[ {"source_document": "", "creation_year": 1455, "culture": " French\n", "content": "Produced by Laurent Vogel (This file was produced from\nimages generously made available by the Biblioth\u00e8que\nCy commence ung excellent et tres prouffitable livre pour toute creature\nhumaine apell\u00e9 le miroer de mort\n[Illustration]\n Je fus indigne serviteur\n Au temps de ma premiere jeunesse\n De l'outrespasse de valeur\n La joye de mon pouvre cueur\n Ma parassouvie maistresse\n Mais la mort par sa grand rudesse\n Envyeuse de nostre bien\n Print sen corps et laissa le myen\n Combl\u00e9 de mort et aggrav\u00e9\n Plus qu'on ne pourroit concepvoir\n Souffrant tourment comme un dampn\u00e9\n Desirant de non estre n\u00e9\n Je fus ainsy qu'en desespoir\n Le plus dolent qu'on pourroit voir\n De tous ceulx que nature eust fait\n Par la mort qui m'avoit deffait\n Elle deffist premier ma dame\n Ma chiert\u00e9 et l'onneur mondain\n Et enversa et mist soubz lame\n Bont\u00e9 doulceur et bruit en fame\n Du premier jusques au derrain\n Dieu l'avoit faicte de sa main\n Pour toutes vertus y adjoindre\n Que faulce mort volut desjoindre\n Peu par avant de son trespas\n Et en son dernier parler\n Les yeulx couchiez en contre bas\n Voulut que moult dolent et las\n La veisse pour desesperer\n Car elle me fist appeler\n Et me dist basset a voix casse\n Mon amy regardez ma face\n Veez que fait doulente mort\n Et ne l'oubliez desormais\n C'est celle que aymiez si fort\n Et ce corps vostre vil et ort\n Vous perdr\u00e9s pour ung jamais\n Ce sera puant entremetz\n A la terre et a la vermine\n Dure mort toute beault\u00e9 myne\n Quant je vis ce doulent ymaige\n Et trop piteuse remambrance\n Ce taint et a paly visaige\n Je n'euz ne vouloir ne couraige\n Qui ne feust en desesperance\n Tombey envers par doleance\n J'eusse moy voulu estre rien\n Pour mourir avec tant de bien\n Celle qui congnoissoit mon cueur\n Charga que on me portast hors\n Tantost apres par grand douleur\n Congnoissant son vray createur\n Son esperit partit du corps\n Et est mis au nombre des mors\n La chose la plus assouvie\n De tout ce que au jourd'uy a vie\n De racompter mon infortune\n Il est force que je m'en passe\n C'estoit douleur non pas commune\n Dieu en gard chescun et chescune\n Combien qui soit la droicte passe\n Ce n'est pas jeu de passe passe\n Car on s'en va sans revenir\n Dieu nous y laisse bien venir\n Las y fault mourir une foys\n Et ne scet on quant ne comment\n Et fault porter le faix et poys\n De ce dont on a prins le choys\n Pour actendre son jugement\n Qui sera de joye ou tourment\n Dont l'ung et l'autre est perdurable\n Joye mondaine est pou durable\n Si fault ouyr ce floctant monde\n Dont la douleur est advenue\n Car le hault bien qui y habonde\n Est aussy tost pass\u00e9 que l'onde\n Qui est de hault tost abbaissie\n Ceste chose m'estoit mussie\n Et ne l'eusse sceu parcevoir\n Mais ma dame m'en fut miroir\n Pourquoy pour mirer les mondains\n Congnoissant ma fragilit\u00e9\n Comme celluy qui scet le moins\n Ay fait et escript de mes mains\n Ainsy comme je l'ay trouv\u00e9\n Ce traicti\u00e9 que j'ay compil\u00e9\n Et nomm\u00e9 le miroer de mort\n Chescun en doit avoir remort\n Pour au miroer de mort