french,wolof Tout être humain est le résultat d'un père et une mère.,Tout être humain est le résultat d'un père et une mère. "On peut ne pas les reconnaître, ne pas les aimer, on peut douter d'eux.","On peut ne pas les reconnaître, ne pas les aimer, on peut douter d'eux." "Mais ils sont là, avec leur visage, leurs attitudes, leurs manières et leurs manies, leurs illusions, leurs espoirs, la forme de leurs mains et de leurs doigts de pied, la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, leur façon de parler, leurs pensées, probablement l'âge de leur mort, tout cela est passé en nous.","Mais ils sont là, avec leur visage, leurs attitudes, leurs manières et leurs manies, leurs illusions, leurs espoirs, la forme de leurs mains et de leurs doigts de pied, la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, leur façon de parler, leurs pensées, probablement l'âge de leur mort, tout cela est passé en nous." "J'ai longtemps rêvé que ma mère était noire. Je m'étais inventé une histoire, un passé, pour fuir la réalité à mon retour d'Afrique, dans ce pays, dans cette ville où je ne connaissais personne, où j'étais devenu un étranger.","J'ai longtemps rêvé que ma mère était noire. Je m'étais inventé une histoire, un passé, pour fuir la réalité à mon retour d'Afrique, dans ce pays, dans cette ville où je ne connaissais personne, où j'étais devenu un étranger." "Puis j'ai découvert, lorsque mon père, à l'âge de la retraite, est revenu vivre avec nous en France, que c'était lui l'Africain.","Puis j'ai découvert, lorsque mon père, à l'âge de la retraite, est revenu vivre avec nous en France, que c'était lui l'Africain." Cela a été difficile à admettre.,Cela a été difficile à admettre. "Il m'a fallu retourner en arrière, recommencer, essayer de comprendre.","Il m'a fallu retourner en arrière, recommencer, essayer de comprendre." "En souvenir de cela, j'ai écrit ce petit livre.","En souvenir de cela, j'ai écrit ce petit livre." "De ce visage que j'ai reçu à ma naissance, j'ai des choses à dire.","De ce visage que j'ai reçu à ma naissance, j'ai des choses à dire." "D'abord, qu'il m'a fallu l'accepter.","D'abord, qu'il m'a fallu l'accepter." Affirmer que je ne l'aimais pas serait lui donner une importance qu'il n'avait pas quand j'étais enfant.,Affirmer que je ne l'aimais pas serait lui donner une importance qu'il n'avait pas quand j'étais enfant. "Je ne le haïssais pas, je l'ignorais, je l'évitais. Je ne le regardais pas dans les miroirs.","Je ne le haïssais pas, je l'ignorais, je l'évitais. Je ne le regardais pas dans les miroirs." "Pendant des années, je crois que je ne l'ai jamais vu.","Pendant des années, je crois que je ne l'ai jamais vu." "Sur les photos, je détournais les yeux, comme si quelqu'un d'autre s'était substitué à moi.","Sur les photos, je détournais les yeux, comme si quelqu'un d'autre s'était substitué à moi." "À l'âge de huit ans à peu près, j'ai vécu en Afrique de l'Ouest, au Nigeria, dans une région assez isolée où, hormis mon père et ma mère, il n'y avait pas d'Européens, et où l'humanité, pour l'enfant que j'étais, se composait uniquement d'Ibos et de Yoroubas.","À l'âge de huit ans à peu près, j'ai vécu en Afrique de l'Ouest, au Nigeria, dans une région assez isolée où, hormis mon père et ma mère, il n'y avait pas d'Européens, et où l'humanité, pour l'enfant que j'étais, se composait uniquement d'Ibos et de Yoroubas." "Dans la case que nous habitions (le mot case a quelque chose de colonial qui peut aujourd'hui choquer, mais qui décrit bien le logement de fonction que l'Angleterre avait prévu pour les médecins militaires, une dalle de ciment pour le sol, quatre murs de parpaing sans crépi, un toit de tôle ondulée recouvert de feuilles, aucune décoration, des hamacs accrochés aux murs pour servir de lits et, seule concession au luxe, une douche reliée par des tubes de fer à un réservoir sur le toit que chauffait le soleil), dans cette case, donc, il n'y avait pas de miroirs, pas de tableaux, rien qui pût nous rappeler le monde où nous avions vécu jusque-là. Un crucifix que mon père avait accroché au mur, mais sans représentation humaine. C'est là que j'ai appris à oublier. Il me semble que c'est de l'entrée dans cette case, à Ogoja, que date l'effacement de mon visage, et des visages de tous ceux qui étaient autour de moi.","Dans la case que nous habitions (le mot case a quelque chose de colonial qui peut aujourd'hui choquer, mais qui décrit bien le logement de fonction que l'Angleterre avait prévu pour les médecins militaires, une dalle de ciment pour le sol, quatre murs de parpaing sans crépi, un toit de tôle ondulée recouvert de feuilles, aucune décoration, des hamacs accrochés aux murs pour servir de lits et, seule concession au luxe, une douche reliée par des tubes de fer à un réservoir sur le toit que chauffait le soleil), dans cette case, donc, il n'y avait pas de miroirs, pas de tableaux, rien qui pût nous rappeler le monde où nous avions vécu jusque-là. Un crucifix que mon père avait accroché au mur, mais sans représentation humaine. C'est là que j'ai appris à oublier. Il me semble que c'est de l'entrée dans cette case, à Ogoja, que date l'effacement de mon visage, et des visages de tous ceux qui étaient autour de moi." "De ce temps, pour ainsi dire consécutivement, date l'apparition des corps.","De ce temps, pour ainsi dire consécutivement, date l'apparition des corps." "Mon corps, le corps de ma mère, le corps de mon frère, le corps des jeunes garçons du voisinage avec qui je jouais, le corps des femmes africaines dans les chemins, autour de la maison, ou bien au marché, près de la rivière.","Mon corps, le corps de ma mère, le corps de mon frère, le corps des jeunes garçons du voisinage avec qui je jouais, le corps des femmes africaines dans les chemins, autour de la maison, ou bien au marché, près de la rivière." "Leur stature, leurs seins lourds, la peau luisante de leur dos.","Leur stature, leurs seins lourds, la peau luisante de leur dos." "Le sexe des garçons, leur gland rose circoncis.","Le sexe des garçons, leur gland rose circoncis." "Des visages sans doute, mais comme des masques de cuir, endurcis, couturés de cicatrices, de marques rituelles.","Des visages sans doute, mais comme des masques de cuir, endurcis, couturés de cicatrices, de marques rituelles." "Les ventres saillants, le bouton du nombril pareil à un galet cousu sous la peau.","Les ventres saillants, le bouton du nombril pareil à un galet cousu sous la peau." "L'odeur des corps aussi, le toucher, la peau non pas rude mais chaude et légère, hérissée de milliers de poils.","L'odeur des corps aussi, le toucher, la peau non pas rude mais chaude et légère, hérissée de milliers de poils." "J'ai cette impression de la grande proximité, du nombre des corps autour de moi, quelque chose que je n'avais pas connu auparavant, quelque chose de nouveau et de familier à la fois, qui excluait la peur.","J'ai cette impression de la grande proximité, du nombre des corps autour de moi, quelque chose que je n'avais pas connu auparavant, quelque chose de nouveau et de familier à la fois, qui excluait la peur." "En Afrique, l'impudeur des corps était magnifique.","En Afrique, l'impudeur des corps était magnifique." "Elle donnait du champ, de la profondeur, elle multipliait les sensations, elle tendait un réseau humain autour de moi.","Elle donnait du champ, de la profondeur, elle multipliait les