requeroit\nledict amant que ledict contract feust recind\u00e9 et adnull\u00e9 et demandoit\ndespens. De la partie de ladicte deffenderesse fut deffendu au contraire\net disoit que de l'appeller usuriere ledict amant avoyt grant tort car\navecques luy elle n'avoit gueres gaign\u00e9. Mais il advient souvent que\npour faire plaisir l'en a dommage. Et pour passer oultre disoyt que se\nelle ne l'eust jamais trouv\u00e9 luy eust est\u00e9 grant prouffit/ pour luy\navoit souffert de malles nuytz dont elle estoyt petitement recompensee\net ne failloyt point qu'il se plaingnist dudict contract/ car ne luy\navoit pas faict faire/ mais luy mesmes l'avoit poursuivy et chass\u00e9.\nDisoit aussy qu'elle ne le contraignoyt point de envoyer aulx festes les\nmenestriers devant son huys ain\u00e7oys y venoient jouer telles fois qu'elle\neust bien voullu qu'ilz en eussent est\u00e9 bien loing Car de les ouyr quant\nl'en a pas le cueur en joye est regrettement de dueil et plant\u00e9 de\npleurs et de lermes Et quant est des robbes si luy en a donn\u00e9 plusieurs\net elle les a voulu prendre de tant luy a fait plusgrant plaisir/ et en\nest bien tenu a elle veu qu'elle luy avoit faict plus d'honneur qu'il ne\nluy apartenoit de les avoir vestues & portees pour l'amour de luy. Et\nentant que toutes les robbes neufves dont il s'abiloit tous les mois\nladicte deffenderesse disoit qu'elle n'y avoit gaign\u00e9 ne prouffit et que\ns'il en voulloyt avoir tous les jours elle ne l'en pourroit pas garder:\nDisoyt oultre pour respondre au faict de partie que toutes les robbes/\net tout l'argent qu'il s\u00e7auroit en tout le monde finer pour faire dons\net gratuyt\u00e9s ne sont a comparager seullement a la moyti\u00e9 d'ung baiser/\nCar s'il failloit faire estimation ou prisation de l'ung a l'autre et\nque ce fust chose que l'en peust priser ou estimer l'en trouveroit sans\ncomparaison que la moyti\u00e9 d'ung seul baiser d'une dame octroy\u00e9 de bon\ncueur vault mieulx que tous les biens ne l'argent que on s\u00e7auroyt\ndonner. Or avoyt ledict amoureux ung baisyer d'elle tout entier et par\nsa confession mesmes prinse en son prejudice Parquoy de dire le contract\nfeust usur\u00e9 n'y avoit apparence nulle. Disoyt aussy que ung baisier est\nreput\u00e9 en amours pour chose singulliere et espirituelle & qu'on ne le\ns\u00e7auroit trop vendre ne acheter mesmement quant il est procedant de joye\net qu'il y a embrassement Si le doit par ses moyens ladicte dame affin\nd'absolution et de despens. A quoy ledict demandeur par ses replicques\ndisoit que touchant ledit baisier il en avoit autant de payne comme elle\n& de la joye qu'il en yssoit elle en amendoit aussi bien comme luy\nparquoy il ne pouoit cheoir en compensation. Et sur ce dupliquoit la\ndeffenderesse que le bien qu'il procede d'ung baiser vient de la grace\nde la dame qui le donne et nompas de celuy qui le requiert/ car le\nplaisir vient d'elle et multiplie la joye de celluy a qui il est donn\u00e9\npource dyent les maistres que telz biens ne sont a donner ne a\ngar\u00e7onner/ ains il fault que ung homme soyt bien experiment\u00e9 et qu'il\nait bien servy avant que il soit digne de avoir ung baisier. oyez\nlesquelles parties elles furent par ledit juge de la garde des seaulx\nappoinctees a produire et en droict. Et depuis par sa sentence il dist\net declaira que ledit contract ne estoit point usurier/ et absolut\nladicte dame de ses petitions et demandes & le condampna es despens dont\nil appella en la court de ceans ou ledit proc\u00e9s a est\u00e9 receu et conclut\npour jugier/ et a ladicte court veu ledit proc\u00e9s et tout ce que il\nfaisoit a veoir en ceste matiere/ Et tout veu dict que il a est\u00e9 bien\njug\u00e9 et mal appell\u00e9 par ledit amoureux et l'amendera et payera tous les\ndespens de la cause d'appel la tauxation reservee a ycelle.\n\u00b6 Le .xi. arrest.\nDevant le maistre des forestz et des eaues sus le faict du gibier\nd'amours c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une jeune dame demanderesse\nd'une part/ & ung sien serviteur jadis amy deffendeur de l'aultre part.\nEt disoit ladicte demanderesse que a ung soir bien tard que il faisoit\nchault & que le soleil estoit pres de coucher elle & ledit amant et\nplusieurs de ses amys/ voisins s'en allerent baignier sus ung gravier\nd'une ysle et chasser aux poissons/ et furent les ungz mis en ordonnance\npour tenir les rethz et filetz et les aultres pour courir devant le\npoisson/ et le faire courir devant les rethz. or advint que en courant\nledit amoureux qui avoit tousjours l'oeil sus elle et plus que a prendre\nle poisson se vint aborder a l'encontre de elle/ et combien qu'il eust\nassez place pour tirer son chemin ailleurs toutes voyes tout en\nsoursault/ et en ung moment il luy feist le jambet tellement que ceste\npovre femme cheut a terre & que sa cotte simple fut mouillee & gastee\ndedans la riviere Et ne fut pas encores content mais en faisant semblant\nde la relever il luy meist la main sur le tetin et la pressa tresfort\ndont elle fut toute esmeue au lict malade par bien long temps parquoy\nelle requeroit a l'encontre dudit amant qu'il en fust tresgriefvement\npugny de pugnition publicque ainsi que le cas le requeroit et tellement\nque les aultres y puissent prendre bonne exemple. de la partie dudit\namant fut dit tout au contraire que vrayement il est vray/ que ladicte\ndame et plusieurs aultres prindrent complot de leur baigner et chasser\naux poissons et puis fut ledit amant mis a l'avantgarde pour chasser\nledit poisson devant & elle estoit d'ung autre cost\u00e9 & tenoit les rethz\n& le filet. Si advint que comme il choisit le poisson il mesmarcha pour\nung gros chaillou que il trouva qui le feist tumber sur elle et\ntellement que tous deux cheurent dedans l'eaue/ mais dieu mercy ne\nc'estoit point fait de mal car l'eaue n'estoit point grande et si estoit\nen plain sablon. et disoit oultre sus sa foy que en chayant il ne\nl'avoit tastee ne pincee ne ne eut pas le loysir de ce faire pour l'eaue\ndont il estoit tout esblouy/ et ne luy cuydoit avoir faict aucun mal. or\ndisoit il que de la cheuste il n'en pouoit mais/ car le cas estoit\nadvenu qu'il ne l'a pas fait cheoir en son escient si l'en ne luy en\npouoit riens demander. et au regard de la cotte simple/ et aultres\nhabillemens d'elle qu'elle disoit estre gastez aussi avoyent est\u00e9\npareillement les siens/ et si avoit est\u00e9 autant moull\u00e9 comme elle/ & par\nces moyens tendoit affin d'absolution et de despens. ledict procureur\nd'amours dessus le fait des eaues et des forestz disoit que par les\nordonnances il est deffendu de ne point chasser a engins par lesquelz\nl'on puisse prendre teteins en l'eaue/ et requeroit que cest amant fust\ncondampn\u00e9 en une bonne et tresgrosse amande. Mais ledit amoureux disoit\nau contraire que ce n'estoit raison car il n'avoit faict chose digne de\nreprehension/ ne touch\u00e9 au tetins dont il ait souvenance/ et se\nd'advanture sa main y avoit fray\u00e9 qu'il ne confesse encore pas si auroyt\nce est\u00e9 en tumbant & cheant et estoit force qu'il se soubstint a quelque\nchose/ mais quoy qu'il en soit ladicte dame ne en avoit point est\u00e9\nblecee/ et pource concluoit comme dessus affin d'absolution. Surquoy\nladicte demanderesse disoyt que la cheuste estoit trop lourde/ et qu'il\nne s'en pouoit excuser/ car il l'avoit fait d'aguet a pense & propos\ndeliber\u00e9 pour parvenir a ses attaintes et en verit\u00e9 s'il ne lui eust\nfait oultraige elle n'en eust daingn\u00e9 parler Finablement parties ouyes\nelles furent appointees contraires et en enqueste & depuis ladicte\nenqueste faicte et le proc\u00e9s appoint\u00e9 en droict le maistre des eaues et\nforestz condampna par sa sentence ledict amoureux deffendeur a faire\nfaire a ladicte dame une cotte simple verte en lieu de la sienne qui\navoit est\u00e9 gastee et a la porter en sa main et seroit tenu de se\nencliner devant elle en ostant son chapperon seulement et dire ces motz\na genoulx. Madame par l'ordonnance de justice je suis contrainct de me\nvenir rendre a vostre grace & mercy si vous prie que vous prenez en gr\u00e9\nceste robbe verte que je vous donne de bon cueur & au regard du\ndemourant ne vous en souviengne plus car sur ma foy je ne le fis oncques\nen intencion de vous courroucer ains aymeroye mieulx estre mort et au\nsurplus furent les despens recompensez d'ung cost\u00e9 & d'autre De laquelle\nsentence ledit deffendeur en appella en la court de ceans ou le proc\u00e9s a\nest\u00e9 receu pour juger si a la court veu ledit proc\u00e9s l'enqueste aussi &\ntout qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu dit qu'il a est\u00e9\nbien jug\u00e9 par ledit maistre des eaues & forestz et mal appell\u00e9 par\nl'appellant & l'amendera & condampne es despens\n\u00b6 Le .xii. arrest.\nPar devant les dames de conseil d'amours en ladicte chambre de plaisance\nc'est assis ung autre proc\u00e9s entre ung aultre tresbeau et jeune filz\nbien amoureux demandeur & complaignant en cas de saisine et de\nnouvellet\u00e9 d'une part & une gracieuse dame deffenderesse d'autre part.\nEt disoit ledit demandeur que ja pie\u00e7a par alliance d'amours luy et elle\nse donnerent l'ung a l'autre et promirent de vivre et mourir ensemble\ncomme deux vrais amans sans jamais departir par quelque malheurt\u00e9 qui\npeust advenir et en ce point en conferment l'aliance en eut plusieurs\nbaisers donnez de si tresbon cueur que les larmes en venoyent de joye\naux yeulx d'ung chascun. Disoyt avec ce ledit amant que apr\u00e9s l'alliance\net confirmation ainsi faicte sollempnellement eulx deux promisrent\nencore qu'ilz seroyent communs en biens & que l'ung ne feroit jamais\nchose qui despleust a l'autre mais ce que l'ung vouldroit l'autre\nconsentiroit/ affin que l'amour durast tousjours. or disoit ledit\ndemandeur que a ce tiltre & par les moyens dessudictz avoit droit &\nestoit en bonne possession et saisine que ladicte dame ne pouoit ne\ndebvoit acointer ne s'ayder d'autre que luy ne luy faire autre chere. en\npossession & saisine qu'elle ne leur debvoit ryre ne faire le petit\ngenoul. en possession et saisine qu'elle ne debvoit saluer ne parler a\neulx en quelque maniere que ce feust s'il n'y estoit present. en\npossession et saisine qu'il devoit & est sur tous le mieulx aym\u00e9 &\nrecueilly grandement quant il parle a elle sans luy rechisgner ne\ntourner la teste de cost\u00e9 ne d'aultre. en possession/ et saysine que\nquant il se veult esbatre avec elle & luy doit dire les sornettes\nqu'elle luy doit respondre gracieusement comme elle faisoit au\ncommencement & en riant sans le mespriser ne contempner. En possession &\nsaisine que quant elle veult aller jouer et esbastre aux champs qu'elle\nluy doibt faire assavoir pour y aller ou sans y mener d'autres. en\npossession & saisine qu'elle ne doit souffrir prendre les liens de sa\nchausse/ aulcuns qui en font les sursaintes & qui les portent entour\neulx en lieu de sainctures. En possession & saisine que se d'advanture\nil la boutte en passant par la rue par le cost\u00e9 ou qu'il gecte une\nviolette que elle ne luy en doit point gecter les groins ne faire aulcun\nsemblant qu'elle en soit courroucee. en possession et saisine que s'il\narrive en son hostel ou en aultre lieu ou elle soit assise elle doit\nreculer sa robbe pour luy faire place. Mais ce nonobstant ceste\ndeffenderesse depuis ung peu de temps en \u00e7a luy a tenu et tient les plus\nestranges termes du monde/ car quant il la salue et rencontre elle n'en\ntient compte/ ains faict semblant qu'elle ne le vit jamais. Et avec ce\ntient parolles a plusieurs autres galans en leur faisant plus grant\nchiere que a luy & luy sembla maintenant qu'elle preigne a desplaisir\ntout tant qu'il luy dit & faict. Et bien souvent quant elle le voit\nd'ung cost\u00e9 elle va de l'autre en le mocquant & desprisant & mettant a\nnon challoir le temps passe et l'alliance qu'elle a faicte. Et oultre\nplus quant il se veult jouer a elle ainsi que il avoit accoustum\u00e9 elle\nl'injurie & menasse de frapper & ce fait n'a pas granment qu'il tiroit\nsa quenoille par derriere elle se courrou\u00e7a moult aigrement et jura que\ns'il y venoit plus elle luy en bailleroit sur la teste en troublant &\nempeschant ledit complaignant en ses possessions & saisines a tort &\nsans cause indeuement & de nouvel puis an et jour en \u00e7a. Et pource\nconcluoit en matiere possessoire tout pertinent/ & en cas de delay\ndemandoit la recreance Et pour deffence ladicte deffenderesse disoyt que\nde raison naturelle feminine nulle dame n'est tenue d'aymer se la\npersonne qui la requiert ne luy plaist ou agree et que aultrement le\nfaire seroit trop a contempner tous les biens d'amours qui viennent de\nplaisir et joye. or ce pressupos\u00e9 disoit que cest amant se fyoit trop en\nses pensees et folles ymaginations Il cuidoit que tout ce qu'il\npourpensoit devoyt advenir/ dont il estoit bien loing ne n'estoit\ncoustume a advenir a telz biens par force et pour parler a cheval veu\nque tous ceulx qui se humilioyent jusques en terre et qui ne servent que\nd'obeyr et complaire a grant paine y peuent parvenir. Disoit avec ce\nqu'elle l'avoit aym\u00e9 comme femme doit aymer ung chascun/ mais qu'il y\neust aliance ou promesse particuliere entre eulx deux et telle qu'il\nl'avoit baptisee il ne la trouveroit point/ car tousjours avoit est\u00e9\nentiere et maistresse de soy comme encore avoit intencion d'estre/ et ne\nfailloit point qu'il se plaignist d'elle atendu que a luy ne a aultre\nn'a mal fait. Et quant est des possessions qu'il prenoit a l'encontre\nd'elle disoit qu'elles n'estoyent recevable car selon raison gardee en\nmatiere d'amours on ne peult empescher que femme ne caquette/ parle/\nsalue/ rye/ ou bon luy semble. Et d'aultre part ung serviteur ne doit\nestre receu a prendre complaincte contre sa dame tout ainsi que ne fait\nle vassal contre son seigneur. Et la raison est bonne/ car ce seroyt\nattribu\u00e9 domination & seigneurie a ceux qui n'en ont point et qui n'en\npeuent avoir sinon par le moyen et courtoisie des dames/ et par ainsi\ndoncques ce ceste dame avoit de grace aym\u00e9 le gallant Cela pourtant ne\nl'obligeoit pas a l'aymer tousjours ne n'y avoit point d'aparence de\ndire qu'elle fust contrainte faire ce qu'il vouldroit bien souvent\npensee de femme se change Et au faict de la quenoulle respondit que\nvoirement pour ce qu'elle n'estoit lors en ses bonnes qu'il vint a elle\ntout estourdy se elle l'eust peu attaindre elle l'eust frapp\u00e9. disoit\noultre que par les moyens dessusditz estoit en possession et saisine de\nresister et esloingnier ledict amant et de ne luy faire chiere ou feste\ncomme au plus estrange d'alemaigne en possession et saisine de luy dire\nplainement allez vous en vous m'ennuy\u00e9s et de contredire a toutes ses\nvoulent\u00e9s en posession et saisine de ne le daigner regarder ne dire a\ndieu s'il ne luy plaist se bon luy semble en possession et saisine qu'il\nne se peult nommer ne dire son serviteur ne tenir riens d'elle en\npossession et saisine de tout ce qu'elle fait ou dit qu'il ne luy\nappartient point de parler ne de mot sonner. en possession et saisine\nque s'il veult avoir dame qu'il la doit aller querir ailleurs. En\npossession et saisyne s'il estoit efforc\u00e9 ou effor\u00e7oit de faire le\ncontraire des possessions et saisines dessusdictes de le contredire &\nempescher et le tout luy fayre reparer et mettre par justice au neant et\nau premier estat et deu en proposant du cost\u00e9 d'elle possessoire\npertinent et en cas de delay demandoit la recreance mais sur ce ledit\namoureux qui replicquoit et disoit que au regard de nyer l'aliance &\npromesse faicte entre eulx ladicte dame avoit grant tort car elle avoit\npassees et accordees par serment mais d'en faire apparoir par lettres\nque ledict complaignant ne pourroit pource que alors n'y avoit que eulx\ndeux & au regard la jouissance et possession qu'il avoit eu depuis au\nmoyen de ce il la prouveroyt aussy clere que le jour Parquoy devoit\nsouffire a son intencion/ disoit aussy que ses possessions estoient bien\nrecepvables car elles ne tendent que a acomplir et executer ce que\nsadicte dame mesme la voulu. C'est assavoir de ne faire chose a son\npouoir qui luy puisse tourner a dommaige & ennuy Or disoit il qu'il\nn'est aujourd'huy plusgrant desplaisir que de veoir ung estrangier\nfestoier & avoir le bien qu'on a desservy/ parquoy il estoit bien fond\u00e9\net ne vouloit point ledict complaignant empescher qu'elle ne parlast rie\nou fist bonne chere a qui bon luy sembleroit/ mais qu'il feust\ntoutsjours bien venu et aussi qu'il feust asseur\u00e9 que quelque chose\nqu'elle fist aux aultres si seroyt mieulx aym\u00e9 dont elle faisoit le\ncontraire/ car elle le rigolloit plus que se jamais ne l'eust veu &\nsuppos\u00e9 que l'on dit que subgect ou serviteur ne peut intenter\ncomplaincte contre sa dame/ toutesfois il disoit que ceste raison\nn'avoit point icy lieu/ car pour le moyen de la solution & aliance\nqu'elle mesmes avoit fait il estoit devenu seigneur & avoit autant de\npuissance qu'elle ne plus ne mains ne n'eust pas deffendu que ung\nsubgect et serviteur ne se puisse complaindre de sa dame ains est permis\nde droit quant elle le griefve ou luy fait extorcion comme au cas qui\nsouffre. Aultrement aussi n'y auroyt jamais reparation et seroient\npovres amoureux et trop tenus de court mal traictez & concluoit comme\ndessus Mais ceste deffenderesse disoit au contraire que tous les biens\nd'amours gisent en grace des dames et qu'on ne se peult complaindre. car\nelles mesmes ne sont pas maistresses pour ce qu'il fault que les biens\nvoisent aux sainctz a qui ilz sont vouez et ou amours les veult departir\net ainsi doncques de se plaindre d'amours qu'il fait departir la grace\nou il luy plaist la complaincte n'est recevable et n'y faisoit riens\nl'aliance car telz biens ne se peuent par aliance obliger ne engaiger\nain\u00e7oys toutes promesses qui seroient & sont faictes au contraire et\nprejudice des dames sont nulles ipso jure ne n'en fault point de\nrelievement et la raison est bonne car dames sont exemptes de force &\nservitude et fault venir a elles par supplication & par ainsi donc d'y\nvenir par complainte & prendre telles possessions pour les mettre en\nsubjection et servitude n'y auroit point d'apparence/ surquoy parties\nouyes finablement lesdictes dames du conseil d'amours en la chambre de\nplaisance les appointerent de faire de chascun cost\u00e9 examen de .xii.\ntesmoins pour valoir a fin principal que de recreance et depuis ledit\nexamen fait & que les parties eurent produit icelles dames du conseil\npar leur sentence dirent et declarerent que cest amoureux demandeur ne\nfaisoit a recevoir comme complaignant et que a tort il c'estoit dolu et\ncomplainct que a bonne et juste cause ladicte deffenderesse c'estoit\nopposee et la maintindrent & garderent es possessions & saisines par\nelles pretendues en levant et ostant la main d'amours et tout\nempeschement a son prouffit et si le condampneront a ses despens. De\nlaquelle sentence ledit amoureulx c'est sentu agrav\u00e9 et en a appell\u00e9 en\nla court de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger sauf a faire\ndroit prealablement sur l'enterrinement de certaines requestes civilles\nlesquelles avoyent est\u00e9 obtenues par ledict appellant pour estre receu a\nproduyre ung pied de voultour d'argent dor\u00e9 que sa dame luy avoit donn\u00e9\npour curer ses dens avec ung petit d'or fait a lermes qu'il avoit\ntousjours port\u00e9 et portoit encores pour l'amour de elle entre la chemyse\net la chair affin de monstrer par ce de sa pocession: et aussi de\nl'acointance qu'il avoit eue avecques elle laquelle avoit ni\u00e9 lesquelles\nchoses avoit obmis de produire en son proc\u00e9s principal pour oubliance Si\na la court finablement veu ledit proc\u00e9s examens requestes civiles & tout\nce que faisoit a veoir en ceste dicte matiere et tout veu la court dit\nqu'elle ne obtempere point a la requeste civile/ neantmoins qu'il fust\nmal jugi\u00e9 par lesdictes dames du conseil et bien appell\u00e9 par l'appellant\net en amendant le jugement la court dit que ledict complaignant est bien\na recepvoir & que a juste cause il s'est doulu et complainct et que a\nmauvaise cause ladicte deffenderesse s'est opposee/ maintient et garde\nla court icelluy amant complaignant en toutes ces pocessions & saisines\nen levant et ostant la main d'amours et tout empeschement a son\nprouffit/ et si condampne la court ladicte intimer es despens de la\ncause d'appel et principal la tauxation reservee par devers elle.\n\u00b6 Le .xiii. arrest\nDevant le prevost d'aubepine c'est assis ung proc\u00e9s entre les hoirs &\nheritiers d'ung gratieux jeune amoureux demandeur d'une part et une dame\njadis son amye deffenderesse d'aultre. Disoit ledict demandeur/ que le\ndeffunct en son vivant estoit bien aly\u00e9 avecques la dame qui l'a bien\nservi jusques a la mort/ disoit que en faisant l'inventoire des biens\nl'on a trouv\u00e9 en son coffre une lettre de sa main signee d'elle par\nlaquelle il avoit droit de prendre et avoir d'elle tous les jours ung\ndoint bon jour et luy debvoit faire la dame le petit genoul quant le\nrencontreroit. Or disoyent qu'il estoit all\u00e9 de vie a trespas delaiss\u00e9\nlesditz demandeurs ses plus prochains heritiers habilles a luy suceder\nausquelz maintenant appartenoit la debte et revenue qu'il avoit et\npource requeroient iceux demandeurs que ladicte deffenderesse feust\ncondamnee a leur paier les choses dessusdictes/ et a leur continuer et\nentretenir comme heritiers dudyct deffunct. Ledit genoul leur dieu vous\ngard/ quant elle les rencontreroit et a leur bailler ung boucquet comme\nelle estoit tenue de faire a leur frere. A ces fins ilz concluoyent\ndespens. De la partie de la dame si fut deffendu au contraire/ et disoyt\nque se on fait du plaisir et des biens aux ungz l'en n'est pas tenu de\nles faire aux autres/ et au regard du deffunct elle l'avoit voirement\nbien aymee jusques a son trespas. disoit aussi qu'il estoit bien vray\nque pour la grant loyault\u00e9 qu'elle sentoit aucuneffois a luy elle luy\nfaisoyt de bon gr\u00e9 aucuns biens qu'elle ne vouloit pas faire a ses\nheritiers/ car elle ne les congnoist ne ne scet qu'ilz sont si non par\nouyr dire/ et quant est de la lettre ou scedulle dont il se veulent\nayder elle n'estoit point congneue/ parquoy n'emportoit ypotecque\nd'obligation. Disoit oultre que pos\u00e9 qu'elle feust obligee envers ledit\ndeffunct si n'en pouoient ilz faire poursuytte car par la coustume\nnotoire et gardee en matiere d'amours toutes et quanteffois que deux\npersonnes sont allyez en amours et l'ung va de vie a trespas/ Adoncques\nles biens qui estoient communs ensemble se departent et sont estaings ne\nn'y peuent les heritiers succeder car telz biens sont personnelz et\nn'ont point de suyte/ ains des incontinent que la mort vient il meurt\nensemble ne n'ont point vigueur et disoient lesditz heritiers ne\nfaisoient a recepvoir/ et que s'ilz estoient recepvables que si estoient\nelle en voye d'absolution/ et demandoit despens. Les demandeurs pour\nleurs replicques disoient que se ledict deffunct eust est\u00e9 tenu en\naulcune chose vers elle que elle en eust bien voullu estre paiee d'eux\nparquoy c'estoit raison pareillement qu'ilz en eussent ce qu'elle luy\ndevoit veu qu'ilz estoyent ses heritiers. La deffenderesse disoit qu'il\ny a autant de difference de debte deue a cause des biens temporelz & des\nbiens d'amours comme de blanc a noir et que l'une n'ensuit point la\nnature de l'autre Disoyt aussi que si leur faisoyt avoir le petit genoul\net ung dieu vous gard il conviendroyt diviser les biens d'amours et la\nrenderoit la mort subgecte de fayre d'eux plaisirs pour ung qui estoyt\ncontre raison. Parties ouyes le prevost les appointa a produire en\ndroict puis par sentence declara que les heritiers ne faisoient a\nrecevoir en absoulant la deffenderesse des impetitions et demandes et\nles condempna es despens Ilz ont appell\u00e9 en la court de ceans la ou le\nproc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger et veu le proc\u00e9s et tout ce qu'il\nfailloit voir en ceste matiere ladicte court dit qu'il a est\u00e9 bien jug\u00e9\nmal appell\u00e9 par lesdictz appellans et l'amenderont d'une amende\nseullement et si les condampna es despens de la cause d'apel la\ntauxation reservee vers elle.\n\u00b6 Le .xiiii. arrest\nPar devant le seneschal des ayglantiers c'est assis ung autre proc\u00e9s\nentre ung demandeur en matiere de retrait lignaigier d'une part. Et\ndisoit ledit demandeur que ung sien frere et compaignon d'armes acquesta\nja pie\u00e7a d'une tres belle dame ung baiser toutes les sepmaines dont il a\nlonguement jouy et estoit vray que puis ung an en \u00e7a ycelluy du\nconsentement d'elle et pour son bon plaisir avoit vendu et transport\u00e9\nledict baiser et le droit qu'il avoit en icelluy audit amant deffendeur\nen sa partie adverse pour certain pris convenu entre eulx/ or disoit\nledit demandeur qu'il estoit le prochain lignaigier d'ycelluy vendeur\nparquoy a venir au retraict avoit droit et pource requeroit que ledit\ndeffendeur feust condampn\u00e9 a luy delaisser ledit baiser & offroit\nbourses et deniers en ce cas de delay/ demandoit despens/ dommages et\ninterestz de la partie dudit deffendeur fut deffendu au contraire/ et\ndisoit que en amours ne y a point de retraict. Car les biens qui en\nprocedent ne descendent point de ligne directe ne colacteralle ne ne\npeult estre heritage perpetuel/ si non a ceulx qui les acquierent et si\nne les peut encores transporter ne alliener a autre ce n'est par le gr\u00e9\n& consentement d'elle dont ilz procedent & fault encores qu'il y ait\ninterposition de decret d'elle qui y consente ou autrement tout seroit\nnul. Disoit oultre que ledit demandeur ne pouoit venir a retraict/ car\npoint n'y avoit vendicion mais estoit une pure donnation que ladicte\ndame luy avoit faicte ainsi que loisible luy estoit en faveur de celluy\ndont il a le droit qu'il avoit moult pry\u00e9 de luy donner ledict baiser en\nson abscence. Et par ses moyens tendoit a fin d'absolution de despens Le\ndemandeur disoit au contraire pour ses repliques que puis qu'il y avoit\ntransport\u00e9 & qu'il estoit lignaiger du vendeur il devoit estre receu\naudit retraict. Car c'est la plus convenable chose que les biens voisent\naux prochains que aux estranges. Et au regard de la dame il disoit que\nelle debvoit estre contraincte d'y consentir & le deffendeur a s'en\ndepartir. Mais ledit deffendeur disoit que le transport dudit baiser\nn'estoit point fait pour cause de vendition/ mais par maniere\nd'eschange/ car il estoit en ce lieu tenu de recompenser celui qui luy\navoit faict transport de luy bailler la moiti\u00e9 plus de telz biens d'une\nautre dame dont il avoit requis. Surquoy finablement partyes ouyes elles\nfurent appointees en droit/ et depuis ledit seneschal par sa sentence\ndeist et declaira que ledit demandeur ne seroit point receu audit\nretraict et que ledict deffendeur jouyroit dudit baisier selon le\ntransport et donation a luy faicte/ Et si le condampna aux despens dont\ncelluy demandeur appella en ladicte court de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9\nreceu pour juger. si a la court veu ledit proc\u00e9s avec ce qu'il failloit\nveoir en ceste matiere & tout veu dit qu'il a est\u00e9 bien jug\u00e9 par ledit\nseneschal & mal appell\u00e9 par l'appellant & l'amendera & si condampne la\ncourt es despens la tauxation reservee par devers elle.\n\u00b6 Le .xv. arrest\nPar devant le reformateur general sus le faict des abus d'amours c'est\nassis ung proc\u00e9s entre ung amoureux demandeur d'une part et une sienne\ndame et amie deffenderesse d'aultre part et disoit ledit demandeur que\npour avoir accointance & privee familiarit\u00e9 de ladicte deffenderesse il\nse estoit plusieurs foys tyr\u00e9 par devers elle & luy avoit compt\u00e9 tout\nson cas qu'elle le voullist aymer. Disoit oultre qu'il estoit vray que\npour le entretenir en amour & affin qu'il luy souvint de luy il lui\navoit baill\u00e9 plusieurs bagues & joyaulx & mesmement quant il parla a\nelle/ derrenierement lui bailla six aulnes de damas pour faire une cotte\nsimple deux petites verges d'or/ quatre aulnes d'escarlatte/ une\nturquoise/ & ung agnus dei dor\u00e9 bien gent avecques plusieurs aultres\nmenues choses/ or disoit il que depuis qu'elle a eu lesditz dons elle a\ntenu de luy moins compte que devant en commetant vice d'ingratitude et\nsi luy tient les plus estranges termes de jamais car quant elle le voit\nne s'en faict que mocquer qui est mal consider\u00e9 le plaisir & peine qu'il\na eue pour servir et acquerir sa grace et pource que il scet bien qu'il\nne la s\u00e7auroit contraindre a l'aymer s'elle ne le vouloit requeroit que\ncommandement luy fust fait pour declairer c'elle l'aymeroit ou cas\nqu'elle en seroit reffusant qu'elle feust condampnee a luy rendre/ et\nrestituer lesdictz dons qu'il luy avoit baill\u00e9 & ne demandoit point les\ndespens pour ce qu'il disoit que il l'aymoit trop De la partye de la\ndeffenderesse fut deffendu au contraire disant qu'en matiere d'amours\nn'y a point de reception et que yceulx qui demandent ce qu'ilz ont donn\u00e9\ndoivent estre reputez infames et privez de tous biens d'amours/ Or soit\nque cest amant estoit jeune & estourdy qui n'entendoit point son cas/\ncar il luy sembloit pour ses beaulx yeulx qu'on luy devoit ottroyer ce\nque il demandoit des la premiere fois sans ce qu'on l'eust essay\u00e9 ne\nsans s\u00e7avoir qu'il a au ventre. disoit oultre qu'elle luy a dit\nsouventeffois que quant elle le rencontroit en la rue qu'elle ne luy\nfaisoit point de chere affin que les gens ne s'en aperceussent mais il\ns'en courrouce et voulsist bien qu'elle luy rist a plaine gorge ou qu'on\ns'arrestast de pied quoy pour parler a luy et tenir langage qui n'est\npas la maniere. Disoit oultre ledit amant qu'elle declairast s'elle\nl'aymeroit ou non. Il ne estoit pas recepvable/ car en telles choses on\nn'a pas accoustume de marchander avant la main ains faul congnoistre\navant que aymer/ et s\u00e7avoir se il est digne d'aymer et quelz biens il a\nen luy & qu'il se doit experimenter/ et quant elle le trouvera seur elle\nle pourra prendre en grace/ ou luy donner cong\u00e9/ et ne peult on trop\nacheter amour de dame. Touchant des bagues disoit que elle ne luy\ndemanda oncques riens & n'en vouloit riens prendre si n'eust jur\u00e9 et\ncontraint les prendre a force & depuis avoit employ\u00e9 le drap en robe que\nelle avoit vestue pour l'amour de luy. disoit qu'elle s'en repentoit de\nbon couraige/ et qu'elle ne vouloit riens de l'autruy ne avoir rien de\nluy affin qu'il ne luy peust rien reprocher estoit contente et luy\noffroit de bailler tout ce qu'il lui avoit donn\u00e9 pourveu que ledict\namant ne l'eust point entre ses mains & que les draps robbes bagues &\naultres choses par elle receuz except\u00e9 l'agnus dei fussent en sa\npresence & devant ses yeulx ars & bruslez sans ce qu'il en fust jamais\nnouvelles/ et affin qu'il ne se peust vanter/ ne dire qu'il eust bien\nbesongn\u00e9 comme plusieurs font au jourd'huy quant ilz peuent retenir\nleurs bagues & disoit que ainsi le debvoit faire pour la seurt\u00e9 d'elle\net obvier aux autres inconveniens qui s'en pourroyent ensuyvir comme de\ns'en mocquer et dire telle chose qui fut a telle que j'ay eue/ et\nrecouvert par dyvers moyens a ses fins concluoit d'absollution requerant\ndespens. Le demandeur disoit pour ses repliques quant une chose est\ndonnee esperance & condition non advenu ou qui n'est point acomply\nqu'elle doit estre rebaillee a celluy qui l'a donnee aultrement seroit\nfrustree de son intencion/ au moins quoy qu'il en soit il n'en doit\npoint avoir de dommaige Or disoit il devant lesditz dons par luy fais\nluy faisoyent avoir assez bel accueil de sadicte dame/ mais despuis que\nelle les avoit eues elle ne le daignoit a peu regarder ains sembloit\nqu'il luy fist mal & qu'elle prent desplaisir a le veoir & ne vouloit\npoint avoir les bagues Mais il luy faisoyt trop grant mal qu'elle eust\nle sien et que elle se mocquast encores de luy. Disoit oultre que il\nestoit content et offroit en jugement s'elle le vouloit aymer de lui en\ndonner plus la moyti\u00e9 qu'elle n'avoit eu/ et de plus grant chose cent\nfoys. Sur ce point le procureur d'amours disoyt que telz choses ne\npouoyent vendre ne marchander par argent bagues joyaulx & qu'il est\ndeffendu d'en user/ et pource que cest amoureux en auroyt argent/ et en\nvoulloit avoir par telz moyens illicites disant qu'il estoit amendable\net requeroit a ceste fin qu'il feust condampn\u00e9 envers amours en une\ntresgrosse amende Et au regard des biens dont estoit question s'en\nraportoit a justice et audit amant qui estoit feru d'amours ne lui\nchault qu'il face mais que il ait allegement et deust il vendre jusques\na se achepter lesdictz biens/ car bien s\u00e7avoit qu'ilz ne se vendent\npoint/ mais seulement qu'elle congneust la bonne voulent\u00e9 qu'il avoit\nenvers elle mais ceste deffenderesse disoit que elle n'avoit cure de luy\nne de ses biens et que jamais par contraincte de personne ne esperance\nde dons ne de biens elle n'auroit personne veu qu'il n'en print mal a\ncelles a qui le font. Et au regard d'elle disoit qu'elle aymoit mieulx\nen aymer ung ou fust son plaisir que avoir tous les biens temporelz/ et\njoyaulx du monde que on luy pourroit donner ledit amant requeroit\ndoncques que les aultres biens qu'elle avoit euz luy feussent rendus/ et\ndisoit qu'il se pourvoiroit aillieurs & s'aideroit a oster de l'amour\nd'elle au mieulx qu'il pourroit en mauldissant l'heure que il l'avoit\njamais veue & ouye. lesquelles parties furent appointees en droit &\ndepuis ledit reformateur general par sentence dist & declaira en tant\nque touchoit le drap de damas & l'escarlate qui estoit employ\u00e9 en robbes\nque ycelle dame deffenderesse ne seroit tenue d'en rien restituer mais\nau regard des verges de l'agnus dei et aultres bagues qui estoient\nencore en nature il la condampne a les rendre et restituer audit amant\ndemandeur pour en faire a son bon plaisir & au surplus pource que ledit\namant en demonstrant son affection desordonnees avoit ainsi offert en\njugement argent pour estre aym\u00e9 et pour avoir des biens d'amours\nautrement que a point ledit reformateur le condampne en amende envers\namours & au double de ses biens par lui offers Et recompensa les despens\nd'ung cost\u00e9 et d'autre & pour cause de laquelle sentence ledict amant\nentant qu'elle faisoyt contre luy en appella/ & pareillement en appella\nladicte dame en la court de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger\njoinct ung grief que ledict amant disoit estre hors ledit proc\u00e9s entant\nque ledit reformateur luy avoit donn\u00e9 sa sentence/ ou jour de feste/\nc'est assavoir le premier jour de may et l'aulbespine nouvelle. Sy a la\ncourt veu ledit proc\u00e9s a grant et meure deliberation avecques tout ce\nque il failloit veoir en ceste maniere/ & tout bien veu & consider\u00e9 la\ncourt dist entant que ledit amant est appellant il a est\u00e9 bien jug\u00e9 par\nledict reformateur general et mal appell\u00e9. et entant que ladicte\ndeffenderesse a appell\u00e9 a est\u00e9 mal jug\u00e9 & en amendant le jugement\nladicte court dict que ledict amant ne fait a recepvoir a demander\nlesditz dons & bagues qu'il avoit donn\u00e9 a ladicte dame et que trestout\nluy demourroit comme siens pour en faire ce qu'elle vouldra sans ce\nqu'elle en soyt tenue de luy en rendre et restituer aulcune chose et si\nle condampne es despens de la cause principalle & de la cause d'appel ou\nil estoit appellant seulement la tauxation reservee par devers elle.\n\u00b6 Le .xvi. arrest.\nDevant l'ung des audicteurs desdites causes d'amours c'est assis ung\nautre proc\u00e9s entre ung povre amant demandeur et requerant l'enterinement\nde certaynes lettres de respit d'une part. et une sienne dame\ndeffenderesse d'autre part. Et disoit ledict demandeur qu'il a est\u00e9 fort\nmalheureux en amours parce qu'il a eu a faire aux femmes qui tirent\nhuylle de noix a quoy ne pouoit contenter de dons disoit avecques ce que\npour luy complaire et affin que son service luy feust agreable il luy\nconvint faire plusieurs gratuit\u00e9s & mises excessives. Et si a est\u00e9\ncontrainct de soy tenir joly & de changer souvent habitz enquoy il a\nbeaucoup fray\u00e9 et despendu du sien. et aussi faisoit le plus des jours\nde la sepmaine dancer faire karoles et plusieurs aultres jeux &\nesbatemens tant que toutes les dames l'honnoroyent et y a tellement\nfray\u00e9 qu'il en est fort en debt\u00e9 Et puis la dame en qui il se fioit si\nl'abandonna et bailla le bont dont luy sont survenues plusieurs aultres\nfortunes au moyen desquelles il ne s\u00e7auroit a present payer ses\ncreanciers sans faire vile possession de ses biens Et pource avoient & a\nobtenues lesdictes lettres de respit: dont il requeroit l'enterinement\naussy que l'execution de certaines obligations par laquelle il estoit\noblig\u00e9 envers ladicte demanderesse fust tenu en surceance et delay\njusques a ung an es despens contre ceulx qui le vouldroyent empescher.