mirer\n Penser y fault en remirant\n Et sy nous fault tous amirer\n De ceulx que nous voyons mirer\n Pour la mort qui nous va minant\n Rien n'y vault don non mie nant\n Il ne luy chault pour abreger\n Non plus d'ung roy que d'ung bergier\n Comme ou mirouer si est la glace\n La ou on voit sa remembrance\n On y choisist et corps et face\n Mais de legier elle s'efface\n Car elle n'a point de souffrance\n Elle ne peut avoir grevance\n Que de legier ne soit cassee\n Nostre vie est plus toust passee\n Mirons nous dont et remirons\n Voyons ou est le premier n\u00e9\n Celluy de qui nous tous venons\n Ou sont les vaillans champions\n Ceulx quilz de puis luy ont est\u00e9\n Ou est le troyen adur\u00e9\n Qui faisoit les aultres mourir\n Il ne fut n\u00e9 que pour pourrir\n Ou sont les princes de la terre\n Ou est alixandre d'alier\n Celluy qui tant voulut conquerre\n Ou est le bon roy d'angleterre\n Artus et son couraige fier\n Et lancelot bon chevalier\n Qui fut garde de son honneur\n Ilz sont mors com ung laboureur\n Charlemaigne roy des fran\u00e7oys\n Qui les espaigne reconquist\n Rolant et ogier le danoys\n Qu'ilz soustindrent le fais et poys\n Avant ce qu'a la fin les mist\n Ilz ont logis aussy petit\n Et aussy bien par dedans terre\n Que celluy qui va son pain querre\n Et le grand renomm\u00e9 pompee\n Qui aux romains fit tant de bien\n Qui par fureur de son espee\n En subjuga toute contree\n Que vingt et deux roys furent sien\n Apres son bien fait terrien\n Il fut tu\u00e9 piteusement\n Ainsy comme en ung moment\n Celluy qui les arpes passa\n Hanibal le duc de cartaige\n Doloureusement devia\n Par le venin qu'on luy donna\n A boire dont ce fut dommaige\n Sanson qui de force fist rage\n Il est com ung foible pass\u00e9\n Car de pie\u00e7a est trespass\u00e9\n Ou sont les princes de jadis\n Qui furent tant vaillans d'espee\n La royne semiramis\n La renommee thamaris\n Certes toute la plus doubtee\n Et la belle panthasilee\n A eu dolente deppartie\n Et dure mort a sa partie\n Et la mere du treshault roy\n Olimpias noble royne\n Elle mourut par desarroy\n La plus dolente que je voy\n Fors l'empereris agappine\n Que son filz pour veoir le signe\n Et le lieu ou il fut port\u00e9\n La fist ouvrir qui fut pit\u00e9\n La bonne royne heccuba\n Femme du noble roy priam\n Laquelle vit et regarda\n Que mort tout le lien luy osta\n Qu'elle n'eust riens de demourant\n Elle choisit troye brullant\n Avant le temps de son termine\n Et puis elle devint vermine\n Ou est de helene la beault\u00e9\n Sur toutes aultres non pareille\n Ou est l'onneur et la chiert\u00e9\n De lucresse et sa chastet\u00e9\n Dequoy ung chescun s'esmerveille\n Eureux est celluy qui y veille\n Et qui congnoist qui fault fuyr\n Helas nous ne povons fuyr\n Nous ne povons fuyr helas\n Ne recouvrer le temps pass\u00e9\n Celluy est bien chetif et las\n Qui ne craint le doloureux las\n De l'esperit qui fut dampn\u00e9\n Et par orgueil fut envers\u00e9\n Et tous les siens du ciel lassus\n Nous devons bien penser lassus\n Quant ceulx si noblement creez\n Et en leur beault\u00e9 tant louable\n Furent pour jamais condampnez\n Et soubdainement transmuez\n Quant d'anges ilz devindrent diables\n Et par leur orgueil espoventables\n