sensations, elle tendait un réseau humain autour de moi." "Elle s'harmonisait avec le pays Ibo, avec le tracé de la rivière Aiya, avec les cases du village, leurs toits couleur fauve, leurs murs couleur de terre.","Elle s'harmonisait avec le pays Ibo, avec le tracé de la rivière Aiya, avec les cases du village, leurs toits couleur fauve, leurs murs couleur de terre." "Elle brillait dans ces noms qui entraient en moi et qui signifiaient beaucoup plus que des noms de lieux : Ogoja, Abakaliki, Enugu, Baterik, Ogrude, Obubra.","Elle brillait dans ces noms qui entraient en moi et qui signifiaient beaucoup plus que des noms de lieux : Ogoja, Abakaliki, Enugu, Baterik, Ogrude, Obubra." Elle imprégnait la muraille de la forêt pluvieuse qui nous enserrait de toutes parts.,Elle imprégnait la muraille de la forêt pluvieuse qui nous enserrait de toutes parts. "Quand on est enfant, on n'use pas de mots (et les mots ne sont pas usés).","Quand on est enfant, on n'use pas de mots (et les mots ne sont pas usés)." "Je suis en ce temps-là très loin des adjectifs, des substantifs.","Je suis en ce temps-là très loin des adjectifs, des substantifs." "Je ne peux pas dire ni même penser : admirable, immense, puissance.","Je ne peux pas dire ni même penser : admirable, immense, puissance." Mais je suis capable de le ressentir.,Mais je suis capable de le ressentir. "À quel point les arbres aux troncs rectilignes s'élancent vers la voûte nocturne fermée au-dessus de moi, enfermant comme dans un tunnel la brèche sanglante de la route de latérite qui va d'Ogoja vers Obudu, à quel point dans les clairières des villages je ressens les corps nus, brillants de sueur, les silhouettes larges des femmes, les enfants accrochés à leur hanche, tout cela qui forme un ensemble cohérent, dénué de mensonge.","À quel point les arbres aux troncs rectilignes s'élancent vers la voûte nocturne fermée au-dessus de moi, enfermant comme dans un tunnel la brèche sanglante de la route de latérite qui va d'Ogoja vers Obudu, à quel point dans les clairières des villages je ressens les corps nus, brillants de sueur, les silhouettes larges des femmes, les enfants accrochés à leur hanche, tout cela qui forme un ensemble cohérent, dénué de mensonge." "L'entrée dans Obudu, je m'en souviens bien : la route sort de l'ombre de la forêt et entre tout droit dans le village, en plein soleil.","L'entrée dans Obudu, je m'en souviens bien : la route sort de l'ombre de la forêt et entre tout droit dans le village, en plein soleil." "Mon père a arrêté son auto, avec ma mère il doit parler aux officiels.","Mon père a arrêté son auto, avec ma mère il doit parler aux officiels." "Je suis seul au milieu de la foule, je n'ai pas peur.","Je suis seul au milieu de la foule, je n'ai pas peur." "Les mains me touchent, passent sur mes bras, sur mes cheveux autour du bord de mon chapeau.","Les mains me touchent, passent sur mes bras, sur mes cheveux autour du bord de mon chapeau." "Parmi tous ceux qui se pressent autour de moi, il y a une vieille femme, enfin je ne sais pas qu'elle est vieille. Je suppose que c'est d'abord son âge que je remarque, parce qu'elle diffère des enfants nus et des hommes et des femmes habillés plus ou moins à l'occidentale que je vois dans ce pays.","Parmi tous ceux qui se pressent autour de moi, il y a une vieille femme, enfin je ne sais pas qu'elle est vieille. Je suppose que c'est d'abord son âge que je remarque, parce qu'elle diffère des enfants nus et des hommes et des femmes habillés plus ou moins à l'occidentale que je vois dans ce pays." "Quand ma mère revient (peut-être vaguement inquiète de ce rassemblement), je lui montre cette femme : « Qu'est-ce qu'elle a ? Est-ce qu'elle est malade ? » Je me souviens de cette question que j'ai posée à ma mère. Le corps nu de cette femme, fait de plis, de rides, sa peau comme une outre dégonflée, ses seins allongés et flasques, pendant sur son ventre, sa peau craquelée, ternie, un peu grise, tout cela me semble étrange, et en même temps vrai.","Quand ma mère revient (peut-être vaguement inquiète de ce rassemblement), je lui montre cette femme : « Qu'est-ce qu'elle a ? Est-ce qu'elle est malade ? » Je me souviens de cette question que j'ai posée à ma mère. Le corps nu de cette femme, fait de plis, de rides, sa peau comme une outre dégonflée, ses seins allongés et flasques, pendant sur son ventre, sa peau craquelée, ternie, un peu grise, tout cela me semble étrange, et en même temps vrai." "Comment aurais-je pu imaginer que cette femme était ma grand-mère ? Et je ressentais non pas de l'horreur ni de la pitié, mais au contraire de l'amour et de l'intérêt, ceux que suscite la vue de la vérité, de la réalité vécue.","Comment aurais-je pu imaginer que cette femme était ma grand-mère ? Et je ressentais non pas de l'horreur ni de la pitié, mais au contraire de l'amour et de l'intérêt, ceux que suscite la vue de la vérité, de la réalité vécue." "Je me rappelle seulement cette question : « Est-ce qu'elle est malade ? » Elle me brûle encore aujourd'hui étrangement, comme si le temps n'était pas passé.","Je me rappelle seulement cette question : « Est-ce qu'elle est malade ? » Elle me brûle encore aujourd'hui étrangement, comme si le temps n'était pas passé." "Et non la réponse – sans doute rassurante, peut-être un peu gênée – de ma mère : « Non, elle n'est pas malade, elle est vieille, c'est tout. » La vieillesse, sans doute plus choquante pour un enfant sur le corps d'une femme puisque encore, puisque toujours, en France, en Europe, pays des gaines et des jupons, des soutiens-gorge et des combinaisons, les femmes sont ordinairement exemptes de la maladie de l'âge. La brûlure sur mes joues que je ressens encore, qui accompagne la question naïve et la réponse brutale de ma mère, comme un soufflet. Cela est resté en moi sans réponse. La question n'était sans doute pas : Pourquoi cette femme est-elle devenue ainsi, usée et déformée par la vieillesse ?, mais : Pourquoi m'a-t-on menti ? Pourquoi m'a-t-on caché cette vérité ?","Et non la réponse – sans doute rassurante, peut-être un peu gênée – de ma mère : « Non, elle n'est pas malade, elle est vieille, c'est tout. » La vieillesse, sans doute plus choquante pour un enfant sur le corps d'une femme puisque encore, puisque toujours, en France, en Europe, pays des gaines et des jupons, des soutiens-gorge et des combinaisons, les femmes sont ordinairement exemptes de la maladie de l'âge. La brûlure sur mes joues que je ressens encore, qui accompagne la question naïve et la réponse brutale de ma mère, comme un soufflet. Cela est resté en moi sans réponse. La question n'était sans doute pas : Pourquoi cette femme est-elle devenue ainsi, usée et déformée par la vieillesse ?, mais : Pourquoi m'a-t-on menti ? Pourquoi m'a-t-on caché cette vérité ?" "L'Afrique, c'était le corps plutôt que le visage.","L'Afrique, c'était le corps plutôt que le visage." "L'Afrique, c'était la violence des sensations, la violence des appétits, la violence des saisons.","L'Afrique, c'était la violence des sensations, la violence des appétits, la violence des saisons." "Le premier souvenir que j'ai de ce continent, c'est mon corps couvert d'une éruption de petites ampoules causées par l'extrême chaleur, une affection bénigne dont souffrent les Blancs à leur entrée dans la zone équatoriale (en Afrique), sous le nom comique de « bourbouille » – en anglais prickly heat.","Le premier souvenir