\nDe la partie de ceste deffenderesse fut deffendu au contraire & disoit\nque dames n'ont point argent quant elles veulent ains ont grant paine a\nen assembler & si leur en convient tousjours avoir pour employer en\nrobbes & plusieurs aultres jolivet\u00e9s survenans chascun jour et disoit\navecques ce que cest amant ung jour vint a elle tout desconfort\u00e9 la\nrequerir de luy ayder/ et prester jusques a deux escus pour avoir le\ndrap d'ung pourpoint de velours qu'il avoit achept\u00e9 dont elle fut au\npremier ung peu reffusante. Touteffois au dernier elle meue de piti\u00e9 en\nvoyant la grant necessit\u00e9 du povre gallant qui ploroit presque luy\npresta de bon cueur ladicte somme moyennant & parmy ce qu'il luy promist\nrendre et payer dedans certain temps pie\u00e7a pass\u00e9 dont il n'avoit riens\nfait mais se vouloit aider dudict respit. Or disoit elle qu'il ne luy\ndevoit estre enterin\u00e9 par plusieurs moyens\n\u00b6 Premierement car la debte estoit previlegee & procedant de dame qui ne\ndoibt plaider dessaisie encontre luy qui est oblig\u00e9 Secondement car les\npertes/ & les fortunes par luy aleguees ne estoyent point recepvables\natendu qu'il ne monstroit point que elles feussent advenues par trop\naymer ou maladies d'amour ain\u00e7ois par son propos prins en son prejudice\nn'en debvoit point jouir car il confessoit qu'il avoit servy plusieurs\ndames en plusieurs lieux. Et ainsi ne luy pouoit pas bien venir de ses\nbesongnes/ car ung homme qui a plusieurs dames n'est gueres souvent\ntrouv\u00e9 loyal/ & est bien employ\u00e9 quant il luy meschiet consider\u00e9 que il\nn'est pas possible en ce cas d'y garder foy & loyault\u00e9. Si disoit par\nses moyens que ledit respit ne luy doit estre enterin\u00e9 & que nonobstant\na celuy elle debvoit incontinent estre payee et demandoit despens. A\nquoy ledit amant disoit pour ses repliques qu'il estoit impossible de\ncontraindre une personne a payer plus qu'il ne s\u00e7auroit finer. et au\nregard de luy il confessa bien devoir ladicte somme loyaulment mais les\neaues estoient si basses qu'on n'y s\u00e7auroit prendre poisson et brief a\npresent ne avoit dequoy payer. Disoit oultre que ladicte deffenderesse\nn'avoit pas grant interest a l'enterinement dudit respit veu qu'il ne\nduroit que ung an & qu'elle n'estoit pas indigente. mais ycelle\ndeffenderesse en perseverant en son fait disoit oultre que ce n'estoit\npas raison que le gallant portast pourpoint de vellours a ses despens/\nAussi elle avoyt a faire du sien/ au regard de sa povret\u00e9 disoit qu'il\nn'en laisseroit ja a faire grant chiere/ requerant au surplus qu'il fust\ncontraint par prinse de corps a lui payer la somme veu la matiere qui\nestoit previlegiee. Surquoy finablement parties ouyes l'auditeur par sa\nsentence dist et declaira que le respit ne seroit audit demandeur\naulcunement enterin\u00e9 & que nonobstant ycelles il seroit contraint par\nprinse de biens & de sa personne payer ycelle somme a ladicte\ndeffenderesse incontinent et sans delay en le condampnant es despens de\nl'instance/ de laquelle sentence ycelluy demandeur si appella en la\ncourt de ceans ou le proc\u00e9s a est\u00e9 receu pour juger & a ladicte court\nveu le proc\u00e9s et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout\nveu dict la court qu'il a est\u00e9 bien jug\u00e9 par ledit auditeur & mal\nappell\u00e9 par ledict appellant et le amendera et si le condampne es\ndespens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.\n\u00b6 Le .xvii. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre ung moult\ngracieux amoureux appellant de hongnart sergent dangereux d'une part &\ndanger & chagrin parties intimees d'autre part Disoit ledit appellant\nque pour servir une syenne dame et maistresse plaine de biens et de\nbeault\u00e9 et aussi pour monstrer qu'il estoit tout prest de luy obeyr il\ns'estoit plusieurs foys transport\u00e9 en la rue ou elle demoure en la\nsaluant de tresbon cueur touteffoys et quantes qu'il la pouoit veoir a\nl'huys en luy faisant le petit genouil/ mais puis aulcun temps en \u00e7a/\nledit danger et chagrin qui s'en sont bien doubtez l'ont menass\u00e9 de luy\nporter grant dommage en corps et en biens. et qui pis est des\nincontinent qu'ilz voyent maintenant ledict galant passer ou que la\ndessusdicte dame luy soubzrit du coing de l'oeil en luy disant adieu ou\nquelque aultre mot ilz n'en font que rechisner toute la journee et en\nestoyent si trescourroucez de ce qu'elle parloit a luy qui n'en\ns\u00e7avoyent que dire et ne s\u00e7avoyent que faire de s'en courroucer\ntellement en estoyent marris Et combien qu'il leur ait fait doulcement\nremonstrer qu'il ne pense aucun mal neantmoins ledit sergent luy a fait\ncommandement qu'il ne voise plus ou sa dame sera & a la dame qu'elle ne\nsoit si osee de le regarder ne rire ains que des incontinent que elle le\nverra venir qu'elle s'en parte et entre en sa maison affin qu'il ne la\npuisse veoir & qu'il ne perde ses pas a l'encontre desquelz exploitz\nl'amoureux c'est opos\u00e9 mais ledit sergent ne luy a voulu recepvoir dont\nil s'est sentu trop grev\u00e9 tellement qu'il en a appell\u00e9 en la court de\nceans ou il a depuis bien & deuement relev\u00e9/ et concluoit tout pertinent\nen cas d'appel qu'il a est\u00e9 mal command\u00e9 mal deni\u00e9/ mal deffendu et\nexploict\u00e9 par ledit haignart/ et bien appelle par luy a ses fins offroit\na prouver et demandoit despens De la partye desdictz chagrin et danger\nparties intimees si a deffendu au contraire & disoit qui ne pourroyt aux\npremiers mouvemens des cueurs des jeunes a tresgrant peine on en peult\napr\u00e9s estre maistre & qu'on ne les doit point laisser converser\nsouffrir/ ne festoyer l'ung l'autre par regars ris ou autrement/ car il\nen advient aucuneffoys plusieurs inconveniens dont n'est ja besoing de\nparler pour le present/ car qui parleroit plus avant il en pourroit\nbesongner a son entente. Or se pressupos\u00e9 disoyent qu'ilz estoyent\ncommis au regard de ladicte dame & tenus d'en respondre s'elle versoit\nmal/ par quoy avoyent cause de empescher que personne ne s'en\napprochast/ aussi le galant n'estoit aulcunement de la parent\u00e9 ou finit\u00e9\nd'elle Et neantmoins il se ingeroit tous les jours de l'accointer et\nparler a elle/ et ainsi justement luy avoyent peu deffendre d'aller et\nvenir et ne estoit son appellation recevable. et au regard qu'il disoit\nque il n'y pensoit aulcun mal a elle/ et qu'il eust myeulx souffert la\nmort qu'il luy eust est\u00e9 reproche qu'il luy eust dit aucune parolle\ndeshonneste ne villaine qui luy feust tournee a son prejudice/\nrespondoient que ce ne estoit pas pourtant a dire qu'il y deust penser\nbien et que le plus seur estoit de ne se y trouver point Si concluoit\npar ses moyens affin de non recepvoir apr\u00e9s mal appell\u00e9 & demandoit\ndespens/ a quoy l'appellant requeroit au contraire et disoit que se l'en\nne voulloit qu'il eust aulcun bien au moins que sadicte dame qui n'en\npouoit mais n'en debvoit avoir aulcun mal ou dommage entendu qu'il y\nmetoit peine autant qu'il estoit possible. Disoit aussi que c'estoit\nbien grant rigueur a eulx de empescher qu'elle ne venist a lui ainsi que\nelle avoit acoustum\u00e9 et la tenir si estroictement qui n'estoit point\nchose a requerir de la vouloir tenir si court/ et quant est de la rue\ndisoit ledit appellant qu'elle n'appartenoit pas ausditz intimez ne n'y\navoyent fait faire les carreaux qui y estoient parquoy l'avoit deffendu\nqu'il n'y marchast et passast nullement la deffence estoit torcionnaire\n& son appellation bien recepvable. Sur quoy lesditz intimez disoyent\nqu'ilz ne voulloyent pas empescher/ que l'appellant n'y passast mais\nseulement garder qu'en passant il ne veist la dame et si en cecy il y\navoit grief ce seroit a elle a plaindre et nompas a luy. Finablement\npartyes ouyes elles ont est\u00e9 appointees en droit et a mettre par devers\nla court/ et au conseil ce que bon leur sembleroyt. La court a veu\nledict proc\u00e9s au long avec ce qui est\u00e9 produict et ce qu'il failloit\nveoir en ceste matiere & tout veu la court dict qu'il a est\u00e9 mal\nexploict\u00e9 par ledit hongnart/ Et bien appell\u00e9 par ledit appellant/ et\npermet la court audit appellant de passer et rapasser a toutes heures\nsoit de nuit ou de jour par la rue/ et devant l'huys de sa dame pourveu\nqu'il ne pourra parler a elle sans la presence dudict dangier/ ou de ses\ncommis qui sont tenus de luy rendre compte de toutes les parolles &\nbesongnes que ilz se feront ensemble et desquelles parolles et besongnes\niceulx commis prendront ladicte declaration par escript pour leur\ndescharge et leur valoit enqueste la ou il appartiendra & si condampne\nla court lesditz intimez es despens de la cause d'appel la tauxation\nreservee par devers elle.\n\u00b6 Le .xviii. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung autre proc\u00e9s entre une dame\nappellant d'une part/ et ung sien amy intime d'autre part. Et disoit\nladicte appellante pour la cause d'appel que ja\u00e7oit que en amours force\n& voye de fait sont deffendues neantmoins ledit intime ung journee tout\neschauff\u00e9 s'en vint vers elle et s'effor\u00e7a de l'embrasser et qui plus\nest tout en ung moment sans dire dieu gard ne autre chose il la baisa\nmaulgr\u00e9 elle/ et a force dont elle appella et concluoit qu'il avoyt mal\nproced\u00e9 Le deffendeur disoit que pour elle avoit beaucoup souffert de\nmal et qu'il l'avoit fort aymee et si le savoit bien mais elle n'en\ntenoit gueres de compte et ne luy vouloit donner aucun alegement disoit\nqu'il l'avoyt tant pourchass\u00e9 envers elle qu'elle luy avoyt promis ung\nbaisier mais elle s'excusoit de luy donner et brief une foys luy dist\nqu'elle estoit empeschee a l'autre qu'il n'estoyt pas heure & qu'il\nrevenist a ung aultre jour et tellement qu'elle l'avoit pourveu par\ntelles frivolles excusations par bien long temps & affermoit ledit\ngalant par sa foy qu'il avoit est\u00e9 troys moys a la poursuytte dudict\nbaisier qui estoit bien grant piti\u00e9: & par ce luy voyant qu'il n'en\npouoit plus a une journee que dangier estoit hors de la maison luy pria\nqu'elle entretenist sa promesse dont ne voult riens faire ain\u00e7oys le\nvouloit delayer comme devant/ Et pource luy estant au destroit d'une\ngrant challeur qui luy print au cueur/ et voyant qu'elle ne voulloit\nfaire rayson d'elle mesmes pour priere ne requeste qu'il luy fist print\nledit baiser de soymesmes enquoy ne peult ladicte dame dire estre grevee\ncar il ne luy a faict aultre blessure dont elle se doyt plaindre/ et\nquant a la voye de faict dit qu'il avoyt ass\u00e9s attendu & que veu les\nreffus precedans & les longs delaiz que avoit prins/ il pouoit et devoyt\nainsi proceder et concluoit que ledict appel n'estoyt recepvable et quoy\nque soyt que ladicte dame avoit tresmal appell\u00e9/ et demandoit despens en\nrequerant que oultre le baiser qui avoit est\u00e9 ainsy prins par emblee et\nsans acollee il en eust ung aultre tout entier et de bon cueur. A quoy\nla dame pour ses replicques disoit qu'elle ne avoit point promis de\nbaiser & que pos\u00e9 qu'il y eust promesse si estoit elle condicionnelle\nc'est assavoir/ ou il luy plairoyt et avoit elle reserv\u00e9 le temps de le\ndonner: et par ainsi le grief y estoit tout evident disoyt que avant la\npromesse eut est\u00e9 pure et symple/ sy failloit il qu'elle fust congneue &\nqu'il y eust deliberation sur ce faicte avant qu'on la peust excuser et\ny venir par voye de doulleur et non par faincte et voye de fait\ndeffendue. parquoy avoit est\u00e9 grevee. Mais ledict intime en dupliquant\ndisoyt qu'il vouldroyt en telles matieres tenir long proc\u00e9s ordinaire et\nfaire preuves a chascune fois il ne seroit jamais jour Et auroient les\ndames trop d'avantaige contre les povres amans car tous les tesmoings en\nce cas sont pour elles et a leur poste et disoit au surplus que quant il\nn'y auroit eu ne don ne promesse sy ne pouoit il a tout le moins pour\nses peines et salaires d'avoir servi si long temps que avoir ung baisier\net que en tel cas qui sont previlegiez l'en peut proceder par voye\nd'execution et prendre les biens ou on les treuve concluant comme dessus\noyes les parties au long elles ont est\u00e9s apointees en droict et a mettre\npar devers la court et au conseil ce que bon leur semblera. Si a l'en\nveu le proc\u00e9s et ce qui faisoit a veoir en ceste matiere. et tout veu la\ncourt dit qu'il a est\u00e9 bien proced\u00e9 par l'amant et mal appelle par\nl'appelante et l'amendera en la condampnant es despens de la cause\nd'appel la tauxation reservee & ordonne la court que le baiser ainsi\nbaill\u00e9 par contraincte ne sera point compt\u00e9 mais ladite dame sera tenue\nde luy en bailler ung autre en ce lieu de bon cueur toutes et\nquanteffois qui l'en requerra pourveu que danger n'y soit point ne n'en\ns\u00e7aura rien affin qu'il n'en puisse grongner.\n\u00b6 Le .xix. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une tresbelle\ndame et le procureur general d'amours avec elle adjoinct demandeurs en\ncas de exc\u00e9s et de delict d'une part/ et une vieille chamberiere\ndeffenderesse d'aultre part. et disoit la dame que toutes servantes\ndevoyent foy & loyault\u00e9 a leurs maistresses avoir courte langue et\nlongues oreilles & grandes qu'elles ne sont pas dignes de demourer en\nquelque maison que ja pie\u00e7a elle loua une chamberiere pour la servyr\ndeux ans pour certain pris convenu entre eulx. Et oultre luy avoit\npromis par dessus son sallaire mais qu'elle fist bien la besongne une\npaire de chausses au bout de l'annee et ung de ses vielz chapperons. Et\ncombien qu'elle en eust trouv\u00e9 assez d'autres qui eussent bien voulu\ndemourer avec elle sans prendre denier ne maille touteffois a l'ocasion\nde ce que la chamberiere sembloit estre secrette & avoit beaucop veu/\nicelle dame fut meue de la retenir devant toutes autres et la fist venir\ndes lors en son hostel ou du commencement elle a fait merveille de\nservir mais en effect voyant que sa maistresse se fioit fort en elle luy\nmonstroit grans signes d'amours elle a voulu entreprendre sur elle et se\nmesler de toutes besongnes Et de fait est advenu quant ung sien amy de\ncongnoissance que ladicte dame aymoit en tout bien & en tout honneur\nvenoit a l'hostel soy esbatre ou compter des nouvelles de la ville et\npasser temps Ceste chamberiere escoutoit tout Le lendemain ou le soir\nmesmes rapportoit tout ce que ladicte dame et son amy avoient dit\nensemble a dangier le mary qui estoyt mal faict a elle/ et tellement que\nbien souvent la nuit au lict ledit dangier luy tenoit plusieurs rigueurs\net luy en gectoit puis \u00e7a puis la ung mot a la vollee et par ambages\ndont elle estoit bien esbahie mais icelle dame considerant qu'il\nn'estoyt pas possible qu'il en sceust rien a la verit\u00e9 s'il ne le\ndevinoit ne jamais n'eust cuid\u00e9 que la vieille en eust parl\u00e9 ung mot veu\nqu'elle la tenoit seure de son cost\u00e9 comme elle devoit estre Or estoit\nvray que a une journee ainsi que ledict gallant s'en vint esbatre\nl'apresdinee comme il avoit acoustum\u00e9 la dame tenant sa quenoulle\nd'aventure laissa cheoir son fizeau. Lequel gallant en demonstrant son\nhumillit\u00e9 le leva et en luy baillant la baisa. Dont ycelle dame le\nremercia en soubzriant et sans penser nul mal/ mais la vieille en despit\nde sa maistresse qui l'avoit tancee le matin pour occasion de ce qu'elle\nne luy avoit pas ploy\u00e9 ses gorgias dist et proposa en soymesmes qu'elle\ns'en vengeroit/ et de faict aussy tost que dangier fut venu de la ville\nelle luy commen\u00e7a a compter tout le cas & plus la moyti\u00e9 qu'il n'y\navoit/ dont il n'en sonna mot et le garda en son cueur trois ou quatre\njours en rechygnant puis apr\u00e9s se desgorga en maulgreant que se le\ngallant y retournoit plus qu'il luy coupperoit les jambes. Si fut la\ndame bien esbahye et ne se feust jamais doubtee de ladicte vieille. Mais\ntouteffois a la fin il a tout sceu et a la vieille gast\u00e9 son cas/ car\npar le moyen de telz rappors elle cuidoit devenir maistresse & tailler\nles morceaulx a ladicte demanderesse & pource a est\u00e9 boutee hors de\nl'hostel et depuis constituee prisonniere pour raison du cas qui est de\ngrant consequence et concluoit ladicte dame a l'encontre d'icelle\nvieille chamberiere qu'elle feust condampnee a luy crier mercy et faire\namende honnorable nudz piedz & sans coyffe coeuvrechief ny chaperon en\nsa teste et aussy en tenant une torche en sa main et disant que a tort\net maulvaisement elle avoit raport\u00e9 les parolles de sa dame et\nmaistresse & de ce qu'elle l'avoit fait tancer qu'elle s'en desdisoit\ndevant tout le monde/ et en oultre qu'elle feust contraincte et\ncondempnee a venir dire et declairer devant dangier que tout ce qu'elle\nluy avoit dit et raport\u00e9 de sadicte maistresse avoit est\u00e9 controuv\u00e9 par\nelle contre verit\u00e9 et par mallice. affin que icelluy danger n'y eust\nplus de suspition. Et au regard dudict procureur general d'amours qui\nestoit adjoinct avec ladicte dame il disoit que ce cas icy estoit digne\nde grant punition. et que il ne se devoit point passer soubz\ndissimulacion/ Car la consequence estoit trop perilleuse pour\nl'esclandre qui en pouoit tous les jours advenir Disoit aussi que\nchamberieres sur toutes choses doibvent estre secrettes et aussy celer\ntout ce qu'elles voient faire en amours comme font confesseurs et y est\nla paine si grande selon les droictz que celles qui revelent ainsi\nsecretz sont digne de mort. Or disoit il que ceste vieille avoit revell\u00e9\nles secretz de sa maistresse audit dangier pour a tousjours le cuyder\nmettre en noise et rapporter la moyti\u00e9 plus qu'il n'y avoit de mal. Et\npour ce concluoit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a estre\narce & bruslee ou a tout le moins qu'on lui per\u00e7ast la langue d'ung fer\nchault devant tout le monde affin que les autres servantes et\nchamberieres y prinsent exemple et que son sallayre qu'elle devoit avoir\nfust declair\u00e9 forfait & fust confisqu\u00e9. Ou que telles autres conclusions\nfussent adjugees ainsi que le cas le requeroit et que la court\nadviseroit en requerant au surplus que pour pourveoir a telz\ninconveniens y eust visitacion sur lesdictes chamberieres/ car les plus\ngrans dangiers du monde en viennent. et disoit oultre que jamais l'en ne\ndevoit laisser a telles vieilles chamberieres porter la clef du vin car\nquant d'aventure elles ont beu ou faict bonne chere elles parlent aussi\nbien contre elles que pour elles/ et la ou elles cuydent sauver\nl'honneur de leurs maistresses c'est adonc l'heure qu'elles gastent\ntout. Et puis apr\u00e9s ne leur en souvient lendemain et jurent et afferment\nhardyement que en leur vie n'en parlerent mot dont ce a est\u00e9 cause de\nplusieurs maulx qui en viennent parquoy le procureur requist que la\ncourt mist sur ce provision De la partie de ladicte vieille fut deffendu\nau contraire et disoit que quant elle vint demourer en l'hostel de\nladicte maistresse elle luy promist fayre beaucoup de biens/ mais elle\ns'en estoit bien petitement apperceue et si avoit tant eu de peine que\nmerveilles. Or estoit vray que ledit dangier son mary des l'entree et au\ncommencement qu'elle entra leans il parla a elle a part en l'oreille &\nluy promist de luy donner tous les ans une robe et ung bon chapperon\noultre son sallaire affin qu'elle se print garde de la dame qui estoit\nencore bien jeune et luy rapporter toutes nouvelles de ce que son\nmaistre luy avoyt faict promettre ycelle chose luy disoyt tout ce\nqu'elle veoit faire a sa maistresse en gardant tousjours l'honneur des\ndames comme tenue y estoit/ et aussy affermoit que jamais elle ne luy\nfist faire chose qui ne feust bonne et honneste/ et combien que ladicte\nvieille la servist le myeulx qu'elle pouoit/ touteffois ycelle\nmaistresse ne s'en pouoit contenter/ et la ten\u00e7a tresbien dont ladicte\nchamberiere se courrou\u00e7a et advint que pource qu'elle veist le gallant\nledict jour a l'hostel qu'elle le dist a son maistre & comment il\nl'avoit baisee Or disoit elle que de ce l'en ne la pouoit reprendre &\nqu'elle n'avoit point fait de mal/ car elle estoit beaucoup plus tenue\nd'obeyr a son maistre qu'a elle et aussi avoit il marchand\u00e9 a elle et\nlouee par telle condition qu'elle luy devoit tout rapporter. Parquoy\nelle n'avoit faict que son debvoir et ne luy en eust point parl\u00e9/ si non\nque son maistre luy promist qu'il n'en diroit riens a elle & ainsi l'on\nla debvoit excuser tendant & concluant par ses moyens affin d'absolution\nA quoy fut repliqu\u00e9 par ladicte demanderesse disant que toute l'eaue de\nla riviere ne la pouoit laver du cas/ car elle s\u00e7avoit bien qu'elle se\nfyoit en elle et qu'elle s'en fust bien gardee se elle eust voulu et\nsans ce qu'il en eust riens sceu. Et suppos\u00e9 que l'on dye que toutes\nservantes et chamberieres doybvent servir premierement leurs maistres\nque leurs maistresses cela s'entent touchant le service comme de boire &\nde manger/ mais au regard d'autres choses riens/ ains fault que elles\nobeyssent a leurs maistresses. Aussi ont elles previllege que se leurs\nchamberieres ne sont a leur poste elles ne doybvent pas demourer trois\njours en la maison/ & apr\u00e9s disoit le procureur que veu que ladicte\nvieille confessoit que elle prenoit argent de son maistre oultre son\nloyer pour reveller les secretz d'amours l'en ne le pourroit trop\npugnir/ & quant est de l'excusation qu'elle prenoit sur ce que son\nmaistre lui avoit promis de n'en rien dire ne luy en faire semblant elle\nne valloit riens/ car jamais en tel cas l'on ne faict telles promesses\nsi non pour s\u00e7avoir et enquerir plus avant et concluoit a reparation du\ncas comme dessus est dit. Surquoy ladicte vieille disoit au contraire\nque son faict estoit pitoyable & que jamais n'en eust parl\u00e9 se elle eust\nsceu qu'il en fust venu mal/ ou qu'il y eust eu danger pour sa\nmaistresse. Finablement parties ouyes ont est\u00e9 apoinctees en droict et a\nproduire par devers la court et au conseil ce que bon leur semble. Si a\nladicte court veu le proc\u00e9s avecques la confession faicte par la vieille\n& tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure\ndeliberation/ et tout veu la court a condampn\u00e9 ladicte faulce vieille\npour raison du cas a elle commis a crier mercy a ladicte demanderesse et\nestre pilloriee par trois foys au jour de march\u00e9 et oultre la prive &\nbannisse du service des dames a tousjoursmais de quelque estat qu'elles\nsoyent en luy deffendant sur peine de la hart que jamais en bonne\ncompaignie ne se trouvast. Au regard des aultres provisions requises par\nle procureur general touchant la visitacion/ la court a ordonn\u00e9 certains\ncommissaires qui se informeront sur les abus pour apr\u00e9s y pourvoir ainsi\nqu'il appartiendra\n\u00b6 Le .xx. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre ung amant\ndemandeur d'une part a sa dame/ d'autre part disoit ledict demandeur que\nle plus grant desir que cueur d'amant ait c'est de veoir souvent sa\ndame/ mais pour doubte de faulx semblant et malle bouche qui sont\ntousjours espiant il estoit contraint de aller de nuyt passer devant\nl'hostel de la dame et s'il ne la trouvoit il baisoyt l'huis et s'en\nalloit pensif/ mais il se esjouyssoit pensant que amours luy avoit fait\nsi grant grace devenir a si hault bien Et puis quant il estoit couch\u00e9 &\nil ymaginoit en soy mesme que sa dame ne s\u00e7avoyt riens s'il estoit venu\nou non & qu'elle ne luy en s\u00e7avoit aulcun gr\u00e9 pource qu'elle ne l'avoit\nveu: il se retournoyt dedens le lict plus de cent mille fois et ne\npouoit dormir: et apr\u00e9s ce/ venoit sur le point du jour qu'on ne voit\nencores guaire luy failloit ribon ribaine se lever du lict et s'en aller\nde rechief devant l'hostel de sadicte dame escoutant lever les avaynes\net regarder par les crevasses de l'huys s'il la verroit point en son\ncorset ou a sa cotte simple/ car il en eust est\u00e9 en paradis. Or disoit\nil que incontinent qu'il estoit arriv\u00e9 et qu'il boutoit l'oeil entre la\nserrure et la fante par ou en oeuvre l'huys d'ung loquet il en y avoit\nau plus pres de la maison de sa dame une paillarde caille qui commen\u00e7oit\na crier/ et chanter courcaillet comme se seust est\u00e9 chose juree &\nqu'elle le voulsist accuser/ or disoit cest amant icy que au cry de\nladite caille son sens mesloit et perturboit/ ne n'y a homme si rassis\nqui n'en fust esbahy et tellement que aulcuneffoys de sanglante paour et\nfrayeur qu'il avoit se hurtoit le nez en se retrayant ne s\u00e7avoit qu'il\ndevenoit et encores pis ne cessoit de crier comme une enragee plus fort\nque devant jusques a ce qu'il s'en fust party qui luy estoit ung\ntresgrant ennuy et desplaysir et disoit que s'il pouoit veoir ou tenir\nladicte caille il la tueroit/ quoy qu'il luy deust couster mais il ne la\npouoit veoir ne prendre pour ce qu'elle estoit dedans la maison et\npource requeroit que ladite dame fust condampnee a faire abbatre la cage\net tuer ladicte caille ou faire vuyder dehors affin qu'elle ne luy\nescriast plus dessus son jeu ne fist desplaisir et disoit que c'estoyt\nraison. Et la partie de ladicte dame fut deffendu au contraire et disoyt\nque ladicte caille ne estoit sienne en sa puissance et subjection/ Car\nelle estoit en la maison d'ung de ses voisins qui y prenoyt plaisir a la\nnourrir et tenir parquoy n'y avoit que congnoistre aussi n'estoit ce que\nung povre oyseau qui gaingnoyt sa vie a chanter/ pource de la tuer se\nseroit tres mal faict/ disoit oultre que ladicte caille n'y pensoit a\nnul mal et n'estoit que sa coustume de chanter et quant est d'attendre\nlonguement a l'huys de la maison c'estoyt simplesse a luy/ car il pouoit\nbien penser que a l'heure de si hault matin il n'y avoit personne lev\u00e9\net luy eust mieulx valu estre couch\u00e9 & dormir encores Si concluoit\nladicte dame par ces moyens a fin de non recevoir et d'absolution A quoy\nledict amant pour ses replicques disoyt que de dormir n'eust il peu/ car\nen tel cas quant l'en veult dormir c'est a l'heure que on s'esveille et\nque une heure en dure cent. Et au regard de ladicte caille disoit que\nladite dame la debvoit faire abatre/ car elle avoit bien la\ncongnoissance au lieu ou c'estoit/ et ne failloyt que faire rompre ung\nou deux bastons de ladicte cage pour l'en faire en aller Et protestoit\nau surplus que se ladicte dame ne luy voulloyt faire que luimesme la\nferoit tuer a quelque meschief qui en peust advenir/ car aulcuneffois\nquant elle crioit elle l'effroyoit tellement et luy faisoit plus de mal\nque qui lui eust baill\u00e9 d'une dague par l'estomac/ surquoy finablement\nparties ouyes ont est\u00e9 appoinctees a mettre devant la court & au conseil\nSi a ladite court veu le plaidoy\u00e9 des parties et tout ce qui a est\u00e9\nproduict Et tout veu et consider\u00e9 ce qu'il faisoit a veoir & considerer\nla court dict que ledict amant ne faict a recepvoir a faire ladicte\ndemande contre ladicte deffenderesse/ Et si desclaire que ladicte caille\ndemourra la ou elle est pour vivre et chanter tout ainsi qu'elle pourra.\nEt oultre deffend la court audict demandeur de luy faire mal ne getter\npierres contre la caige pour l'abbatre a terre sur peine de confiscation\nde corps et de biens/ & d'estre priv\u00e9 de l'amour de sadicte dame.\n\u00b6 Le .xxi. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre ung aultre\namant demandeur d'une part et une sienne jeune dame et amye\ndeffenderesse d'autre part et disoyt ledict demandeur que ja pie\u00e7a\nsadicte dame se feist saigner du pied en l'eaue et de la vaine du foye\net pource que son medecin luy avoit encharg\u00e9 comment que ce fust qu'elle\nne s'endormist point apr\u00e9s la seignee. Icelle dame manda a son tresdoulx\namy demandeur que il se trouvast devers le soir devant son huys a tout\nla Harpe et les Orgues/ pour la resjouir et faire passer le temps affin\nque elle ne dormyst point. Et a ceste cause le gallant incontinent qu'il\nsceut les nouvelles laissa toutes besongnes et feist dilligence de se\ntrouver a l'heure assignee: garny des bas instrumens de mellodye qu'on\npouoyt finer et n'avoyt garde d'y faillir. Sy estoit vray que ainsy que\nlesdis menestriers commencerent a jouer/ ladycte dame s'en vint jouer/\nincontinent de plain bont et a l'estourdy ouvrit une des fenestres de\nladicte chambre ou elle estoit pour les ouyr de plus a plain/ mais il\nadvint que en retirant a elle ungs des potz de marjolaine ou de\nviolettes pour prendre place et se appuyer sur le bort des fenestres\nqu'elle fist par hativet\u00e9/ elle fist choir une palette plaine de son\nsang qu'on avoit mis sur ladicte fenestre pour essorer ainsi qu'on a\nacoustum\u00e9/ et tumba sur luy si que toute sa chemise en fut gastee et\nensanglantee et pareillement le colet de son pourpoint Touteffois il\ncuydoit lors pource qu'il estoit nuyt et aussi qu'on ne veoit goutte que\nce ne feust que eaue qui eust degoutt\u00e9 des violers en les arrousant et\nn'en tint pas grant compte ain\u00e7oys s'en tenoit tout joly esperant que\nsadicte dame l'eust fait tout de voulent\u00e9 pour l'amour de luy Or quant\nles menestriers eurent ass\u00e9s longuement illec jou\u00e9/ et qu'il fut temps\nde s'en aller ledict amoureux demandeur s'en partit moult reconfort\u00e9 et\nne luy duroit point le chemin. Mais se mal advint que en une des rues\npar ou il luy failloit passer a s'en retourner/ il y avoit eu moult\ngrant noise de gens qui s'estoyent entrebastuz et les queroit le guect\ntout partout et pource par suspe\u00e7on vint le guet demander audict\ncompaignon demandeur qu'il estoit et dont il venoit. A quoy il leur\nrespondit qu'il venoit de reveiller les potz de marjolayne/ mais l'en ne\nl'en vouloit pas croire: ain\u00e7oys firent les gens du guect approucher\nleur lanterne pour le veoyr a son visaige/ en quoy ce faisant fut\napperceu son colet du pourpoint tout plain de sang qui estoit respandu\nde la fenestre de sa dame sur luy. Et commen\u00e7a chascun a dire qu'il\nestoyt de ceulx qui s'estoient combatus en ladicte rue/ et qu'il en\nportoyt les enseignes/ combien que a la verit\u00e9 ne s\u00e7avoyt que c'estoyt\nde ladicte noyse: et a tant fut prins et men\u00e9 prisonnier non obstant ses\nbonnes raisons/ dont il fut bien esbahy et coucha la nuyt en prison ou\nil ne dormoyt guieres car cela luy valloit une seignee ou il ne failloyt\npoint dormir apr\u00e9s et le lendemain il fut delivr\u00e9 Or disoit que dudit\nemprisonnement et de la paine dommage et interest qu'il avoyt soustenus\nladicte dame en estoit tenue tout du long/ car ce avoit est\u00e9 par elle\nque le cas estoit advenu. et pour ce concluoit a l'encontre d'elle\nqu'elle feust condampnee a le recompenser de ses despens/ dommages et\ninterestz ou aumoins a lui donner pour recompensation dudit cas six ou\nhuyt baisiers tous entiers a grans acollees et embrassees. A ses fins\noffroit a prouver et demandoit despens du cas que elle vouldroit\nresister a l'encontre de ses conclusions. De la partie de ladicte\ndeffenderesse fut deffendu au contraire Et disoit que par sa foy quant\nelle vint a la fenestre ouir lesditz menestriers elle ne pensoit\nnullement du monde que lesdictes pallettes lesquelles estoyent plaines\nde son sang y feussent encores/ ains elle cuydoit fermement que sa\nchamberiere & servante les eust oster hors de la Et ne advint le cas que\npar deffortune et inconvenient dont par ce moyen n'estoit tenue a luy Et\naussi ne luy recordoit aulcunement qu'elle eust ouy rien cheoir a terre\nsinon ung bouquet de viollettes qu'elle luy gecta. Disoit avec ce que\ns'il avoit est\u00e9 mis & detenu aucunement prisonnier elle n'en pouoit\nmais. et aussi n'estoit ce pas a sa requeste ain\u00e7ois en avoit est\u00e9 moult\ndolente & courroucee quant elle le sceut/ et s'il s'en fust all\u00e9 le\ndroit chemin sans aller par ces rues foraines/ il n'eust point a\nl'advanture rencontr\u00e9 le guet. Et pource de prendre conclusions a\nl'encontre de elle/ certainement n'estoit ledit amant aucunement\nrecepvable. Et n'estoit ladicte dame tenue de l'amender/ mais au regard\ndesdictz baisiers qu'il luy demandoit elle s'en rapporta a la court.\nConcluant au surplus affin d'absolution. Disoit ledit amant par ses\nreplicques que pos\u00e9 qu'elle n'eust commys le cas a son escient et aussi\nde guet a pens\u00e9 touteffois veu qu'il estoit advenu par faulte & coulpe\nd'elle elle estoit tenue de l'en desdommager et de recompenser. disoit\noultre que oncques puis sadicte chemise ne son pourpoint ne luy\nservirent combien que de cela ne luy chaloit pas tant comme de la prinse\nde sa personne. Mais ladicte dame respondit que luymesmes en estoit\ncause/ et que jamais l'en ne doit aller sans s\u00e7avoir le nom de la nuyt\ncar s'il l'eust sceu il ne fut pas tumb\u00e9 en danger. Et quant est de la\npartie de sa chemise elle offroyt de la blanchir ou luy en donner une\nautre plus belle que la sienne n'estoit combien qu'il la debvoit plus\naymer que une autre pource que le sang d'elle avoit espandu dessus\nFinablement lesdictes parties ouyes elles ont est\u00e9 appointees a\nproduire/ et mettre par devers la court & au conseil plaidoy\u00e9 & tout ce\nque bon leur semblera. Si a la court tout au long veu ledict proc\u00e9s et\ntout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere et tout veu la court dist\nque ceste dame sera tenue toute recompensation de donner a sondit amy\ndemandeur demy douzaine de baisiers bien assis & dont chascun d'iceulx\npourra durer autant qu'on mettroit a dire ung De profundis et Fidelium.\nEt si pareillement sera tenue l'avoir pour recommand\u00e9 en sa grace pour\nles biens du temps advenir.\n\u00b6 Le .xxii. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre les heritiers\nou ayans cause d'ung amant jadis de grant fa\u00e7on & bien renomm\u00e9\ndemandeurs en cas d'exc\u00e9s & le procureur general d'amours adjoingt\navecques eulx d'une part. Et la dame de icelluy deffunct deffenderesse\nd'autre part Et disoyent lesdictz heritiers demandeurs que ledict\ndeffunct avoyt en son vivant son amour mis si ardamment qu'il ne s'en\ns\u00e7avoit ravoir. Et estoit bien aulcuneffois deux ou trois jours sans\nboire ne manger quant il pensoit a elle. Et brief il en estoit tant feru\nque au dernier il luy en estoit mal prins. Et pour venir au cas\nparticulier disoyent sesditz heritiers demandeurs que ladicte dame avoit\nmoult long temps pourmen\u00e9 ledit deffunct sans luy faire aulcun bien &\nestoit qu'elle luy prya qu'il l'estrenast le jour des estraines. A quoy\nse voulut tresbien employer/ et en effect luy donna ung tresbeau don\ndont il n'est ja besoing de parler Et dequoy elle fut tant contente &\ntant joyeuse qu'elle luy dist lors qu'elle le estraigneroit tresbien. Et\nde fait elle ordonna qu'il coucheroit en l'hostel d'une sienne voisine\nqui avoit sa chambre et demourance assez pres de la sienne Et par\nlaquelle en cas de necessit\u00e9 l'en pouoit aller de l'ung a l'autre. Si\nfut le povre gallant bien joyeulx de telles estraines en soy repentant\nque il ne l'avoit encores mieulx estrainee. Mais ain\u00e7oys les dictes\nestraines luy cousterent bon prys. Si advint que pour inciter & mouvoir\ntousjours les ditz de sa dame a devotion il loua les bas menestriers\npour venir jouer devant l'hostel entre mynuyct et le point du jour\nqu'ilz ne faillirent pas a venir/ et comme ledit gallant fust couch\u00e9 en\natendant ses estraines lesditz menestriers alors commencerent a jouer la\nbasse dance de Je languis et de l'ardant desir/ & sur ce point dangier\nle mary s'esveille lequel ne pensoit pas a danser et commen\u00e7a\nincontinent a dire qu'il avoit ouy des larrons en la maison. Et aussi\npareillement que il avoit ouy ou song\u00e9 la nuyt que on les devoit\ndesrobber/ parquoy se voulut lever. Et alors ladicte dame faignant de\naller allumer de la chandelle s'en vint courant dedans la chambre ou le\ngalant estoit couch\u00e9 & luy dist qu'il estoit perdu/ et que dangier se\ndoubtoit bien qu'il estoit leans. or qui fut bien esbahy a l'heure ce\nfut le compaignon et nompas sans cause/ car il ne s\u00e7avoit de quelle part\ntourner. Et alors tout a coup et soubdainement il gecta la couverture du\nlict ou il estoit couch\u00e9 a terre et se leva tout nud comme s'il venist\ndu ventre de sa mere/ ce qui estoit besoing qu'il fist sans songer/ car\nl'en le poursuyvoit de bien pres & avoit est\u00e9 la chose bastie de longue\nmain pour l'attrapper et luy faire finer piteusement ses jours. Si\nadvint si bien qu'en descendant les degrez il rencontra une vieille\nchamberiere qui s\u00e7avoit tous les destrois de l'hostel de leans/ laquelle\nayans piti\u00e9 et compassion de son cas luy dist que il n'y avoit remede en\nson fait sinon qu'il se boutast dedans ung vieil gelinnier de la maison\nlequel estoit tout plain de poulles/ et de chappons ou jamais on ne\nl'eust est\u00e9 querir ne cercher. si creut son conseil et advertissement &\napr\u00e9s que ledit gallant fut entr\u00e9 dedans ledit gelinnier ladicte vieille\nferma tresbien le guichet en mettant des barres au devant/ affin que\nl'en n'y peust entrer. Et ce fait s'en partit ladicte chamberiere bien\nlegerement sans soy arrester pour mucer et oster ses robbes et\nhabillemens affin que l'en n'apperceust riens/ en quoy feist diligence\nextreme et brief elle les entourtilla tous en ung monceau et les getta\ntous sur le ciel de son lict. mais encores ne peult oncques si bien\ncacher ne mucer que ledict danger ne trouvast ung des patins dudit\ngalant qui estoit par cas de fortune demour\u00e9 en la ruelle du lict et\ndieu scet la tempeste qu'il en fut Et combien que ladicte vieille\nchamberiere en faisant son debvoir jurast & affermast par grans sermens\net sur son baptesme que c'estoyt ung des patins des menestriers\ndessusditz qu'ilz luy avoyent ru\u00e9 a la teste/ pour ce que elle leur\navoyt gect\u00e9 de l'eaue affin que ledit dangier n'y eust point de regret\nne aucune suspection. Touteffois pourtant icelluy danger ne s'en voulut\noncques taire/ ain\u00e7oys dist et jura que il n'y auroit lict ne banc qui\nne fust renvers\u00e9 & mis sen dessus dessoubz/ et cherchoit depuis la\njusques au guernier pour trouver ledit galant lequel estoit cach\u00e9 et\nmuc\u00e9 leans & en congnoistre et s\u00e7avoir la pure verit\u00e9 Si furent allumez\nfalotz et lanternes de tous costez/ et n'y eut guichet/ ne cornet\ndespuis le hault jusques bas ou l'en ne cherchast/ & si ne failloit\npoint replicquer ne dire. Il n'y est pas/ car la fureur de dangier\ncouroit alors pour tout confondre. Or sur ce point fault noter qu'il\ngeloit a pierres fendans et goutte sur aultre/ parquoy le povre amant\nqui ainsi estoit tout nud dedans ledit gelinier ne l'avoit point\nd'advantage/ car il demoura la en cest estat et trembloit pareillement\ncomme la fueille fait en l'arbre par l'espace de bien environ deux\ngrosses heures Et qui plus est avec le mal qu'il souffroit encore\nsouffroit il innumerable douleur des coqz & chappons qui le venoyent\nmordre & bequeter comme se feust est\u00e9 poussins et tellement qu'il luy\nfailloit tousjours avoir les mains au devant de ses yeulx affin qu'ilz\nne les luy crevassent. et disoit on pour vray que quant il sortit dudit\ngelinnier il avoit plus de six cens troux & morsures dont il seignoit de\ntous costez/ qui estoit une angoisse importable & ne se osoit plaindre/\ncrier/ ne tirer son alaine affin qu'on ne le veist ou apperceust. Et\nadvint si bien que quant ledit dangier demanda qu'avoyent lesditz\npoussins qui ainsi voloyent et faisoyent si grant glay et caquet que\nmerveilles. Mais ladicte vieille chamberiere & servante print la parolle\nsans soy effrayer en disant audit danger que c'estoit pour l'amour de la\nlueur/ et lumiere des falotz & chandelles dont lesditz chappons &\npoulletz avoyent paour/ & adonc fut ledit danger content sans plus rien\nen enquerir & s'en alla coucher. si fut le povre homme tir\u00e9 dehors de\nleans aussi roide comme une barre de vieulx fer & ne congnoissoit desja\nplus personne/ et quant l'en le voullut faire approcher d'ung feu que\nl'en fist en la cuisine pour l'eschauffer il commen\u00e7a a soy esvanouyr/\net brief qu'il ne l'eust bien tost secouru il estoit mort tout plat/ or\ns'en failloit il partir a cop Car la demeure estoit trop perilleuse/\nmais ledict povre amant ne eust peu avoir sesdictes robbes/ et vestemens\nqui ainsi avoyent est\u00e9 gectez sur le ciel du lict sans faire grant noise\nqui estoit encores pour tout gaster parquoy fut ledict compaignon\ncontrainct de vestir l'une des robbes de ladicte vieille chamberiere qui\nestoit bien estroicte sur les espaulles dudit amant & de chaulser les\nsouliers de ladicte vieille chamberiere. et en ce point s'en vint a sa\nmaison tresbien malade & en moult piteux termes/ si se fist alors bien\npenser et le lendemain visiter par les medecins. Mais estoit si\ntresesmeu et avoit si forte fiebvre du grant travail qu'il avoit\nsouffert que l'en n'eust sceu bouter remede sinon que il traina bien\n.xv. jours sans s\u00e7avoir boire ne manger. Et devint aussi sec que boys si\nque finablement il alla de vie a trespas qui estoit bien grant dommage\nveu qu'il estoit sur le point de son bien Or disoient lesditz heritiers\nque attendu sa personne et le lieu dont il estoit le cas estoit bien\ndetestable/ parquoy la pugnition & la peine debvoit bien estre grande\ncontre ladicte dame qui avoyt est\u00e9 cause de le faire ainsi mourir avant\nses jours. Et pour ce concluoyent et requeroyent a l'encontre d'elle que\npour occasion dudit cas dont mort s'en estoyt ensuyvie qui n'estoit pas\npossible de reparer ycelle feust condampnee a leur faire amende\nhonnourable nudz piedz et sans saincture tenant une torche ardant en sa\nmain du poix de quattre livres en disant que faulcement et maulvaisement\nelle avoit est\u00e9 cause de la mort dudict deffunct leur frere dont elle se\nrepentoit et leur en cryoit mercy et a amours Que avecques ce elle feust\ncondampnee a faire faire une croix ou epytaphe ou tombe ou cymitiere ou\nil estoit enterr\u00e9 en laquelle fust pourtraicte la figure et\nrepresentacion dudict deffunct et escript au bas de la tombe pour en\navoir memoire a tousjours.