En supplice eternellement\n Et douleur sans amandement\n Gardons nous doncques du pech\u00e9\n Qui est tant a dieu desplaisant\n Se nous en sommes entach\u00e9\n Faisons qu'il soit desambuch\u00e9\n Voyans dont nous venons naissant\n Et que nous sommes en mourant\n Et apres que nous serons mors\n Ce nous sera humble remors\n Prenons doncques humilit\u00e9\n Et laissons ce pech\u00e9 d'orgueil\n Pensons a nostre humanit\u00e9\n Voyons bien nostre pouvret\u00e9\n Et nostre cueur en aura dueil\n Souspirons tous et pleurons d'ueil\n Contemplant nostre pouvre vie\n Saige est celluy qui pou s'y fie\n Ayons fiance au createur\n Qui pour nous la mort endura\n En telle amertume et douleur\n Que la pensant dedans son cueur\n Habondance de sang sua\n Le pouvre pecheur que fera\n Quant son dieu tant doubta la mort\n Il a mestier de son confort\n Si fault avoir celle souffrance\n Et tresamere passion\n Et l'eure de sa doleance\n En doloureuse remambrance\n Affin qu'elle soit champion\n Et piteuse compassion\n Contre sathan et son malice\n Il ne nous est rien plus propice\n Quant nous cuidons estre bien hault\n Bien subitement descheons\n Il ne nous fault guere d'assault\n Ung petit de froit ou de chault\n Nous fait avoir les tranchoisons\n Ou les musles a noz talons\n Ou tout subitement mourir\n Sans regarder n'avoir loisir\n De ceulx que tu vis en jeunesse\n En ton aage premierain\n Se tu vis jusques en vieillesse\n Tu trouveras que mort ne laisse\n Ne vieil ne jeune ne mondain\n Ung en sant\u00e9 mourra demain\n Tu en vois souvent et ass\u00e9s\n Plus de mors que de demourer\n Regarde ou sont all\u00e9s noz peres\n Qui ont eu vie comme nous\n Noz parens et aussy noz freres\n Ils nous ont laiss\u00e9s ces miseres\n Esquelles nous sommes trestous\n Ce monde qui nous samble doulx\n Nous est amer c'est verit\u00e9\n Et decepvant et toust pass\u00e9\n Car c'est ung passaige de mort\n Doloureux et tantoust failly\n Tu n'as donjons chasteaulx sy fort\n Qui te puisse garder au fort\n Que tu ne soies assailly\n Tu auras bien de loing failly\n Quant ton esperit s'en yra\n Et ton corps cendre deviendra\n C'est grand folye de parer\n Ce qui sera viande aux vers\n Ce que mestz paine d'amasser\n Il te fauldra tantost laisser\n Et prandre habillemens divers\n Tu ne auras pour tes blefz vers\n Que ta dolante sepulture\n Et ta puante pourriture\n O jouvence de belle dame\n Et que dictes vous a ce point\n Cuyd\u00e9s vous la mort sy infame\n Qu'elle voulsist avoir ce blasme\n De vous assaillir en ce point\n Certes vous n'y avez ung point\n Plus d'avantaige q'ung porchier\n Et vous haye qui vouldra chier\n Il fault laisser voz haulx actours\n Et voz robbes a longue queue\n Et vous fault alier les tours\n Que vous aprandr\u00e9s a ces cours\n Au temps que vous faictes la reue\n Vostre frescheur deviendra bleue\n Vostre regard fera horreur\n Mesmes a vostre serviteur\n A noble arroy de chevalier\n Qui est assez de t'assaillir\n Tu es oultre mesure fier\n Quant tu es dessus ton courcier\n Chescun veult devant toy fremir\n Toy qui fais les aultres cremir\n Tu demourras abhominable\n Ce monde n'est point perdurable\n Vous vous estes vestus de court\n Gentilz hommes du temps present\n Pens\u00e9s