que j'ai de ce continent, c'est mon corps couvert d'une éruption de petites ampoules causées par l'extrême chaleur, une affection bénigne dont souffrent les Blancs à leur entrée dans la zone équatoriale (en Afrique), sous le nom comique de « bourbouille » – en anglais prickly heat." "Je suis dans la cabine du bateau qui longe lentement la côte, au large de Conakry, Freetown, Monrovia, nu sur la couchette, hublot ouvert sur l'air humide, le corps saupoudré de talc, avec l'impression d'être dans un sarcophage invisible, ou d'avoir été pris comme un poisson dans la nasse, enfariné avant d'aller à la friture.","Je suis dans la cabine du bateau qui longe lentement la côte, au large de Conakry, Freetown, Monrovia, nu sur la couchette, hublot ouvert sur l'air humide, le corps saupoudré de talc, avec l'impression d'être dans un sarcophage invisible, ou d'avoir été pris comme un poisson dans la nasse, enfariné avant d'aller à la friture." "L'Afrique qui déjà m'ôtait mon visage me rendait un corps, douloureux, enfiévré, ce corps que la France m'avait caché dans la douceur anémiante du foyer de ma grand-mère, sans instinct, sans liberté.","L'Afrique qui déjà m'ôtait mon visage me rendait un corps, douloureux, enfiévré, ce corps que la France m'avait caché dans la douceur anémiante du foyer de ma grand-mère, sans instinct, sans liberté." "Ce que je recevais dans le bateau qui m'entraînait vers cet autre monde, c'était aussi la mémoire. Le présent africain effaçait tout ce qui l'avait précédé.","Ce que je recevais dans le bateau qui m'entraînait vers cet autre monde, c'était aussi la mémoire. Le présent africain effaçait tout ce qui l'avait précédé." "La guerre, le confinement dans l'appartement de Nice (où nous vivions à cinq dans deux pièces mansardées, et même à six en comptant la bonne Maria dont ma grand-mère n'avait pas résolu de se passer), les rations, ou bien la fuite dans la montagne où ma mère devait se cacher, de peur d'être raflée par la Gestapo – tout cela s'effaçait, disparaissait, devenait irréel.","La guerre, le confinement dans l'appartement de Nice (où nous vivions à cinq dans deux pièces mansardées, et même à six en comptant la bonne Maria dont ma grand-mère n'avait pas résolu de se passer), les rations, ou bien la fuite dans la montagne où ma mère devait se cacher, de peur d'être raflée par la Gestapo – tout cela s'effaçait, disparaissait, devenait irréel." "Désormais, pour moi, il y aurait avant et après l'Afrique.","Désormais, pour moi, il y aurait avant et après l'Afrique." "La liberté à Ogoja, c'était le règne du corps.","La liberté à Ogoja, c'était le règne du corps." "Illimité, le regard, du haut de la plate-forme de ciment sur laquelle était construite la maison, pareille à l'habitacle d'un radeau sur l'océan d'herbes.","Illimité, le regard, du haut de la plate-forme de ciment sur laquelle était construite la maison, pareille à l'habitacle d'un radeau sur l'océan d'herbes." "Si je fais un effort de mémoire, je puis reconstituer les frontières vagues de ce domaine.","Si je fais un effort de mémoire, je puis reconstituer les frontières vagues de ce domaine." Quelqu'un qui aurait gardé la mémoire photographique du lieu serait étonné de ce qu'un enfant de huit ans pouvait y voir.,Quelqu'un qui aurait gardé la mémoire photographique du lieu serait étonné de ce qu'un enfant de huit ans pouvait y voir. Sans doute un jardin.,Sans doute un jardin. Non pas un jardin d'agrément – existait-il dans ce pays quelque chose qui fût d'agrément ?,Non pas un jardin d'agrément – existait-il dans ce pays quelque chose qui fût d'agrément ? "Plutôt un espace d'utilité, où mon père avait planté des fruitiers, manguiers, goyaviers, papayers, et pour servir de haie devant la varangue, des orangers et des limettiers dont les fourmis avaient cousu la plupart des feuilles pour faire leurs nids aériens, débordant d'une sorte de duvet cotonneux qui abritait leurs œufs.","Plutôt un espace d'utilité, où mon père avait planté des fruitiers, manguiers, goyaviers, papayers, et pour servir de haie devant la varangue, des orangers et des limettiers dont les fourmis avaient cousu la plupart des feuilles pour faire leurs nids aériens, débordant d'une sorte de duvet cotonneux qui abritait leurs œufs." "Quelque part vers l'arrière de la maison, au milieu des broussailles, un poulailler où cohabitaient poules et pintades, et dont l'existence ne m'est signalée que par la présence, à la verticale dans le ciel, de vautours sur lesquels mon père tirait parfois à la carabine.","Quelque part vers l'arrière de la maison, au milieu des broussailles, un poulailler où cohabitaient poules et pintades, et dont l'existence ne m'est signalée que par la présence, à la verticale dans le ciel, de vautours sur lesquels mon père tirait parfois à la carabine." "Un jardin, soit, puisqu'un des employés de la maison portait le titre de « garden boy ».","Un jardin, soit, puisqu'un des employés de la maison portait le titre de « garden boy »." "À l'autre bout du terrain, il devait y avoir les cases des serviteurs : le « boy », le « small boy », et surtout le cuisinier, que ma mère aimait bien, et avec qui elle préparait des plats, non à la française, mais la soupe d'arachide, les patates rôties, ou le « foufou », cette pâte d'igname qui était notre ordinaire. De temps en temps, ma mère se lançait avec lui dans des expériences, de la confiture de goyaves ou de la papaye confite, ou encore des sorbets qu'elle tournait à la main.","À l'autre bout du terrain, il devait y avoir les cases des serviteurs : le « boy », le « small boy », et surtout le cuisinier, que ma mère aimait bien, et avec qui elle préparait des plats, non à la française, mais la soupe d'arachide, les patates rôties, ou le « foufou », cette pâte d'igname qui était notre ordinaire. De temps en temps, ma mère se lançait avec lui dans des expériences, de la confiture de goyaves ou de la papaye confite, ou encore des sorbets qu'elle tournait à la main." "Dans cette cour, il y avait surtout des enfants d'Ogoja, en grand nombre, qui arrivaient chaque matin pour jouer et parler et que nous ne quittions qu'à la nuit tombante.","Dans cette cour, il y avait surtout des enfants d'Ogoja, en grand nombre, qui arrivaient chaque matin pour jouer et parler et que nous ne quittions qu'à la nuit tombante." "Tout cela pourrait donner l'impression d'une vie coloniale au Nigéria, très organisée, presque citadine – ou du moins campagnarde à la façon de l'Angleterre ou de la Normandie d'avant l'ère industrielle.","Tout cela pourrait donner l'impression d'une vie coloniale au Nigéria, très organisée, presque citadine – ou du moins campagnarde à la façon de l'Angleterre ou de la Normandie d'avant l'ère industrielle." Pourtant c'était la liberté totale du corps et de l'esprit à Ogoja.,Pourtant c'était la liberté totale du corps et de l'esprit à Ogoja. "Devant la maison, dans la direction opposée à l'hôpital où travaillait mon père, commençait une étendue sans horizon, avec une légère ondulation où le regard pouvait se perdre.","Devant la maison, dans la direction opposée à l'hôpital où travaillait mon père, commençait une étendue sans horizon, avec une légère ondulation où le regard pouvait se perdre." "Au Sud, la pente conduisait à un affluent de la rivière Cross, et aux villages, Ogoja, Ijama, Bawop.","Au Sud, la pente conduisait à un affluent de la rivière Cross, et aux