\n \u00b6 Cy devant gist le corps d'ung vaillant amoureux jadis bien renomm\u00e9\n qui fut piteusement estrain\u00e9 de sa dame/ et qui receut d'elle si\n bonnes estraines qu'il en est piteusement mort quinze jours apr\u00e9s:\n dieu en ait l'ame.\nQue en oultre ladicte dame soit condempnee a asseoir rentes a tousjours\net perpetuelles pour fonder deux chappelles garnies de messel calices/\nchappes/ aubes/ vestemens et ornemens aux armes d'iceluy deffunct. et\nesquelles chappelles seront chantees et celebrees .ii. messes & quatre\nobitz l'annee pour le remede et salut de l'ame dudit deffunct amant et\nde tous ses amys trespasses. Qu'elle soit aussi condempnee a bailler\nl'argent qu'il fauldra pour admortir lesdictes rentes Que la\npresentacion desdites chappelles appartiengne aux hoirs et heritiers\nd'icelluy deffunct & la conlation a l'ordinayre. Et oultre plus que\nycelle deffenderesse soyt de rechef condampnee envers iceulx heritiers\npar devant toutes oeuvres par ledict procureur general pour ladicte\ngrant offence qu'elle a faicte a faire ung service moult solempnel\nauquel service tous les parens et amys/ grans/ et petis dudict deffunct\nseront appell\u00e9s Et ou il y ait semonce deux torches et luminaire selon\nl'estat de la personne dudict deffunct. Auquel service les gens\npartyront de l'hostel ou le deffunct est trespass\u00e9 comme se son corps y\nestoit et la sera ladicte dame de icelluy deffunct nudz piedz faisant le\npremier dueil et laquelle tiendra en sa main en allant au monstier et\ndurant le service ung crucefix de bois bien piteux qu'elle pourra bayser\ns'elle veult en signe et signification qu'elle est signe de mort comme\ncelle qu'on mayne a la justice que aussi elle soit condempnee quant l'on\nyra a l'offrande par la robbe l'ancien frere dudict deffunct/ & de le\nmener devant par ung des costez de son manteau jusques au pres du\nprestre pour le faire baiser. Et cela fait s'agenouillera et inclinera\ndevant le prestre sans baisier a l'offrande et puis s'en reviendra apr\u00e9s\nluy. Que aussy quant ce viendra a lever dieu elle soit tenue de soy\nlever de la place ou elle sera assise pour aler alumer la torche a\ncelluy qui la tiendra et ce fait baiser le poile estant sur le coffre\ndudit deffunct ou de sa representation en soy inclinant tout bas Et en\noultre apr\u00e9s ce que la grant messe sera dicte et quant l'on yra en\nprocession chanter sur la fosse dudit trespass\u00e9. Libera me domine de\nmorte. &. ce. que icelle dame deffenderesse soit condampnee et\ncontrainte a soy descheveler & agenouller sur ladicte fosse les mains\njointes au ciel/ durant toutes les oraisons que l'en dira illec sur le\ncorps et a prendre le guypillon ou benoystier pour getter l'eaue\nbenoiste dessus ladicte fosse deux ou trois foys en baisant la terre &\ndisant devant tout le monde c'est par moy que es maintenant cy lasse\ndolente/ maudicte soit l'heure que je fus oncques nee/ et puis cela\nfaict elle sera tenue de metre au bout du chevet de ladicte fosse une\ncroix ou ledict crucefix qu'elle tiendra en ses mains. Et aussi qu'elle\nsoyt condampnee a donner et bailler le jour du service par ses mains a\nchascun povre qui se trouvera audict cymetiere ung grant pain blanc tout\nchault/ et deux tournoys pour l'ame dudict deffunct. Et pour amende\nprouffitable qu'elle feust condampnee en la somme de quatres mille\nlivres: et aussy a tenir prison ou il appartiendra A ces fins offroient\nlesdictz heritiers a prouver/ et demandoient despens dommaiges et\ninterestz. Et au regard dudict procureur general & des gens d'amours ilz\ndisoient que par les dessusdyctes informations qui avoyent est\u00e9 faictes\nen ceste matiere il apparoissoit bien de tout ce que dit est dessus et\ncomme ledict deffunct quant il fut tir\u00e9 du gelinier/ il estoyt presque\ndemy mort mais se cas la advint par la faulte de ladite dame ou pour le\ncuider decepvoir/ il n'y avoyt nulz des tesmoings examyn\u00e9s es dites\ninformacions qui en parlast. Et pource protestoyent lesdictes gens\nd'amours de prendre leurs conclusyons plus a plain mais qu'ilz eussent\nouyes les dictes partyes tout du long. Sy fut apr\u00e9s ladicte\ndeffenderesse ouye/ qui premierement nya la demande d'eulx demandeurs\nestre vraye. Et puis apr\u00e9s pour ses deffences disoyt qu'elle eut\nsinguliere amour et accointance avecques le deffunct et que ce fut moult\ngrant dommaige de sa mort/ car il estoit taill\u00e9 se il eust vescu d'estre\nung grant homme et d'avoir des biens largement. Aussi estoit il\ndebonnaire aym\u00e9 de chascun: parquoy valloit bien d'estre cher tenu/ et\nn'y avoyt ame qui en la mort de luy eust tant perdu qu'elle avoit faict/\ncar une foys par le moyen de luy s'il eust pleu a Dieu de le laisser\nvyvre sur la terre elle avoyt intencion d'estre fort avancee et\nhonnouree et ne feut oncques icelle deffenderesse autant doulente de\nmort d'homme comme elle feut de la sienne aussy ne le pouoit encores\noublier. Or estoit il vray voirement que le jour des estraines il se\napprocha d'elle & la voulut estrainer Et combien qu'elle ne voulsist\nprendre les dons qu'il luy vouloit donner toutesvoyes il la contraignit\npar force a les recevoir/ et jura que jamais ne les remporteroit Si\nadvint que lors pource qu'il estoit tard & qu'il n'eust veu goutte pour\ns'en retourner il la pria que pour dieu elle le logeast pour la nuyt\nseullement/ et jusques a ce que les menestriers venissent devant l'huis\npour le recueillir et s'en aller avecques eulx. A laquelle priere\nobtempera icelle dame ayant piti\u00e9 de luy et pour recompensation des\nestraynes qu'il luy avoyt donnees feut contente de le hebergier/ et\nordonna qu'il feust couchi\u00e9 blanc et mol/ comme a luy bien il\nappartenoit/ et en beaulx draps tous neufz qui sentoyent a plaine gorge\nles roses des provins qu'elle luy tyra de son coffre a celle fin qu'il\ndormast mieulx Et apr\u00e9s ce qu'elle luy eust dit dieu vous doint bonne\nnuyt elle luy bailla ung coeuvrechief & s'en alla coucher ou elle devoyt\net elle ne cuidoit point jamais que danger s'en fust advis\u00e9 ou apperceu.\nEt aussi a la verit\u00e9 il ne l'eust pas jamais fayt se n'eussent est\u00e9\nd'aulcuns malheureux envieulx dudit deffunct courrouc\u00e9s de son bien qui\nluy baillerent cest aventure sans cause & sans raison/ car chacun n'y\npensoit que bien. Or fut vray que tout a ung mouvement ledict dangier\nquant il ouit les menestriers jouer devant son huys se leva comme tout\nesmeu et eschauff\u00e9/ commen\u00e7a a dire. S'il est ceans je le trouveray\nbien. Et de ceste heure ceste povre femme qui ne dormoit pas vint au\ndevant de luy en demandant ou il voulloit aller ne qu'il voulloyt faire.\nSurquoy en respondant mal gratieusement dist laiss\u00e9s moy aller et luy\nbailla ledict dangier deux souffletz dont elle cheut a terre toute plate\ncomme toute estourdye. Si commen\u00e7a a crier et survint au cry la vieille\nchamberiere a qui ledict dangier commanda de aller allumer la chandelle\nmais ce pendant la bonne maistresse la bouta du pied et entendit et\ncongneut bien le jeu/ tellement qu'elle s'enfouyt tout incontinent sans\ndelay vers le deffunct luy dire et annoncer les nouvelles dont il fut si\neffray\u00e9 qu'il se leva treshativement sans se seigner ne prendre sa\nchemise. Or qu'il devint depuis ne qu'il en fist ceste dame\ndeffenderesse n'en s\u00e7avoit riens mais oncquespuis ne le veit ne n'ouit\nparler Et avoyt lors ass\u00e9s a faire de choyer dangier/ Et de luy dire\nqu'il auroyt frait/ et seroit malade s'il ne s'en tournoit coucher affin\nde luy rompre son entreprinse/ mais d'autant qu'elle le vouloyt appaiser\nil eschauffoit encores plus de cherchier ledict gallant ne ne la\nvoulloit oncques en fa\u00e7on ne maniere qu'il est au monde possible cesser\nne delaisser aucunement pour parolles ne pour prieres et supplications/\nains convint qu'il cherchast par tout ou bon luy sembla et n'atendoit la\npovre femme que la mort et ne s\u00e7avoit lors qu'elle faisoit ne ou elle\nestoit/ Car des douleurs avoit assez et eust bien voulu estre hors du\nmonde/ nompas pour doubte d'elle ne pour son honneur/ car elle n'en\ncraignoyt ame du monde/ mais pour le dangier ou ledict deffunct estoit/\net le desplaisir qui l'en pouoit avoir Or disoyt elle oultre qu'elle\nfeut bien deux grosses heures entieres nudz piedz et en sa cotte simple\nparmy la maison allant tousjours apr\u00e9s ledict dangier et jusques a ce\nque le tonnoirre fust cess\u00e9 et dieu scet en quel paine brief chascun\neust piti\u00e9 de la veoir en cest estat/ car elle n'avoit couleur au\nvisaige et estoyt aussi deffaicte que ung drappeau et si trembloit comme\nla fueille en l'arbre Et encores par maleuret\u00e9 advint que le feu de la\nchandelle que elle tenoit se print a ses cheveulx mais elle si\nterriblement troublee qu'elle ne le sentit oncques ne n'est possible a\nfemme de endurer tel torment ne tel douleur pour une foys qu'elle fist\nalors Disoyt avecques/ ce que quant la noyse fut appaisee & que dangier\nne trouva pas ce qu'il cuydoit elle envoya incontinent ses clefz en bas\npour avoir des couvrechiefz pour chauffer sondit feu amy/ et luy faire\nrevenir le cueur & la parolle/ et si n'est point a croyre qu'il ne luy\nfist tresgrant mal de ce qu'elle ne pouoit aller vers luy pour le\nreconforter/ mais elle avoit trop grant empeschement et si n'estoyt pas\ntemps Touteffois au dernier faignant qu'elle eust mal au ventre elle\ntrouva maniere de venir en bas et vint a une course luy dire a dieu & le\nbaiser moult doulcement et alors les larmes yssirent deux yeux tant\nd'ung cost\u00e9 que d'autre & ne pouoient parler tant avoient chascun le\ncueur serr\u00e9/ cela faict elle s'en retourna coucher bien dolente/ mais\nn'eust sceu dormir tant larmoyoit et avoit de mal si que le lendemain\nl'en eust trouv\u00e9 les draps du lict tous plains de larmes et gemissemens.\net depuis qu'elle le sceut que ledit deffunct fut malade elle ne eut\njoye au cueur ne n'estoit une seule journee que elle ne luy envoyast des\nprunes de damas seches/ des fleurs de toutes sortes/ boucquetz odorans/\net toutes autres choses plaisantes pour le esjouyr/ mais ce que chascun\ndit il fut mal pens\u00e9 ou petitement secouru et luy bailla son medecin par\ntrop de medecines laxatives/ Et puis il estoit foible et de tendre\ncomplexion/ et en effect il trespassa bien trois sepmaines le cas advenu\nOr disoit ceste dicte deffenderesse que de la voulloir chargier de la\nmort dudit deffunct c'estoit tresmal fait/ veu qu'elle n'en avoit tache\nne coulpe/ ain\u00e7ois vouldroit qu'il luy eust coust\u00e9 six pallettes de son\nsang/ & qu'elle ne deust boire ne manger que du pain & boire de l'eaue\nd'icy a trois ans & il fust encores en vie. Disoit aussi par autre moyen\nque l'en ne la devoit charger de sa mort. Car elle n'en pouoit mais/ et\nfut a la requeste dudit deffunct qu'elle consentit que il demourast a\nl'hostel & pour lui faire plaisir qui ne luy doit tourner a dommaige et\ns'il eust beaucoup a souffrir encores en eut elle plus la moyti\u00e9. Aussi\nne fut ce pas par elle que la fortune advint ain\u00e7ois par ceulx qui\navoyent rapport\u00e9 faulses parolles a dangier dont par ce moyen l'en s'en\ndevoit adresser a eulx et nompas a elle. Et quant au regard de la\ncharger qu'elle s\u00e7avoyt bien que tout ce qui a est\u00e9 fait adviendroit.\nRespondit par sa foy qu'il estoit impossible que le cas fust advenu se\npremierement danger n'eust est\u00e9 embouch\u00e9 des envieux dudit deffunct & ne\nl'eust point song\u00e9 Aussi de dire qu'elle feust consentant/ veu que son\nhonneur y pendoit/ cela estoit trop notoirement faulx et ne l'en voulut\noncques charger ledit deffunct qui en s\u00e7avoit bien la pure verit\u00e9. Si\ndisoit ladicte deffenderesse qui par les moyens dessus couchez que\nlesditz heritiers ne faisoyent a recepvoir en quoy que ce soit en voye\nd'absolution. A ses fins concluoit et demandoit despens Et entant qu'il\ntouchoit les gens d'amours qui disoyent que il sembloit de prime face\nque il y eust grande presumption contre ladicte dame entant que elle\nenvoya audit gallant qui estoit dedans ledit gelinnier une vieille robbe\nou couverture pour le couvrir veu qu'il geloit a pierre fendant/ et\nqu'elle pouoit bien penser qu'il morfondoit illec/ & pource requeroyt\nque le droict d'amours y fust gard\u00e9. Respondit ycelle dame qu'il n'eust\npas est\u00e9 en toute sa puissance de le secourir/ pour ce que dangier\nestoit tousjours aupr\u00e9s d'elle et qu'il faisoit autant de pas comme elle\nfaisoyt/ et se elle eust fait aulcun semblant d'aller devers luy/ tout\neust est\u00e9 descouvert. Aussi ne s\u00e7avoit elle alors ou il se estoit bout\u00e9\nne qu'elle faisoit tant estoit effrayee de l'advanture. Surquoy les\nheritiers dudit deffunct en repliquant disoyent que elle ne se pouoit\nexcuser de la mort d'icelluy/ car devoit estre asseuree de son cas &\navoir deux cordes en son arc avant que le laisser demourer leans. c'est\na dire que elle debvoit pourveoir a l'inconvenient et luy faire deux\nchemins affin au moins quant danger fust venu par l'ung qu'il s'en\nallast par l'autre mais elle avoit ouvr\u00e9 au contraire/ car elle avoit\nmys le povre homme coucher en la gueule des loups qui l'eussent\nvoulentiers devor\u00e9 se par amours ne eust est\u00e9 secouru/ & quant du\nsecours qu'elle disoit avoir fait audit deffunct ne sert de riens. et\naussi pour monstrer l'experience du contraire oncques n'avoit est\u00e9 au\nservice dudit deffunct ne porter le dueil. comme se jamais ne l'eust\ncongneu Si fut dupliqu\u00e9 par ladicte deffenderesse/ en disant que c'est\nplus grant paine la moycti\u00e9 de porter le dueil dedans le cueur que\ndehors & mettre une robe noire car l'ung griefve et touche de pres/ et\nl'autre n'est que pour faire maniere/ et en y a beaucoup qui font le\ndueil par dehors mais ne leur en chault. Si estoit ladicte deffenderesse\nde ceulx mesmes qui le portoyent au cueur car jamais n'oublyoit le\ndeffunct/ et n'estoit jour ne nuyct que elle n'en plourast et priast\npour luy quant il luy souvenoit de sa grant douleur et debonnairet\u00e9. Au\nregard des deux chemins il n'est personne si saige ne si advis\u00e9 qui ne\nperdist le sens mesmement quant l'en n'a pas le loisir d'y penser et que\nung tel inconvenient vient si soubdainement et en parlent plusieurs bien\na leur aise par ce qu'ilz ne s\u00e7ayvent que c'est. si disoit par ses\nmoyens que a elle l'en ne pouoit riens demander dudit cas comme dessus.\nLesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voulu dire & aleguer\nelles ont est\u00e9 appointees contraires et en enqueste/ laquelle a est\u00e9\nfaicte/ et rapportee par devers la court et ont depuis les parties\nbaill\u00e9 reprouches produit ce que bon leur a sembl\u00e9. Si a la court veu\nfinablement ledit proc\u00e9s enquest\u00e9 et tout ce qui il failloit veoir en\ngrant et meure deliberation/ & tout veu et consider\u00e9 ce qu'il failloit a\nconsiderer la court dit que elle absolut la dame des impetitions &\ndemandes des heritiers dudit deffunct comme non coulpable du cas &\nrecompense les despens d'ung cost\u00e9 & d'autre & pour cause\n\u00b6 Le .xxiii. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une dame\napellant d'une part & ung sien intime d'autre/ & disoit ladicte\nappellant que ja\u00e7oit ce qu'elle ne luy eust meffait ne mesdit en riens/\nmais ay tousjours tach\u00e9 a luy complaire/ neantmoins ledit intime\nc'estoit vant\u00e9 de luy porter dommaige & de fait l'a menacee de la faire\nprisonniere/ et voulant faire information pour la prendre elle s'est\nsentue grevee et en a appell\u00e9. Si concluoit tout pertinent en matiere\nd'appel qu'elle a est\u00e9 mal menacee & bien appell\u00e9 par elle A ces fins\noffroit a prouver et demandoit despens de la partie dudit amant fut\ndeffendu au contraire & disoit que ung soir bien tard ainsi que il\npassoit par devant l'huys de sadicte dame il commen\u00e7a a toucer affin\nqu'elle l'ouyst pour dire dieu vous doint bonne nuyt/ mais aussi tost\nqu'elle entendit que c'estoit il elle print ung seau d'eaue & le gecta a\nsa fenestre sur sa teste et dedans le dos tellement que le povre homme\nfut tout esfarouch\u00e9 & cuidoit bien estre noy\u00e9. Apr\u00e9s laquelle eaue\ngettee la dame & sa chamberiere commencerent a rire si hault & se\nmocquer qu'il les peust bien ouyr/ dont il fut plus dollent que par\ndevant et pour ceste cause s'en estoit plaint a la justice d'amours qui\navoit ordonn\u00e9 faire information du cas pour apr\u00e9s y pourveoir. Or disoit\nque le cas estoit maulvais/ car il avoit est\u00e9 fait d'aguet a pensee et\navec propos deliber\u00e9 en hayne et desrision d'amours/ et contre le dit\namant qui estoit en sa sauvegarde/ parquoy il cheoit grant reparation\nmais encores l'en ne faisoit que l'information pour la verit\u00e9/ & par\nainsi d'en avoir appell\u00e9 l'appellation n'estoit recepvable/ aussi ne\nfaisoit a ladicte dame aucun grief/ car quant l'en l'eust voulu prendre\nil estoit lors temps d'en appeller & nompas de l'information. Disoit\navec ce ledit amant que jamais n'en eust parl\u00e9 si n'eut est\u00e9 la\nmocquerie & risee qu'elle & sadicte chamberiere en firent quant il fut\nainsi moull\u00e9/ et concluoit affin de non recepvoir allias mal appell\u00e9/ en\nrequerant provision. A quoy fut replicqu\u00e9 par l'appellant disant que sus\nsa foy quant l'eaue fut gectee/ elle ne cuydoyt point que ce fust il Et\naussi ce ne fut elle pas qui la lui gecta mais sa chamberiere qui estoit\njeune & sote dont elle fut moult courroucee apr\u00e9s/ combien qu'elle n'y\neust peu mettre remede car la chose estoit ja faicte/ mais quoy que ce\nsoit ne se farcerent oncques de luy/ et ainsi de se plaindre a ledit\namoureux grant tort. Aussi n'y avoit il danger de son cost\u00e9/ car l'eaue\nestoit nette si lui estoit moult proffitable pour le rafreschir. Et au\nregard qui fust en la saulvegarde d'amours elle n'en s\u00e7avoit rien aussi\nne luy en avoit on riens signifi\u00e9. Ledit amant pour ses dupliques disoit\nqu'il n'estoit que de bonne chaleur & que ladicte dame ne se pouoit\nexcuser pour dire qu'elle ne cuidoit point que ce feust il/ Car il avoit\ntoussy une foys/ ou deux tant que elle l'avoit bien entendu/ Et fut la\nchose faicte a la main pour se farcer de luy et despriser. et quant a la\nsaulvegarde ne la pouoit ygnorer/ car il estoit tout notoire que tous\namoureux qui vont de nuyt sont en la sauvegarde d'amours tout ne plus/\nne moins comme sont les oubliers qui vont par la ville et de ne leur\ntoucher sur peine de perdre le poing. surquoy les parties ouyes elles\nont est\u00e9 appoinctees a mettre par devers la court & au conseil ce que\nbon leur sembleroit/ si a la court veu ledit proc\u00e9s & tout ce qu'il\nfailloit veoir en ceste matiere et a tout veu la court dit qu'il a est\u00e9\nmal appell\u00e9 par ladicte appellante et l'amendera en la condampnant es\ndespens de la cause d'appel/ la tauxation reservee. et ordonne la court\nque ladicte dame et sa chamberiere comparoistroyent ceans en personne\npour estre interrogu\u00e9 sur ledit cas. Et ce faict la court pourvoyera sur\ntout & fera droit aux parties ainsi qu'il appartiendra par raison.\n\u00b6 Le .xxiiii. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une jeune dame\nappellante d'une part/ et ung jeune amant intime d'aultre part. et\ndisoit ladicte appellante que comme entiere et loyalle ou elle debvoit\nestre elle avoit esconduit ou debout\u00e9 ledit intime Touteffois affin\nqu'il n'en feust mal content ou qu'il ne cuydast qu'il eust haine a\nl'encontre de lui faisoit tousjours ung commun acueil comme aux aultres.\nOr disoit elle que une journee ainsi comme elle et d'aultres de ses\nvoysines jouent au propos il se vint seoir aupr\u00e9s d'elle. Et advint a\nson tour que ainsi qu'il parloit a elle a l'oreille pour luy dire son\nmot et proposer dessus que icelluy gallant en haulsant la pate du\nchapperon la baisa tout a coup/ duquel baiser ainsi prins d'emblee et\npar trahyson ceste dame si a appell\u00e9 et relev\u00e9/ et pource concluoit tout\npertinent qu'il avoit est\u00e9 mal proced\u00e9 & tres mal exploict\u00e9 par ledit\namant et bien appell\u00e9 par elle offrant prouver et demandoit despens. et\nau surplus elle requeroit que il luy fust deffendu de plus ne luy\ntoucher en quelque fa\u00e7on que ce fust De la partie dudict amoureux intime\nfut deffendu au contraire et disoit que voirement se trouva assis\navecques elle/ et plusieurs aultres qui jouoyent audit propos & fut vray\nqu'en s'approchant vers elle pour luy dire le mot qu'il avoit pens\u00e9 son\npied luy grila devers elle & ainsi lui cuidant dire en l'oreille sa\nbouche froya ung peu contre sa joue/ mais cella ne doit estre reput\u00e9\npour ung baiser car ce n'estoit que ung glyssement. Aussi n'avoit il\ntouch\u00e9 que contre la joe et l'orelle. Et n'y avoit eu saveur ne odeur\nquelconque ains encore luy rechigna elle comme s'elle l'eust voullu\nmenger pourquoy de se plaindre avoit ladicte dame grant tort. et\nn'estoyt l'appellacion recepvable ne valable veu mesmement qu'il ne luy\navoit faict aucun grief et pour ce concluoit a ses fins et qu'il fut dit\nqu'elle avoit mal apell\u00e9 offrant a prouver et demandoyt despens. Cest\nappellant pour ses replicques disoit que par telz moyens prendre baiser\nc'est larcin publique & que l'en ne pourroyt pugnir telz malfaicteurs/\ncar c'est a eulx trop entreprins et en peult venyr trop d'inconvenient\nEt peult estre que ceulx qui les voyent ainsi prendre ne l'oublyoient\npas aussy de legier et pensent a l'adventure ce qui n'est pas et aussi\nquant les autres a qui la chose touche le s\u00e7avent ilz en prennent des\nmerencolies & aussi des desplaisances beaucoup et cuident souvent que\nleurs dames par ce moyen ayment autres que eulx parquoy avoit appell\u00e9\ndudit baisier l'appellation estoyt bien recepvable. Et ne valloyt rien\nde dire au contraire que cela ne luy portoit point de prejudice car ce\nn'estoyt pas son plaisir qu'il la baisast ne touchast en aucune maniere\net concluoit comme dessus Mais ledit intime pour ses dupliques disoit\nque autant en emportoit le vent et que nul qu'elle ne pouoyt s\u00e7avoir\nqu'il l'eust baisee: car la pacte du chapperon estoit au devant\nFinablement les parties ouyes elles ont est\u00e9 appointees en droit et au\nconseil. Si a la court veu ledict proc\u00e9s ce qu'il failloit veoir en\nceste matiere: Et tout veu la court mect ceste appellation au neant et\nsans amende ne despens et ordonne la court que doresnavant l'en ne\njouera plus audit jeu de propos sinon que dangier ou chagrin soient\nentre deux & pour cause\n\u00b6 Le .xxv. arrest.\nCeans c'est plaint ung amoureux d'une sienne dame/ disant que combien\nqu'il l'ait longuement servie et qu'elle ait peu apparcevoir sa bonne\nvoulent\u00e9/ neantmoins elle ne l'a voullu aymer ne prendre en grace/ ains\nluy a ja respondu par plusieurs fois qu'elle ne le veult aymer plus luy\nque ung aultre & qu'elle ne sera subgecte en amours tant qu'elle vive\naffin qu'il se pourvoye ailleurs/ Et ainsi se povre gallant a des maulx\nbeaucoup a souffrir/ car il a mis tout son cueur en elle qu'il en\nvouldroyt bien oster et retirer/ Mais il ne peut et pource requeroit\nqu'elle fust condempnee a le recepvoir en sa grace comme son serviteur\net amy: ou aumoins qu'elle fist tant qu'il ne luy souvenist plus d'elle\net ne luy en chaulsist point. Et sur ce a ladicte dame deffenderesse\ndeffendu au contraire disant que au regard d'elle pour obvier aux grans\nmaulx qu'elle veoyt tous les jours advenyr a ceulx et celles qui sont au\nplaisir & service d'amours elle ne veult personne aymer ne mettre son\ncueur plus a l'ung que a l'autre/ car selles qui le font s'en tiennent\ndeceveurs: et advient voullentiers qu'elles en seuffrent beaucoup\nd'oprobres et en perdant leur bonne renommee/ dont aulx gallans ne\nchault guieres/ car ilz ne pensent que a leur singulliere voullent\u00e9/ et\nleur semble que ce qu'ilz songent leur doibt advenir dont ilz sont bien\nloing Et aussi pour faire tout uny n'avoyt ladicte dame entencion\nd'aymer aulcun/ ains voulloyt demourer et la franche libert\u00e9. Et ledict\ncomplaignant avoyt mys si fort son cueur en elle qu'il ne l'en pouoyt\noster dont c'estoyt follye a luy/ car il aymoit sans partie Et quant est\nde requerir qu'il ne luy souviengne plus d'elle: respondict ladite dame\nqu'elle ne le s\u00e7auroit garder de songier et de penser a elle/ se luy\nmesmes ne s'en voulloyt garder/ Car elle n'avoit pas la clef de son\ncueur. Aussy telz pensemens ne viennent que de folles voullent\u00e9s qui\nsuffocquent les cueurs des gens par trop legier croire & fole esperance\nen quoy l'en ne se doibt fier: mais en tant qu'il luy touche ne luy\nsouvient de luy que bien a point. Et disoyt oultre qu'elle ne peche en\nriens qu'il ne l'oste de l'amour qu'il dit avoir en elle veu qu'il s'i\nabuseroit trop longuement. Si concluoit par ses moyens affin\nd'absolucion et demandoit despens/ et apr\u00e9s le procureur d'amours qui\ntouchant ceste matiere c'estoit adjoint avec ledit povre amant\ndemandeur. Si disoit que une femme de quelque estat qu'elle soit s'elle\nn'est une fois en sa vie amoureuse et au service d'amours elle ne sera\njamais bien venue du monde/ ains doibt estre reputee tout son temps\ncomme une beste brute qui n'a point d'entendement/ car tous biens\nviennent d'aymer et qu'il soit vray l'en le peult veoir par experience\nde celles qui ayment car d'amours vient joye plaisance et desplaisance/\naise et desaise de tous les biens du monde ne n'aura jamays femme ne\nhomme qui soit amoureulx disette de biens/ car l'en a tousjours ass\u00e9s et\nvault myeulx ung soubzrys/ ou ung petit genoul ou quelque petit signe\nque l'en s'entregette l'ung a l'autre que avoir cent muys de bl\u00e9 au\ngrenier car au moins telz biens d'amours ne se peuent diminuer et si ne\nles fault point vanner pour les chardons. Et aussi l'en voit communement\nque une femme qui est amoureuse est tousjours joyeuse ne n'y a celluy\nqui ne tasche a luy faire plaisir. et si s'entrebat l'en encores pour\nestre des premiers a la servir elle sera tousjours coincte jollye et\nbien cueillie et n'y a ordure qui s'osast prendre a sa robe/ mais au\ncontraire celles qui renoncent au servyce d'amours sont maleureuses et\nchetives et ne veult l'en avoir a faire a elles sinon en passant pour\ndire dieu gard et a dieu dame. Et tous les plus grans biens qu'ilz\npeuent avoir c'est quant elles se treuvent es festes ou on dance ou en\naultre lieu qu'on fait bonne chere qu'elles sont assises en banc pour\nparler du temps pass\u00e9 regard\u00e9s le personnages et vieulx habitz qui sont\npourtraictz en ses tapisseries de nopces de deviser illecques a ung\ncoingnet du temps jadis n'avoyent garde d'eux habiler de telz habitz qui\ncourent maintenant/ et l'une belle commen\u00e7a a dire tout est chang\u00e9/ et\nqu'elle ne congnoist plus rien au monde/ et l'autre dira que ce n'est\nque folie d'y mettre son cueur veu qu'il fault mourir/ et en ce prennent\nleur deduyt et ne leur dure gueres/ car quelque chose qu'elles en disent\nelles vouldroient en leurs cueurs estre aussi jolyes que les aultres et\navec ce elles n'ont point de bien car lors n'en tient l'en pas grant\ncompte/ parquoy n'ont point de joye ne liesse ains languissent sur le\npied & pource disoit ledit procureur d'amours qu'il avoit choys de l'ung\na l'autre et qu'il ne pouoyt croire que ceste dame de si vaillant cueur\nreffusast son service/ et affin que il en sceust la verit\u00e9 requeroit\nqu'elle jurast c'elle vouloyt a tousjours renoncer aux biens & service\nd'amours surquoy elle interroguee dist et afferma que ouy & qu'elle\nn'avoit cure d'aymer quelque gallant que ce fust pour aucunes causes que\na ce la mouvoient. Ouyes les responces et affirmations ledict procureur\nd'amours print ses conclusions a l'encontre d'elle tant qu'elle fut\nbanie & privee a tousjours du royaulme d'amours/ et des biens qui y sont\net qui n'y eust personne qui se esbahyst ne parlast a elle en quelque\nmaniere que ce fust sur peine de confiscation de corps et de biens et\nqui tous ceulx qui luy verroyent desormais tenyr boucquetz les luy\nallassent arracher des mains devant tout le monde comme indigne de les\nporter Et avec ce que nonobstant la renonciacion par elle faicte et sans\nprejudice d'icelle fust condampnee a le saluer et rire de l'oeil et de\nbouche tant seulement et pour ce gallant aimer tant qu'il fust revenu a\nsant\u00e9 de la maladie qu'il avoyt a cause d'elle. Et oultre requeroit que\na greigneur seuret\u00e9 il fut baill\u00e9 a elle en garde pour le penser durant\nsa maladie en telle maniere que s'il rechet jamais en l'estat l'on s'en\npourra prendre a elle. Et aussi qu'elle fust tenue de respondre ou que\ntelles aultres conclusions fussent adjugees audict procureur d'amours\nqui la court aviseroit Surquoy ladite dame dessusdite disoit que veue la\nrevocation par elle faicte de ne aimer ne d'avoir aucuns biens d'amours/\nl'en ne luy pouoyt plus rien demander: car elle estoit exempte de la\ncourt/ et non tenue de proceder/ mais devoyt estre mise hors de proc\u00e9s\nEt quant est des conclusyons prinses contre elle par les gens d'amours\ndisoit qu'elles n'estoyent recepvables: car amour vient de voulent\u00e9 et\nde plaisir. Et ainsi doncques puis que une foys elle avoyt declair\u00e9 que\nson plaisir n'estoit point d'aymer l'en ne la devoyt de raison\ncontraindre par force aymer ne ne s'en devoit plus la court mesler. Et\nau regard d'avoir en garde le malade: elle respondoyt qu'elle n'en\nprendroit jamais la charge: pour ce qu'elle avoit ass\u00e9s a faire de se\ngarder elle mesme. Et quant est de porter fleurs ou boucquetz bien s'en\npasseroit Mais le povre amant par ses repliques disoit qu'il estoyt\ncontent qu'elle demourast en sa libert\u00e9 et qu'elle feist tout ce qu'elle\nvoudroit pourveu qu'il ne luy souvint plus d'elle combien qu'il ne luy\nestoyt possible que jamais la sceut oublier/ et s'en estoit bien esforc\u00e9\ntant par voiages et pelerinaiges qu'il en avoit fait que aultrement car\ntout rien n'y a voulu/ car de tant plus qu'il en estoit loing c'estoit\nalors qu'il avoit plus grant desir de s'en approucher. parquoy son cas\nestoit pitoyable et moult favorable entendu mesmement qu'il n'estoit\npossible de recevoir garison synon de la grace de sadicte dame pour\noccasion de laquelle sa maladie luy estoit venue: et a ce qu'il fust\nguery et estoit content de mourir entre ses mains/ en offrant de la\nquiter de sa mort et aussi de deffendre a ses heritiers de ne luy en\njamais rien demander Mais ladicte dame perseveroyt tousjours en ses\nreffus disant que celles qui y sont bien se y doivent tenir/ et que de\nsoy obliger en une chose ou elle n'est point tenue jamais ne le feroyt\npour rien. Oultre elle disoit qu'il ne luy souvient de luy/ parquoy ne\nluy doibt point souvenir d'elle: et est bien grant simplesse d'y mectre\nson cueur si avant que on ne l'en puisse oster A quoy le povre homme\nrespondit que l'on n'en est pas maistre qui veult/ et que s'il s'en\npouoit une fois deffaire jamais elle ne aultre n'aymeroit si\nparfaictement au moins qu'il ne sceust bien comment. Ouyes lesquelles\nparties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer elles ont est\u00e9\nappointees a mettre par devers la court et au conseil. Sy a la court\nfinablement veu ledit proc\u00e9s avec ce qu'il failloit veoir et visiter en\nceste matiere. Et tout veu et consider\u00e9 la court dit que veu et visiter\nla renonciation faicte par ladicte dame deffenderesse de ne servir\njamais a amours elle ne tiendra court ne congnoissance de ceste matiere\nmais elle ordonne qu'il sera deffendu a tous galans subjetz & serviteurs\nd'amours qu'ilz ne soyent si osez/ ne si hardys de la mener danser en\nquelque feste qu'elle soit ou voise ain\u00e7ois qu'on la laisse toute comme\nune femme habandonnee et bannie de toute joye. Et pareillement sera\ndeffendu a tous cousturiers qu'ilz ne luy facent aucunes robbes ou\nvestemens a la nouvelle fa\u00e7on/ mais que ilz mettent tousjours en celles\nqu'ilz luy feront ung gros ply entre deux menus que devant ou derriere\nelles soyent mal arondies que legier passe d'ung cost\u00e9 affin que chascun\ncongnoysse que avant ses jours elle deviendra chartreuse/ et que par ce\nmoyen elle soit esloingnee et privee de toute joyeuse compagnie. Et au\nregard de la provision requise par ledit povre amant malade/ la court\ndict que elle n'y peult toucher mais de grace combien qu'il ne soit\nacoustum\u00e9 de faire/ luy conseille de se pourveoir ailleurs de dame/ ou\nde se vestir de dueil/ affin que le cueur d'elle puisse ung peu amollir.\n\u00b6 Le .xxvi. arrest.