que vous le fer\u00e9s court\n Ne vous ne savez tour de court\n Qui y sceust mectre empeschement\n La beault\u00e9 de vostre jouvent\n Ne vous aydera pas tousjours\n Vous finer\u00e9s doulent voz jours\n Damps abb\u00e9 ne sera laiss\u00e9\n Avec la dame de ses biens\n S'il est estuv\u00e9 ne baign\u00e9\n Il sera en terre plong\u00e9\n Et ne sera son corps que fiens\n Nostre vie ne dure riens\n Que pour avoir dueil en la fin\n Dieu scet qui est bon pellerin\n Le bourgoys qui boyt du meilleur\n Et fait a tous chiere commune\n Mort ne luy fera plus d'onneur\n Com a ung pouvre laboureur\n Ou ung aultre de la commune\n Il ne luy chault ou elle plume\n Ou grand ou petit ou moyen\n Encontre elle n'y a moyen\n Fors qui bien veult mourir bien vive\n Selon dieu et sa conscience\n Et ses commandemens avive\n Congnoisse sa vie saintive\n Et preigne tout en pacience\n Il fera tant par sa science\n Qu'apres sa mort il vivra\n Envis meurt qui apris ne l'a\n Mais ce n'est pas merveille grand\n Se on craint chose sy amere\n Celluy qui fist ramuant\n Et qui luy fist de grace tant\n Le ladre a la marie frere\n Oncques de puis n'eut que misere\n Et toute douleur a penser\n Tremant ce qui devoit passer\n L'orreur de la mort fut emprainte\n Tellement au devant ses yeulx\n Qui luy donna pensee mainte\n Tant que tousjours il fut en crainte\n Combien qu'il esperoit son mieulx\n Et qu'il eust son entente aux cieulx\n Que fera doncques le pecheur\n Quant le juste en avoit si peur\n Sy ne pren moyen et reffuge\n A la tresoriere de grace\n Quelle moyenne vers le juge\n Qu'en ce tresangoiss\u00e9 deluge\n Lors que la voix en sera casse\n Et la vie dolante et lasse\n Il peut estre lors secouru\n Et sathan mact\u00e9 et vaincu\n Lequel en horrible figure\n Le demonstra en son regard\n Qui est tresamere painture\n Et douleur angoysseuse et dure\n A l'ame qui craint le despart\n Le corps travaille a l'autre part\n Tramble tressault et sans vigueur\n Par habondance de douleur\n Qui est oultre povoir nature\n Car elle habandonne lors\n Il n'a ne membre ne faicture\n Qu'il ne sente sa pourriture\n Avant que l'esperit soit hors\n Le cueur qui veult grever au corps\n Haulce et soulieve sa poyctrine\n Qui se veult joindre a son eschine\n La face estaint et appallie\n Et les yeulx lievent en la teste\n La parolle luy est faillie\n Car la langue au palays se lye\n Le poux se tressault et halecte\n La vie fuyt la mort est preste\n Il a douleur a desmesure\n En actendant sa sepulture\n Les os desjoignent a tous lez\n Il n'a nerf qu'a rompre ne tende\n Est assailly de tous coust\u00e9s\n Et congnoist tous les fais pass\u00e9s\n Dequoy il fault que compte rende\n Et n'a le loisir qu'il s'amende\n Car l'eure est briefve et douloureuse\n Dont sa pouvre ame est cremeteuse\n Lors le veult mectre en desespoir\n L'adversaire de nostre foy\n Qui se monstre hydeux et noir\n Et mest s'entente de l'avoir\n Disant pecheur tu es a moy\n Te souviengne de ton desroy\n Et du corps que tu as perdu\n Car tu es a ta fin venu\n Tu n'as ne dame ne mignon\n A qui guere de toi chauldra\n Joyau tant soit riche ne bon\n Chasteau palais or ne donjon\n Ce qu'a toy fut autruy aura\n Et ton ame a moy sera\n Perdurable tison d'enfer\n