villages, Ogoja, Ijama, Bawop." "Vers le Nord et l'est, je pouvais voir la grande plaine fauve semée de termitières géantes, coupée de ruisseaux et de marécages, et le début de la forêt, les bosquets de géants, irokos, okoumés, le tout recouvert par un ciel immense, une voûte de bleu cru où brûlait le soleil, et qu'envahissaient, chaque après-midi, des nuages porteurs d'orage.","Vers le Nord et l'est, je pouvais voir la grande plaine fauve semée de termitières géantes, coupée de ruisseaux et de marécages, et le début de la forêt, les bosquets de géants, irokos, okoumés, le tout recouvert par un ciel immense, une voûte de bleu cru où brûlait le soleil, et qu'envahissaient, chaque après-midi, des nuages porteurs d'orage." "Je me souviens de la violence en Afrique. Non pas une violence secrète, hypocrite, terrorisante comme celle que connaissent tous les enfants qui naissent au milieu d'une guerre – se cacher pour sortir, épier les Allemands en capote grise en train de voler les pneus de la voiture de ma grand-mère, entendre dans un rêve remâcher les histoires de trafic, espionnage, mots voilés, messages qui venaient de mon père par le canal de Mr Ogilvy, consul des États-Unis, et surtout la faim, le manque de tout, la rumeur des cousines de ma grand-mère se nourrissant d'épluchures.","Je me souviens de la violence en Afrique. Non pas une violence secrète, hypocrite, terrorisante comme celle que connaissent tous les enfants qui naissent au milieu d'une guerre – se cacher pour sortir, épier les Allemands en capote grise en train de voler les pneus de la voiture de ma grand-mère, entendre dans un rêve remâcher les histoires de trafic, espionnage, mots voilés, messages qui venaient de mon père par le canal de Mr Ogilvy, consul des États-Unis, et surtout la faim, le manque de tout, la rumeur des cousines de ma grand-mère se nourrissant d'épluchures." Cette violence-là n'était pas vraiment physique. Elle était sourde et cachée comme une maladie.,Cette violence-là n'était pas vraiment physique. Elle était sourde et cachée comme une maladie. "J'en avais le corps miné, des quintes de toux irrépressibles, des migraines si douloureuses que je me cachais sous la jupe longue du guéridon, les poings enfoncés dans mes orbites.","J'en avais le corps miné, des quintes de toux irrépressibles, des migraines si douloureuses que je me cachais sous la jupe longue du guéridon, les poings enfoncés dans mes orbites." "Ogoja me donnait une autre violence, ouverte, réelle, qui faisait vibrer mon corps. C'était visible dans chaque détail de la vie et de la nature environnante.","Ogoja me donnait une autre violence, ouverte, réelle, qui faisait vibrer mon corps. C'était visible dans chaque détail de la vie et de la nature environnante." "Des orages tels que je n'en ai jamais vu ni rêvé depuis, le ciel d'encre zébré d'éclairs, le vent qui pliait les grands arbres autour du jardin, qui arrachait les palmes du toit, tourbillonnait dans la salle à manger en passant sous les portes et soufflait les lampes à pétrole.","Des orages tels que je n'en ai jamais vu ni rêvé depuis, le ciel d'encre zébré d'éclairs, le vent qui pliait les grands arbres autour du jardin, qui arrachait les palmes du toit, tourbillonnait dans la salle à manger en passant sous les portes et soufflait les lampes à pétrole." "Certains soirs, un vent rouge venu du Nord, qui faisait briller les murs.","Certains soirs, un vent rouge venu du Nord, qui faisait briller les murs." "Une force électrique qu'il me fallait accepter, apprivoiser, et pour laquelle ma mère avait inventé un jeu, compter les secondes qui nous séparaient de l'impact de la foudre, l'entendre venir kilomètre après kilomètre, puis s'éloigner vers les montagnes.","Une force électrique qu'il me fallait accepter, apprivoiser, et pour laquelle ma mère avait inventé un jeu, compter les secondes qui nous séparaient de l'impact de la foudre, l'entendre venir kilomètre après kilomètre, puis s'éloigner vers les montagnes." "Un après-midi, mon père opérait dans l'hôpital d'Ogoja, quand la foudre est entrée par la porte et s'est répandue sur le sol sans un bruit, faisant fondre les pieds métalliques de la table d'opération et brûlant les semelles en caoutchouc des sandales de mon père, puis l'éclair s'est rassemblé et a fui par où il était entré, comme un ectoplasme, pour rejoindre le fond du ciel. La réalité de l'Afrique était dans ses légendes.","Un après-midi, mon père opérait dans l'hôpital d'Ogoja, quand la foudre est entrée par la porte et s'est répandue sur le sol sans un bruit, faisant fondre les pieds métalliques de la table d'opération et brûlant les semelles en caoutchouc des sandales de mon père, puis l'éclair s'est rassemblé et a fui par où il était entré, comme un ectoplasme, pour rejoindre le fond du ciel. La réalité de l'Afrique était dans ses légendes." L'Afrique était puissante.,L'Afrique était puissante. "Pour l'enfant que j'étais, la violence était générale, indiscutable. Elle donnait de l'enthousiasme.","Pour l'enfant que j'étais, la violence était générale, indiscutable. Elle donnait de l'enthousiasme." "Il est difficile d'en parler aujourd'hui, après tant de catastrophes et d'abandon. Peu d'Européens ont connu ce sentiment.","Il est difficile d'en parler aujourd'hui, après tant de catastrophes et d'abandon. Peu d'Européens ont connu ce sentiment." "Le travail que faisait mon père au Cameroun d'abord, puis au Nigeria, créait une situation exceptionnelle.","Le travail que faisait mon père au Cameroun d'abord, puis au Nigeria, créait une situation exceptionnelle." "La plupart des Anglais en poste dans la colonie exerçaient des fonctions administratives. Ils étaient militaires, juges, district officers (D.O.).","La plupart des Anglais en poste dans la colonie exerçaient des fonctions administratives. Ils étaient militaires, juges, district officers (D.O.)." Mon père était l'unique médecin dans un rayon de soixante kilomètres.,Mon père était l'unique médecin dans un rayon de soixante kilomètres. "Mais cette dimension que je donne n'a aucun sens : la première ville administrative était Abakaliki, à quatre heures de route, et pour y arriver il fallait traverser la rivière Aiya en bac, puis une épaisse forêt.","Mais cette dimension que je donne n'a aucun sens : la première ville administrative était Abakaliki, à quatre heures de route, et pour y arriver il fallait traverser la rivière Aiya en bac, puis une épaisse forêt." "L'autre résidence d'un D.O. était à la frontière du Cameroun français, à Obudu, au pied des collines où habitaient encore les gorilles.","L'autre résidence d'un D.O. était à la frontière du Cameroun français, à Obudu, au pied des collines où habitaient encore les gorilles." "À Ogoja, mon père était responsable du dispensaire (un ancien hôpital religieux délaissé par les sœurs), et le seul médecin au Nord de la province de Cross River.","À Ogoja, mon père était responsable du dispensaire (un ancien hôpital religieux délaissé par les sœurs), et le seul médecin au Nord de la province de Cross River." "Là, il faisait tout, comme il l'a dit plus tard, de l'accouchement à l'autopsie.","Là, il faisait tout, comme il l'a dit plus tard, de l'accouchement à l'autopsie." "Nous étions, mon frère et moi, les seuls enfants blancs de toute cette région.","Nous étions, mon frère et moi, les seuls enfants blancs de toute cette région." Nous n'avons rien connu de ce qui a pu fabriquer l'identité