\nAux cryees d'une tresbelle fille se sont trouv\u00e9s sept opposans Et disoit\nle premier qu'il avoit bien desservy l'amour d'elle et qu'il la voulloit\nbien par quoy la requeroit a avoir devant tous les autres. le second\nopposant disoit qu'il avoit tout son cueur en elle & disoit qu'il\nl'avoit de pie\u00e7a choisie pour estre son serviteur si c'estoit son\nplaisir Le tiers disoit qu'il l'avoit premierement requise & fait ses\ndiligences en temps & en lieu et ainsi devoit estre prefer\u00e9. Le quart\ndisoit que s'elle prenoit autre que luy se devoit estre a la charge de\nlui faire ung petit genoul/ & ung soubris qu'elle luy avoit promis que\ntoutes et quantes foys qu'il passeroit par devant elle. Le .v. disoit\naussi qu'ilz avoyent promis de eulx entre aymer ensemble/ et de faire\ndes biens l'ung a l'autre Et pource requeroit qu'il ne fust pas oubli\u00e9\nne mys des derniers. Le .vi. disoit que combien que il eust bon droit de\ns'opposer toutesfois attendu qu'il y avoit tant de opposans il ne\nrequeroit seullement que la grace d'elle et que on l'eust pour\nrecommand\u00e9 a jour de payer comme ung autre. Le .vii. et dernier disoit\nqu'il l'avoit songee deux ou trois fois la nuit/ & aussi on luy avoit\nrapport\u00e9 qu'elle le aymoit bien/ parquoy requeroit estre prefer\u00e9 devant\ntous autres A quoy dangier et malle bouche qui estoyent adjoinctz a\nveoir juger ce decret desdictes criees & disoyent que lesditz opposans\ns'abusoyent bien de y venir par opposition car il n'y s\u00e7avoit nul qui\neust droict en la propriet\u00e9 des choses criees ne qui deust empescher\nd'en disposer a leur plaisir & devoient lesditz opposans venir par\nrequeste et supplication & nompas par main armee. Et quant est des\nparolles & gracieux semblant qu'on leur avoit donn\u00e9 disoyent lesditz\ndangier et malle bouche que filles ne ont point de vouloir ne de facult\u00e9\nde choisir ou eslire et oultre quelque double parolle ou bel acueil que\nfacent aux gallans cela ne peult prejudicier sinon a ceulx qui se y\nfient trop de leger & pource de s'i attendre estoit grant simplesse avec\nplusieurs autres raisons servans leur cas Surquoy parties ouyes elles\nont est\u00e9 apointees en droit et au conseil. Et a la court finablement veu\nledit proc\u00e9s lesdictes criees avec les causes d'opposition & tiltres de\nchascun. Et tout veu et consider\u00e9 la court dit que nonobstant les\noppositions desditz opposans dont elle les deboute ledict decret sera\nadjug\u00e9 a la voulent\u00e9 desditz dangier et male bouche mais ladicte fille\nchoisira celluy des opposans qui mieulx luy plaira pour estre son amy et\nserviteur et condampne les opposans es despens.\n\u00b6 Le .xxvii. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung proc\u00e9s entre ung povre amant\nappellant de certain reffus a luy fait par sa dame intimee d'aultre\npart/ et disoit ledit appellant que la chose qu'il desiroit plus\nc'estoit d'estre en la grace d'elle et qu'elle eust souvenance de luy.\nOr disoit que a ceste occasion & affin qu'elle l'eust en memoire il se\nadvisa aux estraines dernieres passees de luy faire ung des plus beaulx/\net riches mouchoirs qu'il estoit possible de faire ou son nom estoit\nescript a lettres entrelassees le plus gentement du monde/ et luy avoyt\nbien coust\u00e9 quatre escus/ car il estoit attach\u00e9 a ung beau cueur d'or et\nfranges de menues pensees. Si fut vray que le povre gallant mesme luy\npresenta ledit don audictes estraines mais elle n'en eut cure ain\u00e7ois\nl'a reffus\u00e9 en disant qu'elle n'en prendroit point & qui plus est\nmaintenant luy fait pire chiere que elle n'avoit acoustum\u00e9 par avant en\nluy rechisgnant a chascun coup/ parquoy se gallant voyant qu'il n'y\npouoit trouver aultre maniere a appell\u00e9 dudit reffus et rechignement en\nla court de ceans. et pour ce concluoyt tout pertinent en matiere\nd'appel qu'il avoit est\u00e9 mal reffus\u00e9 mal rechign\u00e9 et bien appell\u00e9 par\nluy. A ses fins il offroit a prouver & demandoit provision d'estre remis\nen l'estat qu'il estoit par avant son appel et despens. De la partie de\nladicte intimee fut deffendu au contraire et disoit que c'elle luy\nrechisnoit ou faisoit maulvaise chiere/ l'on ne s'en debvoit pas\nesbahir/ car il se vouloit trop moquer d'elle de luy presenter ung tel\ndon qui n'estoit pas recepvable veu que c'elle l'eust prins elle eust\nconfess\u00e9 en effect d'estre morveuse. car aussi il ne sert que de\nmoucher/ pource a bonne et juste cause l'avoit reffus\u00e9 et n'estoit par\nconsequent l'opposition dudict reffus vaillable. Et concluoit a ses\nfins/ et quant est de la provision n'en doibt point avoir/ car pour\nmeffaire/ ou mesprendre si lourdement envers sa dame qui debvoit garder\nde courroucer elle n'estoit tenue de rendre plaisir. A quoy ce povre\namant disoyt que en telles matieres l'on ne debvoit pas tant regarder au\ndon que a la voulent\u00e9 du donnant. et affermoyt par sa foy que jamais\nn'eust pens\u00e9 la ou sadicte dame pense/ mais seullement luy avoit fait\nfaire ledict mouchouer qui estoit moult beau & riche pour l'amour d'elle\net affin que quant elle metteroyt la main a ses clefz elle le veist ou\nquant elle se mouscheroit luy souvint alors de luy/ et brief aymeroit\nmyeulx mourir/ que faire chose en son escient qui luy despleust/ en\noffrant de luy donner en ce lieu ung aultre tel don que elle vouldroit\nen requerant pour dieu mercy entant qu'il la pourroit avoir offensee.\nSurquoy ladicte dame pour ses duplicques/ disoit au contraire que par le\npropos mesmes dudict amant prins a son prejudice il avoit delinqu\u00e9 & que\npour donner exemple aux autres ou affin que une aultreffois fussent\nmieulx advisez estoit besoing de y pourveoir. Finablement parties ouyes\nont est\u00e9 apointez en droit & a mettre devers la court et au conseil. si\na la court d'amours veu ledit proc\u00e9s a grant et meure deliberation &\ntout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere/ & tout veu dit que il a\nest\u00e9 bien reffus\u00e9 & proced\u00e9 par ladicte dame & mal appell\u00e9 par le dict\nappellant et l'amendera en le condampnant es despens de la cause\nd'appel/ la tauxation reservee avec ce declere la court ledit don non\nrecevable ne vallable en deffendant a tous amoureux de jamais n'en\narrestez leurs dames sur peine d'amende arbitraire & de encourir\nl'indignation d'amours\n\u00b6 Le .xxviii. arrest.\nCeans c'est complaint une femme de une sienne voisine/ disant que elle\nluy tient les plus rudes termes du monde car incontinent qu'elle voit\nung homme qui vient parler a elle toute la journee elle ne cessera de\nquaqueter mal es voisines en gectant des petites pierres par une\nfenestre qu'elle a respondant sus la rue dessus les gens qui estoyent a\nson huys pour les en faire aller. Et puis quant on n'en tient compte ou\nque l'en ne s'en bouge/ elle s'en vient plainement a ladicte fenestre\ntousjours/ et dire dieu vous gard comme pour dire/ je vous voy bien et\nproferant plusieurs aultres parolles mal sonnant/ & encores plus elle\nnon contente de toutes ses choses ycy tressouvent elle murmure & se elle\na quelque robbe ou chapperon nouveau ceste femme deffenderesse va\npublier incontinent que elle s\u00e7ait bien qui luy a donn\u00e9 & que tel l'a\npay\u00e9 qu'on ne cuyderoit pas en luy faisant plusieurs autres oultrages et\ndesplaisirs. Et pour ce requeroit icelle demanderesse qu'il fust\ndeffendu a sa voysine de ne parler contre elle sur paine de luy parcer\nla langue et que sa fenestre par ou elle vient escouter les gens fust\nabatue & demandoit despens De la partie de ceste deffenderesse fut\ndeffendu au contraire et disoit qu'elle avoit tousjours vescu\npaisiblement/ et n'eut jamais noise en la rue si non depuis que ladicte\ndemanderesse y estoit venue demourer qui n'estoit contente des biens\nqu'elle a/ mais veult entreprendre sus les aultres et si luy semble pour\ndeux/ ou troys robbes qu'elle a qu'on la doibt appeller ma dame et\nqu'elle doit supediter tout le monde. Or ne le vouldroit point ycelle\ndeffenderesse la despryser/ mais aussi ne la souffriroit jamais a son\npouoir entreprendre sus elle. Combien qu'elle y a bien tasch\u00e9 par\nplusieurs foys. Et est vray que par faulx rapors elle luy a soutrait ung\ndes meilleurs chalans qu'elle eust pourquoy s'elle en est courroucee\ncontre elle/ l'en ne s'en doit esmerveiller et s'elle a parl\u00e9 contre\nelle aussi a la damoyselle/ et dit d'elle des maulx infinis dont elle\nlaissera la vengeance a dieu qui s\u00e7ait tout. Et quant est de sa fenestre\nelle est sienne & en sa maison. Parquoy elle y peult estre a toute heure\nne ne la pourroyt on empescher qu'elle n'y viengne quant bon luy\nsemblera. Au regard des chapperons/ et des robbes nouvelles disoit\nqu'elle n'a pas dit encores tout ce qui en est/ & que quant il fauldroyt\nnommer ceulx qui les ont donnees/ voirement elle les nommera bien\nparquoy de se plaindre d'elle & avoit la demanderesse moult grant tort\nEt au surplus concluoit affin de absolution et de despens. A quoy\nladicte demanderesse respondit disant qu'il vauldroit beaucoup myeulx\nestre log\u00e9 aux champs que empr\u00e9s une femme envieuse/ car elle ne se\npeult taire tant est courroucee du bien d'aultruy & si en est le service\nd'amours empesch\u00e9 par ce que plusieurs entreprinses se pourroient faire\nqui en son rompus et advient moult voulentiers que par telles malles\nbouches l'honneur est sans cause tolu. et donne l'en charge a ceulx qui\nn'en peuent mais/ et semble que veu que on ne luy dit mot et aussi qu'on\nn'entreprent rien sur elle qu'elle deust bien estre contente Mais elle\naymeroit mieulx mouryr qu'elle ne parlast ou dist mal d'ung chascun & ne\nvit d'autre chose oultre ladicte demanderesse que sadicte voisine a bien\ngrant tort et luy venoyt de ung faulx couraige de venir escouter les\nparens et amys/ et de gecter des pierres pour les faire departir Disoit\naussi pareillement que en sa vie ne fist ung rapport maulvais de ladicte\ndeffenderesse ain\u00e7oys luy vouldroit a son pouoir garder son honneur\ncomme le sien. Et s'elle avoit aussy bonne voullent\u00e9 et desir comme elle\ncertainement il ne fauldroit point plaidoier. Surquoy ycelle\ndeffenderesse disoit au contraire que sa partie adverse n'est q'une\nflatteresse et baveresse/ et que avant qu'elle y venist chascun estoit\nbien d'accort et sans murmure/ mays maintenant l'on n'oyt que debat et\nnoyse pour et a l'occasion d'elle. Finablement parties ouies elles ont\nest\u00e9 appointees en droict et a mectre devers la court et au conseil. Si\na la court veu et visit\u00e9 ledict proc\u00e9s/ et tout ce qu'il failloyt veoir\nen ceste matiere et tout veu et consider\u00e9: dict que la fenestre par ou\nladicte deffenderesse vient escouter les gens et getter les pierres sera\nseellee et muree comme une chose condampnee. Et au surplus deffent la\ncourt a chascune des parties qu'elles ne parlent l'une a l'encontre de\nl'autre en quelque fa\u00e7on ne maniere que ce soyt sinon en tout bien et en\ntout honneur sur peine de la hart et de confisquation de corps et de\nbiens.\n\u00b6 Le .xxix. arrest.\nCeans c'est complaint une dame d'ung sien amy disant qu'elle a despie\u00e7a\ndonn\u00e9 son cueur a luy du tout & qu'il n'est possible a femme de aymer\ntant homme qu'elle a faict luy/ mais pource que il le scet bien il n'en\nfaict guaires de compte/ & la faict languir en maintes manieres et pour\nquelque priere que elle luy face il ne la veult entretenir ne luy bien\nfaire/ et quant elle l'envoye querir pour venyr vers elle il se faict\nceler. Et encores luy promect par serment qu'il y viendra il se faict\naller querir trois ou quatre fois et n'en peult l'en venir a chief que a\nbien grant peine combien qu'il n'y a homme au monde mieulx festoy\u00e9 ne\nmieux venu quant on le peult avoyr. Disoit avec ce que puis n'a gueres\nceste dame a sceu et est advertie que ledict galant en ayme une aultre/\net est la cause par laquelle il fait tant de reffus qui est tres mal\nfaict a luy/ car il luy a promys foy et loyault\u00e9/ et a veu le temps\nqu'il eust est\u00e9 bien eureux quant seullement elle luy eust voullu\nsoubzrire d'ung oeil/ mais l'en dict bien vray quant ilz ont faict des\ngens il ne leur en souvient plus et sont folles celles qui si fient &\ndisoit ceste dame complaignant que a l'occasion de ce cas et de ce\nqu'elle voit maintenant que ledict galant l'a layssee pour en prendre\nune autre elle a eu et a si grande desplaisance au cueur qu'elle n'en\ns\u00e7auroyt boyre ne mengier chose qui bien luy face/ Elle ne peult durer\nne dormyr de nuyct/ car tousjours sans cesser pense a luy son cueur luy\nfremist et luy viennent plusieurs vomyssemens qui tressouvent la font\nesvanouyr/ elle crache sang a gros morceaux mesl\u00e9s de grant ordure qui\nest grant piti\u00e9. Et brief elle se doubte que ledict gallant ne luy ait\nbaill\u00e9 quelque maulvais boucon dont elle a celle maladie/ elle ne veit\nne n'est soustenue que de souspirs & ne boit que de l'eaue de larmes/\nles jambes luy commencent a peler les ongles luy cheoient: parquoy a\ngrant presumption contre luy. Et aussi y a eue information faicte a sa\nrequeste Si requeroit ladicte dame que ledict amant feust estroictement\ndetenu prisonnier et que l'en le contraingnist a en dire la verit\u00e9 par\nsa bouche. De la partie de cest amant fut deffendu au contraire et\ndisoit que au regard de luy il a est\u00e9 comme encores est de bonne vie et\nrenommee ne ne fist oncques desplaisyr a ladicte dame ne a aultre qu'il\nsaiche: et aussi ne vouldroyt il faire/ et est bien vray qu'il a fort\naym\u00e9 ladicte dame et servie par long temps sans estre en amende que bien\na point quant il l'a bien congneue et veu ses estranges manyeres bien\npeult estre qu'il s'en est voullu deffaire et delaysser la peyne qu'il y\navoit/ Car trop est forte chose de tousjours servyr sans loyer aussi\nelle a d'autres serviteurs ou elle peult bien renoncer/ et dont elle\ndoibt estre contente. Disoit outre ledit amant qu'il n'est aujourd'huy\nsi perilleuse chose que de se adresser a une dame qui a le cueur\nvollaige pour le departir en plusieurs lieulx: Car les biens qui en\npourroyent venir ne sont jamais entiers ou parfaitz et n'en vient que\nnoyse & discentions entre les contendans et requerans et quelque chose\nqu'elle di jamays ne le mandast qu'il n'alast devers elle en luy\nobeyssant plus qu'il n'estoit tenu et tellement qu'il est las du service\net n'y veut plus retourner pour le pris aussi est pourveu ailleurs\npourquoy de adresser a luy ceste dame si ne faict a recepvoir & quant\nest de sa maladie qu'elle luy vient d'ailleurs/ mays il failloyt prendre\nson excusation sur quelque chose et au surplus requeroit ledit amant\nqu'elle desclairast s'elle voulloyt charger du cas qu'elle luy imposoit/\ncar il protestoit a l'encontre d'elle d'en avoyr reparation et conclure\nen amende deshonnorable et proffitable Et sur ce que les gens d'amours\ndisoient que puis nagueres ceste dame estoyt devenue fort maigre et\nmerencolieuse et sechoit sur le pied. Dysoit au contraire ledict amant\nque par l'informacion qu'il a fait faire touchant justifications et\ndeffences appart qu'il est bien renomm\u00e9 et de leal couraige/ et y a\naulcuns tesmoings qui disoient et desposoyent qu'il a eu beaucoup a\nfaire au service de ceste dame/ car au commencement luy a est\u00e9 fort rude\navant qu'elle luy voulsist faire aucun bien Et s'elle est punie de\npareille peine elle l'avoyt bien desservy en requerant les gens d'amours\nqu'ilz se voulsissent adjoindre avec luy tellement que le droit d'amours\ny fust par tout gard\u00e9. Et disoit qu'elle offroit prouver ce qu'elle\navoit dit et plus encor parquoy ledit amant devoit estre prisonnier. Et\nquant est a l'information qu'il avoyt faict faire sur ses justifications\nl'en n'y devoit adjouster foy/ car tous les tesmoings estoient a sa\nposte Et au regard de sa malladie affermoit qu'elle ne luy venoyt\nd'ailleurs que de luy: Et qu'il avoit tort de se plaindre d'elle: car\njamais ne trouvera femme qui l'aimast autant qu'elle a faict ne qui luy\nface autant de plaisirs. Et requeroit provision au moins que pendant le\nproc\u00e9s luy fust deffendu de non aller devers la dame par luy\nnouvellement choisie & ledict amant disoit que ce n'estoit pas raison/\ncar pour elle ne devoit estre retard\u00e9 son bien. et si luy avoit fait\npromesse ce n'estoit pas a tousjours/ parquoy n'y cheoit aulcune\nprovision Finablement parties ouyes ont est\u00e9 appointees en droict et au\nconseil. Si a la court veu ledict proc\u00e9s et tout ce qu'il failloit veoir\nen ceste dite matiere Et tout veu dit que lesdites parties ne se peuent\naulcunement delivrer sans enquerir la verit\u00e9 de leurs faitz/ et qu'elles\nsont contraires Si feront leur enqueste et icelle faicte et raportee par\ndevers la court elle leur fera droit. Et au regard de provision requise\npar ladicte dame la court dit que aulcunne ne luy en sera faicte pour le\npresent mais permet audict amoureux de se pourveoir ailleurs & de servir\ntelle dame que bon luy semblera pendant le proc\u00e9s et jusques a ce que\naultrement en soit ordonn\u00e9. &. c.\n\u00b6 Le .xxx. arrest\nCeans c'est plaint ung amoureux d'une sienne dame qu'il a longuement\nservie disoyt que du temps qu'il eut premierement congnoissance a elle y\nestoit bien aise et avoit du sien largement. Et quant elle luy demandoit\naulcune chose a prester ou donner jamais ne luy eust reffus\u00e9 Or estoit\nvray que pour tousjours fournir aux fraictz et aux grans chieret\u00e9s sa\nchevance y avoit est\u00e9 employee. Et tellement que les eaues estoyent\ndevenues bien basses/ mais il cuydoit que elle luy deust subvenir comme\nil a fait a elle l'a prier de luy aider et de l'entretenir dont n'a\nriens voullu faire/ ains luy a plainement respondu qu'il perdoit son\ntemps. Et que puis qu'il n'avoit plus de quoy elle n'en tenoit compte/\net non contente de ce luy a faict dire qu'il se retire chiez ses amys/\ncar plus n'avoit intencion de l'aymer ne aucun bien luy faire. Et\nencores qui pis est se mocque de luy devant les aultres en le monstrant\nau doy qui luy est plus dur martire que qui luy frapperoit d'ung\ncousteau parmy le cueur Si requeroit finablement ledict amant que\nsadicte dame feust condampnee non obstant son adversit\u00e9 de l'entretenir\nseullement en amour & luy faire bonne chere comme elle soulloit/ et\nqu'il feust prefer\u00e9 devant tous les aultres attendu mesmement qu'il\nestoit des premiers venus & des anciens serviteurs De la partie de ceste\ndeffenderesse fust deffendu au contraire/ et disoit pour son prouffit\nque quiconcques veult d'amours jouir baille l'argent devant la main et\nque c'est grant follie que de s'attendre a escuelle d'autruy s'il ne la\nfournist et remplist Disoit avecques ce/ que le gallant au temps de sa\nfortune/ et que les biens luy venoient en dormant il s'est mescongneu et\nen a festoy\u00e9 d'ungs et d'autres dont il se feust bien peu passer Et se\nmaintenant se il en a disette/ il ne est pas trop mal employ\u00e9: et quant\nest de l'aymer elle disoit qu'elle n'y estoit point tenue/ car les biens\net vertus qui soulloyent estre en luy n'y sont plus et ne failloit ja\nramentevoir les bonnes cheres du temps pass\u00e9/ car ledit amant luy a\nfaict tant de plaisirs & services aussi luy a elle faict plusieurs\nservices qu'il n'est ja besoing de declairer & puis que ainsi est que\npovret\u00e9 maintenant le guerroye adonc elle n'en veult plus ne en avoir\nplus la garde/ Car aussy au lieu ou elle habite n'y a que toute\nmalheuret\u00e9 et jamais ne se y treuve joye. Et quant est au surplus pour\nles biens qu'elle luy peut faire luy offroit ung povre baston en sa main\npour s'en aller avecques la prebende de vat'en pour recompensation de\nses services en concluant que a tort se complaignoyt d'elle et en\ndemandoit despens. Apr\u00e9s lesquelles deffences proposees les gens\nd'amours qui s'estoyent adjoinctz avecques ledit amant disoyent que\nceste femme n'estoit pas digne qu'on parlast d'elle devant les gens de\nbien car par son propos jamais n'ayme que pour argent et ainsi\nconfessoyt avoir vendu les biens d'amours & qu'elle en a meschamment us\u00e9\nen son temps et aussi pareillement estoit voix commune renommee qu'elle\nayme tousjours troys ou quatre et qu'elle les succe jusques aux os. et\npuis encore s'en mocque qui est pis/ car quelque femme que se soit\njamais ne doit despriser le serviteur qui l'a servie combien qu'il luy\nsouvienne de beaucoup de fortunes/ et requeroyent lesdictes gens\nd'amours a l'encontre d'elle qu'elle fust condempnee a faire amende\nhonnorable et a luy rendre & restituer tout ce que elle a eu de luy et\ndont il debvoit estre creu par son serment veu la maniere de proceder/\net avec ce qu'elle soit bannye a tousjours dudit royaulme d'amours comme\nindigne d'y converser. Ce povre amant pour ses repliques disoit que\nentant qu'il luy touche qu'il estoit encores content que tous les biens\nqu'il luy avoit donnez demourassent pour elle/ comme siens et ne vouloit\nqu'on luy en ostast rien mais requeroit seullement qu'elle l'aymast\ncomme devant et encores promettoit de luy en faire. A quoy elle\nrespondit que quant elle le verroit en feroit son debvoir mais jusques\nalors luy conseilloit de changer air pour recouvrer sant\u00e9 obvier que il\nne fust plus malade. Et disoit oultre que a la contraindre a aymer l'en\nne s\u00e7auroit/ et aussi telle amour qui seroit donn\u00e9 par force ne dureroit\npoint/ mais plus de mal faict a celluy qui l'obtient que s'il n'en avoit\npoint. Si ont est\u00e9 les parties ouyes appoinctees en droit & au conseil/\nfinablement veu le proc\u00e9s considerer tout ce que il failloit considerer\nen ceste matiere la court dit qu'elle condamne ceste rebelle femme a\nrendre et restituer audit amoureux tout ce que il affermera en sa\nconscience luy avoir baill\u00e9 et donn\u00e9/ nonobstant l'offre par lui faicte\nde ne luy en vouloir aulcune chose demander. A laquelle offre la court\nne obtempere point veu que ladicte deffenderesse ne l'a attemptee &\nqu'elle s'est rendue ingrate. et ordonne que a ce faire sera contrainte\npar la prinse de ses biens & emprisonnement de son corps. Et a tousjours\nla bannist des biens et service d'amours en disant avoir forfait de\ncorps et biens en maniere qu'elle sera abandonnee a ung chascun pour\ndesormais servir le commun & devenir a tous publique.\n\u00b6 Le .xxxi. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung proc\u00e9s entre une jeune dame separee\nde son mary qui ne veult qu'elle porte ses robbes a la nouvelle fa\u00e7on\ncomme les autres disant que naguieres elle en avoit fait faire une bien\ngente a la fa\u00e7on qui court/ mais il luy avoit fait oster et despouiller\nen disant qu'elle ne la porteroit point en cest estat par ce qu'elle est\ntrop ouverte par devant/ et que la languette du collet va trop bas et\nque le giect de la penne est ung petit trop grant & autant en ont ilz\nfait de son chapperon pource qu'ilz veulent dire que la patte est trop\nvollant/ et de faict l'en luy muce. De laquelle chose elle a appell\u00e9 en\nla court de ceans. Sy concluoit tout pertinent en cas d'appel qui avoit\nest\u00e9 mal exploict\u00e9 & par elle bien appell\u00e9 Et au surplus requeroit\nprovision que pendant le proc\u00e9s elle peust vestir ladicte robbe/ et\nsondict chapperon. De la partye desdictz parens et amys intimez fut\ndeffendu au contraire disant que selon la jambe le coup car le monde\nparle au jourd'huy trop de legier & ce fait bon garder des premiers\ncourroux Or disoit il que sadicte robbe ou houpelande que ceste\nappellante avoit faict faire n'estoit pas selon son estat/ car il y\navoit superfluit\u00e9 d'oultraige que l'en luy devoit tollir pour les\ninconveniens qui s'en pourroyent ensuyvir & n'estoit tel que tenir en\nhabit et moyen pour obvier aux langaiges des gens qui y pourroyent\npenser ce que n'est pas/ et en parler a la volee/ et ainsi affin\nd'eviter tous langages luy avoient voirement ostez & devestuz les\nhabillemens nouveaulx enquoy ne pouoit ladicte dame estre grevee/ veu\nque lesditz habitz en la maniere qu'ilz sont faitz estoient excessifz &\nsuperflux. Et par ainsi concluoit affin de non recepvoir allias mal\nappell\u00e9. L'appellant pour ses repliques disoit que ses aultres cousines\net parentes les portent bien tieulx voire plus grans. pourquoy doncques\npar plus forte raison elle qui mieulx le pouoit faire que elles le peult\navoir ne n'y a point d'exc\u00e9s ne d'oultrage ausditz habitz/ quelque chose\nqu'on vueille dire. Et qui plus est n'y avoit sy meschante morveuse qui\nne les facent faire plus excessifz et oultrageux la moyti\u00e9. Parquoy n'y\navoit apparence de empeschement qu'elle ne les deust avoir. a quoy\nlesditz intimez pour leurs dupliques disoyent que se les unes veulent\nfaire les folles elle ne le debveroit pas pourtant faire. et aussi eulx\nqui en ont a garder ne le souffriroyent point. Et si doibt l'en en tel\ncas gouverner par l'oppinion des anciens qui ont est\u00e9 au temps pass\u00e9\nlesquelz s\u00e7aivent bien que c'est de telles choses. Finablement partyes\nouyes elles ont est\u00e9 appointez en droit & a mettre par devers la court\net au conseil ce que bon leur sembleroit. Si a la court veu ledit proc\u00e9s\navecques ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu la court\nmet ladicte appellation & tout ce qui a est\u00e9 appell\u00e9 au neant et sans\namende et despens et pour cause. Et ordonne que les robbes et\nchapperons/ et habitz d'ycelle dame seront visitez que deux cousturiers/\net deux pelletiers non suspectz ne favorisables a l'une ny a l'autre des\nparties & avec ce que par leur raport et visitation il y aura aucune\nchose a redire ou qu'ilz ne seront assez passables selon le temps. la\ncourt ordonne que lesdictz cousturiers et pelletiers les referont et\nmetteront a point par le conseil. Touteffois des prochaines parentes.\nC'est assavoir des deux femmes du cost\u00e9 du mary & deux du cost\u00e9 de la\nfemme non trop mondaines ne bigottes que s'il advenoit qu'elles ne se\npeussent accorder ensemble/ elles pourroyent se bon leur semble appeller\navecques elles de leurs famillieres voisines en tel nombre qu'il leur\nplaira pour eulx aider & conseiller mais touteffois la court entent que\nde dix parolles et oppinions qui seront par elles dictes en la besongne/\nelles ne vauldront ne seront comptees que pour une/ veu que l'on n'en\nauroit jamais trouv\u00e9 la fin\n\u00b6 Le .xxxii. arrest.\nCeans c'est complaint une jeune femme d'ung galant qui luy veult\nsoustraire sa nourrisse. Dysant que sans cesse il se joue a elle dont il\nne lui plaist gueres/ car au dernier craint qu'il ne luy vueille\nbrouiller son laict et pour ce il luy en fauldroit avoir une aultre/\nlaquelle chose luy seroit ung grant desplaisir pource que l'enfant a\ndesja acoustum\u00e9 sa mamelle. Et disoit oultre que sadicte nourrice a\ncause de l'accointance qu'elle a nouvellement prinse avec ce galant ne\nfait pas si bien son devoir de penser sondit enfant comme a elle\nsoulloit mais devient toute seiche et en chartre/ Parquoy requeroit\ncelle dame que ledit gallant feust condampn\u00e9 a soy absenter de aupr\u00e9s de\nsadicte nourrice et qu'il ne parlast a elle en quelque maniere que ce\nfeust. de la partie dudit galant fut deffendu au contraire & disoit que\na ladicte nourrice il n'avoit ne voulu avoir habitude que bien apoint/\net qu'il n'estoit point recors que il eust parl\u00e9 a elle sinon en passant\nqu'elle luy disoit dieu vous gart et il luy dist aulcuneffois a dieu Et\nne peult on a tout le moins que respondre/ ou dire aulcune chose quant\non salue les gens. Disoit oultre que veu que ladicte nourrice ne se\nplaignoit de luy & qu'elle ne veult pas dire qui l'ait voulue seduire &\nbarguignier sa maistresse n'est pas recepvable a ce adresser a\nl'encontre de luy. Aussi pour ladicte maistresse ne pour la nourrice et\nne s'en vouldroit travailler ung pas ains est content qu'il ne la voye\njamais/ et qu'on la garde de luy tant qu'on vouldra. Si repliquoit\nladicte dame et disoit que du parler ce estoit du moins. Mais elle\ndoubtoit bien d'aultre chose/ c'est que il luy troublast son laict et\nque quant eulx deux seroyent ensemble pour faire leurs besongnes ou\nparler de conseil que sadicte nourrice laissast son enfant crier tout\npar luy a son ayse et que lors il cheust en quelque lieu et s'affolast\npar ce que quant on est en ce cas il n'en chault guieres ne n'en\nsouvient nomplus que des vieilles matines & quant est de la poursuite\nque elle en faisoit de present n'estoit que pour l'interest de son\nenfant & nompas de ladicte nourrice. A quoy ledit galant pour ses\nduplices disoit que de sadicte nourrice n'avoit cure & quant il\nvouldroit il trouveroit bien ailleurs a jouer en concluant comme dessus\nFinablement les parties ont est\u00e9 apointees en droit et au conseil et a\nla court veu ledit proc\u00e9s et consider\u00e9 la court dit que ladicte dame ne\nfait a recepvoir a soy complaindre dudit galant & l'a condampnee es\ndespens\n\u00b6 Le .xxxiii. arrest\nEn la court de ceans c'est complaint ung vieillart d'une jeune dame par\nce qu'elle ne le vouloit aymer/ disant que il luy a ja donn\u00e9 plusieurs\nceintures & chaperons affin de estre en sa grace/ mais elle n'en tient\ncompte/ trop bien quant elle veult avoir de luy aucune chose elle le\nscet le mieulx entretenir du monde en le baisant et acolant mais quant\nvient au fort luy respondit nescio vos en luy faisant la renchiere/ &\nbrief il ne scet ou il en est car quant il cuide avoir fait c'est lors\nque il est a recommencer. et pource requeroit que veu que il a si grant\namour en elle et qu'il l'a servie et encores a intencion de faire\nqu'elle fust condampnee a l'aymer et a luy faire des biens comme dame\ndoit faire a son serviteur/ & de la partie de ceste dame fut deffendu au\ncontraire & disoit que c'est contre nature a une jeune femme d'aimer\nvieillart car ce sont choses contraires comme blanc et noir &\nincompatibles comme chault & froit aussi par ordonnance d'amours que\nquant ung homme est vieil il est excus\u00e9 de servir. disoit qu'elle ne luy\ns\u00e7avoit bien faire il cuide que on doive tout laisser pour entendre a\nluy & qu'on le doyve chauffer & froter la teste pour le endormir qui est\nchose mal sortyssant a jeune femme & quant est des dons que ledit\nvieillart se vantoit luy avoir donn\u00e9. Respondit qu'il n'estoit pas vray\n& que en sa vie ne luy avoit donn\u00e9 q'une armerie a .xvi. pampes que elle\ngarda & mist en sa quenoulle pour la paour de luy/ & estoit donc\nl'accointance bonne. Disoit oultre que elle aymeroit myeulx estre\nbruslee que de riens avoir prins de lui/ car il ne le valoit pas. Et\nquant est de se aymer il y seroit avant autant que charlemaigne en\nespaigne/ & aussi l'avoit elle ja par plusieurs fois reffus\u00e9. Et\nconcluoit affin de non recepvoir allias soubstenoit son reffus &\ndemandoit les despens A quoy il replicquoit et si disoit que se elle ne\nle voulloit aymer pour l'amour de luy/ au moins pour son argent qu'il\nfust aym\u00e9/ car il lui avoit du tout bout\u00e9 son cueur en elle/ mais la\ndame respondit que pour luy ne feroit rien et pour son argent encores\nmoins en disant que ledict vieillart avoit plus grant mestier d'une\nbouteille et d'une bassinouere pour son lict eschauffer que de tous les\nbiens d'amours Finablement partyes ont est\u00e9 appointees en droict et au\nconseil. Si a la court veu ledict proc\u00e9s et tout ce qu'il failloit veoir\nen ceste matiere: et tout veu dict que a tort et maulvaise cause ledict\nvieillart c'est doulu et complaint de ladite dame et que a bonne et\njuste cause elle l'a reffus\u00e9 et le condempne es despens de la tauxation\nreservee.\n\u00b6 Le .xxxiiii. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre d'eux beaux\njeunes enfans portans le noir en leurs devises heritiers et ayant cause\nd'ung amant trespass\u00e9 de dueil de sa feue dame demandeurs en cas d'exc\u00e9s\nd'une part et la mort deffenderesse audit cas d'aultre part Et disoyent\nlesditz demandeurs que ja pie\u00e7a dame nature de beault\u00e9 pour monstrer\nl'excellence de leur ouvraige ilz allerent produirent et formerent ung\ncorps de femme le plus bel qu'on pourroit guieres choisir dont le\ndeffunct fut serviteur et estoit ceste femme avecques la beaut\u00e9 qu'elle\navoit d'elle & remplie de toutes les vertus especiales que jamais femme\npeult avoir c'est assavoir de doulceur d'honneur de humilit\u00e9 de\ngratieuset\u00e9 de beau maintien et doulx regard tant que nulle ne la\npassoit Et advint que pour les grans biens qui estoyent en elle que tout\nchascun luy souhaitoit des biens largement ce luy portoit grant honneur\nmais ladicte mort qui en eut desplaisance et pour l'oster de ce monde\nluy getta son dart et l'occist piteusement de laquelle chose ledict\ndeffunct son amy et serviteur/ print telle desplaisance en luy qu'il en\ncheut mallade au lict: et apr\u00e9s ce qu'il eut faict son testament ne\ndemoura gueres qu'il n'allast apr\u00e9s elle Or disoyent leurs heritiers que\nveu que cesditz deux personnaiges estoient en saufconduit d'amours et en\nla sauvegarde/ que ladite mort n'y avoit que congnoistre et/ que par\nainsi de les avoir tu\u00e9s elle en estoit tout du long tenue et estoit le\ncas digne de reparation/ attendu qu'il y avoyt eu meurdre et occision\nqui estoit inreparable et pource concluoient lesditz heritiers et\nheritieres a l'encontre d'icelle mort qu'elle fust condampnee restituer\net remettre la vie es corps dudit feu amant et de sadicte dame qu'elle\navoit ainsi tu\u00e9s s'il estoit possible & faire se pouoit/ et a tout le\nmoins a restablir le corps par figure & a les faire paindre au vif ainsi\net en la maniere qu'ilz estoyent au temps de leur bonne sant\u00e9/ affin que\nleur pourtraicture demourast sur terre & qu'il fust encore memoire d'eux\nEt avec ce que iceulx heritiers desditz deffunctz fussent declair\u00e9s\nexemps de ladite mort au moins jusques a ce qu'ilz fussent aag\u00e9s que\navoit est\u00e9 abregee la vie desditz deffunctz leur fut donnee et prolongee\nde temps de vivre en ce lieu. Et pour reparacion des exc\u00e9s qui estoyent\ngrans concluoyt en amendes honnorables et prouffitables a la discretion\ndes gens d'amours. De la partie de ladicte mort fut tendu affin de non\nproceder disant que toutes choses crees sur terre sont en sa subjection\net qu'il n'y a personne tant soit fort qui se puisse exempter d'elle/\ncar elle a seigneurie et domination sur toutes creatures humaines soient\nhommes ou femmes bestes ou oyseaulx arbres et raciers voire et telle\nmaniere qu'elle leur peut abreger leur vie et les prendre sans ce qu'il\nen soit plus parl\u00e9: & de ce qu'elle en faict soit bien ou mal n'est\ntenue de respondre que devant le grant juge et n'y a justice d'amours ne\nd'aultre ou elle soit subgette et par ainsi perseveroyt en sa\ndeclinatoire & concluoit affin de non proceder Lesditz heritiers\ndemandeurs disoient au contraire que en ceste matiere estoit question de\nsauvegarde et entreprinses faictes/ sur les droitz d'amours/ parquoy la\ncongnoissance en appartient a la court de ceans et non a aultre: aussi\nestoit ce court souveraine & y avoit est\u00e9 la cause commise de par amours\net les lettres expresse au cas/ sy que n'estoit par ce moyen ledict\ndeclinatoire recepvable ains debvoyt ladicte deffenderesse aultre ou les\nconclusions request\u00e9 par iceulx demandeurs leur debvoyt estre adjugez.\nEn requerant l'adjonction des gens d'amours qui de leur cost\u00e9 disoient\nque c'estoit mal fait aux advocatz de proposer telles declinatoires\ncontre l'honneur et prerogatives de la court de ceans ou ilz avoyent\nest\u00e9 nourris car il estoit tout notoire que des abbus et entreprinses\nfaictes au prejudice d'amours et de ses subjectz la court en devoit\ncongnoistre disoyent oultres lesdictes gens d'amours que par beaulx\nprevileges et anciens droitz du demaine/ la mort n'a que congnoistre sur\namant qui sont en la sauvegarde d'amours/ et qu'elle ne les pouoit\nprendre ou faire mourir sinon qu'ilz feussent/ ou soyent hors d'aage/ ou\nque ilz ayent renonc\u00e9 a l'amoureuse aliance d'amours: et sur ce\nalleguoient plusieurs loix: disoyent aussy que ces amoureuses n'estoyent\nexemptees de la mort au moyen desdis previleges jamais ne se mettroyent\nau service veu que ilz seroyent tous les jours en danger de leurs\npersonnes/ & qu'il soit vray que la mort n'avoit point de congnoyssance\nsus eulx il en apparoissoit assez/ & que par experience des amoureux qui\nmontent et devallent de nuyct du hault de deux ou troys estaiges par une\ntouaille ou longiere pour entrer en une maison sans eulx blesser ou mal\nfaire quelconque. pareillement de ceulx qui couchent entre deux\ngoutieres toute la nuict voire quant il gelle a pierre fendant & si\nn'ont point de la couverture ne de froit & aussi de ceulx qui se font\navaller par souspiraulx/ qui endurent aulcunesfoys aux baingz l'eaue si\nchaulde qu'ilz sont tous bruslez & si ne sentent point le feu ne la\nchaleur/ ain\u00e7oys par cela guarissent toutes maladies et de tous maulx/\net toutesfois raison est que la ou il seroit ainsi que la mort eust\npuissance sur telz parens il n'en eschapperoit pas ung veu les peines et\ntormens qu'ilz seuffrent et les dangers ou ilz se mettent dont\ntouteffoys l'en ne peult veoir du contraire et que ladicte mort n'a\npouoir ne auctorit\u00e9 sus ceulx qui sont ainsi au service et en la\nsauvegarde d'amours/ aultres soyent exemptz d'elle parquoy ne se pouoit\nladicte mort excuser qu'elle ne deust estre contraincte a proceder en la\ncourt de ceans au regard mesmement que les exc\u00e9s par elle commis avoyent\nest\u00e9 faitz en enfraingnant la saulvegarde d'amours ou lesditz deffunctz\namoureux estoyent quant il les laissit mourir/ mais ladicte mort en\nperseverant tousjours en sa declinatoire disoit que la court de ceans ne\npouoit estre son juge car elle n'y estoit subjecte ne obeissante &\noultre plus disoit que de avoir prins et tu\u00e9 lesditz deffunctz n'avoit\naulcun exemptz ne sauvegarde enfraindre parquoy n'en pouoit congnoistre.