En la presence lucifer\n Il te fault laisser tes oiseaulx\n Tes chiens tes brachetz tes levriers\n La pompe de tes beaulx chevaulx\n Quilz soubz toy faisoyent les faulz\n La rote de tes escuyers\n Le moindre de tes officiers\n A qui tu laisses de tes biens\n Ne te tenra ja que pour fiens\n Bien est changee ta fiert\u00e9\n Et aussy ta gloyre mondaine\n Le temps que tu as ja pass\u00e9\n Tu l'as perdu et degast\u00e9\n Dont pour jamais seras en payne\n Et chescun jour de la sepmaine\n Rage de tourment et sans fin\n Tu fus soubtil mais moy plus fin\n Ne t'atens pas aux evangilles\n Ne messe qu'on te saiche dire\n Tu n'as parens ne filz ne filles\n Ne tous ceulx qui ont de tes bibles\n Qu'ilz se puissent tenir de rire\n Ilz ne leur chault de ton martire\n Ne se tu es dampn\u00e9s pour eulx\n Tu en es seul le maleureux\n Car tu t'en revais aussy nu\n Comme en ce monde tu vins\n Il t'est par trop mesadvenu\n Quant tu as si tresmal vescu\n Que tu n'es plains de tes voisins\n Et si n'auras que pour tes vins\n Que ton tombeau et ton suaire\n Et vermine pour toy deffaire\n Pourquoy fus tu dont nez de mere\n Pour si douloreusement mourir\n En doleance si amere\n Et insupportable misere\n Qu'a tous jamais te fault souffrir\n Tu dois bien trambler et fremir\n Et ton ame doit bien mauldire\n L'occasion de ton martire\n Tu fus douloureuse portee\n A la mere qui te porta\n Et ta folie desordonnee\n Et ton ame desesperee\n Mise en command qui ne fauldra\n En laquelle vivant mourra\n Et par tes puans faulx delis\n Tousjours aura de pis en pis\n Plus que nul n'en sceroit penser\n Ne que langue ne pourroit dire\n On yroit dieu desavouer\n Pere et mere maulgreyer\n Et souvent sa vie mauldire\n Et n'est phisicien ne myre\n Pour alleger telle souffrance\n Qui luy sceust donner secourance\n Et puis luy dist je suis des princes\n De l'infernalle mansion\n Il te fault laisser tes provinces\n Je t'en menray pouvres et minces\n Au lieu de tribulacion\n Ce pecheur qui sent l'esguillon\n De la mort qui le serre et point\n Il ne scet riens penser a point\n Car il est en desesperance\n Et en faulte de vraye foy\n Alors le bon ange s'avance\n Et sy le mect en souvenance\n Disant crestien recongnoy\n Ton saulveur qui morut pour toy\n Qui est prest de toy pardonner\n Se tu luy daigne demander\n Son povoir est incomparable\n Sa misericorde infinie\n Fais luy honneur et honte au diable\n Rens toy de ton pech\u00e9 coulpable\n Et humblement mercy luy prie\n Tu auras perdurable vie\n Qui es sa pouvre creature\n Pour la mort qui luy fut tant dure\n Il t'a cherement rachapt\u00e9\n Pource il te veulx laisser\n Tu luy as grandement coust\u00e9\n Pour toy fut ouvert son coust\u00e9\n Et si se fit crucifier\n Et de clouz piez et mains percier\n Estandu douloreusement\n Et baptu trespiteusement\n Sa tendre peau fut dessiree\n Et son precieux sang espandu\n Par le grand coup de l'escorgee\n On veoit sa char destranchee\n Sur le pav\u00e9 dru et menu\n Les os se monstroyent au nu\n Et en divers lieux descouvers\n Sy faisoyent vaines et nerfs\n Le chief fut couronn\u00e9 d'espine\n Poignant jusques a son cervel\n Sa face glorieuse et digne\n En qui est la beault\u00e9 divine\n Fut ressamblant a ung mesel\n