un peu caricaturale des enfants élevés aux « colonies ».,Nous n'avons rien connu de ce qui a pu fabriquer l'identité un peu caricaturale des enfants élevés aux « colonies ». "Si je lis les romans « coloniaux » écrits par les Anglais de cette époque, ou de celle qui a précédé notre arrivée dans ce pays – Joyce Cary, par exemple, l'auteur de Missié Johnson –, je ne reconnais rien.","Si je lis les romans « coloniaux » écrits par les Anglais de cette époque, ou de celle qui a précédé notre arrivée dans ce pays – Joyce Cary, par exemple, l'auteur de Missié Johnson –, je ne reconnais rien." "Si je lis William Boyd, qui a passé lui aussi une partie de son enfance dans l'Ouest africain britannique, je ne reconnais rien non plus : son père était D.O. (à Accra au Ghana, me semble-t-il). Je ne sais rien de ce qu'il décrit, cette lourdeur coloniale, les ridicules de la société blanche en exil sur la côte, toutes les mesquineries auxquelles les enfants sont particulièrement attentifs, le dédain pour les indigènes, dont ils ne connaissent que la fraction des domestiques qui doivent s'incliner devant les caprices des enfants de leurs maîtres, et surtout cette sorte de coterie dans laquelle les enfants de même sang sont à la fois réunis et divisés, où ils perçoivent un reflet ironique de leurs défauts et de leurs mascarades, et qui forme en quelque sorte l'école de la conscience raciale qui supplée pour eux à l'apprentissage de la conscience humaine – je puis dire que, Dieu merci, tout cela m'a été complètement étranger.","Si je lis William Boyd, qui a passé lui aussi une partie de son enfance dans l'Ouest africain britannique, je ne reconnais rien non plus : son père était D.O. (à Accra au Ghana, me semble-t-il). Je ne sais rien de ce qu'il décrit, cette lourdeur coloniale, les ridicules de la société blanche en exil sur la côte, toutes les mesquineries auxquelles les enfants sont particulièrement attentifs, le dédain pour les indigènes, dont ils ne connaissent que la fraction des domestiques qui doivent s'incliner devant les caprices des enfants de leurs maîtres, et surtout cette sorte de coterie dans laquelle les enfants de même sang sont à la fois réunis et divisés, où ils perçoivent un reflet ironique de leurs défauts et de leurs mascarades, et qui forme en quelque sorte l'école de la conscience raciale qui supplée pour eux à l'apprentissage de la conscience humaine – je puis dire que, Dieu merci, tout cela m'a été complètement étranger." "Nous n'allions pas à l'école en Afrique. Nous n'avions pas de club, pas d'activités sportives, pas de règle, pas d'amis au sens que l'on donne à ce mot en France ou en Angleterre.","Nous n'allions pas à l'école en Afrique. Nous n'avions pas de club, pas d'activités sportives, pas de règle, pas d'amis au sens que l'on donne à ce mot en France ou en Angleterre." "Le souvenir que je garde de ce temps pourrait être celui passé à bord d'un bateau, entre deux mondes.","Le souvenir que je garde de ce temps pourrait être celui passé à bord d'un bateau, entre deux mondes." "Si je regarde aujourd'hui la seule photo que j'ai conservée de la maison d'Ogoja (un cliché minuscule, le tirage 6 x 6 courant après la guerre), j'ai du mal à croire qu'il s'agit du même lieu : un grand jardin ouvert, où poussent en désordre des palmiers, des flamboyants, traversé par une allée rectiligne où est garée la monumentale Ford V8 de mon père.","Si je regarde aujourd'hui la seule photo que j'ai conservée de la maison d'Ogoja (un cliché minuscule, le tirage 6 x 6 courant après la guerre), j'ai du mal à croire qu'il s'agit du même lieu : un grand jardin ouvert, où poussent en désordre des palmiers, des flamboyants, traversé par une allée rectiligne où est garée la monumentale Ford V8 de mon père." "Une maison ordinaire, avec un toit de tôle ondulée et, au fond, les premiers grands arbres de la forêt.","Une maison ordinaire, avec un toit de tôle ondulée et, au fond, les premiers grands arbres de la forêt." "Il y a dans cette photo unique quelque chose de froid, presque austère, qui évoque l'empire instauré par les hommes blancs en Afrique, mélange de camp militaire, de pelouse anglaise et de puissance naturelle que je n'ai retrouvé, longtemps après, que dans la zone du canal de Panama.","Il y a dans cette photo unique quelque chose de froid, presque austère, qui évoque l'empire instauré par les hommes blancs en Afrique, mélange de camp militaire, de pelouse anglaise et de puissance naturelle que je n'ai retrouvé, longtemps après, que dans la zone du canal de Panama." "C'est ici, dans ce décor, que j'ai vécu les moments de ma vie sauvage, libre, presque dangereuse.","C'est ici, dans ce décor, que j'ai vécu les moments de ma vie sauvage, libre, presque dangereuse." "Une liberté de mouvement, de pensée et d'émotion que je n'ai plus jamais connue ensuite.","Une liberté de mouvement, de pensée et d'émotion que je n'ai plus jamais connue ensuite." "Les souvenirs trompent, sans doute. Cette vie de liberté totale, je l'aurai sans doute rêvée plutôt que vécue.","Les souvenirs trompent, sans doute. Cette vie de liberté totale, je l'aurai sans doute rêvée plutôt que vécue." "Entre la tristesse du Sud de la France pendant la guerre et la tristesse de la fin de mon enfance dans la Nice des années cinquante, rejeté de mes camarades de classe du fait de mon étrangeté, obsédé par l'autorité excessive de mon père, en butte à la très grande vulgarité des années lycée, des années scoutisme, puis pendant l'adolescence la menace d'avoir à partir faire la guerre pour maintenir les privilèges de la dernière société coloniale établie par les blancs en Afrique.","Entre la tristesse du Sud de la France pendant la guerre et la tristesse de la fin de mon enfance dans la Nice des années cinquante, rejeté de mes camarades de classe du fait de mon étrangeté, obsédé par l'autorité excessive de mon père, en butte à la très grande vulgarité des années lycée, des années scoutisme, puis pendant l'adolescence la menace d'avoir à partir faire la guerre pour maintenir les privilèges de la dernière société coloniale établie par les blancs en Afrique." "Alors les jours d'Ogoja, contraitrement à ceux d'Europe, étaient devenus mon trésor, le passé lumineux que je ne pouvais pas perdre.","Alors les jours d'Ogoja, contraitrement à ceux d'Europe, étaient devenus mon trésor, le passé lumineux que je ne pouvais pas perdre." "Je me souvenais de l'éclat sur la terre rouge, le soleil qui fissurait les routes, la course pieds nus à travers la savane jusqu'aux forteresses des termitières, la montée de l'orage le soir, les nuits bruyantes, criantes, notre chatte qui faisait l'amour avec les tigrillos sur le toit de tôle, la torpeur qui suivait la fièvre, à l'aube, dans le froid qui entrait sous le rideau de la moustiquaire. Toute cette chaleur, cette brûlure, ce frisson.","Je me souvenais de l'éclat sur la terre rouge, le soleil qui fissurait les routes, la course pieds nus à travers la savane jusqu'aux forteresses des termitières, la montée de l'orage le soir, les nuits bruyantes, criantes, notre chatte qui faisait l'amour avec les tigrillos sur le toit de tôle, la torpeur qui suivait la fièvre, à l'aube, dans le froid qui entrait sous le rideau de la moustiquaire. Toute cette chaleur, cette brûlure, ce frisson." "Passé la limite du jardin, commençait la grande plaine d'herbes qui s'étendait jusqu'à la rivière Aiya.","Passé la limite du