\nEt suppos\u00e9 qu'il y eust exc\u00e9s si n'en pouoyt la matiere estre ceans\ntraitee car elle avoit a somer ses garans comme fortune & aultres qui\nn'y respondroyent pas & au regart ces previleges & exemptions dont les\ngens d'amours avoyent parl\u00e9 respondit ladicte mort qu'elle a previlege\nsur amours et par tout et que avant qu'il fust oncques nouvelles\nd'amours ne d'amyti\u00e9 elle estoit nee & usant en terre de sa puissance &\ns'elle differoit a faire mourir tels jeunes amans qui ainsi se\nadvanturent & mettent en danger de leurs personnes par leurs folies\nmondaines/ c'estoit de grace et de permission seulement qu'on ne luy\npouoit retorquer au prejudice/ & voit on tous les jours les plus huppez\npasser par la quant il luy plaist. Et si la mort ne les prent pas quant\nilz sont malades Ains laisse faire nature son debvoir/ et attend bien\nsouvent que telz amans soyent tous secz/ & qu'il leur ennuye d'estre au\nmonde en la soubhaictant pour les biens d'amours qui leur deffaillent en\nconcluant comme dessus Surquoy les heritiers d'iceulx deffunctz\ndemandeurs disoyent que si leur failloit faire ailleurs leur poursuite\nilz seroient destruitz a tousjours et n'auroyent dequoy fournir Et\noultre disoyent que veu l'enormit\u00e9 du cas la court en debvoit retenir la\ncongnoissance & quant aux gens d'amours ilz dupplicquoyent et disoient\nque la mort ne pouoit avoir previlleges contre ceulx d'amours/ car avant\nque oncques la mort feust/ estoit nee amycti\u00e9/ et ne fut la mort\nordonnee fors que pour appaiser les debatz de cedit monde/ et oster\nceulx qui s'entrehayent qui font les noyses & que nature ne peult plus\nsoubstenir: Or estoit il ainsi que ces deux trespassez dont estoit\nquestion estoient en la plus grande amycti\u00e9 et aliance d'amours qu'il se\npouoit faire en sa sauvegarde. parquoy d'avoir ainsi exploit\u00e9 la mort\navoit trop mesprins et exced\u00e9/ Et failloit qu'elle en respondist ceans &\nnon ailleurs. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu\ndire et alleguer/ elles ont est\u00e9 apointees en droit & a mettre par\ndevers la court et au conseil. Si a la court finablement veu ledit\nproc\u00e9s & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure\ndeliberation. et tout veu la court dit que ladicte mort deffenderesse\nprocedera en la court de ceans nonobstant chose par elle proposee au\ncontraire dont elle deboute et deffend a tous les advocatz de ladicte\ncourt que ilz ne proposent ou alleguent telles declinatoires sur peine\nde l'amende.\n\u00b6 Le .xxxv. arrest\nA la requeste du procureur general d'amours une vieille femme a est\u00e9\nprinse & constituee prisonniere pour raison & a cause de certaines\nparolles mal sonnantes qui ont est\u00e9 dictes et proferees de sa bouche. Si\na depuis est\u00e9 interroguee sus les charges/ et informations faictes a\nl'encontre d'elle sus quoy en effect elle a depos\u00e9 et confess\u00e9 que\nveritablement en haine et despit de ce qu'elle ne estoit appellee de\naller aux grans chieres comme sont bancquetz & nopces ainsi que les\naultres elle mal meue & de de felon couraige avoit et a dit que ce\nn'estoit pas tout acquest d'y estre & que s'elle estoit homme aussi bien\nqu'elle estoit femme elle n'y laisseroit pas de leger aller sa femme ne\nses filles avec plusieurs autres choses au prejudice d'amours/ et de ses\ndroitz declairees a plain en sa confession qui a est\u00e9 monstree aux gens\nd'amours lesquelz ont par ycelle prins droict et baill\u00e9 leurs\nconclusions tendant affin que ladicte vieille qui avoit parl\u00e9 contre la\nsouverainet\u00e9 d'amours fust pugnie de pugnition corporelle et oblicque\npour monstrer exemple aux autres/ et en ce faisant qu'elle eust la\nlangue couppee ou que on luy plantast ung fer chault et ardant au\nvisage. Et aussi qu'elle feust bannye a tousjours hors du royaulme\nd'amours et ses biens declarez confisquez. A l'encontre desquelles\nconclusions ladicte vieille deffenderesse pour la diminution de la\npaine/ disoit que l'en ne doit pas de si pres prendre garde aux parolles\ndes femmes Car souvent parlent de legier et contre elles mesmes/ mais\nentant qu'il luy touchoit elle s\u00e7avoit bien voirement que elle avoit\nfailly/ et mal parl\u00e9. Mais la court devoit avoir regard a ce que se\navoit est\u00e9 par chaulde colle & sans y penser et aussi par la\ndesplaisance de ce que n'en ne tenoit compte d'elle et qu'on ne daignoit\nla mander ausdictes festes & bancquetz. Si a la court veues les charges\net informations/ la confession de ladicte deffenderesse/ les conclusions\ndes gens d'amours/ et les deffences baillees au contraire & tout ce que\nil failloit veoir en ceste matiere a grande & meure deliberation. Et\ntout veu et consider\u00e9 ce qu'il failloit a considerer. Ladicte court\ncondampne ycelle vieille deffenderesse pour les exc\u00e9s et delictz par\nelle commys alentour l'escripteau qui s'ensuyt.\n En ma vie je ne fuz meurdriere\n Ne larronnesse: ne coustumiere\n De amans blecer & ravaler\n Mais affin que mon cas declaire.\n J'ay eu la bouche trop legiere.\n Gardez voz langues de parler.\n\u00b6 Le .xxxvi. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre les heritiers\nde une dame naguere trespassee demandeurs d'une part et les official\nvicaire et prometeur d'amours deffendeur d'aultre. Et disoyent lesditz\ndemandeurs que la deffuncte estoit en son temps bien gente & gaillarde/\nsage et s\u00e7avante et soubz laquelle s'elle eust vescu plusieurs vaillans\ncueurs amoureux eussent peu apprendre du bien Or estoit vray qu'elle qui\nestoit de noble couraige voulloit bien adviser tousjours en son faict.\net fust en nopces ou en aultre festes et gardoit bien qu'on ne se\nmoquast de chose qu'elle fist mais il advint que ung jeune gallant mal\nhabill\u00e9 & ressemblant a ung varlet dimencheret qu'elle encores ne\ncongnoissoit la vint prier de dancer et pource qu'il n'estoit pas lors\nen point et aussi que son cost\u00e9 estoit lasse et n'en faisoit que venir\nelle l'esconduit bien gracieusement disant qu'elle ne voulloyt plus\ndancer dont il se deporta & s'en alla sans dire a dieu Mais encore il ne\nfut pas content de cela ain\u00e7oys quant vint de rechef a dancer au\nchapelet ledit gallant se mist a dancer et apr\u00e9s ce qu'il eut le\nchapellet a son tour il le vint presenter a elle laquelle le receut mais\nquant vint ledit galant tendoit la bouche pour la baiser/ elle se torna\nla teste de l'autre cost\u00e9 en le reffusant tout court dont il conceut\nhayne et malveillance mortelle contre ladicte deffuncte Pour laquelle\nmettre a execution il la fist citer devant ledit official d'amours par\ndevant lequel elle voyant qu'il n'estoit point son juge ne capable de\ncongnoistre de la matiere ne comparut point Si fut mise en coustumace.\nau moyen de laquelle elle fut ainsi que l'en veult dire excommuniee &\ndepuis est advenu qu'elle est encheute en aucune maladie de fievres qui\nl'en ont emportee/ et a fin\u00e9 ses jours bien honnorablement et faict son\ntestament et toutes aultres choses que bonne et tres loyalle dame doit\nfaire. Mais avant est venu a l'encontre ledict official vicaire et\nprometeur soubz umbre de ce que il vouloit dire qu'elle estoit\nexcommuniee pour raison de ce que dit est: ilz n'ont voulu donner cong\u00e9\nne licence de l'enterrer ou elle avoyt ordonn\u00e9: mais l'ont faict porter\naux champs et enterrer en une grande piece de terre toute pleine\nd'orties et de chardons: laquelle chose redonde au vitupere et honneur\nde tous les parens et amys de ladicte deffuncte qui sont gens de bien et\ndes plus notables: par quoy l'exc\u00e9s en estoit plus grant Et par ses\nmoyens concluoient lesditz heritiers demandeurs a l'encontre desditz\nofficial vicaire et prometeur d'amours. Et pareillement aussi contre le\ngalant qui avoit faict citer icelle deffuncte qu'ilz et chascun d'eulx\nfussent condempnez et contrains a revocquer casser et adnuller lesditz\ncitacion sentence et excommuniement donn\u00e9 contre ladicte deffuncte par\nprinses de leurs personnes et du temporel desditz official et promoteur\nde l'eglise et a publier devant ung chascun que a tort et sans cause\nicelle deffuncte avoit est\u00e9 citee et excommuniee Et avec ce ilz fussent\ncondampnez a la faire deterrer et apporter son corps et ses os en ung\ndes cimetieres d'amours et contrains a estre tous au convoy du corps\naffin de reparer et restituer le deshonneur qu'ilz luy avoient fait. Et\nsemblablement que ung chascun d'eulx fust condampn\u00e9 a une bonne amende\nproffitable. A ces fins offroyent a prouver et demandoient despens\ndommaiges & interestz a l'adjonction des gens d'amours De la partie\ndesdictz official vicaire prometeur et gallant fut deffendu au\ncontraire: et disoient qu'il estoyt permis de citer et excommunier tous\nceulx & celles qui detiennent des biens d'amours ou qui injurent et se\nmocquent de ceux qui sont en la poursuite: et dont la congnoissance et\npugnition en appartenoit audit official Or estoit vray que ladicte\ndeffuncte avoit reffus\u00e9 detenu et occupp\u00e9 le bien qui estoyt deu a ce\ngallant icy/ et encores l'avoit farc\u00e9 et mocqu\u00e9/ parquoy il c'estoit\nrendu plaintif d'elle & l'avoit fait citer a certain jour auquel elle se\nreputant coulpable du cas et mesprisant la court n'avoit daign\u00e9 venir ne\ncomparer. Mais c'estoit laissee mettre en coustumace et excommuniement\nqui fut publi\u00e9. Or est advenu voirement qu'elle est trespassee sans soy\nfaire absouldre: parquoy l'en l'avoit faicte enterrer ou elle devoit Et\na ceste cause apparoissoit clerement que l'en n'y pouoit avoir aulcun\nmal ne exc\u00e9s et au regard de la deffuncte/ pos\u00e9 qu'elle eust bonne cause\nd'avoir reffus\u00e9 le galant touteffoys elle devoit venir declairer ou en\nfaire proposer au jour qu'elle fut citee sa declinatoire sans soy\nlaisser mettre en coustumace et sentence d'excommuniement qui donnee\nestoit justement Et quant est de l'enterrement par consequent il avoit\nest\u00e9 fait ainsi que faire ce devoit Et aussi se les sentences ne\nsortissoient en effect/ l'en ne tiendroit plus compte de justice ne de\nfaire mal. Et a ce que les heritiers disoient que la deffuncte n'estoit\nsubgette a la court dudit official: respondoyent que ouy/ car aussy le\njeune galant estoyt clerc non mari\u00e9/ lequel entant qu'il touchoit sa\npersonne disoit que la deffuncte ne devoit point estre desheritee et\nmise en aultre lieu qu'elle estoyt car pour le reffus qu'elle luy fist\nil avoit est\u00e9 en danger de mort de la paine et de la honte qu'il en eut\ndevant tant de gens. Et s'elle eust voulu dancer ung tour avec luy il\nn'en eust jamais parl\u00e9. Et quant est de ce que les demandeurs ont fait\ndire qu'elle ne le congnoissoyt et qu'il estoit habill\u00e9 en varlet\ndimencheret c'estoit mal dit a eulx car il la valoit bien ou myeulx et\nle congnoissoit assez bien. Mais elle estoit tant fiere & orgueilleuse\nqu'elle fist semblant de ne l'avoir jamais veu. Et le reffus qu'elle luy\nfist ne vint que par presumption et oultrecuydance qui la conduisoit Et\nconcluoient en effect lesditz deffendeurs affin d'absolution & despens.\nEt au regard des gens d'amours ilz disoient que entant qu'il touchoit le\ndroict des deux parties. C'est assavoir se la deffuncte avoit eu juste\ncause de le refuser ou non/ ilz n'en pouoient rien dire pour le present/\nCar ilz n'avoyent veu les informacions. Aussi n'en estoit de present\nquestion entant que touchoit la citacion/ proc\u00e9s et excommuniement\nfaictz par ledit official d'amours tout devoyt estre dict et desclair\u00e9\nnul et de nul effect. Lesdictz deffendeurs grandement abbusans car du\nfaict du chappellet ne de quelconque aultre dance n'en appartenoit la\ncongnoissance que a la justice seculiere d'amours trop bien des\npromesses secretes qui se font en dan\u00e7ant peuent bien congnoistre de ce\ncas icy non Et pource c'estoit une vraye entreprinse contre la justice\nlaye qui se devoit reparer par une tresgrande et merveilleuse punition/\ncar combien que lesdiz official vicaire et prometeur sceussent bien\nqu'ilz ne pouoient s\u00e7avoir ne avoir la congnoissance de ceste matiere et\nque la citacion et sentence d'excommuniement ne se peult bonement\nsoubstenir/ neantmoins comme obstinez en leur maulvaise voulent\u00e9 l'ont\nvoulu faire sortir en effect en contraingnant ceste povre femme que Dieu\nabsolve a estre au moyen de ce enterree et en terre prophanee qui a est\u00e9\ncertainement tresmal faict a eulx. Et pource concluoient lesdites gens\nd'amours/ que tout ce qui par eulx avoyt est\u00e9 faict fust declair\u00e9 nul et\nde nulle valeur comme faict en abusant et entreprenant sur la justice et\njuridition laye. Et avecques ce que ledit official prometeur et\nofficiers et aussi que lesditz amoureux fussent condempn\u00e9s a reparer\nlesdictz exc\u00e9s & en ce faisant qu'ilz fussent contrainctz de desterrer\neulx mesmes ladicte deffuncte et la porter en ung cercueil devant tout\nle monde jusques au cymettiere d'amours et qu'elle ordonne a estre\nenterree/ Et pareillement de assister et estre presens tous tout du long\ndu servyce qu'on fera a celle deffuncte. Et en oultre que ilz fussent\ncondampn\u00e9s a publier ou faire publyer/ par le crieur qui yra devant le\ncorps a toute sa sonnecte que la deffuncte avoyt est\u00e9 injustement\nexcommuniee. A quoy lesdictz deffendeurs disoient que de prendre les\nconclusions contre eulx lesdictes gens d'amours n'estoient pas\nrecepvables/ car ce que ilz avoyent faict avoyt est\u00e9 en excersant la\njusridicion espirituelle d'amours. Et quelque chose qu'il leur pleust a\ndire/ la congnoyssance du faict du chappellet leur appartenoyt et ainsi\nen avoient congneu & us\u00e9 Et quant a la deffuncte elle fut cause dudict\nexcommuniement entant qu'elle ne vouloit comparer Au regard de\nl'absolucion ilz ne l'eussent peu bailler sans le vouloir de partie qui\nn'y consentit oncques/ et ainsi estoyent lesditz deffendeurs en voye\nd'absolucion/ mais les gens d'amours disoyent au contraire qu'ilz ne\npouoient toucher au fait dudit chappellet non plus que au feu. Et s'ilz\nen ont congneu au temps pass\u00e9 ce a est\u00e9 par entreprise et en abusant. Et\naussi disoyent les heritiers d'icelle deffuncte que veu que ledit\nofficial n'estoit point juge d'elle/ elle n'y debvoyt comparoir ne\nenvoyer. et au regard des charges que ledict galant bailloit a ladicte\nfeu dame ne pouoit estre plus humble et gracieuse qu'elle estoit comme\nl'en pourroit s\u00e7avoir par tous ceulx qui l'avoyent hantee. Et aussi n'y\navoit point d'apparence de aller baiser ung homme a la vollee sans le\ncongnoistre/ et qui estoit habill\u00e9 comme ung vielleux en concluant comme\ndessus. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voullu dire et\nalleguer elles ont est\u00e9 appointees en droict. Si a la court veu et\nvisit\u00e9 ledict proc\u00e9s et tout veu/ et consider\u00e9 ce que il failloyt\nconsiderer/ ladicte court condampne ledict official vicaire et prometeur\nd'amours et aussi ledict amoureux et chascun de eulx entant qu'il luy\ntouche a revocquer/ casser/ et adnuller lesdictes citations\nexcommuniemens proc\u00e9s et procedures faictes par devant ledict official\net a mettre au neant a leurs propres coustz/ et despens. Et avecques ce\nje condampne tous ensemble a deterrer et oster/ ou faire deterrer et\noster ladicte deffuncte du lieu la ou elle est pour porter & enterrer au\ncymetiere d'amours dedans ung beau carreau de girofflee/ & au lieu ou\nelle a esleu sa sepulture par son testament. Et si les condampne en\noultre a aller tous au pres du corps jusques en l'esglise/ et y estre\ntout du long du service de ladicte deffuncte. et deffend ladicte court\naudit official que desormais de telle matiere qui touche ledict\nchappellet ne les despendences il n'entrepreigne congnoissance sur peine\nd'amende arbitraire.\n\u00b6 Le .xxxvii. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une gracieuse\ndame demanderesse d'une part et les religieux cordeliers de l'observance\nd'amours deffendeurs d'autre part. et disoit ladicte dame que ja pye\u00e7a\nelle eust grande acointance de familiarit\u00e9 singuliere avec ung jeune\nreligieux nouvellement rendu de l'ordre & tellement qu'ilz se donnerent\nl'ung a l'autre & promisrent ne separer l'alliance d'entre eulx d'eux\npour quelque temps ou fortune qui leur peust advenir. et sur ces choses\ny eut encores veuz fais en amours confermatoires d'ycelle aliance tant\net si avant que faire se pourroit en tel cas mais ce nonobstant ledit\namoureux cordelier et pour une petite fumee ou quelque desplaisance\nqu'il a eue/ puis n'a guieres de temps en \u00e7a s'en est de son auctorit\u00e9\net sans le consentement ne prendre congi\u00e9 de sadicte dame aller bouter\net rendre en ladicte religion ce qu'il ne pouoit ne debvoit faire/\nain\u00e7oys venoit directement encontre son premier veu et serment. Et\npource que ceste dame se sentoit tenue quant a l'ame de le declairer une\nfoys/ et qu'elle avoit tresgrant interest d'avoir quitance &\nrenonciation de sa promesse pour se pourveoir ailleurs en lieu de luy\nd'ung aultre amant et serviteurs elle concluoit et requeroit que lesditz\nreligieux cordeliers fussent condampnez a faire exhibition audit\namoureux rendu cordelier & de le amener en justice pour le contraindre\net entretenir a ses premiers veuz et promesses ou y renoncer/ et la\nquitter au regard d'elle ne voulloit pas empescher le sauvement de son\name et qu'il ne demourast religieux de l'ordre s'il en avoit la\nvoulent\u00e9. De la partie desdictz religieux de l'observance si fut\ndeffendu au contraire et disoyent que la demande que faisoyt la dame\nn'estoit pas recepvable car l'amant religieux rendu cordelier dont\nestoit question estoit ja cordelier vestu/ et avoit fait les veuz de\nl'observance d'amours par les trois Esquelz veuz d'ycelle observance il\nest deffendu expressement de ne parler jamais a femme/ parquoy donc de\nle voulloir contraindre maintenant a le veoir & parler a elle dessoubz\numbre de renonciation n'y avoit apparence et estoit trop tard de venir\napr\u00e9s ladicte reduction ramentevoir Et mettre en lieu de present\nlesdictes aliances promesses et follyes du temps pass\u00e9. Disoient oultre\nlesditz religieux que quant ledit amant fut rendu & vestu de l'habit de\nl'ordre/ ladicte dame deffenderesse y estoit presente & luy veit faire\nles veuz pourquoy lors debvoit declairez lesdictes promesses et se\nopposer pour le droyct que elle veult deduire Et sembloyt soubz\ncorrection que c'est grant abbus a elle de venir maintenant par telz\nmoyens pour troubler ledict religieux rendu et le mettre es choses\nmondaines qu'il a ja oubliees Si disoyent par ces moyens lesditz\nreligieux qu'ilz n'estoyent tenus de exiber ledict cordelier/ et pour\nchose que on peust faire jamais ne partiroit de ladicte religion. A quoy\nladicte dame pour ses replicques disoit/ que elle ne voulloit pas le\nretraire hors de religion ne de le mouvoir de son entreprinse/ mais\nrequeroit seulement pour sa descharge que il renon\u00e7ast a sa promesse\nqu'il luy avoit faicte/ et tout ce qui avoit est\u00e9 faict/ et dict entre\neulx deux feust declair\u00e9 nul et comme non advenu Et disoit oultre ladite\ndame que cela se debvoit faire avant toute oeuvre/ car elle voulloyt\nobvier au dangier d'amours qui s'en pouoit ensuivir/ elle vouloit avoir\nenseignement de la renonciation desdictz promesses et pour monstrer\nqu'elle aymoit entretenir sa foy mieulx que luy affin qu'on ne luy en\npeust reproucher riens. Et au regard de ce que lesdis cordeliers\ndisoient que icelle dame estoit presente quant ledit nouveau cordelier\nfut rendu & qu'elle luy vit faire les veux respondit qu'il estoit bien\nvray qu'elle y fut avecques ses autres cousines & parentes/ Mais a la\nverit\u00e9 quant elle veit qu'on le deshabilloit tout nud pour le vestir en\ncordelier les lermes luy vindrent aux yeulx a si grant affluence qu'elle\nne sceut qu'elle devint & luy commen\u00e7a a soubzlever le cueur par telle\nfa\u00e7on que elle s'esvanouyt en plain chappitre et ne luy souvenoit alors\nd'aliance ne de promesse/ car il n'est au monde si grant douleur a femme\nque de veoir son amy rendu en religion. parquoy fault la excuser Et\nquant elle n'eust point est\u00e9 troublee si n'eust elle pour rien\nentreprins d'aller desclairer devant tout le monde qui ne se pouoit\nrendre pour blasme et deshonneur qu'il en eust peu avoir. Et a ce que\nlesditz deffendeurs disoient en oultre que pour rien ne le laisseroient\npartir de religion respondit ladicte demanderesse que par force ilz\ndevoyent estre contrains/ et que au regard d'elle elle avoyt contenn\u00e9 de\nne parler point a luy sinon en la presence de deux ou trois religieux\ntelz qu'on vouldroit amener/ mais il estoit force que a la quitance &\nrenonciation desditz promesse ce fist en jugement/ car il y avoit\nlettres signees de leur main de l'ung et de l'autre qu'il convenoit\nrompre et casser devant la justice d'amours en concluant au surplus\ncomme dessus Mais lesditz cordeliers deffendeurs perseverant tousjours\nen ce qu'ilz avoient propos\u00e9 disoient que ce n'estoit pas raison que\nledict amant rendu cordelier vint en jugement ne qu'il vist plus ladicte\ndame. Primo car se seroit contre son veu qu'il a faict de ne partir\njamais de la religion sans licence du general Secundo: car par la reigle\nde l'observance d'amours telle comme chascun scet ceulx qui y sont\nrendus jamais n'en peuent saillir sinon que le feu les contraingne a ce\nfaire & sont reputez mors au monde/ ne n'y a nul qui en puisse partir\ndehors except\u00e9 ceulx qui sont deputez a leur tour pour aller querir la\npitance & la pourveance du couvent Et pource de requerir maintenant par\nladite dame que ce jeune cordelier qui a renonc\u00e9 aux joyes et a la pompe\ndu monde et qu'il voyt ce quel a cuid\u00e9 faire perdre a tousjours il n'y\navoit nulle apparence et pos\u00e9 que icelle demanderesse fust troublee\nquant elle le veit ainsi vestir et entrer en la religion touteffoys cela\nne la pouoyt pas excuser du tout/ car entre le temps qui vint\npremierement d'amours en la religion & celluy de la redicion elle avoit\neu bon loysir de soy venir opposer et remonstrer lesdites aliances et\npromesses. Ouyes les parties en tout ce qu'ilz ont voullu dire et\nalleguer elles ont est\u00e9 appointees a mettre par devers la court et au\nconseil. Si a la court veu ledict proc\u00e9s et a grant et meure\ndeliberation avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout\nveu la court dit que non obstant chose proposee par lesditz religieux\ncordeliers de l'observance ledict amoureux nouvellement rendu cordelier\nviendra en la court de ceans renoncer aux promesses et alliances\nd'amours par luy faictes avec ladicte dame pour sa descharge & en aura\nlectre ou acte se bon luy semble. Et si ordonne la court que lesdis\ncordeliers seront contrains par la presence de leur personnes et\nouvertures de leurs portes a faire exhibicion dudict cordelier & le\namener en jugement pourveu toutesvoyes que bon leur semble ilz luy\npourroyent mettre ung bandeau devant les yeulx affin qu'en parlant ou\nrenon\u00e7ant audictes promesses et alliances il ne puisse veoir la\ndemanderesse jadis sa dame Et au surplus sont compens\u00e9s les despens\nd'ung cost\u00e9 et d'aultre et pour la cause.\n\u00b6 Le .xxxviii. arrest.\nJa pie\u00e7a ung povre amoureux plain de dueil prya moult une jeune dame de\ndancer avec luy dont elle feut reffusante et ce excusant sur ce qu'elle\ndisoit qu'elle ne faisoit que venir Et depuis encore une aultre journee\nla pria tresinstamment que seulement affin qu'il ne fust mocqu\u00e9 elle\nfist ung tour avecques luy mais comme devant elle n'en voulut riens\nfaire. Disoit aussi que depuis il l'a saluee par plusieurs fois & ost\u00e9\nson bonnet quant il la rencontroit/ mais pource qu'elle peult bien\nappercevoir qu'il l'ayme & en est ung petit feru elle ne daigne parler a\nluy et se d'aventure elle luy a dit a dieu: c'est en hochant la teste\nDesquelz reffus et desdaing dessusdict ledit povre amant a appell\u00e9 a la\ncourt de ceans et relev\u00e9 contre ladicte dame qui n'y est voulu venir ne\ncomparer ains se est laissee mettre en deux deffaulx et tout ce que bon\nluy a sembl\u00e9 devers la court. Si a la court veu lesditz deux deffaulx en\nce qui a est\u00e9 produit et tout veu ladicte court par vertu des deux\ndeffaux a jug\u00e9 audit amoureux demandeur tel prouffit qu'il s'ensuit.\nc'est assavoir qu'il a est\u00e9 bien appell\u00e9 par luy & mal refus\u00e9 par\nladicte dame Laquelle court l'a condempnee a dancer avec luy maulgr\u00e9\nqu'elle en ayt. Aumoins faire deux ou trois tours: & permet ladicte\ncourt audit amant quant on dancera une dance a trois de se y bouter sans\ndire mot pour faire ung tiers & en oultre pource qu'il est en apparence\nque ladicte demanderesse en contempnant aucunement la court dist quant\nelle a est\u00e9 ajournee qu'elle n'y daigneroit comparer & que ledit galant\ns'abusoit de la poursuivre: icelle court permet audit amant de passer &\nrapasser par devant elle sans la saluer ne sans lui dire a dieu le\ndesclairant exempt\u00e9 de luy faire le petit genoul en une basse dance & le\npas de brebant ainsi que tous les autres le font en oultre la condampne\nes despens des deux dictz deffaulx la tauxation reservee.\n\u00b6 Le .xxxix. arrest\nIl estoit une bourgeoise qui requeroit que certain appointement qui\navoyt est\u00e9 donn\u00e9 par les gens tenant l'eschiquier d'amours au proffit\nd'une damoiselle sa partie adverse touchant le debat qu'ilz avoyent\nensemble pour parvenir au dessus fust recind\u00e9 & adnull\u00e9 par la court/ et\nveu le playdoy\u00e9 des parties et tout ce qu'elles ont produit et tout veu\nla court dict qu'elle ne tiendra court ne congnoissance de ladicte cause\net matiere/ mais renvoye de rechef par devant lesdictes gens tenant\nl'eschiquier qui en est commenc\u00e9 a congnoistre en jugier au sourplus/ et\ny pourveoir ainsi qu'il appartiendra tous despens preservez en\ndiffinitive.\n\u00b6 Le .xl. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung proc\u00e9s entre une jeune dame d'ung\nsien amy disant qu'elle l'a veu le plus joyeulx & esbatant qu'il pouoit\nestre bien nouvellement habill\u00e9/ gent plaisant gracieux & advenant a\ntout chascun et tellement qu'on prenoit plaisir a le veoir & ouyr/ et\nbrief qui ne luy pouoit donner luy ruoit/ maintenant il est devenu tout\nchang\u00e9 pensif songeart & merencolieux & semble que sa vie luy ennuye au\nmonde/ car il ne tient plus compte de feste ne de joye/ se l'en parle a\nluy il songe une grant piece avant qu'il responde en faisant semblant de\npenser ailleurs. Quant on luy donne des bouquetz ou des fleurs il les\ndessire toutes par pieces avant que elles partent de ses mains Et\nincontinent qu'il oyt les menestriers ou le tabourin les larmes lui\nviennent aux yeulx/ et ne faict que souspirer/ se on touche a table a\nleur demaine d'amours & tourne le propos a parler de la mort/ ou de\nquelque vieille histoire qu'il va querir bien loing pour la mener a\npropos il a froict quant il faict chault/ et quant il faict froict il a\nchault/ & en effect maintenant on ne se congnoist plus en luy dont\nchascun s'esbahist & pource que ceste dame a interest qu'il vive\nlonguement qu'elle est courroucee de tout son cueur se par merencolye ou\ndesplaisance icelluy amant avoit autre chose que a point elle requeroit\nqu'il fust condampn\u00e9 a laisser toutes compaignies merencolieuses et que\nau seurplus la court mist telle provision en son fait que il revint et\nretournast en son premier point et premier estat. de la partie du povre\namant tout malade fut deffendu au contraire & disoit que au service\nd'amours il failloit avoir beaucoup de peine & de travail avant qu'on y\nsoit advanc\u00e9 et n'y a on jamais une joye qui ne couste cent douleurs/ &\npource de si trop amuser ne estoit pas trop bon/ et aussi de present il\nn'en chault guieres aux dames/ ains ne s'en fait l'en que mocquer & sont\nles loyaulx tousjours les plus douloureux/ parquoy n'y avoit pas grant\nregret/ oultre disoit que de gens on ne tient compte s'ilz n'ont de\nl'argent Et a ceste cause/ il avoit deliber\u00e9 en soy mesmes de delaisser\net habandonner du tout amours et de recouvrer & gangner le temps qu'il\navoit perdu/ combien qu'il ne seroit jamais que il ne le louast et\nexaulsast/ car certes tous biens en viennent. et ne vauldra jamais riens\nung homme quel qu'il soit s'il n'a aulcunement est\u00e9 amoureux en son\ntemps. Mais il en y a les ungs plus malheureux que les aultres. Et quant\nest des maulvaises taches et merencolies que on luy mettoit a sus &\naussi de ce qu'on disoit que il estoit songeart et merencolieux.\nRespondit qu'il failloit que la maladie print son cours. Et que\nmaintenant il ne s\u00e7avoit prendre plaisir sinon a estre tout seul pour\ncontempler le temps pass\u00e9 et celuy qui viendra et ne vouloit plus ouir\nparler de amours/ car c'est chose contraire a ceulx qui s'en veulent\noster/ mais au surplus il remercyoit sadicte dame treshaultement de la\nbonne voulent\u00e9 qu'elle avoit devers lui en requerant a la court cong\u00e9 et\nlicence de le laisser departir d'amours mais sadicte dame disoit en\nrepliquant que il n'en debvoit point avoir & que la court qui est\nsouveraine y debvoit pourveoir veu qu'il estoit digne d'exaulcer une\nfoys la foy d'amours pour les grans biens qui estoient en luy Et ne\nfailloit point qu'il se soulciast d'argent ne de biens du monde/ car\ns'il vivoit et dieu luy donnoit sant\u00e9 il n'en auroit que trop. Aussi il\nne estoit pas encores en aage de se chagriner & en y avoit bien\nd'aultres qui se soulcient pour luy. Disoit oultre sadicte dame que le\nfondement de la pensee de luy n'estoit que une fantasie & qu'il y avoit\ndangier veu sa complexion que il ne luy en fust du pis. Mais ledit\namoureux disoit pour ses dupliques qu'il ne luy en challoit plus de\nrien/ & aymoit autant mourir que vivre veu que tant plus on va en avant\nen ce monde tant plus y a l'en de peine. et disoit oultre qu'il\nvouldroit bien estre joyeulx/ mais personne qui vient a soing ne le\npeult estre en brief/ et vouldroit ja estre en paradis car quant il luy\nsouvient des joyes & des grans follies du temps pass\u00e9 il n'a point de\njoye ne de bien et ne se peult tenir de plorer. ouyes lesquelles parties\nen tout ce qu'elles ont voulu dire & proposer elles ont est\u00e9 appointees\nen droit & au conseil. Si a la court veu finablement ledict proc\u00e9s bien\nau long avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu\net consider\u00e9 la court ordonne que ledit amoureux sera mys aux herbes et\ntenu de demourer aux jardins comme povre prisonnier par l'espace d'ung\nmoys affin qu'il ne voye que toutes belles fleurs et verdure pour le\nresjouyr. et luy deffend ladicte court toutes compaignies merencolieuses\nde se pourmener seul et de fantasies a tout par luy mais ordonne et\napointe que ladicte dame par maniere de provision l'acompaignera & sera\navec luy pour passer le temps du long dudit moys et jusques a ce qu'il\nsoit guery & remis en son premier estat. et laquelle dame sera tenue de\nle penser si que on ne luy parle que de toute joyeuset\u00e9 & luy feront\noster tous livres et toutes choses mellencollyeuses faisant mention\nd'argent et de richesses/ affin qu'il n'y ait plus le cueur.\n\u00b6 Le .xli. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung proc\u00e9s entre ung povre amant\nreffus\u00e9 en cas d'exc\u00e9s et le procureur general d'amours adjoint avec la\ndame d'une part & ung sien compaignon amoureux comme luy d'aultre part\ndeffendeur & disoit ledit demandeur qu'il avoit tout temps eu grant\nfamiliarit\u00e9 & societ\u00e9 avec ledit deffendeur et luy avoit faict plusieurs\nplaisirs & si estoit vray que pour la grant fiance qu'il avoit en luy il\nc'estoit descouvert a luy d'une partie de ses secretz & des biens et\nmaulx qu'il avoit gaignez en amours/ & bien souvent luy racomptoit\npriveement de ses fortunes & lui touchoit de loing de sa dame qui tant\nestoit sage & prudente & comment il estoit bien tenu a dieu de l'avoir\nainsi pourveu lesquelles choses ledit deffendeur escoutoit & en louoit\nledit demandeur & luy faisoit le beau beau en le resconfortant quant il\nle veoit plaisant. et mesmes luy offroit et cueur et corps sa chevance\net ses biens/ mais il ne le faisoyt sinon pour s\u00e7avoir qui estoit\nsadicte dame & ha\u00efr en apr\u00e9s comme il a bien monstr\u00e9/ car depuis qu'il a\nsceu qui elle estoit il ne cessa jusques a tant qu'il ait eue\nl'acointance d'elle & que il ait fait bailler le bont/ ce qu'il n'eust\njamais cuyd\u00e9 tant le sentoit son singulier amy pour laquelle chose\nparvenir a celluy amant deffendeur qui s\u00e7avoit tous les secretz et\nmoyens dudit amant complaignant a trouver fa\u00e7on & maniere de parler a\nung moyne par qui les bonnes besongnes sont faictes & a tant fait par\ndons & par promesses illicites qui en amours sont deffendus que ledit\nmoyne & luy ont compilees unes faulces lettres closes ou nom dudit povre\ngalant complaignant lequel n'en s\u00e7avoit rien. Et par lesquelles estoit\ncontenu que ledit amant demandeur mandoit a sadicte dame qu'elle ne\nestoit pas telle comme il cuidoit et qu'il s'appercevoit bien maintenant\nqu'elle avoit failly en la menassant et disant plusieurs injures &\nparolles que jamais ce povre amant n'avoit pensees/ ain\u00e7ois eust mieulx\naym\u00e9 estre mis en pieces que de l'avoir song\u00e9 & dit aulcun mal de elle.\nAussi eust il est\u00e9 bien traystre/ veu que tous les biens qu'il avoit\nvenoyent d'elle. or que fait ce moyne cy il s'en vient par devers\nladicte dame/ et n'est pas content de porter & bailler lesditz lettres\nfaulses mais soubz umbre de ce que l'on dit qu'elles contenoient\ncreance/ il dist les plus terribles choses a ceste femme que l'en\ns\u00e7auroit ymaginer. et tellement que quant elle les oit elle adjoustant\nfoy a ce que ledit moyne disoit commen\u00e7a a soy pasmer & tumber a terre\ncomme toute esvanouye dont depuis elle a est\u00e9 fort malade/ mais les\ndessusdictz non contens de ce ont tant fait par soubtilz et estranges\nmoyens que ledict deffendeur est entr\u00e9 en grace et qu'il a baill\u00e9 le\nbont au povre homme qui tant avoit eu de peine a soy advancer &\ndesservir la grace de ladicte dame en commettant bien grant trahyson eu\nregard aux plaisirs qu'il luy avoit fait & qu'il estoit son compaignon.\nEt en effect quant ce povre homme qui a tousjours son cueur envers\nladicte dame et ne l'en peult pas oster vient vers elle ainsi qu'il\navoit acoustum\u00e9 elle lui tourne le doz en rechignant le maudit & par\nautreffois le menasse de luy porter dommage en corps & en biens en lui\ndisant plainement qu'elle aymeroit mieulx qu'il fust ars et brusl\u00e9\nqu'elle luy fist ung seul plaisir et ainsi veezla la maniere comme ce\npovre amant a est\u00e9 traicti\u00e9. Et s'il a bien du mal a cause de ladicte\ntrahyson/ encores il a plus de martire la moyti\u00e9 de ce que ledit\ndeffendeur est advanc\u00e9 pour faire mal & que luy & ladicte dame qui sont\nainsi aliez ensemble se mocquent de luy quant il passe par devant eulx\nen luy gectant de gros lardons & tirant la langue en derriere/ &\npourtant il s'est traict par devers ladicte court de ceans & obtenu\nlettres par vertu desquelles informations ont est\u00e9 faictes touchant\nledit cas lesquelles avec lesdictes lettres closes ont est\u00e9 appointees\ndevers ladicte court et despuis a est\u00e9 baill\u00e9 commission de prendre au\ncorps ledit amant deffendeur qu'on ne peult trouver/ ains c'est mys en\nfranchise si a est\u00e9 adjourn\u00e9 a comparoir en personne a ladicte court\ndedans troys briefz jours en laquelle il n'est daingn\u00e9 venir ne\ncomparoir/ ains c'est laiss\u00e9 cheoir et mettre en quattre deffaulx au\nmoyen desquelz ledit demandeur & ledit procureur general ont baill\u00e9\nleurs demandes et conclusions que au moyen d'iceulx ilz requierent leur\nestre faictes et adjugees qui sont bien grandes & tendans a grant\nreparation honnorable et proffitable ainsi que en icelles est plus a\nplain contenu et declair\u00e9 Si a la court finablement veu lesditz charges\n& informations avec lesditz deffaux bien continu\u00e9s & entretenus ensemble\nlesdictz demandes et conclusions sur ce faictes. Et tout veu et\nconsider\u00e9 la court au moyen desditz quatre deffaulx adjuge ausdictz\ndemandeurs tel prouffit qui s'ensuit/ c'est assavoir qu'elle tient et\nrepute ledict amoureux deffendeur attaint & convaincu des cas a luy\nimpos\u00e9s et desclaire tous ses biens meubles et immeubles confisqu\u00e9s a\namours. Et avecques ce ordonne que lesdictes lettres closes ainsi\nenvoyees au nom dudict povre amant demandeur seront dessir\u00e9s et\ncanceleez en jugement comme faulses et qu'il sera nonobstant icelles et\nles maulvais raportz qui ont est\u00e9 fais de sa personne a sadicte dame\nremis reintegr\u00e9 et restitu\u00e9 en la grace d'elle comme devant. Et en\noultre condampne ledict deffendeur a faire amende honnorable en la court\nde ceans a tout et devant l'huis de la dame une torche ardante en sa\nmain nue teste et sans ceinture en disant que faulsement et\nmaulvaisement & aultrement que a point il a trahy et deceu le demandeur\nson compaignon & fait bailler le bont qu'il s'en repent et en crie mercy\na luy. Et pour amende prouffitable dommaiges & interest le condampne en\nla somme de mille livres qui sera prinse sur ses biens avant toute\nconfisquation & a tenir prison jusques a plain paiement et es despens\ndesditz deffaulx. Au regard du moyne qui estoit participant de ladicte\ntrahison qui a port\u00e9 lesditz faulces lettres/ la court ordonne vue\nl'enormit\u00e9 du cas qu'il sera prins en lieu sainct et dehors ou l'on\npourra trouver pour estre amen\u00e9 en la court de ceans et au surplus\ndeffend la court une fois pour toutes dames/ damoiselles/ bourgoises et\naultres de quelque estat qu'elle soyent que de choses qui peuent toucher\namours ou les despendences ilz ne facent leurs ambassades ou messages\npour moynes ne ne s'i fient en quelque maniere que ce soyt s'elles ne\nveullent estre deceues. Et oultre plus leur enjoinct expressement que se\nd'avanture a l'issue du lever du lit elles de prime face en\nrencontroient en la rue a jour perilleux comme le premier jour de may et\naultres que de celle heure elles s'en retournent coucher car c'est malle\nrencontre.