Celluy par avant si tresbel\n Fut en cest estat rancontr\u00e9\n De la vierge qui l'a port\u00e9\n Que povoit lors dire sa mere\n De sy grand amertume plaine\n Celle si dit vray dieu mon pere\n Fais que je souffre ce mistere\n Affin que j'alege sa paine\n Ha gabriel tu me dis plaine\n De grace en me nommant marie\n Las je me trouve bien marie\n O ma tresamee portee\n O createur de ton ancelle\n O fruyt de celle desolee\n Qui te transporta de judee\n Lors qu'elle estoit jeune pucelle\n Fais moy que plus je ne chancelle\n Et que je puisse soustenir\n Celle croix qui te fait faillir\n O mon enfant escoute moy\n Je dois a ta douleur partir\n Mon dieu mon seigneur et mon roy\n Fais tant par la mere de toy\n Qu'avant ta mort puisse mourir\n Car je ne te puis secourir\n Et sy te voy tant desol\u00e9\n Helas a quoy t'ay je port\u00e9\n Qui suis ta mere tres indigne\n Non souffisant de tel honneur\n O helisabeth ma cousine\n Tu me monstras l'onneur et signe\n Qu'em moy estoit mon createur\n Et je le voy en tel horreur\n Qui le tresvent mieulx que une beste\n Et luy font chose deshonneste\n O croix engin de grand torment\n Tu es chose bien inhumaine\n Quant ton createur innoscent\n Plus pur que n'est le firmament\n Tu me laisses et tu l'en maine\n O generacion humaine\n Comme ton rachast couste chier\n Lequel je ne veulx empeschier\n Et quant elle le vit en croix\n Ou il randit son esperit\n Les ellemens a une voix\n Firent si douloureux exploix\n C'est le createur qui les fit\n Pensez que la vierge souffrit\n De sa passion grand partie\n Quant vit son filz crucifi\u00e9\n Et angoysseusement percee\n Avec le coust\u00e9 de son filz\n Celle vierge sanctifiee\n Celle mere tant esplouree\n Souffrit trop plus que je ne dis\n Par le pech\u00e9 premier commis\n Du pere de l'umain lignaige\n Qui ne le scet il n'est pas saige\n Metz au secret de ta memoyre\n Et au clou de ton souvenir\n Ceste pitable histoire\n Et celle angoysse si notoire\n Ou fut ton dieu jusques a mourir\n Et le tresdouloreux souffrir\n De sa tendre et piteuse mere\n Ta paine n'est pas si amere\n Laquelle tu as desservie\n Et il en estoit innocens\n Ce fut pour te saulver la vie\n Toy qui n'as heure ne demye\n Que tu ne peches en tes sens\n Se tu n'as ses commandemens\n De pres gard\u00e9 a ton povoir\n Crye mercy par ton devoir\n Et en grande contriction\n Recongnoys que tu es pecheur\n Requiers luy que sa passion\n Te soit escu et champion\n Si vray qu'il est ton rachapteur\n Ne te boute en folle erreur\n Croy qu'il est pillier et masse\n Dont sourt habondance de grace\n Le monde ne scauroit comprandre\n Que c'est de sa misericorde\n Puis que ce vient a compte randre\n Il te fault a mourir aprandre\n Advise bien et sy recorde\n Qu'il n'est pecheur qui ne s'accorde\n Vers luy si luy requiert pardon\n Exemple par le bon larron\n Par la tressainte magdelaine\n Par aultres tant que sans nombrer\n Tu ne dois avoir poux n'alaine\n Vertu de nerf povoir de vaine\n Qu'il ne faille tout eslever\n Envers le ciel et le aurer\n Affin que jhesus te regarde\n Et te baille sa saulve garde\n Il te donra son paradis\n Et sera le dyable vaincu\n Tu feras paour aux ennemys\n Qu'ilz se trouveront esbais\n Car tu auras sur eulx vertu\n