jardin, commençait la grande plaine d'herbes qui s'étendait jusqu'à la rivière Aiya." La mémoire d'un enfant exagère les distances et les hauteurs.,La mémoire d'un enfant exagère les distances et les hauteurs. J'ai l'impression que cette plaine était aussi vaste qu'une mer.,J'ai l'impression que cette plaine était aussi vaste qu'une mer. "Au bord du socle en ciment qui servait de trottoir à la case, je suis resté des heures, le regard perdu dans cette immensité, suivant les vagues du vent sur les herbes, m'arrêtant de loin en loin sur les petites trombes poussiéreuses qui dansaient au-dessus de la terre sèche, scrutant les taches d'ombre au pied des irokos.","Au bord du socle en ciment qui servait de trottoir à la case, je suis resté des heures, le regard perdu dans cette immensité, suivant les vagues du vent sur les herbes, m'arrêtant de loin en loin sur les petites trombes poussiéreuses qui dansaient au-dessus de la terre sèche, scrutant les taches d'ombre au pied des irokos." "J'étais vraiment sur le pont d'un bateau. Le bateau, c'était la case, non seulement les murs de parpaing et le toit de tôle, mais tout ce qui portait la trace de l'empire britannique – à la manière du navire George Shotton dont j'avais entendu parler, ce vapeur cuirassé et armé en canonnière, surmonté d'un toit de feuilles, sur lequel les Anglais avaient installé les bureaux du consulat et qui remontait le Niger et le Bénoué au temps de lord Lugard.","J'étais vraiment sur le pont d'un bateau. Le bateau, c'était la case, non seulement les murs de parpaing et le toit de tôle, mais tout ce qui portait la trace de l'empire britannique – à la manière du navire George Shotton dont j'avais entendu parler, ce vapeur cuirassé et armé en canonnière, surmonté d'un toit de feuilles, sur lequel les Anglais avaient installé les bureaux du consulat et qui remontait le Niger et le Bénoué au temps de lord Lugard." "J'étais seulement un enfant, la puissance de l'empire m'indifférait assez.","J'étais seulement un enfant, la puissance de l'empire m'indifférait assez." "Mais mon père en pratiquait la règle, comme si elle seule donnait un sens à sa vie.","Mais mon père en pratiquait la règle, comme si elle seule donnait un sens à sa vie." "Il croyait à la discipline, dans chaque geste de chaque jour : se lever tôt, faire aussitôt son lit, se laver à l'eau froide dans le bac de zinc, dont il fallait garder l'eau savonneuse pour mettre à tremper chaussettes et caleçons.","Il croyait à la discipline, dans chaque geste de chaque jour : se lever tôt, faire aussitôt son lit, se laver à l'eau froide dans le bac de zinc, dont il fallait garder l'eau savonneuse pour mettre à tremper chaussettes et caleçons." "Les leçons avec ma mère chaque matin, orthographe, anglais, arithmétique. La prière chaque soir, et le couvre-feu à neuf heures.","Les leçons avec ma mère chaque matin, orthographe, anglais, arithmétique. La prière chaque soir, et le couvre-feu à neuf heures." "Rien de commun avec l'éducation à la française, les jeux du mouchoir et les trappe-trappe, les repas joyeux où tout le monde parle à la fois, et pour finir les douces chantefables que racontait ma grand-mère, les rêveries dans son lit en écoutant grincer la girouette, et la lecture des aventures d'une pie voyageuse au-dessus de la campagne normande, dans le livre La joie de lire.","Rien de commun avec l'éducation à la française, les jeux du mouchoir et les trappe-trappe, les repas joyeux où tout le monde parle à la fois, et pour finir les douces chantefables que racontait ma grand-mère, les rêveries dans son lit en écoutant grincer la girouette, et la lecture des aventures d'une pie voyageuse au-dessus de la campagne normande, dans le livre La joie de lire." "En partant pour l'Afrique, nous avions changé de monde.","En partant pour l'Afrique, nous avions changé de monde." "La compensation à la discipline du matin et du soir, c'était la liberté des jours.","La compensation à la discipline du matin et du soir, c'était la liberté des jours." "La plaine d'herbes devant la case, c'était immense, dangereux et attirant comme la mer.","La plaine d'herbes devant la case, c'était immense, dangereux et attirant comme la mer." Je n'avais jamais imaginé goûter à une telle indépendance.,Je n'avais jamais imaginé goûter à une telle indépendance. "La plaine était là, devant mes yeux, prête à me recevoir.","La plaine était là, devant mes yeux, prête à me recevoir." "Je ne me souviens pas du jour où nous nous sommes aventurés, mon frère et moi, pour la première fois dans la savane.","Je ne me souviens pas du jour où nous nous sommes aventurés, mon frère et moi, pour la première fois dans la savane." "Peut-être à l'instigation des enfants du village, la bande un peu hétéroclite qui comportait des tout-petits tout nus avec un gros ventre et des presque adolescents de douze, treize ans, vêtus comme nous d'un short kaki et d'une chemise, et qui nous avaient appris à ôter chaussures et chaussettes de laine pour courir pieds nus dans les herbes.","Peut-être à l'instigation des enfants du village, la bande un peu hétéroclite qui comportait des tout-petits tout nus avec un gros ventre et des presque adolescents de douze, treize ans, vêtus comme nous d'un short kaki et d'une chemise, et qui nous avaient appris à ôter chaussures et chaussettes de laine pour courir pieds nus dans les herbes." "Ceux que je vois sur quelques photos de l'époque, autour de nous, très noirs, dégingandés, certainement moqueurs et combatifs, mais qui nous avaient acceptés malgré nos différences.","Ceux que je vois sur quelques photos de l'époque, autour de nous, très noirs, dégingandés, certainement moqueurs et combatifs, mais qui nous avaient acceptés malgré nos différences." C'était probablement interdit.,C'était probablement interdit. "Mon père étant absent tout le jour, jusqu'à la nuit, nous avons dû comprendre que l'interdiction ne pouvait qu'être relative.","Mon père étant absent tout le jour, jusqu'à la nuit, nous avons dû comprendre que l'interdiction ne pouvait qu'être relative." Ma mère était douce.,Ma mère était douce. "Sans doute était-elle occupée à d'autres choses, à lire ou à écrire, à l'intérieur de la maison pour échapper à la chaleur de l'après-midi.","Sans doute était-elle occupée à d'autres choses, à lire ou à écrire, à l'intérieur de la maison pour échapper à la chaleur de l'après-midi." "Elle s'était faite africaine, à sa mesure, j'imagine qu'elle devait croire qu'il n'y avait pas d'endroit plus sûr au monde pour deux garçons de notre âge.","Elle s'était faite africaine, à sa mesure, j'imagine qu'elle devait croire qu'il n'y avait pas d'endroit plus sûr au monde pour deux garçons de notre âge." Faisait-il chaud vraiment ?,Faisait-il chaud vraiment ? Je n'en ai aucun souvenir.,Je n'en ai aucun souvenir. "Je me souviens du froid de l'hiver, à Nice, ou à Roquebillière, je ressens encore l'air glacé qui soufflait dans les ruelles, un froid de glace et de neige, malgré nos guêtres et nos gilets en peau de mouton.","Je me souviens du froid de l'hiver, à Nice, ou à Roquebillière, je ressens encore l'air glacé qui soufflait dans les ruelles, un froid de glace et de neige, malgré nos guêtres et nos gilets en peau de mouton." Mais je ne me rappelle pas avoir eu chaud à Ogoja.,Mais je ne me rappelle pas avoir eu chaud à Ogoja. "Quand elle nous voyait sortir, ma mère nous obligeait à mettre nos casques Cawnpore – en réalité des chapeaux de paille qu'elle nous avait achetés avant notre départ dans un magasin de la vieille ville de Nice.","Quand elle nous voyait sortir, ma mère nous obligeait à mettre nos casques Cawnpore – en réalité des chapeaux de paille qu'elle nous avait achetés avant notre départ dans un magasin de la vieille ville de Nice." Mon père avait institué entre autres règles celle des chaussettes de laine et des chaussures de cuir cirées.,Mon père avait institué entre autres règles celle des chaussettes de laine et des chaussures de cuir cirées. "Dès qu'il partait pour son travail, nous nous mettions pieds nus pour courir.","Dès qu'il partait pour son travail, nous nous mettions pieds nus pour courir." "Les premiers temps, je m'écorchais sur le ciment du sol en courant – je ne sais pourquoi, c'était toujours le gros orteil du pied droit dont la peau s'arrachait.","Les premiers temps, je m'écorchais sur le ciment du sol en courant – je ne sais pourquoi, c'était toujours le gros orteil du pied droit dont la peau s'arrachait." "Ma mère me bandait le pied, et je cachais le pansement dans mes chaussettes. Puis cela recommençait.","Ma mère me bandait le pied, et je cachais le pansement dans mes chaussettes. Puis cela recommençait." "Alors, un jour, nous avons couru tout seuls dans la plaine fauve, en direction de la rivière.","Alors, un jour, nous avons couru tout seuls dans la plaine fauve, en direction de la rivière." "L'Aiya à cet endroit n'était pas très large, mais était animée d'un courant violent qui arrachait aux rives des mottes de boue rouge.","L'Aiya à cet endroit n'était pas très large, mais était animée d'un courant violent qui arrachait aux rives des mottes de boue rouge." "La plaine, de chaque côté de la rivière, paraissait sans bornes. De loin en loin, au milieu de la savane, se dressaient de grands arbres au tronc très droit, dont j'ai su plus tard qu'ils servaient à fournir les planchers d'acajou des pays industriels.","La plaine, de chaque côté de la rivière, paraissait sans bornes. De loin en loin, au milieu de la savane, se dressaient de grands arbres au tronc très droit, dont j'ai su plus tard qu'ils servaient à fournir les planchers d'acajou des pays industriels." "Il y avait aussi des cotonniers, et des acacias épineux qui faisaient une ombre légère.","Il y avait aussi des cotonniers, et des acacias épineux qui faisaient une ombre légère." "Nous courions presque sans nous arrêter, à perdre haleine, dans les hautes herbes qui fouettaient nos visages à hauteur des yeux, guidés par les fûts des grands arbres.","Nous courions presque sans nous arrêter, à perdre haleine, dans les hautes herbes qui fouettaient nos visages à hauteur des yeux, guidés par les fûts des grands arbres." "Aujourd'hui encore, quand je vois des images de l'Afrique, les grands parcs du Serengeti ou du Kenya, je ressens un élan du cœur, il me semble reconnaître la plaine où nous courions chaque jour, dans la chaleur de l'après-midi, sans but, pareils à des animaux sauvages.","Aujourd'hui encore, quand je vois des images de l'Afrique, les grands parcs du Serengeti ou du Kenya, je ressens un élan du cœur, il me semble reconnaître la plaine où nous courions chaque jour, dans la chaleur de l'après-midi, sans but, pareils à des animaux sauvages." "Au milieu de la plaine, à une distance suffisante pour que nous ne puissions plus voir notre case, il y avait des châteaux.","Au milieu de la plaine, à une distance suffisante pour que nous ne puissions plus voir notre case, il y avait des châteaux." "Le long d'une aire dénudée et sèche, des pans de murs rouge sombre, aux crêtes noircies par l'incendie, tels les remparts d'une ancienne citadelle. De loin en loin, le long des murs, se dressaient des tours dont les sommets paraissaient becquetés d'oiseaux, déchiquetés, brûlés par la foudre.","Le long d'une aire dénudée et sèche, des pans de murs rouge sombre, aux crêtes noircies par l'incendie, tels les remparts d'une ancienne citadelle. De loin en loin, le long des murs, se dressaient des tours dont les sommets paraissaient becquetés d'oiseaux, déchiquetés, brûlés par la foudre." "Ces murailles occupaient une superficie aussi vaste qu'une ville. Les murs, les tours étaient plus hauts que nous.","Ces murailles occupaient une superficie aussi vaste qu'une ville. Les murs, les tours étaient plus hauts que nous." "Nous n'étions que des enfants, mais dans mon souvenir j'imagine que ces murs devaient être plus hauts qu'un homme adulte, et certaines des tours devaient dépasser deux mètres.","Nous n'étions que des enfants, mais dans mon souvenir j'imagine que ces murs devaient être plus hauts qu'un homme adulte, et certaines des tours devaient dépasser deux mètres." Nous savions que c'était la ville des termites.,Nous savions que c'était la ville des termites. "Comment l'avons-nous su ? Peut-être par mon père, ou bien par un des garçons du village.","Comment l'avons-nous su ? Peut-être par mon père, ou bien par un des garçons du village." Mais personne ne nous accompagnait.,Mais personne ne nous accompagnait. Nous avons appris à démolir ces murs.,Nous avons appris à démolir ces murs. "Nous avions dû commencer par jeter quelques pierres, pour sonder, pour écouter le bruit caverneux qu'elles faisaient en heurtant les termitières.","Nous avions dû commencer par jeter quelques pierres, pour sonder, pour écouter le bruit caverneux qu'elles faisaient en heurtant les termitières." "Puis nous avons frappé à coups de bâton les murs, les hautes tours, pour voir s'écrouler la terre poudreuse, mettre au jour les galeries, les bêtes aveugles qui y vivaient.","Puis nous avons frappé à coups de bâton les murs, les hautes tours, pour voir s'écrouler la terre poudreuse, mettre au jour les galeries, les bêtes aveugles qui y vivaient." "Le jour suivant, les ouvrières avaient colmaté les brèches, tenté de reconstruire les tours.","Le jour suivant, les ouvrières avaient colmaté les brèches, tenté de reconstruire les tours." "Nous frappions à nouveau, jusqu'à en avoir mal aux mains, comme si nous combattions un ennemi invisible.","Nous frappions à nouveau, jusqu'à en avoir mal aux mains, comme si nous combattions un ennemi invisible." "Nous ne parlions pas, nous cognions, nous poussions des cris de rage, et de nouveaux pans de murs s'écroulaient. C'était un jeu.","Nous ne parlions pas, nous cognions, nous poussions des cris de rage, et de nouveaux pans de murs s'écroulaient. C'était un jeu." "Était-ce un jeu ? Nous nous sentions pleins de puissance. Je m'en souviens aujourd'hui, non pas comme d'un divertissement sadique de sale gosse – la cruauté gratuite que des petits garçons peuvent aimer exercer contre une forme de vie sans défense, couper les pattes des doryphores, écraser les crapauds dans l'angle d'une porte –, mais d'une sorte de possession, que nous inspiraient l'étendue de la savane, la proximité de la forêt, la fureur du ciel et des orages.","Était-ce un jeu ? Nous nous sentions pleins de puissance. Je m'en souviens aujourd'hui, non pas comme d'un divertissement sadique de sale gosse – la cruauté gratuite que des petits garçons peuvent aimer exercer contre une forme de vie sans défense, couper les pattes des doryphores, écraser les crapauds dans l'angle d'une porte –, mais d'une sorte de possession, que nous inspiraient l'étendue de la savane, la proximité de la forêt, la fureur du ciel et des orages." "Ou peut-être que