\n\u00b6 Le .xlii. arrest.\nIl y a six ou huyt varletz cordonniers qui se sont plains en la court de\nceans de ce qu'il fault maintenant mettre aux pointes des soulliers\nqu'on faict trop de bourre disant qu'ilz sont trop grev\u00e9s et qu'ilz n'y\npourroient fournir les compaignons ne continuer ceste charge s'ilz n'en\navoient plus grans gaiges qu'ilz avoient acoustum\u00e9 attendu que le cuir\nest cher et que lesdis poulaines sont plus fortes a faire qui ne\nsouloyent Si a la court fait faire informacion & rapport du prouffist et\ndommaige qu'ilz en ont/ et pourroient avoir & tout veu et consider\u00e9 ce\nqu'il failloit considerer la court dit que lesdis cordonniers feront\nlesdis polaines grosses et menues a l'appetit des compaignons suivans\nledit service d'amours sur peine d'amende arbitraire\n\u00b6 Le .xliii. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung proc\u00e9s entre troys compaignons\namoureux demandeurs et complaignans en cas de saisine et nouvellet\u00e9\nd'une part/ et trois belles dames deffenderesses & opposans: d'autre\npart Et disoient lesdis demandeurs que quant amour ordonna faire aliance\nd'homme et femme ensemble il bailla a chascun en droit soy de sa\ndominacion et voulut que les hommes alassent au dessus des femmes comme\nraison estoit/ et si leur ottroya aultres grans prerogatives que les\ndames n'ont point dont n'est de present question. Et fut vray qu'il\npermist aux amoureux faire cent mille menues choses qui n'apartiennent a\nfaire aux dames comme eulx vestyr court aller desceintz parmy la ville/\nporter fauve au pi\u00e9 destre ou senestre tenir ung petit baston en la main\nsans ce qu'il soit baill\u00e9 ne ottroy\u00e9 aux dames d'entreprendre sur leurs\ndroitz. Mais ce nonobstant icelles trois dames deffenderesses de leur\nauctorit\u00e9 indeue avoient port\u00e9 et portoyent botte fauve a leur devise/\net avecques ce faisoient fermer leurs soulliers d'aguillettes vertes et\npar dedans entrelacez de rubiz & diamans/ vouloient aussi porter leurs\ngans au cost\u00e9 le petit baston en la main et la robe courte a chevaucher\net plusieurs autres nouvelet\u00e9s au prejudice desdis demandeurs en les\ntroublant et empeschant a tort et sans cause indeuement et de nouvel en\nleur possession et saisine parquoy avoient obtenu ladicte conplaincte Et\nconcluoient tout partinent en ceste matiere de nouvellet\u00e9/ Et en cas de\ndelay demandoient la recreance. De la partie desdictes dames fut\ndeffendu au contraire et disoyent que amours en faisant la division des\njoyes mondaines pour avantager les dames voulut qu'elles eussent\nseigneurie et domination sur les hommes et en signe de ce ordonna qu'ilz\nseroient requerans et demandeurs/ et les dames deffenderesses en leur\nottroyant pouoir & auctorit\u00e9 de refuser ottroyer denier ou escondire\nainsi que bon leur sembleroit. Et ainsi doncques tout le bien que les\nhommes ont si vient d'elles et ne peuent avoir plus grans droitz\npreminences prerogatives en amours que elles. Et sont les dames en\npossession et saisine de porter botte fauve pour l'honneur & amour de\namy au pi\u00e9 destre ou a senestre en possession et saisine de mettre et\ntrousser leurs gans de cost\u00e9 et les porter a la ceinture/ en possesion\net saisine de mettre aucuneffois entre la conroye de leurs soulliers a\nla boucle/ quant il leur en prent appetit anneaulx et verges d'or/ en\nsignifiant amours defoulez aux piedz dont l'en ne tient plus compte/ en\npossession et saisine de porter devises & faire cent aultres menues\nplaisances entre eulx dont elles se peuent adviser/ en possession et\nsaisyne que lesditz amoureux demandeurs ne aultres quelzconques ne\npeuent ne ne doibvent entreprendre sur leur droit/ et que s'ilz\ns'estoient efforc\u00e9s de faire le contraire des possessions et saisine par\nelles pretendues de les contredire et empescher en proposant possessoire\npertinent et concluant en matiere de nouvellet\u00e9 et en cas de delay\ndemandoient lesdictes dames la recreance Et fut replicqu\u00e9 par lesditz\ndemandeurs et disoient que par leur complaincte ne voulloient en riens\ndiminuer les drois des dames. Or estoit il ainsi que jamais ycelles\ndames n'avoyent joye desdictes possessions/ mais estoit vray et tout\nnotoire que lesdictes choses appartenoyent aux hommes et par ainsi leur\ncomplainte estoit bien recepvable Et au regard des possessions\ncontencieuses lesdites dames ne les pouoient soustenir/ car elles\ns\u00e7avoient bien que ce n'estoyt pas chose licite ne honneste a femme de\nporter botte fauve et anneaulx aux piez ains apartenoit mieux aux hommes\nque a elles et ne le veit on jamais faire sinon depuis naguieres que\nceste entreprinse a est\u00e9 faicte de nouveau et pour laquelle derrisyon\nilz ont obtenu ladicte complaincte/ Car il leur faisoit mal que aulcuns\nen prinssent desplaisir contre elles ou qu'elles en fussent blasmees/\nmais lesdictes dames en duppliquant disoient que s'il y en avoit aulcuns\nqui fussent dolens de les veoir porter/ il y en avoit d'autres pour\nl'amour de qui elles les portoyent qui y prenoient plaisir & pour homme\nqui en parle ne cesseroyent ja s'il n'estoyt ordonn\u00e9/ car elles\nl'avoyent ainsi vou\u00e9 et promis a amours. Et quant est des possessions\njamais n'y avoient est\u00e9 empeschez jusques a present et ne failloit point\ndire que c'estoit chose mal seant a femme de porter botte ferree. car\nelle leur siet aussi bien qu'a homme/ si est chose plus joyeuse et\nnouvelle/ parquoy concluoit comme dessus. Ouyes lesquelles parties en\ntout ce qu'elles ont voulu dire et proposer elles ont est\u00e9 appointees en\ndroict et mettre par devers la court et au conseil que bon leur semblera\nveoir en ceste matiere et tout veu la court dict que lesdictz demandeurs\na tort et sans cause se sont dolus & complains et que a bonne et juste\ncause lesdictes dames deffenderesses se sont opposees Et les maintient\net garde la court en possession & saisine de porter la botte fauve au\npied dextre ou senestre/ fermer leurs soulliers d'esguilettes vertes ou\nnoires de mettre verges et anneaux d'or et de porter les gans de cost\u00e9\nen la seincture leurs robes courtes a chevaucher et en toutes\npossessions par elles pretendues en levant la main d'amours et tout\nempeschement qui leur avoit est\u00e9 donn\u00e9 par lesditz demandeurs a leur\nproffit en condampnant iceux demandeurs aux despens.\n\u00b6 Le .xliiii. arrest.\nSur une requeste baillee ceans par ung povre gallant serviteur affin\nd'estre pay\u00e9 de ses peines et salaires d'avoir servi ung jeune galant\namoureux Disoit ledit demandeur qu'il a bien demour\u00e9 avecques luy\nl'espace de deux ans ou environ/ pendant lesquelz il le suyvoit en tous\nlieux ou il alloit luy nettoyoit ses robbes/ redressoit ses poulaynes et\nportoit aulcuneffois les verges pour le nettoyer et luy obeissoit en\ntous ses commandemens ou il a eu de grans peines Et quant est venu a la\nfin son maistre luy donne cong\u00e9 sans le payer ne contenter: et pour ce\nrequeroit qu'il fust condampn\u00e9 a le payer de ses services et demandoit\ndespens Surquoy ledict aymant deffendeur disoit au contraire qu'il n'y\nestoit point tenu/ Car quant il le print il n'avoit rien et l'abilla de\nneuf et que au regard de son service il ne le serviroit pas bien car\nquant il faisoit ung jour bien son devoir il en failloit trois apr\u00e9s:\nparquoy luy avoyt donn\u00e9 congi\u00e9 et au salayre qu'il demandoit disoit\nqu'il l'avoit tousjours entretenu bien habill\u00e9 et vestu et par ainsi luy\ndevoit souffire. Finablement la court veu ladicte requeste condampne\nledit amant deffendeur a bailler a son varlet pour ses peines et\nsallaires & oultre ce qu'il a eu deux de ses vieilles robes courtes avec\nung pourpoint de satin us\u00e9 et deux escus pour s'en retourner en son\npays.\n\u00b6 Le .xlv. arrest.\nEn la court de ceans c'est complainct et dolu ung gentil compaignon\namoureulx de une jeune dame et maistresse/ disant que ja pie\u00e7a pour\nl'amour d'elle il entreprint de jouster et mettre son corps a\nl'adventure affin qu'elle congneust qu'il l'aymoit merveilleusement par\ndessus toutes autres. Et a ceste cause feist faire harnois et\nhabillemens qu'il devisa a sa plaisance/ et ou il feist mettre la livree\nde sadicte dame et avec ce eut chevaulx lance et housse de mesmes et luy\nestoit bien advis qu'il portoit la devise de sadicte dame que son cheval\nne luy pouoit perir ne estre en danger ain\u00e7ois que a l'ayde d'elle de la\nbonne querelle qu'il pretendoit il viendroit au dessus de son entreprise\n& en ceste intencion se disposa de jouster et se trouver sur les rencz\nbien en point comme il est acoustum\u00e9 de faire en tel cas/ mais quant\nvint au departir qu'il cuydoit trouver sadicte dame pour avoir sa\nbenediction elle faignit d'estre malade en se faisant excuser & dire\nqu'elle ne pouoit parler a luy ne luy bailler cueur ne courage de\ngaigner tellement que ceste journee il ne feist pas ce qu'il voulut & ne\npeult avoir honneur comme il eust eu sans difficult\u00e9 ce ne eust est\u00e9 les\nreffus de sa dame/ & dont par ce moyen elle estoit tenue le recompenser/\net pource requeroit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a le\ndesdommager de la perte qu'il avoit faicte & de ses interestz qui\nestoyent bien grans/ au moins qu'il declair\u00e9 qu'elle avoit est\u00e9 cause de\nson mal par le moyen dudit reffus en la condampnant a le recompenser\nainsi que la court l'adviseroit. de la partie de ladicte deffenderesse\nsi fut deffendu au contraire & disoit qu'en sa vie ne luy conseilla de\njouster ne n'en fut consentant ne par elle ne pouoit estre plus advanc\u00e9\nne diminu\u00e9 car son conseil ou aide ne lui pouoit de rien proffiter/\ndisoit avec ce que sa benediction ou sa parolle ne luy pouoit guieres\naider en tel cas/ mais il suffisoit au demandeur de prendre son\nexcusation sur cela qui n'estoit pas suffisant attendu qu'il pouoit bien\nymaginer qu'elle eust est\u00e9 aussi joyeuse de son bien comme lui mesmes.\net quant est du reffus de luy ayder et bailler couraige jamais ne luy\nreffusa mais alors que il vouloit parler a elle estoit mal disposee\ntellement qu'elle ne peult venir parler a luy. et disoit que quant elle\nsceut qu'il devoit jouster elle pria alors pour lui affin qu'il eust\nl'honneur parquoy il devoit souffire Et par ses moyens concluoit affin\nd'absolution surquoy ledit amant demandeur pour ses replicques disoit\nque se elle eust seulement dit a dieu/ ou quelque autre mot son cheval\nfust all\u00e9 plus joyeusement & n'eust trouv\u00e9 homme qui luy eust peu\nresister. Et ainsi en estoit tenu tout du long. Finablement parties\nouyes elles ont est\u00e9 apointees en droit veu et consider\u00e9 la court\ncondampn\u00e9 ladicte deffenderesse a habiller vestir et armer ledit\namoureux demandeur la premiere foys que il vouldra jouster & a conduire\nson cheval par la bryde tout du long des lices ung tour seullement et\napr\u00e9s cela fait sera tenue bailler sa lance en disant a dieu mon amy\nayez bon cueur & ne vous soulciez de rien car on priera pour vous\n\u00b6 Le .xlvi. arrest.\nEn la Court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une jeune fille\nde villaige demanderesse d'une part et ung jeune gallant de mesme\ndeffendeur d'aultre part. Et disoit ladicte demanderesse que ja pie\u00e7a ce\ngalant cy en revenant de pellerinaige il estoit tant alter\u00e9 que il ne\npouoit boire ne manger. Il se vint pour mener en ung jardin ou elle\ncueilloit des viollettes et illec luy requist qu'elle luy donnast ung\nbouquet ce qu'elle fist de bon cueur/ et lors il la remercia en luy\npromettant de luy donner une belle bourse et ung tabouret dont elle fut\nassez joyeuse et pource que ledit compaignon se sembloit estoit tresfort\nmalade luy demanda se il vouloit rien et qu'il avoit. Surquoy luy\nrespondit beaucoup de mal et qu'il eust voulu luy avoir coust\u00e9 grant\nchose et que il eust d'elle seulement ung povre baiser pour le\nresconforter. Et alors ceste povre jeune fille luy alla dire/ que sans\ndenier ne sans maille elle lui en donneroit deux voire trois qui ne luy\ncousteroyent riens. Et de fait les luy octroya/ et advint que de ceste\nheure apr\u00e9s lesdictz baysiers donnez qu'il fut du tout gary. Et feist\ngrans merveilles de grans chieres/ neantmoins il n'avoit point fait son\ndebvoir de lui envoyer ladicte bourse et tabouret/ ne aussi pareillement\nde porter ung boucquet de Rommarin vert pour l'amour d'elle ainsi comme\nil luy avoit promis. Et pource requeroit ladicte demanderesse que ledit\ndeffendeur y fust contrainct et condampn\u00e9 en ses despens. De la partie\ndudict amoureux fut deffendu au contraire & disoyt voirement que ladicte\ndemanderesse l'avoit secouru en sa grande necessit\u00e9 et griefve maladie\ntellement que il en estoit tenu a elle Et aussi cuidoit avoir fait son\ndebvoir comme bon et loyal serviteur. Et quant est de ce qu'il luy a\npromis comme de la bourse et dudict tabouret ilz luy a ja pie\u00e7a envoyees\npar personne seure qui luy avoit affermer les lui avoir baillees. Et au\nregard dudit rommarin vert il disoit qu'il n'estoit journee qu'il ne lui\nensouvint et que jamais encores ne se trouvoit en feste n'en joyeuse\nchere qu'il n'en portast tousjours dessus luy car c'estoit la fleur que\nil aymoit le mieulx & qui plus luy avoit ayd\u00e9 en ce monde. Et suppos\u00e9\nque l'on dye que il face aulcunement mal a la teste de le sentir\ntouteffoys il luy faisoit moult grant bien au cueur et ne sera jamais\nqui ne l'ayme. et concluoit par ses moyens affin d'absolution. Surquoy\nladicte demanderesse disoit qu'il le devoit aussi bien cherement aymer/\ncar il en avoit est\u00e9 gary & aleg\u00e9 en bien peu d'heure. et quant a\nladicte reception desdictes choses promises n'en avoit par sa foy rien\nsceu Finablement parties ouyes ont est\u00e9 apointees en droit/ et au\nconseil si a la court veu et consider\u00e9 ledit proc\u00e9s. Et condampne la\ncourt ledit amoureux deffendeur a bailler & rendre a ladicte\ndemanderesse lesdictes bourse & tabouret par lui promis sans prejudice\nd'avoir son recours sus celluy a qui il les avoit baillees pour les\nporter. Et aussi je le condampne a porter dessus lui pour l'amour de\nsadicte dame demanderesse ung boucquet de rommarin vert a tout le moins\nung brin ou deux entrelassez avec une soulcie et menues pensees ou\nd'autres fleurs que bon luy semblera\n\u00b6 Le .xlvii. arrest.\nA la plainte et requeste de plusieurs grans amoureux ont est\u00e9 baillees\npar ladicte court de ceans certaines lettres de commission par vertu\ndesquelles inhibitions et deffences ont est\u00e9 faictes a je ne s\u00e7ay quelz\ngoffriers et patissiers que doresnavant ilz ne fassent plus leurs\ngoffres & leurs gasteaulx devant les lieux et esglises ou l'on va en\npellerinaige a celle fin que la fumee de leur feu ne leur puisse faire\nmal aux yeulx & que par cedit moyen ilz puissent bien a leur aise saluer\net regarder leursdictes dames en allant & en retournant. Ausquelles\ninhibitions et deffences les dessusditz patissiers se sont oposez &\ndisoyent pour leurs causes d'opposition qu'ilz gangnent leurs vies a\nfaire les dessusdites goffres et que leur mestier requeroit que ilz\nbesongnassent a jour de feste et au pres des lieux et esglises ou le\npeuple va/ car se ilz faisoyent ailleurs leursdictes gofres personne\nn'en yroit achapter Et aussi on ne les pourroit manger chauldes/\npourquoy ilz soubstenoient tousjours leur opposition en concluant que a\ntresgrant tort et mauvaise cause lesditz galans amoureulx en perseverant\nen leurs demandes disoyent que pour riens du monde l'en ne debvoit\nsouffrir lesdictz gauffriers besongner au pres des lieux et eglises par\nplusieurs moyens premierement/ car ilz empeschent le chemin et la voye\npublique/ et ne s'i peult l'on contourner sans bouter l'ung l'autre\nSecondement car quant les rues sont estroictes ilz contraingnent\nlesdictz gallans a passer par l'autre & ne peuent aulcuneffoys a cause\nde leursditz tabernacles approcher de leursdictes dames pour leur dire a\ndieu ou ung mot en passant qui leur est ung moult grant desplaisir.\nTiercement car par le moyen du feu a quoy ilz cuisent leursdictes\ngauffres il vient une fumee sy grande et si maulvaise que lesditz\ngallans sont contrainctz de cleigner les yeulx/ et perdre la veue de\nleurs dames sans s\u00e7avoir que elles deviennent ne s'elles les ont\napperceuz qui d'aultre cost\u00e9 leur est moult grant martire Et pource veuz\nles dessusdictz inconveniens que lesdictz gauffriers/ et patissiers\ndevoyent estre condampnez a vuyder et faire leursdictes gauffres aultre\npart/ et que lesdictes deffences leurs avoyent est\u00e9 justement faictes. A\nses fins concluoyent et demandoyent despens Surquoy lesdictz gauffriers\ndisoyent que ilz avoyent jouyssances escriptes de faire illecques\nlesdictes goffres parquoy les inhibitions n'estoient recepvables/ disoit\noultre que lesditz amans ne pouoyent avoir dommage mais estoit leur\ngrant proffit que ilz le fissent es lieux ou ilz avoyent acoustum\u00e9 car\naumoins avoyent ilz par le moyen desditz gauffriers occasion de parler a\nleurs dames et de leur en presenter en concluant comme dessus.\nlesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voullu dire et proposer\nelles ont est\u00e9 appointees en droit a mettre par devers ladicte court et\nau conseil. si a la court finablement veu le dessusdict proc\u00e9s/ et tout\nveu et consider\u00e9 ladicte court dit que a bonne & juste cause lesditz\ninhibitions & deffences ont est\u00e9 faictes ausdictz patissiers et\ngauffriers et que a tort et maulvaise cause ilz se y sont oppos\u00e9s &\nveult et ordonne la court/ que lesdictz gauffriers et patissiers seront\ncontrains a aller cuire et faire leurs gauffres aux carrefours et\naillieurs aultre part ou bon leur semblera sans eulx approcher desdictes\neglises et lieulx ou l'en yra en pellerinaige de deux ou aussy de troys\nrues loing sur peine d'estre griefvement pugnis et les condempne la\ncourt es despens de ceste instance ladicte tauxation reservee.\n\u00b6 Le .xlviii. arrest\nUng soir bien tard sus le soupper ainsi qu'on ostoit les plas de la\ntable de unes nopces ou ung jeune gallant amoureulx estoit que les\nmenestriers questoient l'aumosne pour monseigneur saint Julien/ il y eut\nune tresbelle jeune dame assise a table qui en parlant d'amours ainsi\nqu'on en devisoit a table dist audict gallant en passant ces motz. Telle\ngerbe n'est pas sans lien & que il n'estoit pas homme pour demourer\nderriere. Au moyen desquelles parolles il commen\u00e7a a tressuer de la\ngrant joye qu'il en eut en ce moment et la mena dancer la premiere et\ndepuis au retour quant il fut rassis au pres du lieu ou il l'avoit\nramenee ung aultre jeune gallant la vint prendre pour mener dancer a qui\nelle fist ass\u00e9s grant accueil dont il en eut ung petit de mal en sa\nteste & n'en fut pas trop content/ Mais il luy vient si bien que pendant\nce que ladicte dame danssoit il se vint arraisonner a sa chamberiere qui\nestoit illec assise/ laquelle luy dist entre les aultres choses et sans\nce que ledict gallant luy en parlast qu'elle avoyt ouy dire a sadicte\nmaistresse/ tant de bien et d'honneur que merveilles et luy asseura\nqu'elle l'aymoit au tant que il estoyt possible en pensant de ce que il\nne la venoyt veoir et quaqueter avecques elle. Si a ceste heure ledict\ngallant fut moult fort surprins d'amours pas ne s'en fault esmerveiller/\nCar sur le corps il n'avoit voine qui ne tremblast de joye et de liesse/\nqui luy surmonta jusques au cueur/ et tellement que il entreprint de\nl'aller veoir le lendemain et il n'y faillit pas: et depuis y a est\u00e9 par\nplusieurs journees: mais en effect tant plus y alloit et moins\nappercevoit qu'on tint compte de luy et pource requeroit ledict galant\ndemandeur que icelle dame desclairast s'elle le vouloyt prendre a\nserviteur ou non affin que il n'y pensast plus Et que au surplus ladicte\nchamberiere qui ainsi luy avoit baillee l'aliance et fait trembler les\nfievres blanches tout du long d'une nuyct feust condampnee a l'amender\nenvers luy/ et de telle amende honnorable et proffitable que ladicte\ncourt adviseroit De la partie de ladicte dame fut dit que au regard\nd'elle elle ne le hayoit point/ mais elle s'estoit pourveue d'ung aultre\nserviteur par quoy disoit qu'on la debvoit tenir pour excusee Et entant\nque touchoit ladicte chamberiere disoit voirement qu'elle avoit ouy dire\na sadicte maistresse autant de bien dudict compaignon que on pourroit\npenser/ parquoy n'avoit failly en riens/ Et quant est de l'avoir\nconseill\u00e9 de venir par devers elle elle disoit qu'elle l'avoit faict\npour l'advancer pource que il est homme qui bien le valloit. Disoit\noultre que telles paroles qui entrent par une oreille s'en doivent aller\npar l'autre & est moult grant follye aux gens de s'i fyer/ car il est\naucuneffoys force de dire des choses qui ne sont pas veritables pour\ncomplaire aux gens et leur donner ung peu d'esperance pour venir es\nbiens qu'ilz desirent/ et par ces moyens et autres disoit la chamberiere\nque elle estoit de voye de absolution/ mais les gens d'amours disoient\nqu'il n'y a aujourd'huy plus dangereuse chose en amours que de telz\nfaulx rappors/ car c'est pour ravir ung homme jusques au troiziesme\nciel/ et en advient plusieurs inconveniens comme d'aulcuns povres\namoureux qui en perdent le boyre et le manger et les aultres en\ndeviennent comme bestes sans s\u00e7avoir qu'ilz ont. Et pource requeroient\nlesdictes gens d'amours que ladicte court y mist provision mais ladite\nchamberiere disoit que au regard d'elle elle n'avoit meffaict car veues\nles pressupositions et parolles de sa maistresse qu'il estoit\nvraysemblable qu'elle l'eust aym\u00e9 s'il se fust sceu conduire. A quoy\nledit povre galant respondit qu'il n'y vouloit plus essayer et luy\nsouffisoit de ce qu'il en avoit faict sans plus y retourner pour le pris\ncomme dessus. lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voulu\ndire ont est\u00e9 appointees en droit et au conseil et a la court veu ledict\nproc\u00e9s & ce qu'il failloit veoir en ceste partie. Et tout veu la court\ndit que ladicte chamberiere a failly & grandement abus\u00e9/ & a ceste cause\nla condamne ladicte court a vuyder l'hostel de sa maistresse/ & si\nordonne que jamais ne portera chapperon de couleur ceinture verte & la\ncondamne en oultre en tous les despens dommaiges & interestz du povre\namant la tauxation reservee.\n\u00b6 Le .xlix. arrest.\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une tres\ngracieuse Dame demanderesse en cas d'exc\u00e9s de une part/ & ung moult\ngracieux compaignon jadis son amoureux deffendeur audict cas/ et\nrequerant l'enterinement de certaines lettres de pardon d'aultre part.\net disoit ladicte dame demanderesse que de long temps a pour les grans\nbiens qu'elle oyt dire de la personne dudict amoureux deffendeur elle\nmist tout son cueur en luy & depuys luy a faict plusieurs plaisirs ainsi\nqu'elle a peu/ mais nonobstant dangier et malle bouche qui s'en\ndoubtoyent aulcunement elle ne lui pouoit faire tousjours si bonne chere\nqu'elle eust bien voulu ains estoit force aulcuneffois de dissimuler &\nfaire semblant ne le point congnoistre quant il la regardoit. Si estoit\nvray que une journee il la salua ainsi que elle venoit de l'eglise mais\nquant elle le apperceut/ pour ce que dangier rechignoyt desja de le\nveoir de loing elle tout de gr\u00e9 retourna la teste de l'autre cost\u00e9 sans\nluy dire mot dont ledit galant se despita et combien que en amours l'en\nporte en pacience tous les maulx ainsi qu'ilz adviengnent et que il soit\ndeffendu de longuement garder son courroux/ ne user de aulcune\nvengeance/ neantmoins ledit amoureux deffendeur de ce que elle ne le\nvoullut saluer comme elle le devoit faire a conspir\u00e9 haine contre\nladicte dame/ pour laquelle mettre a execution/ ce jour propre le soir\nbien tard il se transporta devant son huys/ et illecques comme mal meu\net eschauff\u00e9 vint ruer d'eux ou trois grosses pelottes de neige contre\nles fenestres de sadicte dame. Et apr\u00e9s ce qu'il veit que on n'en tenoit\ncompte et que l'on ne sailloyt point dehors pour parler a lui il print\nune grosse pierre et la gecta contre les verrieres tellement que il en\nabbatit deux ou troys losenges qui vindrent comme si se eust est\u00e9 chose\njuree tout droict cheoir dessus la teste de ladicte dame demanderesse/\net dont en y eut une qui la vint frapper sur le nez si qu'il y eut\neffusion de sang/ et encore non content de ce mais pour luy faire plus\ngrant despit il a fait despecer ung beau cordon qu'elle luy avoit donn\u00e9/\net dont par despit il en a lac\u00e9 une botte fauve en metant a son pied ce\nqu'il debvoit mettre en sa teste. Et oultre plus a injuri\u00e9 ceste dame en\ndisant d'elle plusieurs maulx/ et qu'elle estoit maulvaise/ avecques\nplusieurs autres parolles et minution de son honneur qui estoit mal fait\na luy & lesquelles choses dessusdictes comme digne de pugnition cheoyent\nen reparation. Et pour ce prenoit ladicte dame ses conclusions a\nl'encontre dudict amant affin que il feust par la court condampn\u00e9 a\nreparer lesdictz exc\u00e9s envers elle d'amende honnourable nue teste/ et en\nchemise tenant une torche ardante en sa main/ en dysant que faulsement\net maulvaisement il l'avoit grevee et blasmee/ et qu'il s'en repentoit\net cryoit mercy en se desdisant publycquement desdictes parolles par luy\ndictes & ainsi condampn\u00e9 a faire ung voyage a sa devotion et partout ou\nelle le vouldra encharger/ et pour amende prouffitable a la somme de\ndeux mille livres & a tenir prison ou il appartiendra/ et tout a ses\ndespens/ dommaiges et interestz de la partie dudict amant fut deffendu\nau contraire & disoit par ses deffences qu'il failloit pressuposer que\nladicte dame estoit conduyte par danger en telle maniere que elle n'eust\nsceu faire ung seul pas qu'elle ne l'eust eu tousjours apr\u00e9s sa queue\nung faulx semblant pour la garder. Et n'y eut oncques amoureux de\nmemoire d'homme qui eust tant a faire/ et a souffrir que il a eu de la\nservir car il ne s'en pouoit tirer pres fust de jour ou de nuit a\nquelque heure que ce feust pour les gardes & batailles qui estoyent en\nl'avant garde et en l'arriere garde et brief en la saison de l'yver\nn'eust jamais peu aller ne parler a elle sinon que quant il geloit si\nfort que les gens de fine froydure ne se osoyent tenir a l'huys qui\nestoit tresgrande peine/ car il fault considerer que a toutes les foys\nqu'il y alloit ne pouoit il pas encores parler a elle/ mais bien souvent\nluy failloit retourner ainsi comment il estoit venu. Et se il avoit\ngrant peine en yver/ encores en avoit il beaucoup plus en est\u00e9/ car\njamais ne se fust avanc\u00e9 & aussi il n'eust os\u00e9 aller devers elle en\nquelque fa\u00e7on que se eust est\u00e9 sinon quant il faisoit orage de temps/ ou\nqu'il tonnoit/ esclairoit/ et espartyssoit de tous costez tellement que\nil sembloit que les pierres fendissent et que le ciel deust cheoir embas\nmesmement quant il couroit parmy les rues n'atendoit que le coup comme\nung homme desja condampn\u00e9 qui lui estoit ung grant danger sans les\nautres inconveniens du vent et des gouttieres qui degoutoyent sur luy\ndedans son dos comme qui les gectast par despit. Et fault noter que\nquant il estoit arriv\u00e9 en ceste estat jusques au logis de sa dame il\nn'avoit habillement qui ne fust plein d'eaue voire tout le corps comme\ns'il fust venu d'ung baing si que c'estoit piti\u00e9 de le veoir et si au\nmieulx ne gagnoit que ung baiser ou deux qui n'estoit pas\nrescompensation legitime de la peine que il en prenoit. Au regard\nencores que incontinent il s'en failloit retourner/ et passer par boys/\net par ruisseaux et aussi grant dangier que par devant sinon qu'il\nattendoit dessoubz quelque auven que le maulvais temps feust pass\u00e9 et la\npluye cessee/ pressupos\u00e9 cela disoit a une journee dont n'estoit recors\nque il faisoit maulvais temps et ung froict extresme. Il se transporta\npar devers l'uys de sadicte dame ou il fut bien l'espace de trois\ngrosses heures atendant la venue tellement que ses soulliers estoient\ngellez et ne les pouoit ravoir de la terre. Et quant il vit qu'il n'en\noyoit point de nouvelles il commen\u00e7a a toussir deux ou .iii. fois et\npuis hurtoit de la pointe de son patin a la porte & si ne lui respondoit\nl'en riens dont voirement il se courrou\u00e7a et despita et pour se\neschauffer feist une grosse pelotte de neige qu'il gecta contre pour se\nramentevoir/ et affin que l'en vint a luy. et peult bien estre que\nladicte pelote qui estoit ung peu pesante cassa ung petit de voirriere\ndont les pieces & esclatz cheurent dessus la dame. Mais il ne le cuydoit\npas faire/ et jamais il n'eust pens\u00e9 que elle eust est\u00e9 dessoubz/ par\nquoy le fault excuser/ ne quelque chose que sadicte dame ait voulu dire\nil n'avoit haine a l'encontre d'elle/ car par maltallent il ne l'avoit\nfait/ mais seulement pour ce qui luy ennuyoit d'avoir la tant longuement\natendu sans venir a luy. Et quant est du reffus de le saluer surquoy\nelle vouloit fonder sa haine de malveillance disoit ledit amant qu'elle\nfist sagement et ne luy en sceust oncques maulvais gr\u00e9. Et qui plus est\nn'eust sceu riens faire qu'il luy eust despleu ne mal content\u00e9 car tout\nce qu'elle voulloyt il desiroit & au regard du cordon qu'il avoit port\u00e9\naux piedz par despit d'elle disoit ledict amant deffendeur qu'il ne\nl'avoit faict que par plaisance joyeuse/ et pour monstrer qu'il avoit\nune moult belle dame il le faisoit pour l'amour de elle/ parquoy n'avoit\nmesprins. Et au surplus touchant les injures disoyt que quant il\nretourna ainsi angel\u00e9 de l'huys de sadicte dame sans rien faire et a\nl'occasion que en s'en retournant il rencontra ung vieil tronchet de\npatissier qui luy cuyda fendre la greve de la jambe/ il mauldict ladicte\ndame/ et peult bien estre qu'il dist qu'elle estoit traistesse/ car il\nsemble que se elle ne l'eust injuri\u00e9 ou que elle fust venue a l'huys il\nne feust point cheut en ce dangier/ ains eust est\u00e9 garanty/ et encore\nd'abondant entant qu'il auroit failly de son cost\u00e9 il avoit obtenues\nlettres de pardon dont il requeroit l'enterinement et au moyen d'icelle\ndelivrance de ses biens et de sa personne attendu que par ce que dit est\nledit pardon estoit bien civil et raisonnable et demandoit despens au\ncas que sadicte dame vouldroit plus persister au proc\u00e9s a l'encontre de\nluy Apr\u00e9s lesquelles deffences les gens d'amours reciterent les\ninformacions et disoient que ilz trouvoient grandement charg\u00e9 ledit\namoureux deffendeur et ne se pouoyt excuser qu'il ne eust failly car sa\ndame estoit notoirement en la sauvegarde d'amours et sont toutes voyes\nde faict deffendues. Or avoit il par voye de fayct rompues les\nvoirrieres et ycelle dame blecee qu'il deust avoir revenchee voire\njusques a effusion de sang. Et ainsi se il eust donn\u00e9 ces choses a\nentendre et le cas tel qu'il estoyt/ jamais ne eust obtenu pardon.\nparquoy disoient qu'il en devoit estre pugny et requeroient que iceluy\npovre amant fust banny a tousjours du royaulme d'amours a tant que ses\nbiens feussent desclair\u00e9s confisquez et pour amende prouffitable au\ndouble Ledict amant deffendeur soustenant ledit pardon disoit qu'il\nn'auroit cause de le condampner et que quant il n'avoit pardon & qu'il\neust commis aulcune faulte/ si pourtant veu les paines qu'il avoit eues\n& la charge du service enquoy il estoit oblig\u00e9 et ou pendoit la mort ou\nla vie de chascune fois qu'il alloit vers ladicte dame il en devoit\ndemourer quitte et ne luy en debvoit on rien demander Et au regard du\ncas l'en n'y pouoit noter mal. Premierement quant au gr\u00e9 de la partie il\navoyt cause de le faire veu le long temps qu'il avoit song\u00e9 a l'huis/ et\naffin qu'on ne luy peust pas faire entendant qui luy eust est\u00e9 Si disoit\npar son serment que alors qu'il getta ladicte pierre il avoit tant de\nfroit qu'il ne sentoit sa main & ne scet s'il getta fort ou foible mais\nelle fut mout grevee et blecee et fut par grant fortune que les\nvoirryeres cheurent sur elle et entant que touchoit les injures et de ce\nqu'il pouoit avoir legierement dit qu'elle estoit faulce et traistesse\nRespondit que ce avoit est\u00e9 par chaude colle & alors qu'il estoit blec\u00e9/\nparquoy l'en ne s'i devoit arrester/ car quant ung homme a mal excessif\n& que c'est la cause d'amours l'en ne s'en s\u00e7auroyt tenir aucuneffois de\nmaudire sa dame & tous ceux qui en sont cause ou par qui le cas est\nadvenu et par ainsi disoit que lesdictes lettres de pardon estoient bien\ncivilles/ et qu'on y devoit obtemperer mais sadicte dame disoit au\ncontraire et qu'il failloit premierement qu'il se desdist des injures/\net qu'elles devoient passer soubz dissimulacion/ Car quant ung serviteur\ndesprise sa maistresse ou dit mal de ceulx dont il doit avoir avancement\nil doibt estre reput\u00e9 infame et debout\u00e9 de tous lesditz biens et si\nfault qu'il l'amende ou aultrement chascun en voudroit autant faire. Et\nquant est de la charge du service dont il est plaint et dire que jamais\nhomme n'entreprent si dangereuse poursuytte. Disoit ladicte dame qu'elle\nne luy faisoit pas faire et en avoit sa part de la paine comme luy\nentant qu'il luy failloit trouver excusation legitime pour aveugler\ndangier et faulx semblant que l'en ne peult pas de legier appaiser quant\nilz ont telle chose au cueur et ilz s'en doubtent Mais aussi de tant que\nen la poursuitte d'amours l'en a griefve paine et douleur & l'on ne peut\navoir ung seul bien comme d'ung baisier en passant et entre deux huys\npos\u00e9 ores qu'il esclaire et face tonnerre jusques a tout rompre. Si\nvault myeulx cela que tous les biens qu'on s\u00e7auroit souhaitier et avoir\nsans peine pour suytte ung baisier ainsi prins en emblee que s'il avoit\nengaig\u00e9 deux cens muys de bl\u00e9 Et par ainsi de retorquer ledict service\nou compensation de peine il n'y avoit aucune apparence et concluoit\ncomme dessus Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire\net proposer elles ont est\u00e9 apointees en droit et au produyre. Si a la\ncourt veu ledict proc\u00e9s & dit que les lettres de pardon obtenues par\nledict povre amoureulx seront enterinees. Et en ce faisant la court\nordonne et mect sa propre personne et tous ses biens a playne delivrance\nen rescompensant tous les despens et pour cause.\n\u00b6 Le .l. arrest\nA la requeste du procureur general d'amours et par commission de la\ncourt de ceans ont est\u00e9 prins et constitu\u00e9s prisonnier deux malfaicteurs\net delinquans qui par leurs maulvaises langues avoient embl\u00e9 la renommee\net desrob\u00e9 l'honneur de plusieurs dames a tort et sans causes/ si ont\nest\u00e9 sur ce interroguees & ont confess\u00e9 le cas. Et avecques ce que tout\nle temps de leurs vie ont est\u00e9 adonn\u00e9s a grassement et goliardement\nparler des biens d'amours en disant plusieurs ordes parolles en\nmalsonnans qu'il n'est besoing de reciter pour la turpitude d'icelles.\nEt finablement ladicte confession veue/ et le proc\u00e9s faict sur icelle la\ncourt les condampne tous deux a estre batus par trois samedis de verges\npar les carrefours. Et si les bannist du royaulme d'amours a tousjours\nen desclairant tous leurs biens confisquez. Et ordonne la court que tous\nceulx qui parleront ainsi deshonnestement contre l'honneur des dames ne\njouyront aulcunement des previleges d'amours/ et si seront pugnys si\ntres griefvement que les aultres y prendront exemple.