Puis que tu seras dont esleu\n Tu auras choys de son souhait\n Et de ton desir le parfait\n En la veue de ton saulveur\n En quoy se delectent les sains\n La presence du createur\n Leur donne souffisance au cueur\n Dont ilz en loent a jointes mains\n Et si sont de joye si plains\n Que les anges en leur salus\n Chantent Te deum laudamus\n Ilz ont gloire sans terminer\n Et lyesse parassouvie\n Ilz ne font si non dieu louer\n Car ce qu'ilz vueullent demander\n Ung chescun jour leur multiplie\n Et voyent la vierge marie\n Empres de son filz coronnee\n Apres luy la plus honnoree\n Souvent dient en leurs accors\n Ave celorum regina\n Benoit soit le ventre et le corps\n Se dient tous en leurs recors\n Ou la deit\u00e9 s'aumbra\n O ave gracia plena\n Royne de beatitude\n Fort refroit ton beatitude\n Il n'est ciel ne terre ne mer\n Ne clercs tant lectrez en estudes\n Quilz sceussent demy comparer\n Ne qui souffisent pour nombrer\n Le moins de ses beatitudes\n Car elles sont en multitudes\n Obscures a humanit\u00e9\n Comme chose de deit\u00e9\n Lesquelles te sont invisibles\n Par la fragilit\u00e9 du corps\n Il n'est pas histoires ne bibles\n Qu'elle te soyent compatibles\n Jusques l'esperit soit dehors\n Prie dieu qu'a l'eure de lors\n Il te donne sa gratitude\n Et de sa gloire plenitude\n L'eure est briefve de ton trespas\n Il t'en fault faire ton prouffit\n Le pecheur qui se voit au bas\n Combl\u00e9 de si douloureux las\n Ouyt ce que l'ange luy dit\n Ne peut sonner mot tant petit\n Lors le dyable dit qui est sien\n L'ange si dit qui n'y a rien\n O miserable creature\n Quant vient a ceste extremit\u00e9\n Et en ceste amere pointure\n Ou est la force tant soit dure\n Ne sens qui ne soit oubli\u00e9\n Nostre oeil devroit estre moill\u00e9\n Et devrions trambler de frisons\n Touteffois que nous y pensons\n A grand paine se sauvera\n Le plus juste qui soit parfait\n Dont le pecheur et que fera\n Las quant ce trouble jour viendra\n Qu'on jugera tout au parfait\n Mieulx luy vaulsist non estre fait\n Qu'estre en telle dampnacion\n Ou est justice sans pardon\n A toy dont creature humaine\n A toy est l'eure de trembler\n A toy qui quiers joye mondaine\n A toy qui le lairas en paine\n A toy qui ne fais que passer\n A toy qui en dois souspirer\n A toy je dis que tu n'es riens\n Toy et ta vie fors que fiens\n Bien sera ta chancon muee\n Bien tost ton corps deviendra cendre\n Bien toust sera ta vie passee\n Bien tost ton ame separee\n Bien tost te fauldra compte randre\n Bien tost mourras comme le moindre\n Bien tost seras en pourriture\n Bien tost t'abandonra nature\n Combien que tu soies gentil\n Combien que tu soyes humain\n Combien que tu ne crains peril\n Combien que tu ne doutes exil\n Combien que tu soyes mondain\n Combien qu'on ne crainde ta main\n Combien d'onneur que l'en te face\n Comment le vent tantost se passe\n Doubte et cremeur tu dois avoir\n Doubte de jhesus courroucier\n Doubte de tant de bien vouloir\n Dont tu ne puisses decepvoir\n Doubte qu'i te fault trespasser\n Doubte qu'i te fault tout laisser\n Doubte le jour du jugement\n Doubte que tu ne sces comment\n En dieu soit ta ferme esperance\n En ce faulx monde pou d'arrest\n En vanit\u00e9 et en bobance\n En pompe