\n\u00b6 Le .li. arrest\nEn la court de ceans c'est assis ung aultre proc\u00e9s entre une belle jeune\ndame & le procureur general d'amours adjoinct avec elle demandeurs en\ncas d'exc\u00e9s d'une part/ & ung assez gentil compaignon jadis amoureulx de\nladicte dame prisonnier deffendeur audict cas/ et requerant\nl'enterinement de certaine remission d'autre part. Et disoit ladicte\ndame que combien que en amours l'en doibt endurer tout ce qu'il se faict\npar esbat ou amyti\u00e9 et qu'il soit deffendu aux hommes qui desirent leur\navancement de ne proceder par voye de fait contre leurs dames jouant au\ntiers en ung beau grant preau vert/ et par joyeuset\u00e9 en courant par\nderriere elle mist audict gallant ung tantinet d'herbe entre la chemise\net le dos/ ce gallant se despita si terriblement que il luy vint\nincontinent bailler deux grans soufletz Et ne fut pas encores content de\ncela ain\u00e7oys la tumba a terre et la descoiffa en la trainant par les\ncheveulx devant tout le monde qui estoit illec/ comme s'elle eust est\u00e9\nsa chamberiere en ce faisant voye de faict est deffendue force et\nviolence publicque en refraignant et derompant la sauvegarde d'amours ou\nladicte dame estoyt enclose/ et aultrement grandement moult excedant et\ndelinquant Et pource concluoit et requeroit ladicte dame a l'encontre\ndudict deffendeur qu'il fut condampn\u00e9 et contrainct a reparer lesdictz\nexc\u00e9s et oultraige et luy faire amende honnorable c'est assavoir en la\ncourt de ceans et au preau ou le cas a est\u00e9 commis nue teste et en\nchemise tenant une torche ardant en sa main disant que a tort et\nmaulvaisement a bastue et descoiffee ceste dame/ il s'en repent et crye\nmercy a elle/ et a toutes les dames qui estoient presentes Et avec ce\npource que le cas est enorme/ et qu'il touchoit l'honneur de icelle dame\ndemanderesse elle requeroit aussi que ledict deffendeur feust condampn\u00e9\na souffrir pugnicion corporelle audict preau ou il avoit faict\nl'oultraige en la maniere qui s'ensuyt. C'est assavoir qu'il feust li\u00e9\ntout nud a ung pillier que l'on y atacheroit/ et que illec toutes les\ndames qui virent ledict cas advenir le vinsent bastre a leurs aises\njusques a ce que il fust bien frott\u00e9 pour donner exemple aux aultres qui\nen vouldroient autant faire et en amende prouffitable en la somme de\ndeux mille livres ou que telles aultres conclusions luy feussent\nadjugees que la court verroyt estre a faire en demandant despens\ndommaiges et interestz. De la partie dudict amoureulx fut deffendu au\ncontraire et disoit que les hommes ne estoyent point tenus d'endurer des\ndames se il ne leur plaist/ car elles sont subjectes/ & ne leur\nappartient de venir mettre en leurs dos aulcunes herbes soit par esbat\nou aultrement/ car ce qui leur plaist en une maniere il desplaist aux\nautres. Or estoit vray que ceste dame de son auctorit\u00e9 et sans dire qui\navoit perdu ou gaign\u00e9 luy estoit venue getter dedens le dos en jouant au\ntyers une poignee d'orties et d'ordure ou il y avoit parmy des fourmys\nqui le picquoyent et faysoyent si grant mal que il ne pouoit durer. Et a\nceste cause comme tout esmeu par chaulde colle la vint frapper et\ndescoifer ainsi que a est\u00e9 dit Et fault en ce noter qu'il n'y prenoit\npas garde/ mais pour la grant douleur qu'il sentoit au dos il ne s'en\npeut tenir. Et duquel cas ainsi advenu icelluy amant depuis qu'il a est\u00e9\nrassis a est\u00e9 desplaisant de l'avoir faict. Et oultre plus c'estoit tir\u00e9\na la chancellerie d'amours/ et en avoit tout entierement obtenues\nlettres de remission qui estoyent bien civilles et raisonnables veu ce\nque dit est dont il requeroit l'enterinement alias concluoit affin\nd'absolution et de despens Apr\u00e9s lesquelles deffences les gens d'amours\ndisoyent que ilz avoyent veu les informations faictes en ceste matieres/\npar lesquelles le cas estoyt veriffi\u00e9. Et aussi ne le pouoit ledict\namant deffendeur nyer/ car luy mesmes l'avoit confess\u00e9. Et disoyent\nlesdictz gens d'amours que l'exc\u00e9s estoit moult grant/ et l'oultrage\nfait a ladicte dame excessif/ et que selon les droictz d'amours qui\nparlent de ceste matiere la pugnition y est si tresgrande/ qu'on ne\ns\u00e7auroit dire et nompas seulement sont telz gens qui battent et frappent\nleurs dames dignes de mort acoustumee mais doibt l'en deppartir et\ndetrancher tous leurs membres par pieces/ aussi en effect c'est venu\nencontre la souverainet\u00e9 d'amours/ et encourir crime de leze magest\u00e9. Et\npource requeroyent et concluoyent lesdictes gens d'amours que ledict\namant deffendeur feust pugny de pugnition corporelle & publicque/ et en\nce faisant condampn\u00e9 a souffrir mort/ et estre execut\u00e9 par justice. et\nquant a la remission disoyent que l'en n'y debvoit obtemperer/ car le\ncas de soy estoit inremissible/ et failloit tout ainsi que ledit amant\navoit faict ledict cas publicquement que le cas feust pugny devant la\nveue du monde aussi de le faire aultrement ladicte dame demoureroyt\ndeshonnoree a tousjours mais qui ne se pouoit soubstenir en raison Par\nquoy comme dessus l'en n'y debvoit en riens obtemperer consider\u00e9\nmesmement l'enormit\u00e9 dudit cas et le consequent qui en peut advenir. Et\nfinablement disoyent que se ledict delict demouroit impuny il n'y auroit\njamais dame seure/ et seroyent tous les biens d'amours desprisez & mis\ndessoubz le pied par telz & meschans gens qui vouldroyent bien frapper\naulcuneffois concluant comme dessus. Apr\u00e9s les conclusions ainsi prises\npar lesdictes gens d'amours icelle dame emploioit ce que ilz avoyent dit\na son proffit et oultre pour deffendre ladicte remission entant qu'il\nluy touchoit elle disoit qu'elle ne debvoit estre enterinee audict\namant/ car elle estoit subretice/ obretice/ et desraisonnable subrectice\nentant qu'il avoit sceu que ladicte dame estoit en sa sauvegarde\nd'amours quant il perpetra lesdictz exc\u00e9s en la presence d'elle et aussi\nque elle a sceu que l'herbe qu'elle luy gecta dedans le doz n'estoit que\npar esbatement et en signe d'amour comment l'en peult ymaginer et s'eust\nest\u00e9 ung aultre homme a qui elle eust voulu mal jamais ne se y fust\njouee Et a la verit\u00e9 de tant qu'elle se seroit jouee a luy se l'amoureux\nestoit tel qu'il devoit estre il l'en debvoit plus priser Et monstroit\nbien que il ne s\u00e7avoit gueres d'honneur. Obretice car il avoit donn\u00e9 a\nentendre en ladicte remission que ladicte dame luy avoit gett\u00e9 des\norties et des formis entre la chair & la chemise mais le contraire est\nvray c'est assavoir qu'il n'y avoit que belle herbe verte sans qu'il y\neust point d'orties ne de formis ne que cela luy eut oncques fait mal ne\ndesplaisir Et si au regard d'elle pour s'aquitter et monstrer l'amour\nqu'elle avoit en luy elle pouoit bien cela faire et luy estoit permis\nselon l'anticque et commung proverbe qui dict que gens qui s'entrayment\npierres s'entreruent. Incivil/ car pardonner tel cas c'est en effect\nconsentir que une dame demeure blasmee & infame sans avoir reparation de\nson honneur qui ne se peult faire en terme de raison. Et aussi que\nledict amant avoit trainee par les cheveux/ et devant tout chascun\nestoit de soy inremissible Disoit oultre ladicte dame que ladite\nremission estoit desraisonnable/ car se telles choses avoient lieu & que\namoureux fussent quictes de telz maulx pour prendre une pareille\nremission Il vauldroit aussy chier qu'il n'y eust plus de justice en\namours et gaigneroit l'en autant a faire mal que bien. Mais ledict amant\ndeffendeur soustenant sa remission disoit que le cas n'estoit si grant\nne si mauvais comme l'en le faisoit de beaucoup Premierement car ladicte\ndame l'avoit menass\u00e9 et sans ce qu'il luy demandast rien estoit venue\ntoucher lesdictes herbes et orties parquoy s'il s'estoit revench\u00e9 il\navoyt de raison Secondement pos\u00e9 qu'il eust frapp\u00e9 si n'avoit elle point\nest\u00e9 affolee et si ne l'avoit faict ledict amant que par jeu. Tiercement\nle cas estoit advenu par hastivet\u00e9 de chaulde colle voire en estant\ncause promovent. Et par ainsi ladite remission estoit bien fondee et\nraisonnable et ne failloit point parler d'incivilit\u00e9 ne dire que amours\nne puissent pardonner tel cas/ car de plus grans la moyti\u00e9/ le\nchancellier d'amours baille tous les jours remission voire a ceux qui\nont tu\u00e9 leurs dames et estoit trop contente la puissance et souverainet\u00e9\nd'amours Disant oultre ledict amant que en sesdites lettres de remission\nil avoit donn\u00e9 a entendre toute la pure verit\u00e9 du cas Parquoy l'en y\ndevoit obtemperer et concluoit comme dessus Mais les gens d'amours en\nluy respondant disoient que ce cas ne se devoit jamais pardonner ne\nremettre avecques les autres/ car d'avoir ainsi frapp\u00e9 ladicte dame et\ntraisnee par les cheveulx se estoit offence inremissible et donner\noccasion a chascun qui la estoient presens de penser qu'il s\u00e7avoit\nquelque mal a la dame et d'en publier contre son honneur ce qui n'est\npoint. parquoy il failloit que sa faulte feust reparee publiquement Et\nne la devoit l'en point passer soubz dissimulation. Ouyes lesquelles\nparties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer elles ont est\u00e9\nappointees en droit a mettre par devers la court et au conseil. Si a\nladicte court veu le proc\u00e9s avec lesdictes lettres de remission & tout\nce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu et consider\u00e9 ce\nque il failloit a considerer/ la court dit que lesdictes lettres de\nremission sont incivilles et qu'elle n'y obtemperera point/ et deffendit\nau chancelier d'amours de n'en bailler plus de pareilles a quelque\namoureulx que ce soit. Et condampne la court ledict amant deffendeur\npour reparacion dudict cas a estre despoull\u00e9 tout nud et ordonne qu'il\nluy sera en cest estat baill\u00e9 et delivr\u00e9 par le bourreau quatre vieilles\nchamberieres d'estuves pour le tresbien vanner dedens une vieille coste\npoincte de prisonniers/ ou d'autre vieille couverture pleine de poux et\nde vermine Et cela faict le condampne a estre ject\u00e9 tout nud en ung\nchamp plain d'orties et de chardons. Et au surplus le bannist a\ntousjours mais du royaulme d'amours et du service des dames en\ndesclairant tous et chascuns ses biens confisquez.\nL'arrest finy ledit president qui estoit las & n'en pouoit plus dist au\npeuple illec attendant. Le greffier dira le surplus/ ainsi le greffier\ns'avan\u00e7a de plusieurs autres arrestz dire mais de tous ceulx qu'il\npronon\u00e7a ne peuz rien rapporter ne escripre/ il avoit ung peu la voix\nbasse tant qu'on ne le pouoyt entendre.\n Si eut arrest et jugement\n Prononcez lors tant que merveilles\n Dont je vis mains povres amans\n Plourer & grater leurs oreilles\n Et ceulx qui cuydoient pour eulx\n Furent contre eulx je vous affie\n Se les jugemens sont douteux\n Nul n'est pas saige qui s'i fie\n Si fais veu aux dames\n Que plus ne serviray amours.\n Se g'y ay mesprins je m'en repens/\n Ailleurs me fault prendre mon cours.\n Et quant est d'espoir et recours\n Ilz m'ont est\u00e9 par trop rigoureux\n Et pource soubstiendray tousjours\n Que les loyaux sont les plus douloureux.\n\u00b6 Cy finissent les cinquante et ung arrest d'amours. Nouvellement\nimprim\u00e9 a paris par la veufve feu Jehan trepperel et Jehan jehannot\nImprimeur et Libraire jur\u00e9 en l'universit\u00e9 de paris Demourant en la rue\nneufve nostre dame a l'enseigne de l'escu de France.\nNotes du transcripteur\nL'orthographe et la ponctuation sont conformes \u00e0 l'original. Pour\nfaciliter la lecture, on a ajout\u00e9 apostrophes, accents et c\u00e9dilles,\ndistingu\u00e9 i/j et u/v, et r\u00e9solu les abr\u00e9viations conventionnelles (par\nexemple c\u00f5e > comme).\nCertaines erreurs manifestes ont \u00e9t\u00e9 corrig\u00e9es (confusion entre\nqui/qu'il/qu'ilz, doublons, interversions ou substitutions de lettres,\netc.)", "source_dataset": "gutenberg", "source_dataset_detailed": "gutenberg - Les cinquante et ung arretz d'amours\n"}, {"source_document": "", "creation_year": 1488, "culture": " French\n", "content": "Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed\nProofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was\nproduced from images generously made available by the\nBiblioth\u00e8que nationale de France (BnF/Gallica) at\nS'ensuyt l'amant rendu cordelier a l'observance d'amours\n Au son d'un bastouer cliquant\n D'une tresbelle chamberiere\n Sa voix singlant et decliquant\n Ainsy que une seraine clere\n En ung pr\u00e9 joingnant la riviere\n M'endormis si soudainement\n Que perdis propos et lumiere\n Et ne s\u00e7ay que devins vraiement\n Sy me sembla q'un grant boullon\n D'eaue me ravit et surmonta\n puis survint ung estourbillon\n De vent qui se doux chant m'osta\n Et d'illec sy me transporta\n Aussy viste comme ung canon\n A ung grant boys ou m'emporta\n Maugr\u00e9 moy voulsisse ou non\n Le boys ou forest s'appelloit\n La forest de desesperance\n Ou jamais homme sy n'alloit\n Qui ne fust marry a oultrance\n Mains vaillans les fers de leur lance\n y ont en combatant laiss\u00e9s\n Mains amoureux en desplaisance\n Par couroux y sont trespass\u00e9s\n En maintes foretz ay est\u00e9\n Mais oncques n'en veis l'apareil\n Car soit en yver ou est\u00e9\n L'on n'y voit luire le soleil\n Le temps n'y est pers ne vermeil\n Tousjours y fait obscur et noir\n Ne n'a que tristesse et que dueil\n S'estoit verdier de desespoir\n Quant je me veis en ce dangier\n Lors je commenc\u00e9 a crier\n Vers amours pour me solaiger\n Et obvier au fourvoier\n Priant qu'il me voulsist convoier\n A ce perilleux damne pas\n Car sans son secour envoier\n Seur estoie de passer le pas\n Sy n'euz pas mon oraison faicte\n Qu'amours de sa grace et bont\u00e9\n Sy me transmist une saiecte\n Ardant et plaine de clart\u00e9\n Qui me mist au chemin hant\u00e9\n Dont de loing veis une chapelle\n Vers laquelle me transport\u00e9\n Jamais n'en eschap\u00e9 plus belle\n Ainsy pour amours mercier\n Vers ceste eglise hastivement\n Prins pays sans me soucier\n Comme delivr\u00e9 de tourment\n Et cheminay sy longuement\n Que j'arrivay devant la porte\n Qui estoit de grant exaussement\n Et d'ouvraige de mainte sorte\n Ceste eglise faicte a pilliers\n De merveilleuse magnificence\n Fondee estoit de cordeliers\n Religieux de l'observance\n Ayans renonc\u00e9 l'aliance\n Du noble service d'amours\n Pour faire leens penitance\n Jusques a la fin de leurs jours\n Or sur ce point est a noter\n Que de tous vivans langoureux\n L'on eust leens souffert bouter\n Sy non les loyaux doloreux\n Les despourveux adventureux\n Les desol\u00e9s et espanis\n Mesmement povres amoureux\n Qui de leurs dames sont banis\n De la nef du cueur du portal\n Ne sauroye au long toucher\n Tous les murs estoient de cristal\n Tous lambroussez jusques au clochier\n De fin or et d'azur mout chier\n Et la croisee toute d'ivire\n Brief qui vouldroit tout espluchier\n Il faudroit ung jour a le dire\n Sy veis en entrant a l'eglise\n Ung povre amant plourer sy fort\n Portant le noir et sans devise\n Comme tout plain de desconfort\n Triste estoit lors jusques a la mort\n Com s'il vouloit pencer de l'ame\n Et disoit l'en leens qu'atort\n L'on l'avoit bany de sa dame\n Le gallant avoit pour habit\n Longue robe noire dessainte\n Comme pour estre a ung obit\n Cornette de beau veloux tainte\n En couleur de reffus et plainte\n Cheveulx longs du temps des apostres\n Et puis par devocion sainte\n Portoit les belles patenostres\n Quant je me fus agenoull\u00e9\n Et que euz commenc\u00e9 ma priere\n De cet homme me esmerveill\u00e9\n Qui menoit sy piteuse chiere\n Car a ung lieu n'arestoit guere\n Ains alloit tousjours et venoit\n Et sembloit bien a sa maniere\n Que du monde ne luy challoit\n En me pourmenant de travers\n De la nef et a l'opposite\n Ung des religieux convers\n Vint donner a tous l'eau beniste\n Puis que la grant messe fut dicte\n Je veis la venir damp procureur\n Portant ung visage d'ermite\n Qui fist a l'amant grant honneur\n Or \u00e7a dist il j'ay parl\u00e9\n Au jour duy de vostre matiere\n Mais damp prieur s'en est all\u00e9\n Sy pr\u00e8s il n'arrestera gueres\n Je vous asseure qui n'y a frere\n Ceans qui ne vous aime bien\n Pour quoy dev\u00e9s faire grant chiere\n Car vostre besongne ira bien\n Lors dist l'amant la leur mercy\n De mon cas sont mal inform\u00e9s\n Las je n'ay fait ailleurs ne sy\n Chose dont doye d'eux estre amez\n Mes biens fais sy sont clers semez\n De moy ne leur en doibt challoir\n Quant les auroy acoustum\u00e9s\n Je n'emporray que mieulx valloir\n Tantost apr\u00e8s cy arriva\n Damp prieur venant de dehors\n Auquel damp procureur luy va\n Presenter le povre amant lors\n Disant pere misericors\n En vecy ung qui fain a de rendre\n A l'ordre le cueur et le corps\n Se c'est vostre gr\u00e9 de le prendre\n Premierement il fault s\u00e7avoir\n Dist damp prieur sa voulent\u00e9\n Et s'il pourra bien recepvoir\n Tant de tourment et de durt\u00e9\n Il n'y a leans que povret\u00e9\n Amy je le vous vueil bien dire\n Affin que sy y estes bout\u00e9\n Vous pren\u00e9s en gr\u00e9 le martire\nL'amant\n Helas dist il ne m'en chault\n Eslire vueil la voye certaine\n J'ay essay\u00e9 du froit et du chault\n Et s\u00e7ay que ceste vie mondaine\n Est fainte deceptive et vaine\n Faisans cent mille gens perir\n Qui plus y est plus a de peine\n Et sy fault une foys mourir\nDamp prieur\n Or \u00e7a mon amy qui vous meult\n Dont vous vient ceste affection\n L'ennemy tressouvent esmeut\n Maintes gens par temptacion\n Soubz umbre de devocion\n Pour faire ung coup a l'aventure\n Et entrer en profection\n Dont apr\u00e8s ilz maudissent l'eure\nL'amant\n A par ma foy je vous diray\n La chose ne m'est pas subite\n Car j'ay pie\u00e7a deliber\u00e9\n De mourir reclus ou hermite\n Les biens d'amours je les vous quicte\n Mes ris sont tourn\u00e9s a plourer\n En lieu ou tout plaisir habite\n Je ne quiers jamais demourer\nDamp prieur\n Comment vous qui estez sy jeune\n Av\u00e9s vous le cueur tant failly\n Qui ne vous chault de vie mondaine\n Hault desir est il aboly\n Av\u00e9s vous regart a nulluy\n Vous a l'en rien dit ou meffait\n Amours vous ont il defailly\n Qui ceste maladie vous fait\nL'amant\n Ma maladie la ne gist point\n Ne n'ay regret a homme ne a femme\n Remors de conscience me point\n Seulement a pencer de l'ame\n Car a poursuir grace de dame\n Trop y fault de pas et de tours\n Et sy n'en puet on avoir dragme\n Qui ne couste mille douleurs\nDamp prieur\n Telles douleurs ne sont que joye\n A gens qui les scevent contendre\n Et viennent de la la mont joye\n D'onneur qu'on ne sauroit comprendre\n Biens d'amours ne se pevent trop vendre\n Car c'est en tout temps heritaige\n Qu'on ne peut perdre ne despendre\n Et sy rend tousjours davantaige\nL'amant\n Le dire ne vous couste gueres\n Je s\u00e7ay bien comment il m'en tient\n De tant que ma plaisance est chiere\n Voirement plus peine apartient\n Mais quant tousjours on la soustient\n En vivant soubz une esperance\n D'aquerir loier qu'on retient\n C'est la pour perdre pascience\nDamp prieur\n Dames ne sont point tant cruelles\n Ne sy despourveues de savoir\n Que de ceulx qui seuffrent pour elles\n Elles n'en facent leur devoir\n Mais sy n'y veulent pourvoir\n L'on ne les en doibt point blasmer\n Legier croire fait decevoir\n Il fault congnoistre avant que amer\nL'amant\n Que peut on mieulx homme congnoistre\n Que par service et diligence\n Quant on le voit nuyt et jour estre\n Atendant d'amours l'influence\n Muer couleur et contenance\n Suer trembler et soupirer\n Helas c'est bien l'experience\n Qui la vouldroit considerer\nDamp prieur\n De telz maulz nulz n'est tant malade\n Qu'on ne face bien tost guerir\n D'un baiser ou d'une balade\n Quant amour le veult secourir\n Tel se plaint avant que ferir\n Qui n'a douleur ne maladie\n Ne n'en voit l'en gueres mourir\n Quelque chose que n'en me die\nL'amant\n Ha monseigneur vous av\u00e9s tort\n Vous s\u00e7av\u00e9s mieulx que vous ne dictez\n Car plus vauldroit souffrir la mort\n Que telles douleurs etroclites\n Se sont angoisses cy despites\n Qui font le sens perdre et tourner\n Aumoins ceulx la en seront quictes\n Ne n'y faudroit plus retourner\nDamp prieur\n Or je vous demande beau sire\n Se la dame ou estoies submis\n Vous a brass\u00e9 sy dure martire\n Que secours n'y puisse estre mis\n y avoit il nulz compromis\n Entre vous deux et alliance\n Ou celle avoit nulz autres amys\n Qui vous aient fait bailler l'avance\nL'amant\n Doubter point ne fault de cela\n Tant estoit parfaicte et entiere\n Pour ce maintenir \u00e7a et la\n Fust en langaige et en maniere\n D'onneur estoit la tresoriere\n Belle et bonne sans quelque chose\n A chascun faisoit bonne chiere\n Mais ne m'y demand\u00e9s autre chose\nDamp prieur\n De dire que n'y trouv\u00e9s point\n Ung peu plus qu'autre d'avantaige\n Je ne puis concevoir ce point\n Ne qu'elle eust sy gros couraige\n De vous veoir endurer dommaige\n En la servant et pour bien faire\n Veu qu'elle estoit sy bonne et sage\n Aussy je ne le sauroye croire\nL'amant\n Le bien et le mal congnoissoit\n Jamais n'en sera de pareille\n Dieu luy doint bon jour ou qu'elle soit\n Et a tous ceulx de sa sequelle\n Quant j'oys encor parler d'elle\n Les larmes m'en viennent es yeux\n Et ma doleur s'en renouvelle\n Dont il ne m'en est pas de mieulx\nDamp prieur\n Elle et aultre fault oublier\n Folie est de s'y amordre\n Aumoins se vous y voul\u00e9s lier\n Et garder les veux de nostre ordre\n Du temps pass\u00e9 vous faudroit tordre\n Les mains et avoir repentailles\n Sy not\u00e9s bien ces motz par ordre\n Car se n'est pas jeu de troys mailles\nL'amant\n Helas c'estoit la plus prudente\n Que je veis onc et plus parfaicte\n Saige savant d'onneur plaisante\n En bont\u00e9 et beaut\u00e9 complecte\n De tous biens brief estoit replecte\n Il n'y falloit metre n'oster\n Quant il m'en souvient je souhaite\n La mort que me viengne emporter\nDamp prieur\n En ung propos n'estes pas ferme\n En ce que puis apercevoir\n Ne n'est pas le chemin de l'ame\n De vos amours ramentevoir\n Il vous en fault tout demouvoir\n Et ung autre le\u00e7on aprendre\n Avant qu'on vous puist recevoir\n En la religion ne prendre\nL'amant\n Si forte rigle que vouldr\u00e9s\n Bien garder\u00e9 pour abriger\n Et me sembloit que quant saur\u00e9s\n Qui me fait mon mal rengregier\n Vous aider\u00e9s a deschargier\n Mon povre cueur de grant mesaise\n Mais j'ay paour de vous trop charger\n Et que mon langaige desplaise\nDamp prieur\n Nenny vous ser\u00e9s escout\u00e9\n Dire me pov\u00e9s hardiment\n Cy soubz le benedicit\u00e9\n Vostre vouloir et pensement\n Aussy avons expr\u00e8s serment\n De ne prendre ceans personne\n S'il ne desclere entierement\n La cause pour quoy il s'i donne\nL'amant\n Vray est que fu jadis esprins\n Par le mouvement de desir\n De ceste dame de hault pris\n Se s'eust est\u00e9 son bon plaisir\n Ou failly n'avoye a choisir\n De en sa grace me hebergier\n Mais dangier m'en vint dessaisir\n Qui me fist bien tost deslogier\nDamp prieur\n Dangier sy a ceste coustume\n D'effroier tousjours la poulaille\n Il destaint le feu et l'alume\n Il trenche les morceaux et baille\n L'un ran\u00e7onne l'autre tenaille\n Il en prent par ou il en treuve\n On n'a point telz biens sans bataille\n Mais il ne fault pas qu'on recouvre\nL'amant\n Las je ne s\u00e7ay quel recouvrer\n Il vault mieux plus tost departir\n Que trop attendre et pis trouver\n Et retraire que repentir\n Brief c'est pour devenir martir\n Qui a entre ses mains affaire\n Car quant on cuide bien departir\n Lors c'est quant est a reffaire\nDamp prieur\n De dangier ne se doibt l'en plaindre\n Car amour sy l'a destin\u00e9\n Pour reprouver et pour refraindre\n Le feu de desir obstin\u00e9\n Bien aux dames fut ordonn\u00e9\n Pour en avoir la garde et umbre\n Car tout seroit habandonn\u00e9\n Et en vendroit des maulx sans nombre\nL'amant\n Non feroit ja sans vostre grace\n Dames ne sont point sy volaiges\n Que cy tost et de prime face\n Pour ung peu de plaisant langaige\n Elles declerent leur couraige\n Sans savoir a qui ne comment\n Aussy raison qui est leur gaige\n Ne le souffreoit aucunement\nDamp prieur\n Raison est souvent endormie\n Mais jamais dangier ne sommeille\n Ne ne dort heure ne demie\n Tousjours a la puce en l'oreille\n Il court il suyt il traveille\n Pour guerroier jeunes et vieux\n Il est bon mestier qu'on y veille\n On ne demanderoit pas mieulx\nL'amant\n Puis male bouche et faulx parlant\n M'ont grev\u00e9 tant qu'on seroit dire\n Sans ce que j'en aye fait semblant\n Cuidant qui se deussent reduire\n Ou apaiser ung peu leur yre\n Mais plus y pert qui plus leur donne\n Car elles m'en ont voulu plus nuyre\n Mais maintenant je leur pardonne\nDamp prieur\n C'est bien dit nous devons benistre\n ceulx mesmes qui nous font les motz\n Et avons expresse epistre\n Se me semble ad corintheos\n Se vous estes misericors\n Dist dieu je le vous seray\n Combien que de tous durs effors\n Ne sembloit pas tout empiray\nL'amant\n Je n'ay membre qui ne s'en sente\n Il m'en puet assez souvenir\n Et tel souvent cy rit et chante\n qui est dolent jusqu'au finir\n Je m'en s\u00e7ay bien a quoy tenir\n Et sy n'y puis secours donner\n Ains m'en fault des maulx soustenir\n Dont ne fais pas les sains sonner\nDamp prieur\n Quant vous enduri\u00e9s telle peine\n Que n'alli\u00e9s vous devers la belle\n Dire vostre raige inhumaine\n Et impetrer la grace d'elle\n Je crois qu'eussi\u00e9s eu nouvelle\n Opportune pour vous guerir\n Car dame n'est point sy cruelle\n Que nul vueille faire mourir\nL'amant\n Il ne tenoit point a bailer\n Mais je n'y povoye radrecer\n Car dangier gardoit le parler\n Et malle bouche le passer\n Ainsi vous failloit traverser\n Entre deux par emblee ou fuyte\n Sy m'esbahis a y pencer\n Que mort ne suis a la poursuite\nDamp prieur\n Or sire quant vous y alli\u00e9s\n y trouvi\u00e9s vous n'avant n'arriere\n Chose de dont vous esbayssi\u00e9s\n Ou deussi\u00e9s faire bonne chiere\n Estoit elle point coustumiere\n De jecter ung doux regart\n Ou se par ris ou par maniere\n En passant vous disoit dieu gart\nL'amant\n Je ne passoye point cy avant\n Ains a l'uys troys heures entieres\n De nuyt estoye soubz ung au vant\n Regardant en hault les goutieres\n Et puis quant je oye les verriers\n De la maison qui cliquetoient\n Lors me sembloit que mes prieres\n Exaussees d'elles sy estoient\nDamp prieur\n Esti\u00e9s vous seulement content\n De telles plaisances mondaines\n Et d'illec demourer tant\n Escouter lever les avoynes\n Vous jecte l'en point marjolaines\n Quand on les venoit abruver\n Ou savi\u00e9s enseignes certaines\n qu'elle vous puest bien aviser\nL'amant\n Se m'aist dieu j'estoye tant ravis\n Que ne savoye mon sens ne estre\n Car sans parler m'estoit advis\n Que le vent ventoit sa fenestre\n Et que m'avoit bien peu congnoistre\n En disant tout bas doint bonne nuyt\n Et dieu scet se j'estoye grant maistre\n Apr\u00e8s cela toute la nuyt\nDamp prieur\n Puis que vous ne la vey\u00e9s mye\n Cause n'aviez d'estre joyeux\n Car estoit puet estre endormie\n Quant ainsy vous ri\u00e9s aux cieux\n Auffort vous rapaisi\u00e9s vos yeux\n Des fenestres ou des violiers\n Et vous profitoit cela mieux\n Que d'avoir escuz a milliers\nL'amant\n Ce soir dormis plus seurement\n Que par avant n'avoye dix jours\n Tant sentoie grant allegement\n D'ainsi avoir veu mes amours\n Sy faisoye lors mout de clamours\n Au lieu en merciant la belle\n Du confort et joyeux secours\n Que j'avoye eu au moyen d'elle\nDamp prieur\n Or sire par ce seur dormir\n Que tenez de cy grant valeur\n Senti\u00e9s vous point le cueur fremir\n Et entrer en froit ou challeur\n Vous sembloit le repos meilleur\n Que n'aviez dont acoustum\u00e9\n Ou se de joye ou de douleur\n Esti\u00e9s point transi ou pasm\u00e9\nL'amant\n Tellement estoie restaur\u00e9\n Que sans tourner ne travailler\n Je faisoie ung somme dor\u00e9\n Sans point la nuyt me resveiller\n Et puis avant que m'abiller\n Pour en rendre a amours louenge\n Baisoie troys foys mon orillier\n En riant a par moy aux anges\nDamp prieur\n Du temps que ceste nuyt duroit\n La songi\u00e9s vous point nullement\n Ou se vostre oeil la desiroit\n Point veoir illec visiblement\n Car de tel mondain pensement\n Adviennent maintes frenaisies\n Qu'on cuide estre vrays proprement\n Et sy ne sont que fantasies\nL'amant\n Bien souventesfois advenoit\n Que voirement je la songoie\n Toute telle joye sy me prenoit\n Que au lit chantoie et pleuroye\n Puis moy resveill\u00e9 j'enragoye\n Que ne la veoie illec\n Et maintesfoys place changoye\n En faisant des pi\u00e9s le chevet\nDamp prieur\n Or \u00e7a quant vous estiez lev\u00e9\n Que faisi\u00e9s vous toute journee\n Aviez vous nul amy priv\u00e9\n Qui sceust rien de vostre trainee\n Ou salli\u00e9s point la matinee\n Passer devant la dame ung tour\n pour avoir ung regard d'emblee\n Ou ung doux sourris au retour\nL'amant\n Soyes seur que pas n'y failloye\n Ain\u00e7oys vestu d'estrange sorte\n Des le fin matin y alloye\n Atout une nouvelle cote\n Puis se la veoie a la porte\n M'en alloye tant desconfort\u00e9\n Que ce ma vie eust est\u00e9 morte\n Si fust mon corps resuscit\u00e9\nDamp prieur\n N'avi\u00e9s vous lors par divise\n Sur vostre habit quelque verdure\n Ou ung cueur empr\u00e8s la chemise\n Ou son nom fut en escripture\n Ceulx qui sont en telle adventure\n Ilz ont bon temps dieu le leur sauve\n Car ilz pevent porter a tout heure\n Pourpoint vert et la bote fauve\nL'amant\n De telz biens ne failloit douter\n Tout y voloit par escuelles\n Et eussi\u00e9s veu fanges sauter\n Chevaulx abatre estaux et selles\n Puis faire toutes choses nouvelles\n Dont l'en se pourroit adviser\n Car qui a telz picquans es oreilles\n Il n'a garde de reposer\nDamp prieur\n Qui ce pendant pensoit du vivre\n Et de vostre estat soustenir\n Veu qu'on ne peut pas tousjours suivre\n telz boubans ne les maintenir\n Je croys bien que pour parvenir\n A congnoissance il en fault faire\n Mais du sien fait bon retenir\n L'on ne scet qu'on en a affaire\nL'amant\n D'or d'argent de vie ne de rente\n A lors bien peu m'en souvenoit\n Ung escu m'en rendoit trente\n Fortune pour moy lors regnoie\n Chascun d'autre part me donnoit\n Et estoie plain jusqu'au menton\n Par quoy qui en avoit on prenoit\n Ne me challoit pas d'un bouton\nDamp prieur\n D'estre ainsy fich\u00e9 en ung lieu\n pas n'avi\u00e9s le cueur en franchise\n Helas pensi\u00e9s vous point a dieu\n Je croy que non ne a l'eglise\n Ains avi\u00e9s curiosit\u00e9 mise\n Tant a celle qu'aimi\u00e9s tant chier\n Que fait n'eussiez que a vostre guise\n L'en vous en eust eu beau prescher\nL'amant\n A suivre l'eglise comment\n Sy estoit ma personne duite\n Pour estre des premiers devant\n A luy bailer de l'eau beniste\n Puis celle faisoit la petite\n Ou qu'elle me gectast ung doux yeux\n J'estoie lors de joye subite\n transsi et ravi jusqu'au cieux\nDamp prieur\n Or \u00e7a sire durant la messe\n Vous alli\u00e9s vous point pourmener\n Devant la place ou la deesse\n Si devoit son corps sejourner\n Et quant venoit au destourner\n Cliqueti\u00e9s vous point le patin\n Affin que l'ueil voulsist tourner\n Pour entendre vostre latin\nL'amant\n Tousjours d'elle me tenoye pr\u00e8s\n Affin que luy peusse porter\n La paix pour l'apaiser apr\u00e8s\n Qu'on n'avoit garde de m'oster\n Puis a genoux m'aloye bouter\n Aidant au prestre anemen\n Vous m'eussi\u00e9s ouy chanter\n Pour deo gratias amen\nDamp prieur\n Les povres qui queroient l'aumosne\n Partoient ilz de vous escondis\n Euvre de charit\u00e9 estoit bonne\n Pour gaigner y la paradis\n Combien qu'en ce temps jadis\n N'en esti\u00e9s gueres en talent\u00e9\n Car vostre entendement tout dis\n Sy estoit bien ailleurs bout\u00e9\nL'amant\n Se au montier baisoye saint ou sainte\n Je l'aloye baisier apr\u00e8s elle\n De bon cueur par force ou contrainte\n Et dieu soit se je l'avoye belle\n Je luy alumoye sa chandelle\n Et puis m'en alloye apr\u00e8s\n Chascun povre avoit sa merelle\n Pource qu'elle estoit au plus pr\u00e8s\nDamp prieur\n Quel devocieux ypocrite\n Qui faisi\u00e9s semblant de menger\n Les crucefix et estre hermite\n A bien vostre maintien juger\n Besoing n'avi\u00e9s que de dangier\n Qui fust venu de la maison\n Pour vous aider a heberger\n Vostre priere et oraison\nL'amant\n Quant il m'eust veu agenouiller\n Doubt\u00e9 ne s'en fust nullement\n Car me tenoye contre ung pillier\n priant la dieu devotement\n Mes yeux estoient au firmament\n Et mes mains es cieux renversees\n Mais croi\u00e9s qu'en se mouvement\n Avoye maintes menues pensees\nDamp prieur\n Or beau sire je vous demande\n Quant vostre dame d'aventure\n Jectoit en allant a l'offrende\n Sur ung autre sa regardure\n En monstrant que de vous n'eut cure\n Qu'elle chose pensiez vous adoncques\n Eussi\u00e9s vous point voullu a l'eure\n Avoir au montier autre oncques\nL'amant\n Par foy point n'arrestoye en place\n Ains estoie de mal et de peine\n Chault comme feu froit comme glace\n Souppirant a la grosse allaine\n Lors tensoie a ma poullaine\n Mes dois et cheveux tiroye\n Et s'avoye fleurs et marjolaines\n Par despit je les deschiroye\nDamp prieur\n Dea vous ne m'av\u00e9s pas compt\u00e9\n Des nopces faictes ou regard\n Et en ce joyeux temps d'est\u00e9\n Qu'on doibt bailler la coste verd\n Ne vous trouv\u00e9s vous point a l'escart\n Pour faire la quelque entreprise\n Abatre a terre ung huys ouvert\n Ou d'autres biens dont l'en s'avise\nL'amant\n Penc\u00e9s monseigneur le prieur\n Que de telz biens rien n'oublioie\n Ains tousjours loyal serviteur\n En tous lieux monstrer le vouloye\n Se aux nopces estoit je y alloye\n Pour la servir illec aupr\u00e9s\n N'a mettre pas je n'y failloye\n Le coteret dessus ses pi\u00e9s\nDamp prieur\n Voire mais quant male bouche\n ysaygrin fait semblant dangier\n Vous assembloit par escarmouche\n Pour vous de la dame estrangier\n Ou alliez vous vostre frain rongier\n Ne que poyez vous faire apr\u00e8s\n Veu qu'il failloit place changer\n S'ilz vouloient poursuivre de pr\u00e8s\nL'amant\n Quant d'un tel tour m'avoit jou\u00e9\n Communement je me mectoie\n Derriere ung vueil tapis trou\u00e9\n Par my le quel ung oeil boutoye\n Et la feste la escoutoye\n Regardant d'elle le maintien\n Puis quant elle vers moy sentoye\n Et cela me faisoit grant bien\nDamp prieur\n Sur ma foy vous estiez bien aise\n Puis quant venoit au chapellet\n Qu'est une dance que l'on baise\n Que voi\u00e9s ung demoiselet\n Prenant pour vous le morcelet\n Et qu'elle luy faisoit grant feste\n Vous trouvi\u00e9s vous point chaudelet\n Ayant les fievres en la teste\nL'amant\n A lors sans dire ha ne sy\n Partoye d'illec malcontent\n Demy pasm\u00e9 demy transsy\n Fantasiant et barbetant\n A mon umbre alloye combatant\n J'estoie le prestre et martin\n Car je respondoye en chantant\n Et parloye fran\u00e7oys et latin\nDamp prieur\n Or sire ne juri\u00e9s vous pas\n Que pour rien qu'on vous sceust donner\n Ne feri\u00e9s vers elle ung seul pas\n En vous voulant determiner\n D'elle et du tout habandonner\n Et neantmoins le veu parfait\n Esti\u00e9s vous prest de retourner\n Que jamais devant n'avi\u00e9s fait\nL'amant\n D'aller ne m'eusse seu tenir\n Pour l'esperance que j'avoye\n De quelque confort obtenir\n Sy devant son huys la veoye\n Mais en passant souvent trouvoye\n En lieu d'elle la chamberiere\n Dont a peine que ne desvoie\n Et perdes tout sens et maniere\nDamp prieur\n De l'une a l'autre resembler\n y avoit grande difference\n Ja\u00e7oit ce que pour tant troubler\n Ne devi\u00e9s n'avoir desplaisance\n Or apr\u00e8s ceste diligence\n Qu'il failloit repaistre ung petit\n Mengi\u00e9s vous saulce vert ou jaune\n Pour trouver meilleur appetit\nL'amant\n A table tout trouvoye amer\n Et ainsy en lieu de menger\n Lors entroie en haulte mer\n Et ne savoye que forger\n Mon esbat estoit de songer\n Ou de froter mes paupieres\n Et puis pour mon mal alleger\n Faisoye des croix aux sallieres\nDamp prieur\n N'avi\u00e9s vous ailleurs ou jouer\n Ne prendre vostre esbatement\n Jecti\u00e9s vous vostre trenchouer\n Point par despit ou vengement\n Mengi\u00e9s vous tost ou bellement\n Je croy que n'y preni\u00e9s point garde\n Ou quelle viande nullement\n Goust n'avi\u00e9s tant esti\u00e9s malade\nL'amant\n Illec point je ne demouroye\n Car les napes cy me soulloient\n Et la mort souvent desiroye\n Les gens m'ennuyoient qui parloient\n Les oyseaux mesmes qui voloient\n Sy me faisoient mal en la teste\n Jeux ny esbas rien n'y valoient\n Car tout me tournoit a tempeste\nDamp prieur\n C'est a vous trop fait d'ex\u00e9s\n Pour une plaisance mondaine\n Car de la viennent les ass\u00e9s\n De double fievre traversaine\n L'en court l'en fuit l'en se demaine\n Puys on a froit puis on a chault\n Brief les amans ont assez peine\n Et sy a personne n'en chault\nL'amant\n Helas monseigneur le prieur\n Il ne vous couste gueres a dire\n Mais ceulx qui ont sentu la doleur\n S'en scevent bien tenir de rire\n Au monde n'en est point de pire\n Ne de sy terrible tourment\n Car c'est ung fer et ung martire\n Qui n'a fin ne commencement\nDamp prieur\n Il y a ceans religieux\n Qui a autant de mal essay\u00e9\n Que vous av\u00e9s et cent foys mielx\n Sans ce qu'il ait gueres cri\u00e9\n Autres que vous y ont froi\u00e9\n Et endur\u00e9 plus forte chose\n Faire n'en fault tant l'effrai\u00e9\n Car telz douleurs ne sont que rose\nL'amant\n Rose sire bon gr\u00e9 saint george\n Il n'y a point comparaison\n Car qui auroit boce en la gorge\n L'en auroit plus tost guerison\n Que d'une telle traison\n Qui perce les os jusque aux anches\n Il n'y a rime ne raison\n Quant on a telles fievres blanches\nDamp prieur\n La fievre cy grant ne puet estre\n Que cy d'aventure la belle\n Cy vient de nuyt a la fenestre\n Voit le povre gallant qui veille\n Et qui a la puce en l'oreille\n Qu'il ne soit sur pi\u00e9s guery\n D'un brin de girofle vermeille\n Celle luy jecte tant soit marry\nL'amant\n Je croy bien que le mal apaise\n Ung petit quant le bien luy vient\n Mais ceste joye cy tourne en noise\n Sy le lendemain il advient\n Q'un autre compaignon survient\n A qui l'en face belle venue\n Et que de la fievre revient\n Qui double en fievre continue\nDamp prieur\n Il n'y a remede soudain\n Que faire bouter les destriers\n Et mener tart sur le serain\n Tabourins herpes menesteri\u00e9s\n Pour esveiller leur arglentier\n Et les esperis de dormir\n Illec se monstrent cueurs entiers\n L'en a point telz biens pour gemir\nL'amant\n Dormir sire las l'on a garde\n Mais d'aller ainsy aveuglectes\n L'on chiet qu'on ne s'en donne garde\n Sus ung seul plain de perrettes\n Ou l'en rond la ses esguillettes\n Pren\u00e9s qu'il y ait grant dangier\n Pour les limons de ses charettes\n Et les tronches des boulengiers\nDamp prieur\n Quant on va de nuyt par les rues\n Et l'on n'ose clart\u00e9 porter\n Il se fault garder par les nues\n Qu'on voit au ciel courre et troter\n Et les estaux qu'on deust tater\n En tenant la main a l'esguet\n Sans l'uys de la dame hurter\n Car il y a dangier pour le guet\nL'amant\n A monseigneur vous appliqu\u00e9s\n Le mal en autre entendement\n Et me semble que vous moqu\u00e9s\n Ou que ce soit esbatement\n Qu'on passe ainsi legierement\n Mais quant a moy point ne m'en loue\n Car l'en treuve assez largement\n D'autres esbas ou mieulx l'en se joue\nDamp prieur\n Vous vous plaini\u00e9s de saine teste\n Et av\u00e9s pensees trop legieres\n Quelx troux av\u00e9s vous en la teste\n De porter harnoys et banieres\n Couchates vous onc aux goutieres\n En caves ou en souppiraux\n En eschellant huys et verrieres\n Car de la viennent les grans maulx\nL'amant\n En plus grant dangier la moyti\u00e9\n Me suis trouv\u00e9 et dur passaige\n Sans ce que on ait eu piti\u00e9\n Ne fait ung seul bien d'avantaige\n Brief se eusse sceu le