ne oultrecuidance\n En orgueil qui a dieu desplait\n En luxure qui tout deffait\n En envie paresse et yre\n En avarice n'en glotonnie\n Fors seulle sactifacion\n Force d'obeyr en constance\n Force contre temptacion\n Force de requerre pardon\n Force et vertueuse actrempance\n Force contre son ygnorance\n Force quant on se trouve bas\n Force de congnoistre son cas\n Grande piti\u00e9 t'en adviendra\n Grand paine pourra mieulx souffrir\n Grand pouvret\u00e9 congnoistra\n Grande soufferte portera\n Grande douleur jusques au mourir\n Grande pacience et desir\n Grande crainte et cremeur de dieu\n Grand doubte ou sera son lieu\n Vivons en dieu et en biens faitz\n Vivons errans le droit chemin\n Vivons en doubtans nostre fais\n Vivons pour regner a jamais\n Vivons ainsy que un pellerin\n Vivons pour partir au matin\n Vivons pour tantoust deslogier\n Vivons ou nous devons logier\n Mirons nous au grand jugement\n Mirons nous en la passion\n Mirons enfer en dampnement\n Mirons la mort et son tourment\n Mirons nostre inclinacion\n Mirons le monde et sa fa\u00e7on\n Mirons nostre fragilit\u00e9\n Mirons nous pour estre saulv\u00e9s\n Prions dieu qu'i nous pardonne\n Prions qu'i nous donne sa grace\n Prions qu'i ne nous habandonne\n Prions que sa gloire nous donne\n Prions que nous voyons sa face\n Prions que noz pech\u00e9s efface\n Prions qu'i nous vueille garder\n Et noz deffaultes pardonner\nAmen\n Cy finist le mirouer de mort\n A glace obscure & tenebreuse\n La ou on voit chose doubteuse\n Et matiere de desconfort\nNOTE SUR LA TRANSCRIPTION\nLa transcription reproduit l'ouvrage cot\u00e9 Res-Ye-171 \u00e0 la Biblioth\u00e8que\nnationale de France, pr\u00e9sum\u00e9 imprim\u00e9 \u00e0 Lyon par Martin Husz, 1481-1482.\nL'orthographe est conforme \u00e0 l'original. On a n\u00e9anmoins, selon l'usage,\nr\u00e9solu les signes d'abr\u00e9viation conventionnels (de type c\u00f5me > comme),\ndistingu\u00e9 i/j et u/v, et introduit accents, apostrophes et c\u00e9dilles.\nOn a restitu\u00e9 l'ordre des strophes, en d\u00e9pla\u00e7ant deux passages pr\u00e9sents\ndans le d\u00e9sordre dans l'original (ind\u00e9pendamment des sauts de page du\ntexte imprim\u00e9, ce qui ne peut r\u00e9sulter d'une erreur lors de la reliure\nou la num\u00e9risation, et laisse supposer une interversion de feuillets de\nla copie ayant servi \u00e0 la composition):\n les quatre strophes allant de \"Laquelle tu as desservie\" \u00e0 \"Et te\n baille sa saulve garde\" \u00e9taient situ\u00e9es entre les vers \"Se tu luy\n daigne demander\" et \"Son povoir est incomparable\";\n les huit strophes allant de \"Il te donra son paradis\" \u00e0 \"Touteffois\n que nous y pensons\" \u00e9taient situ\u00e9es entre les vers \"Et luy font chose\n deshonneste\" et \"O croix engin de grand torment\".\nOn a \u00e9galement effectu\u00e9 les corrections suivantes:\n Hambal > Hanibal (Hanibal le duc de cartaige)\n supplie > supplice (En supplice eternellement)\n ce sust > sceust (Qui y sceust mectre empeschement)\n torp > trop (Il t'est par trop mesadvenu)\nEnd of Project Gutenberg's Le miroir de mort, by Georges Chastellain", "source_dataset": "gutenberg", "source_dataset_detailed": "gutenberg - Le miroir de mort\n"} ]