pellerinaige\n Dont remede me fust venu\n Pour obvier a telle raige\n Je y eusse est\u00e9 avant tout nu\nDamp prieur\n Gueres n'y sere le pelleriner\n ains tousjours les doleurs s'entretiennent\n L'on puet tant qu'on veult cheminer\n Ceulx qui s'en vont apr\u00e8s reviennent\n Car il fault que secours obtiennent\n De celle qui navr\u00e9 les a\n Ce sont canes qui vont et viennent\n A qui en prend bien il en a\nL'amant\n J'en ay est\u00e9 a tel destroit\n Que ne savoye ma contenance\n Ne se estoit court large ou estroit\n Autant mestoit dueil que plaisance\n Je mectoye du vin en ma pance\n En gratant souvent mes cheveux\n Et puis escripvoye esperance\n Contre ung mur en dueil angoisseux\nDamp prieur\n Ne reposi\u00e9s vous grain ne goute\n Je croy que non sy m'aist dieux\n Ains renunsi\u00e9s draps lis coute\n A terre le plus et le mieulx\n Car ne trouvi\u00e9s place ne lieux\n Pour dormir endroit ou envers\n Ne qui eust gard\u00e9 vos yeux\n D'estre toute la nuyt ouvers\nL'amant\n Les heures de la nuyt comptoye\n Sans reposer ne sommeiller\n Et aux guerres tant me boutoye\n Que me trouvoye chevalier\n Et ten\u00e7oye a mon orillier\n Et faisoye chasteaux en espaigne\n Puys avoye a mon resveillier\n Belles estuves d'alemaigne\nDamp prieur\n Se vostre dame eust sceu ou veu\n De vos aspres maulx la moiti\u00e9\n Je croy moy qu'elle y eust pourveu\n Tout empeschement reject\u00e9\n Car il n'est cueur qui n'eust piti\u00e9\n De veoir endurer tel tourment\n A vous n'ay couroux n'amoiti\u00e9\n Mais sy m'en fait il mal vrayement\nL'amant\n Helas d'elle ne me plain mye\n Ains m'en loueray a tousjors mais\n La tien ma dame et m'amye\n Sans ce que je l'oublie jamais\n Aussy de mon mal ne puet mais\n Se fait male bouche et dangier\n Qui m'ont par ung dur entremais\n De sa grace fait estrangier\nDamp prieur\n En vous est failly esperance\n Et vous tiens de lache couraige\n Car se brief faisi\u00e9s diligence\n Vers amours qui est doulx et large\n Il vous eust rendu d'avantaige\n Cent foys plus que n'av\u00e9s perdu\n Et pource se faictes que saige\n Yr\u00e9s a elle a bras tendu\nL'amant\n J'en ay fait tout ce qui fault faire\n Mais tout ce n'y a riens valu\n Car ces gens la pour me deffaire\n Ont mon bien et honneur tolu\n En faisant comme ilz ont voulu\n Tourner a leur poste le vent\n Encore quant m'en suis dolu\n L'on m'a fait pis que par devant\nDamp prieur\n Toutesfoys sy a il justice\n Bien gardee sur le fait d'amours\n Et y regne bonne police\n Comme vous s\u00e7avez tous les jours\n Je croy bien qu'il vient des doulours\n Ou l'en n'y puet remedier\n Mais venus qui oit les clamours\n Y pourvoit qui l'en veult prier\nL'amant\n Jamais n'en vueil nul requerir\n De cela soy\u00e9s tout conclus\n Ains mon entente est de mourir\n Ceans cordelier et reclus\n Tout espoir est de moy exclus\n Vienne la mort quant elle vouldra\n Du temps pass\u00e9 ne m'en chault plus\n Je suis prest quant a dieu plaira\nDamp prieur\n Heelas povre malheureux\n Tu perdras icy ta jeunesse\n Et tous les biens adventureux\n Dont amans viennent a richesse\n L'ostel est fond\u00e9 de tristesse\n Regarde ou tu te veux bouter\n Se le fais dy adieu leesse\n Et sy ne t'en pourras oster\nL'amant\n Ja pour vostre dure responce\n Mon cueur ne s'en esbahira\n Quant aux biens d'amours je y renonce\n Prenne chascun ce qu'il vouldra\n Ma vie en desert finera\n Car il m'ennuye ja au monde\n Ne mon vouloir n'en changera\n Pour quelque personne qui gronde\nDamp prieur\n Le fort n'est pas la voulent\u00e9\n Ain\u00e7ois a la vertu que aur\u00e9s\n Et sach\u00e9s que ser\u00e9s tempt\u00e9\n Par mains assaux que recevr\u00e9s\n Peine et misere trouver\u00e9s\n En lieu de joye et de plaisance\n Quand vouldr\u00e9s menger juner\u00e9s\n Qui est tresdure penitance\nL'amant\n S'il plaist a dieu il m'aidera\n A endurer et supporter\n La peine ja ne desmouvera\n Mon cueur de son vouloir oster\n Et pour la verit\u00e9 compter\n Je fait veu des long temps d'y estre\n Et avoye fain de my bouter\n Des l'aage que me puys congnoistre\nDamp prieur\n C'est grant chose que de promesse\n Et d'y avoir devocion\n Mais se vous savi\u00e9s la detresse\n Qu'on y seuffre et l'afliction\n Vous mueri\u00e9s vostre intention\n Qui est sy ferme a demourer\n Aussy vostre complection\n Sy ne le pourroit endurer\nL'amant\n Vous le dictes pour m'esprouver\n Veu que ass\u00e9s sav\u00e9s le contraire\n Et sy sauri\u00e9s reprouver\n Tant l'ordre qu'on m'en peust retraire\n L'on m'en a beau crier et braire\n Ce qu'ay promis je vueil tenir\n Ne n'entens prendre autre repaire\n Vienne qui en pourra venir\nDamp prieur\n Comment vous qui av\u00e9s gout\u00e9\n Tant d'onneur au monde et de gloire\n Prendri\u00e9s vous yver pour est\u00e9\n Et en lieu de bon temps misere\n Il vous fauldra porter la haire\n Aller nudz piez sur les espines\n Juner plourer veiller et braire\n Sans faillir nul jour a matines\nL'amant\n Tort av\u00e9s ung petit beau sire\n De vous en chagriner sy fort\n Attendu qu'il n'y a ceans frere\n Qu'il gueres soit de moy plus fort\n Pas n'y viens par joyeux confort\n Ains pour mener vie solitaire\n Pour quoy sy ne vient plus auffort\n Je s\u00e7ay bien ou me dois retraire\nDamp prieur\n La difficult\u00e9 n'est point la\n Ains a ce que vos gens diront\n Qui ont port faveur \u00e7a et la\n Croi\u00e9s que malcontens seront\n Ne que a grant peine feront\n Vous rendre sy a tousjours mais\n Et sy contre nous murmuroient\n Ja\u00e7oit ce que n'en povons mais\nL'amant\n Qui en religion se boute\n Parens ne amis ne doibt croire\n N'au contraire les ouyr goute\n S'il ne se veult perdre et deffaire\n A veux premier fault satisfaire\n Leurs cas pas ne me sauveront\n Chascun doit pencer de bien faire\n S'ilz en crient ilz s'appaiseront\nDamp prieur\n Or voige bien que pour parolle\n Ne pour rien qu'on vous sceust prescher\n Ne vous osteri\u00e9s de la cole\n Ou vostre cueur se vuet ficher\n De quoy je vous ayme plus chier\n Beaucoup de vraye amour formant\n Et tant que pour vous despecher\n Je m'en voys parler au couvent\nDamp prieur\n Ainsi damp prieur s'en alla\n Le tymbre et les freres sonner\n Puis bien avant sy leur parla\n Comment venoit de sermonner\n Cest amant qui vouloit donner\n Leans cueur corps et tout le sien\n Pour ses derniers jours finer\n En leur en disant mout de bien\nDamp prieur\n Si que par son tresgrant raport\n Les freres estans en chapitre\n En furent contrains et d'acord\n Et le commencerent a benistre\n Et a dire pour son bon tiltre\n Des biens une grant legion\n Esperant grand prouffit en ystre\n Pour toute la religion\n Ce fait damp prieur retourna\n Pour les nouvelles tost luy dire\n Et en l'appellant s'enclina\n En commen\u00e7ant a luy souzrire\n J'ay bien besongni\u00e9 pour vous sire\n Le couvent sy vous recevera\n A l'ordre sans y contredire\n Ven\u00e9s y quant il vous plaira\n Quant m'a est\u00e9 enchargi\u00e9\n De vous exposer et compter\n Que nostre hostel est tant chargi\u00e9\n De gens qu'il n'en peult plus porter\n L'en ne saura mais ou bouter\n Tout est plain de freres dieu grace\n Mais s'on en devoit hors jecter\n Sy aur\u00e9s vous logis et place\n Aussy plus pour estre certain\n De ce que a besongner aur\u00e9s\n Vecy damp dueil le secretain\n A qui vous en conseiller\u00e9s\n Aussy souvent vous esbatr\u00e9s\n A lire en ce petit livret\n Ou nostre rigle treuver\u00e9s\n Et comment l'en doit sieans vivre\nL'amant\n Voulentiers dist il monseigneur\n Se dieu plaist j'en feroy devoir\n Et vous remercie de lonneur\n Que vous a pleu me faire avoir\n A moy n'a pas tant de savoir\n Que je le sceusse bien comprendre\n Mais dieu qui chascun fait pourvoir\n le vous vueille en sa gloire rendre\n Ainsy cest amant fut logi\u00e9\n Et faisoit liberallement\n Ce qui luy estoit enchargi\u00e9\n Dont tous l'amoient entierement\n Cy endura lors grand tourment\n Car a l'entree paye on la disme\n Mais tout portoit paciamment\n Sans en faire semblant ne sisme\n Toutesfoys a une journee\n Du prin temps qu'on dit sur l'erbette\n Damp prieur vers l'apr\u00e8s disnee\n Sy trouva a sa saincturette\n iii ou iiii brins de violette\n qu'il portoit pour seignier ses heures\n Dont grant cririe fut lors faicte\n En le ramenant bien des mures\n Cy fut le povre homme effrit\u00e9\n Je vous assure et bien esprins\n Combien qu'a dire verit\u00e9\n Il n'avoit pas trop fort mesprins\n Car pens\u00e9s qu'il avoit aprins\n A porter boucqu\u00e9s et sentir\n La les plus rouges y sont prins\n Ne ne puet bonne amour mentir\n Quant a ung soir bien sur le tart\n On faisoit visitacion\n En allant fut prins a l'escart\n Au pr\u00e9 de recreation\n Ou la pour consolacion\n Sy faisoit bien les espernades\n En lisant par devocion\n Ung livre tout plain de ballades\n Cella sceu la cloche en sonna\n Pour tous les freres assembler\n Dont en soy bien l'imagina\n Commen\u00e7ant tresfort a trembler\n Mais il ne se povoit embler\n Par quoy vint prendre discipline\n En confessant sans soy troubler\n Estre de pugnicion digne\n Oncques puis au train ne tourna\n Ains fist merveilles de bien vivre\n Et brief sy belle vie mena\n Que nul ne le pourroit consuivre\n Et qu'apr\u00e8s ce qu'il fut delivre\n Du temps qu'on doit porter le fais\n L'en le vint prier et poursuivre\n De vestir et d'estre proffais\n De ce fut content et joyeux\n Comme sil qui le desiroit\n Mais pour faire la chose mielx\n Il dist bien que il rescriproit\n A ses parens et manderoit\n Le jour prins a faire la feste\n Affin d'y venir qui vouldroit\n Sans leur en faire autre requeste\n Quant ilz en sceurent les nouvelles\n Chascun d'entre eux fut tost mont\u00e9\n Et y eut dames damoiselles\n Estranges et de parent\u00e9\n Qui par euvre de charit\u00e9\n Et pour lonneur de sa personne\n Vindrent a la feste a plant\u00e9\n Car c'estoit une belle aumosne\n Entre icelles en congneuz une\n Dont me prins a ymaginer\n Quelle maleureuse fortune\n Avoit l'amant la fait donner\n Et qui m'en fist souspe\u00e7onner\n Fut qu'elle estoit vestue de dueil\n Et que sans partir ne tourner\n Elle avoit sur luy tousjours l'ueil\n Helas elle eust beaucoup mielx fait\n Se durant la prosperit\u00e9\n Elle eust de quelque bien parfait\n Le povre homme reconfort\u00e9\n Car lors avoit perdu sant\u00e9\n Et le veu de l'ordre entrepris\n Rien n'y valloit la voulent\u00e9\n Le conseil en estoit ja prins\n Plusieurs de ces dames la vis\n Qui de l'ordre cy caquetoient\n Bien a leur aise et a devis\n Et des religieux qui y estoient\n Disant que telz gens sy mettoient\n Povres amoureux aux a patis\n Et que se plus mes caquetoient\n Ilz en feroient grant abatis\n Les unes mauvais cordeliers\n Les appelloient par desplaisance\n En disant d'eulx maulx a milliers\n Par dieu se j'avoye puissance\n Se disoit une et habondance\n D'enfans sy ung n'en auroit pas\n Brief elle perdoit pacience\n De l'amant qui passoit le pas\n Chascun et chascune disoit\n Des biens de luy moult largement\n N'a nulles des dames plaisoit\n Qui se rendist aucunement\n Ains maudissoient tresaprement\n ceulx qui l'avoient mis en ces termes\n Et en veis une soudainement\n Plourer des yeux a grosses larmes\n Ceste la souvent lamentot\n En ramentevant la grant chiere\n Ou autresfoys trouvee s'estoit\n Son maintien sa doulce maniere\n Et comme des bons la baniere\n Par ses biens fais devoye porter\n Dont l'en avoit du mal arriere\n Tant que l'on povoit supporter\n Las il estoit sy amiable\n Se disoit l'autre ma cousine\n Tant doux tant humble tant amiable\n Et de trop plus grant bien digne\n Quant il m'en souvient je m'en signe\n Je n'eusse sceu veoir son party\n Que cueur ou tant de bien l'on fine\n Eust est\u00e9 sy tost amorty\n Or est il du monde aboly\n Ne s\u00e7ay ou le mal luy tenoit\n Mais son sens avoit trop failly\n Car quant le bien sy luy venoit\n Et qu'amours se determinoit\n Le compencer du temps pass\u00e9\n Dont aux dames bien souvenoit\n Il a a leur service faulc\u00e9\n Las il advient communement\n Que telz gens qui sont ordonn\u00e9s\n A faire des biens largement\n Aux dames a qui sont donn\u00e9s\n Se sont les premiers obstinez\n A eux rendre a ung hermitaige\n Mais ceulx par qui la sont men\u00e9s\n En deveroient porter le dommaige\n Ainsi l'un a l'autre en passant\n Sy en disoit sa ratelee\n Voire d'un langaige per\u00e7ant\n Aussy agu q'une galee\n Dont l'ordre estoit bien ravalee\n En la blasmant en mainte sorte\n Le long du chemin et alee\n Et y furent jusques a la porte\n Or le jeu fut a la ouvrer\n Car a l'entree doibt on savoir\n Que femmes ne s'osent trouver\n En la religion pour veoir\n Fors pour leurs parens recevoir\n Et sy en fault c'est chose vraye\n Du souz prieur congi\u00e9 avoir\n Que l'on appelle rabat joye\n Si que les parens et amis\n Pour les femmes licence obtindrent\n Que n'eusse leans le pi\u00e9 mis\n Que vi cordeliers qui vindrent\n Tost au devant d'eux et les prindrent\n Deux a d'eux chascun par les mains\n Et au monstier grant temps les tindrent\n En parlant de dieu et des sains\n Apr\u00e8s quant ilz furent las d'estre\n En l'eglise et au parlouer\n Ils les menerent veoir le cloistre\n Et de la aussy au dortouer\n Puis ilz vindrent au refretouer\n Plain d'imaiges en pourtraiture\n Ou avoit sur le dre\u00e7ouer\n Une grande mort en painture\n Sy en a en la compaignie\n Qui leurs parens vous demanderent\n Ce qu'on ne leur octroya mye\n Ains les freres leur refuserent\n Mais pour eulx sauver remonstrerent\n Qu'ilz estoient lors en oraison\n Et a tant la nuyt s'en allerent\n Chascun gesir en sa maison\n Lendemain qu'il estoit dimenche\n Que l'en devoit faire la feste\n Dont chascun de voulent\u00e9 franche\n A l'eglise venir s'apreste\n Sy eussi\u00e9s ouy grant tempeste\n Et veu tant de gens pourmener\n Qui rompoient au prestre la teste\n A peine s'y povoit on tourner\n Assez tost la messe chanter\n Fist l'en ou il eut grant mistere\n En laquelle dev\u00e9s noter\n Que l'amant en ung oratoire\n Estoit la tendu de soye noire\n Ouvr\u00e9 aparans fleurs d'acolies\n Puis sur luy avoit ung suaire\n Tout couvert de merencolies\n Apr\u00e8s ceste grant messe dicte\n Damp prieur sy le vint querir\n Portant en sa main l'eaue beniste\n Comme pour le mener mourir\n Et gens au devant de courir\n Pour veoir la maniere du fait\n Mais il sembloit qu'il deust perir\n Tant estoit ja mort et deffait\n Tout le nez blanc comme salpestre\n Avoit et le vis deschir\u00e9\n N'ame si ne l'eust sceu congnoistre\n Qui ne s'en fust bien pr\u00e8s tir\u00e9\n Brief estoit bien fort empir\u00e9\n Car n'avoit membre sur le corps\n Qui ne fust tout desfigur\u00e9\n Et les yeux tous batus et mors\n De la fut men\u00e9 en chapitre\n Habilli\u00e9 tressauvagement\n D'une fraquonne a fa\u00e7on de mistre\n Et le surplus du vestement\n Estoit de blanc entierement\n A grandes manches a goutieres\n Bien saint et cueilly proprement\n Devant coqueluchon derriere\n Puis au chapitre le suivirent\n Tous les gens de sa parent\u00e9\n Ou deux cordeliers les assirent\n Chascun selon sa dignit\u00e9\n Les freres estoient d'un cost\u00e9\n Les parens et parentes d'autre\n Voire en sy grande quantit\u00e9\n Que l'en ne veoit l'un pour l'autre\n La fut le povre amant assis\n Tout seul apart sus une selle\n Ou moins regart fut lors assis\n Des ungs et d'autres a merveille\n Dont y eut a l'assemblee telle\n Qui sans faire grant mouvement\n En gratant souvent son oreille\n Et en plourant mout tendrement\n Quant damp prieur fut en sa chaire\n Devant tous se print a prescher\n Des grans biens du monde et de l'aise\n Qui y fait les gens trebucher\n Et comment la mort sans huchier\n Vient acoup sans heure certaine\n Que apr\u00e8s lever il fault coucher\n Pour monstrer que tout vient a peine\n En oultre prescha des doulours\n Qui vient de joye transitoire\n Mais il ne parla point d'amours\n Aumoins dont j'en aye memoire\n Aussi n'en avoit l'en que faire\n Consider\u00e9 l'adversit\u00e9\n Ains valloit mielx beaucop se taire\n Car peut estre qu'on eust tout gast\u00e9\n Assez le sermon sy dura\n Pendant lequel une foys loyel\n De la main vers celle tira\n Qui pour luy sy menoit grant dueil\n Puis fist semblant d'avoir sommeil\n Baissant la teste pas a pas\n Toutesfoys en devint vermeil\n Et sy croys qu'il n'y pen\u00e7oit pas\n Apr\u00e8s ce service fin\u00e9\n Damp prieur la fist apporter\n Ung vueil habit de gris tann\u00e9\n Qu'on doibt selon l'ordre porter\n D'autre part fist l'abit bouter\n Que l'amant au monde vestoit\n En commen\u00e7ant a l'ennorter\n De dire auquel il s'arrestoit\n Vous av\u00e9s dist il libert\u00e9\n Aage parfait et congnoissance\n Vecy l'abit de vanit\u00e9\n Vecy celluy de penitance\n L'un tire a dueil l'autre a plaisance\n D'un bien de l'autre mal aur\u00e9s\n Se tandis qu'av\u00e9s la puissance\n Pren\u00e9s lequel que vous vouldr\u00e9s\n Lors dist par sa dure responce\n Je vueil la vie du cordelier\n A cestuy du monde je y renonce\n Sans jamais plus m'en habiller\n Sique on le fist desabiller\n Tout nud et la devant tant dieux\n Pour le vestir en cordelier\n Et ainsy fut religieux\n Quant tous les hommes et les femmes\n Le veirent tout nud despouiller\n Des yeux jecterent grosses larmes\n Ass\u00e9s pour ung jardin mouiller\n Esvanouyr et petiller\n En eussi\u00e9s veu qui est grant chose\n Et tant que pour les resveiller\n Il couvint troys sextiers d'eau roze\n Ne a peine croir\u00e9 je jamais\n Que se cordelier fust rendu\n Eust veu le piteux entrem\u00e9s\n Ou l'oeil sur l'une est estandu\n Que son cueur ne luy fust fendu\n En plus de deux mille parties\n Et qu'il n'eust cy prins cy pendu\n Jet\u00e9 la son froc aux orties\n Sa dame sy faisoit semblant\n D'ass\u00e9s tost le dueil en passer\n Mais lors une fievre tremblant\n La vint de sy pr\u00e8s embrasser\n Que a terre la fist renverser\n Tant fut la fievre forte et aigre\n Par quoy la fallut deslasser\n Chauffer et froter de vin aigre\n Tout le monde apr\u00e8s se leva\n Pour a la rescousse venir\n Et sy remede on y trouva\n Fors qu'on fist a elle venir\n Le cordelier pour luy tenir\n La teste et bailler du triacle\n Qui luy fist son cueur revenir\n Et dist on que ce fut miracle\n Mais ainsi qu'on la delaissoit\n Illec tumba de son secours\n Ou des manches de son corset\n Ung cueur d'or esmaill\u00e9 de plours\n A elle bailli\u00e9 par amours\n Du temps qu'avoit le vent au popre\n Dont l'amant sy eut grant douleur\n Et l'en veit l'en batre sa couppe\n Les autres pour leur mal couvrir\n A force leur cueur retenoient\n Passans temps a clorre et l'ouvrir\n Les heures qu'en leurs mains tenoient\n Dont souvent les fueilles tournoient\n En signe de devocion\n Mais les deulz et pleurs que menoient\n Monstroient bien leur affection\n Or apr\u00e8s ses misteres fais\n Se povre amoureux vint requerre\n A damp prieur d'estre profais\n Soy jectant a ses pi\u00e9s a terre\n Sy que damp prieur envoye querre\n Le livre des veux qui fault lire\n En luy commen\u00e7ant de cest erre\n Telz motz et parolles luy dire\n Tout le premier veu ordinaire\n De ceans est obedience\n L'autre povret\u00e9 voluntaire\n Dont viennent junes et penitance\n Pour vertus avons pacience\n Et chastet\u00e9 qui est la plus haulte\n Sy jur\u00e9s a vostre consience\n De les garder sans point de faulte\n Aussy vous faites veu a dieu\n Que a l'ordre vivr\u00e9s et mourr\u00e9s\n Sans jamais partir de ce lieu\n Sinon quant le bissac porter\u00e9s\n Et quant pour le couvent yr\u00e9s\n Querir l'aumosne et pourveance\n Ne q'un pas oultre passer\u00e9s\n Se n'av\u00e9s congi\u00e9 et licence\n Item qu'en chemin ou voyage\n Vous ne chanter\u00e9s ne rir\u00e9s\n Que quant d'aventure au passage\n Une femme rencontrer\u00e9s\n En l'oeil ne la regarderez\n Ne luy fer\u00e9s chiere ou feste\n Ains bien tost vos yeux cligner\u00e9s\n En baissant vers terre la teste\n Item qu'en prin temps nouvellet\n Quant par boys ou champs passer\u00e9s\n Des que orez le rossignolet\n Vos vigilles de mors dir\u00e9s\n Et que jamais ne dormir\u00e9s\n Soubz aubespin n'esglantiers\n Autre part tant que vous vouldr\u00e9s\n Pourveu qu'il n'y ait des rosiers\n Item s'en allant av\u00e9s fain\n Cuillir pourr\u00e9s parmy les trailles\n Pour menger avec vostre pain\n Des franboises ou des prunelles\n Pourpi\u00e9 persin lectues nouvelles\n De quoy vous remplir\u00e9s vos bouges\n Et d'autres verdures ytelles\n Except\u00e9 de groiselles rouges\n Item qu'en logis de plaisance\n Sur vostre vie n'aviser\u00e9s\n N'en lieu ou ait feste ou dance\n Ains bien loing de la tirer\u00e9s\n Que quant menesteri\u00e9s vous orrez\n fleutes doucines ou vielles\n Vous grain ne les escouterez\n Mais metr\u00e9s vos dois aux oreilles\n Item qu'en passant par les rues\n En rien ne vous amuser\u00e9s\n A veoir les dames bien vestues\n Ain\u00e7oys comme feu les fuyr\u00e9s\n Que d'amours plus ne parler\u00e9s\n Ne de telles folies mondaines\n Que vert ne vermeil porter\u00e9s\n Bouqu\u00e9s roses ne marjolaines\n Item quant ser\u00e9s invit\u00e9\n De disner en lieu ou en place\n Vous pour le benedicit\u00e9\n Dir\u00e9s a chascun prou vous face\n Et s'esti\u00e9s aussy froit que glace\n Au feu ne vous bouter\u00e9s\n Ne pour signe de joye qu'on face\n Vous ne vous en amourer\u00e9s\n De ce qui sera au disner\n Vous pourr\u00e9s hardiment taster\n En gardant vostre oeil de tourner\n Trop avant et de caqueter\n Car l'en ne se peut mielx gaster\n Vers femmes que de telz aveaux\n Et aussy de trop fort bouter\n Les pi\u00e9s par dessus les terteaux\n Je ne dy pas se d'aventure\n Vostre cousteau cheoit a terre\n Que vous ne peuss\u00e9s a ceste heure\n Bien vous baisser pour l'aler querre\n Mais gard\u00e9s comme feu de feurre\n De pincer ne de tatonner\n Car vous pri\u00e9s de ceste erre\n In pace pour vos jours finer\n Item vos mains ne torcher\u00e9s\n A ses deli\u00e9s serviettes\n Ne qu'en bien ne toucher\u00e9s\n De la matiere d'amourettes\n Et se sur table y a violettes\n Ne vous jou\u00e9s pas a les prendre\n Ains pens\u00e9s que sont joyes infaites\n Et que deviendrons tous en cendre\n Et quant ce viendra au lever\n Que l'en met dedens ces chofrettes\n Pour en amours cueurs eslever\n Armeries sentiers violettes\n Le signe de la croix lors faictes\n Frappant la main contre le pis\n Et cueill\u00e9s toutes les miettes\n Pour donner aux povres a l'uys\n Item que plus ne manir\u00e9s\n Or argent monnoye ne vaisselle\n Ne de telz biens riens ne prendr\u00e9s\n Soit de bourgoises ou damoiselles\n Amy la rigle sy est telle\n En convent n'avons que les vivres\n Et acquerir robe cotelle\n Lumiere feu chaussure livres\n Encore nous est deffendu\n D'autre nouvel habillement\n Jusques le nostre soit fendu\n De toutes pars entierement\n Et sy ne fine aucunement\n Que les plis soient cueillis tous drois\n Ne l'abit fait joyeusement\n Ains rondement en tous endrois\n Outre on vous deffend par expr\u00e8s\n De ne prendre nulle chemise\n Sentant muglias ou cypr\u00e8s\n Ne blanche que de grosse frise\n Bord\u00e9s a soye ne a devise\n Esguillette ferree d'argent\n Ne autre nouvelle exquise\n Pour devenir plus gu\u00e9 ne gent\n Aussy laisser\u00e9s habillemens\n Qui font l'omme droit comme ligne\n Car devons a nos vestemens\n Par derriere avoir une vigne\n Les soliers pers\u00e9s sans empegne\n Deux grosses boucles fermans\n Porter bas cheveux sur le pigne\n Sans jamais les faire en alemant\n Item jur\u00e9s semblablement\n Que ne prendr\u00e9s dons ne baguettes\n Nouveaux a esjouissement\n Sur saincte perse violette\n Lassees a fleurs de violettes\n Bourses de perles enlassees\n Cordons a boutons d'amourettes\n Ou soupirs de menues pencees\n Item mouchoers deli\u00e9s\n Chenettes a fleurs d'oubliance\n Gorgias trop menuz ploies\n Pignes dor\u00e9s a esperance\n Les cuevrechi\u00e9s de plaisance\n Car prendre point ne les dev\u00e9s\n Aneaux ou verges d'aliance\n Ou fut escript mon cueur avez\n En oultre nous est deffendu\n De ne porter manches petites\n Grans bonnetz sur le hault verdu\n Chausses de mygraine eslite\n Pourpoins taill\u00e9s a marguerite\n Ne de menger plaisant viande\n Ne aussi succre de troys cuites\n Sur peine de paier l'amende\n Item vous av\u00e9s a garder\n De ses deux yeux tous fretillans\n Que ses dames pour esclandrer\n Font estre tousjours assaillans\n Et dont les plus fors et vaillans\n Sy y perdent l'entendement\n Car ilz trenchent a deux taillans\n Et tirent a eulx liement\n Il y a des yeux d'autre fa\u00e7on\n Doux yeux qui tousjours vont et viennent\n Doux yeux eschauffans le peli\u00e7on\n De ceulx qui amoureux deviennent\n Doux yeux qui revont et reviennent\n Doux yeux avan\u00e7ant la colee\n Doux yeux qui boivent et retiennent\n Et sy baillent bont et volee\n Doux yeux reluisans comme asur\n Qui sont perilleux et dangereux\n Doux yeux tirans huille de mur\n Dont souvent povres amoureux\n Seuffrent mains tourmens doloreux\n Sans en oser monstrer semblant\n Doux yeux farouches et paoureux\n Qui donnent la fievre tremblant\n Doux yeux moiti\u00e9 blans moiti\u00e9 vers\n Pour consoler et amortir\n Doux yeux qui jectent de travers\n Pour guerir ung amant martir\n Doux yeux qui poingnent sans sentir\n Doux yeux de piteux entrem\u00e9s\n Qui font semblant de departir\n Et sy ne bougent jamais\n Doux yeux a xxv caras\n Doux yeux a cler esperlissans\n Qui dient c'est fait quant tu vouldras\n A ceulx qui sentent bien puissans\n Doux yeux en l'air resplendissans\n Que chascun ainsi doibt bien craindre\n Car ilz ardent tant sont glissans\n Quant vous les cuider\u00e9s estaindre\n Doux yeux renvers\u00e9s a grant haste\n Doux yeux soubz rians aux estoilles\n Qui dient c'est fait quant tu vouldras\n Et faisant bater aux corneilles\n Doux yeux jectans fermes oreilles\n Qui font gallans nuyt et jour courre\n Et entrer es feves nouvelles\n Qui ne chiesent pas pour escourre\n Il y a doux yeux d'autre sorte\n Qui sont petillans et gingans\n Dont compaignons portent la bote\n Et changent souvent nouveaux gans\n Telz gens servent a estringans\n Ou a mignons dorelot\u00e9s\n Et les font tenir sy fringans\n Qui n'ont garde d'estre crot\u00e9s\n Doux yeux indes esmerillons\n Doux yeux empan\u00e9s de saietes\n Aussi safre que barbillons\n Qui font marcher sus espinettes\n Et gallans aller a mussettes\n Soit a geler a pierres fendant\n Baiser les huys et les cliquettes\n Pour les dames qui sont dedens\n Doux yeux de joye et de soulas\n Doux yeux tournans comme la lune\n Dont les plus hupp\u00e9s crient helas\n Sy ne fournissent de peccune\n Avaler leur fault ceste prune\n Et font telz yeux rire et gemir\n Ceulx qui tiennent telle fortune\n Sy ont beau loisir de dormir\n Doux yeux rians par bas et hault\n Ruans a destre et a senestre\n Qui volent sur ung escherfault\n Et par ses treilles et fenestres\n Il n'y a jacobin ne prestre\n S'il en a ung ris a demy\n Qu'il n'en perde maintien et estre\n Tant en sera lors mon amy\n Doux yeux aussy vers que genesvre\n Couvers de hayes et de buissons\n Qui font gallans gauger le poevre\n Et entrer en fortes frissons\n Ceulx qui ont au cueur telz gla\u00e7ons\n Combien qu'ilz soient fort engel\u00e9s\n S'ilz n'ont garde que leurs chaussons\n Passent par dessus leurs suliers\n Item doux yeux frans et nays\n Qui par dessus leur gorgerettes\n Tirent une lieue de pays\n Et sont plus picquans que languettes\n Ilz envoient ung homme braies nettes\n Quant le trait est menu pli\u00e9\n Il n'y a coffre ne layettes\n Qui trestout ne soit despli\u00e9\n Doux yeux singlans et desvoy\u00e9s\n Qui jectent ung maintien sauvaige\n Dont communement vous voy\u00e9s\n Ses povres varletz de village\n Porter dessoubz leurs bras la targe\n Ou ung bouquet a la sainture\n Et puis sauter a l'avantaige\n Ilz ont bon temps mais qu'il leur dure\n Doux yeux traversans et courans\n Doux yeux enferre et empenne\n Qui prennent gens aux las courans\n En portant creance par signe\n Il n'est personne estrange ou fine\n Qu'il ne face aprivoiser\n Car ilz sont de la vielle myne\n Ilz vallent ung demy baisier\n Item doux yeux pipesonnes\n Ruans tousjours en ceste poste\n Qui envoye galans aux mirouers\n Pour veoir derriere leur cote\n C'elle est nestoiee ou bien se porte\n Et puis se monstrent de rue en rue\n Pour leur dame qui fait la morte\n Tire toy arriere moreau rue\n Doux yeux pour festes et dimenches\n Doux yeux blans et riquaner\u00e9s\n Qui font vestir habis estranges\n A ses varletz dimencher\u00e9s\n Et porter cordons fringuer\u00e9s\n Mon dieu qui sont embesongni\u00e9s\n Et les verr\u00e9s rire aux paroys\n Pour leurs cheveux qui sont pign\u00e9s\n Doux yeux marchans sur le duret\n Qui portent mors a patenostre\n Et ceulx la dient adieu fleuret\n Laiss\u00e9s les aller ilz sont nostres\n L'en en use qu'au jour d'apostre\n Brief les gallans qui en sont ferus\n Pevent bien dire leur patenostre\n Car jamais ne sont secourus\n Doux yeux a lorenge d'ortie\n Doux yeux qui pleurent et soupirent\n Doux yeux qui sourient sans partie\n Qui plus avant vont plus empirent\n De ce dont les compaignons tirent\n Auffort sy fait leur cueuvrecchief\n Que souventesfoys les dessirent\n Tant seuffrent peine et meschief\n Doux yeux precieux et bigotz\n Aians cours parmy ses monstiers\n Qui font dancer sur les ergos\n Et courir plus dru que troti\u00e9s\n En ouvrant heures et sautiers\n Telz yeux percent les vestemens\n Et ce fait vers les benestiers\n Gare derriere pour les alemans\n Doux yeux qui jectent eau par feu\n Doux yeux atrayans et fetis\n Doux yeux veyans de place en lieu\n Dont sont prins les povres chetifs\n Et d'autres yeux supellatifs\n Que vous tousjours eschever\u00e9s\n Et renvoyer\u00e9s in remotis\n Ou vostre ordre transgresser\u00e9s\n Item s'en une hostellerie\n Pour loger vous fault transporter\n S'il y a feste ou mommerie\n Trop bien vous y pourr\u00e9s bouter\n Mais se voy\u00e9s grain s'acouter\n Le varlet et la chamberiere\n Fuy\u00e9s vous en sans arrester\n Par l'uys de devant ou derriere\n Encore quant il adviendra\n Que dueil et paix y trouver\u00e9s\n Coucher tout seul y couviendra\n En ung galetas ou yr\u00e9s\n Et la a terre dormir\u00e9s\n Estandu comme une escrepvisse\n Ne a vostre lit souffrer\u00e9s\n Approcher fille ne nourrisse\n Item s'en venant de quester\n trouv\u00e9s bourgoises ou damoiselles\n Qui n'ait ame pour la monter\n A cheval dont prier vous vueille\n Affin que point ne se travellie\n A deux mains l'al\u00e9s embrasser\n En tenant l'estrier et la s'elle\n Mais gard\u00e9s bien de la blesser\n Et se son fouet chiet a terre\n Ou qu'il soit en chemin perdu\n Fuy\u00e9s hastivement le querre\n Sans estre effray\u00e9 ny perdu\n Et combien que soit temps perdu\n Sy fault il aux dames complaire\n Car le loier en est rendu\n Et viennent les biens de leur plaire\n Des gens a tant mal gracieux\n Qu'il n'en deigneroit reculer\n Ne a peine pas tourner les yeux\n Tant vont les femmes ravaler\n Mais ne sont dignes d'y parler\n On leur doit dire a leur museau\n Rien rien quand les verr\u00e9s filler\n Lev\u00e9s leur tousjours leur fuseau\n Cela en arriere ou avant\n Trop n'est pas prejudiciable\n Car autant en emporte le vent\n Et sy est euvre cheritable\n Aussy fault estre amiable\n Quant l'aumosne leur requerr\u00e9s\n Combien que le moins convenable\n Est le mieux quant vous pourr\u00e9s\n Et se une trouv\u00e9s sy hardie\n Qu'elle vous requist de l'assoudre\n Ou lasser sa cote hardie\n Ne vous jou\u00e9s a l'estandre\n Trop bien cueillir ou ses plois joindre\n Pourr\u00e9s et torcher son patin\n Mais gard\u00e9s en cueillant de attaindre\n Ne de point toucher le tetin\n Frere ne vous y jou\u00e9s pas\n Car sans quelque compassion\n Lors vous faudroit passer le pas\n Et souffrir mort et passion\n Ne point n'aur\u00e9s remission\n Pour ung sy grant cas perpetrer\n Ains acoup sans confession\n L'en vous feroit lors degrader\n Item au soir apr\u00e8s souper\n Qu'on s'ebat a maintes fa\u00e7ons\n Pour le temps en bien ocuper\n Vous recoudr\u00e9s vos peli\u00e7ons\n Et estudir\u00e9s les le\u00e7ons\n Qu'il fauldra chanter a matines\n Ne n'yr\u00e9s vers prez ne buissons\n Baver ne trainer vos botines\n Item et sy ne jour\u00e9s\n Au siron ne a glinettes\n Au jeu de mon amour aur\u00e9s\n A la queuleuleu ou aux billettes\n Au tiers au perier aux bichettes\n A gecter au sain et au dos l'erbe\n Au propos pour dire sornettes\n Ne que paist on ne que paist herbe\n Item s'on dance au chapellet\n Troys a troys ou a dance ronde\n Mett\u00e9s a vos yeux ung volet\n Pour fouyr ceste joye du monde\n Et de la troys lieux en la ronde\n Allez vous en boire et menger\n Car en lieu ou telle joye habonde\n Ne se fait pas bon heberger\n Item dev\u00e9s savoir beau sire\n Que amours a excommeni\u00e9s\n Tous ceulx qui dancent le doux pere\n Comme maudis et regni\u00e9s\n Car la sont trop apleni\u00e9s\n Baiser est vendu a vil pris\n Dont les verr\u00e9s bien manier\n Et en rendront ce qu'ilz ont prins\n Ne suffist il pas dea de dire\n Que se n'est q'un esbatement\n Ou l'en dance sans point mesdire\n Car il y a double embrassement\n Et sy baise l'on trop longuement\n La faulx amans ont leur fortune\n Mais les loyaulx n'ont que tourment\n Et sy fault qu'en portent la prune\n Item se all\u00e9s sus acouchees\n Ne vous aprouch\u00e9s pr\u00e8s des baings\n Ains des que verr\u00e9s ces trenchees\n De fleurs roumarins aubefoings\n Serr\u00e9s tant que pourr\u00e9s les poings\n Et penc\u00e9s lors a paradis\n En disant las a jointes mains\n Pour les mors ung de profundis\n Et se par force ou par contrainte\n Pour baigner vous font despouiller\n La corde contre la chair sainte\n Ay\u00e9s tousjours sans deslier\n Ne m'alez point l'eau brouller\n Fleurer les bouqu\u00e9s des poupines\n Saillir taster ne chatouiller\n Ne baiser entre ces courtines\n Vela les veux de l'observance\n Frere que av\u00e9s affaire\n Ne n'est sy bonne penitance\n Que de se garder de mal faire\n Par quoy pour mielx y satisfaire\n Laisser fault toutes vanit\u00e9s\n Sy jur\u00e9s d'iceulx parfaire\n Et ainsy vous le promett\u00e9s\n Lors se povre amant tout moulli\u00e9\n De pleurs fist les veux et promessez\n Illec estant agenouilli\u00e9\n Sa bouche contre terre verse\n En grant dueil et en grant detresse\n Comme pov\u00e9s presupposer\n Puis vint en signe de leesse\n Tous les religieux baiser\n Et pour l'oster de vaine gloire\n Et qu'il n'eust l'oeil au monde ouvert\n Damp prieur a son gr\u00e9 fist faire\n Ung champ de roumarin vert\n Lequel de feu ardant couvert\n Devant ses yeux le espandi\n Voi\u00e9s dist il la fumee part\n Sic transsit gloria mundi\n Or penc\u00e9s quelz piteux revers\n Quelz ennuys quelz gemissemens\n Quelz biens mondains mys a l'envers\n Quelz durs evanouissemens\n Quelz pleurs quel esbahissement\n Et quelles destresses la furent\n Sy m'esbahy veu les tourmens\n Que aucuns de dueil n'en moururent\n A tant fut mys sans sainture\n Le povre homme en une salette\n Qui n'est trop clere ne obscure\n Ou apr\u00e8s la procession faicte\n Se lieu s'appelloit la chambrette\n De dieu a y faire les dons\n Ou la maintes gens de la feste\n Firent illec de tresbeaux dons\n Illec vindrent seurs et cousines\n Oncles nepveux freres bel antes\n Dames bourgoises et voisines\n Amys amyes parens parentes\n Et autres maintes femmes gentes\n Qui a ce cordelier pour voir\n De donner estoient mout ardantes\n Et en firent moult leur devoir\n Entre les autres y veis\n Dont l'une donna ung breviaire\n Et l'autre ung galice a devis\n Et sa dame une cordeliere\n Pour luy faire une troussouere\n Mais par ce que dessus la houpe\n Sy avoit du vert et non guere\n Damp prieur par despit la coupe\n Helas quelle erreur quelle piti\u00e9\n Ou sont amours qui ne fendirent\n Lors cest hostel par la moiti\u00e9\n Et que la vengance n'en firent\n Les dons fais les gens s'en partirent\n Car chascun estoit travaill\u00e9\n Et pour disner se retrahirent\n Et sur ce point je m'esveill\u00e9\n Qui fut lors bien esperdu\n Se fut moy je vous en assure\n Car sicomme tout fust fondu\n La ne veis corps de creature\n Mont ne maison ne couverture\n Chamberiere ne bastouer\n Sy ay escript a l'aventure\n Par maniere de me jouer\n De tous les amoureux martirs\n Transis banis et doloreux\n N'en veis nulz tant estre amortis\n Comme se povre malheureux\n Telz gens sont mal amoureux\n N'en leur cueur espoir n'abonde\n Combien qu'on tient cil tant heureux\n qu'il ne vouldroit pas vivre au monde\n Sy vous prie mes treschieres dames\n Qui vous plaise de souvenir\n De l'amant qui rendit les armes\n Pour bon cordelier devenir\n Et que pour l'ordre maintenir\n L'aumosne aux freres espand\u00e9s\n Ou au moins qu'au temps advenir\n Les ayez pour recommand\u00e9s\n Plusieurs gens envoient a romme\n Qui a leur huys ont le pardon\n Il n'est loyer que de povre homme\n Ne charit\u00e9 que de pur don\n Ayez mes dames piti\u00e9 don\n Des amoureux de l'observance\n Car ilz ont trespiteux gardon\n Dieu leur doint bonne pascience\nImprim\u00e9 a paris au saulmon devant le pallays Par Germain Bineaut\nLibraire et imprimeur Le iiii jour D'octobre L'an Mil CCCC iiiixx et x\nSy fine l'amant rendu cordelier en l'observance d'amours\nNOTES SUR LA TRANSCRIPTION\nOn a conserv\u00e9 \u00e0 l'identique l'orthographe et la ponctuation de\nl'original. Toutefois pour faciliter la lecture on a r\u00e9solu les\nabr\u00e9viations, ajout\u00e9 accents, c\u00e9dilles et apostrophes, et distingu\u00e9 les\nlettres u/v et i/j selon l'usage moderne.\nOn a effectu\u00e9 les corrections suivantes:\n Aardant (A \u00e0 l'envers) > ardant (Ardant et plaine de clart\u00e9)\n donn > donne (La cause pour quoy il s'i donne)\n tmybre > tymbre (Le tymbre et les freres sonner)\n eux (e \u00e0 l'envers) > eux (A eux rendre a ung hermitaige)\nainsi que 20 cas de substitution entre lettres de forme semblable (u/n,\netc.) qui ne sont pas signal\u00e9s ici en d\u00e9tail.", "source_dataset": "gutenberg", "source_dataset_detailed": "gutenberg - L'amant rendu cordelier a l'observance d'amour\n"} ]