nous rejetions de cette manière l'autorité excessive de notre père, rendant coup pour coup avec nos bâtons.","Ou peut-être que nous rejetions de cette manière l'autorité excessive de notre père, rendant coup pour coup avec nos bâtons." Les enfants du village n'étaient jamais avec nous quand nous partions détruire les termitières.,Les enfants du village n'étaient jamais avec nous quand nous partions détruire les termitières. "Sans doute cette rage de démolir les aurait-elle étonnés, eux qui vivaient dans un monde où les termites étaient une évidence, où ils jouaient un rôle dans les légendes. Le dieu termite avait créé les fleuves au début du monde, et c'était lui qui gardait l'eau pour les habitants de la terre.","Sans doute cette rage de démolir les aurait-elle étonnés, eux qui vivaient dans un monde où les termites étaient une évidence, où ils jouaient un rôle dans les légendes. Le dieu termite avait créé les fleuves au début du monde, et c'était lui qui gardait l'eau pour les habitants de la terre." Pourquoi détruire sa maison ?,Pourquoi détruire sa maison ? "La gratuité de cette violence pour eux n'aurait eu aucun sens : en dehors des jeux, bouger signifiait gagner de l'argent, recevoir une friandise, chasser quelque chose de vendable ou de comestible.","La gratuité de cette violence pour eux n'aurait eu aucun sens : en dehors des jeux, bouger signifiait gagner de l'argent, recevoir une friandise, chasser quelque chose de vendable ou de comestible." "Les plus petits étaient sous la surveillance des plus grands, jamais seuls, jamais livrés à eux-mêmes.","Les plus petits étaient sous la surveillance des plus grands, jamais seuls, jamais livrés à eux-mêmes." "Les jeux, les discussions et les menus travaux alternaient sans emploi du temps précis : ils ramassaient le bois mort et les bouses séchées pour le feu en se promenant, ils allaient puiser l'eau pendant des heures devant les puits en bavardant, ils jouaient au trictrac dans la terre, ou bien ils restaient assis devant l'entrée de la maison de mon père, à regarder dans le vague, à attendre pour rien.","Les jeux, les discussions et les menus travaux alternaient sans emploi du temps précis : ils ramassaient le bois mort et les bouses séchées pour le feu en se promenant, ils allaient puiser l'eau pendant des heures devant les puits en bavardant, ils jouaient au trictrac dans la terre, ou bien ils restaient assis devant l'entrée de la maison de mon père, à regarder dans le vague, à attendre pour rien." "S'ils chapardaient, ce ne pouvait être que des choses utiles, un morceau de gâteau, des allumettes, une vieille assiette rouillée.","S'ils chapardaient, ce ne pouvait être que des choses utiles, un morceau de gâteau, des allumettes, une vieille assiette rouillée." "De temps en temps le « garden boy » se fâchait et les chassait à coups de pierre, mais l'instant d'après ils étaient revenus.","De temps en temps le « garden boy » se fâchait et les chassait à coups de pierre, mais l'instant d'après ils étaient revenus." "Alors nous, nous étions sauvages comme de jeunes colons, sûrs de notre liberté, de notre impunité, sans responsabilités et sans aînés.","Alors nous, nous étions sauvages comme de jeunes colons, sûrs de notre liberté, de notre impunité, sans responsabilités et sans aînés." "Quand mon père était absent, quand ma mère dormait, nous nous échappions, la prairie fauve nous happait.","Quand mon père était absent, quand ma mère dormait, nous nous échappions, la prairie fauve nous happait." "Nous courions à toute vitesse, pieds nus, loin de la maison, à travers les hautes herbes qui nous aveuglaient, sautant par-dessus les rochers, sur la terre sèche et craquelée par la chaleur, jusqu'aux cités des termites.","Nous courions à toute vitesse, pieds nus, loin de la maison, à travers les hautes herbes qui nous aveuglaient, sautant par-dessus les rochers, sur la terre sèche et craquelée par la chaleur, jusqu'aux cités des termites." "Nous avions le cœur battant, la violence débordait avec notre souffle, nous prenions des pierres, des bâtons et nous frappions, frappions, nous faisions écrouler des pans de ces cathédrales, pour rien, simplement pour le bonheur de voir monter les nuages de poussière, entendre crouler les tours, résonner le bâton sur les murs durcis, pour voir s'offrir à la lumière les galeries rouges comme des veines où grouillait une vie pâle, couleur de nacre.","Nous avions le cœur battant, la violence débordait avec notre souffle, nous prenions des pierres, des bâtons et nous frappions, frappions, nous faisions écrouler des pans de ces cathédrales, pour rien, simplement pour le bonheur de voir monter les nuages de poussière, entendre crouler les tours, résonner le bâton sur les murs durcis, pour voir s'offrir à la lumière les galeries rouges comme des veines où grouillait une vie pâle, couleur de nacre." "Mais peut-être qu'à l'écrire je rends trop littéraire, trop symbolique la fureur qui animait nos bras quand nous frappions les termitières.","Mais peut-être qu'à l'écrire je rends trop littéraire, trop symbolique la fureur qui animait nos bras quand nous frappions les termitières." "Nous étions seulement deux enfants qui avaient traversé l'enfermement de cinq années de guerre, élevés dans un environnement de femmes, dans un mélange de crainte et de ruse, où le seul éclat était la voix de ma grand-mère maudissant les « Boches ».","Nous étions seulement deux enfants qui avaient traversé l'enfermement de cinq années de guerre, élevés dans un environnement de femmes, dans un mélange de crainte et de ruse, où le seul éclat était la voix de ma grand-mère maudissant les « Boches »." "Ces journées à courir dans les hautes herbes à Ogoja, c'était notre première liberté.","Ces journées à courir dans les hautes herbes à Ogoja, c'était notre première liberté." "La savane, l'orage qui s'accumulait chaque après-midi, la brûlure du soleil sur nos têtes, et cette expression trop forte, presque caricaturale de la nature animale, c'est cela qui emplissait nos petites poitrines et nous lançait contre la muraille des termites, ces noirs châteaux hérissés contre le ciel.","La savane, l'orage qui s'accumulait chaque après-midi, la brûlure du soleil sur nos têtes, et cette expression trop forte, presque caricaturale de la nature animale, c'est cela qui emplissait nos petites poitrines et nous lançait contre la muraille des termites, ces noirs châteaux hérissés contre le ciel." Je crois que je n'ai jamais ressenti un tel élan depuis ce temps-là.,Je crois que je n'ai jamais ressenti un tel élan depuis ce temps-là. "Un tel besoin de me mesurer, de dominer.","Un tel besoin de me mesurer, de dominer." "C'était un moment de nos vies, juste un moment, sans aucune explication, sans regret, sans avenir, presque sans mémoire.","C'était un moment de nos vies, juste un moment, sans aucune explication, sans regret, sans avenir, presque sans mémoire." "J'ai pensé qu'il en aurait été autrement si nous étions restés à Ogoja, si nous étions devenus pareils aux Africains. J'aurais appris à percevoir, à ressentir.","J'ai pensé qu'il en aurait été autrement si nous étions restés à Ogoja, si nous étions devenus pareils aux Africains. J'aurais appris à percevoir, à ressentir." "Comme les garçons du village, j'aurais appris à parler avec les êtres vivants, à voir ce qu'il y avait de divin dans les termites.","Comme les garçons du village, j'aurais appris à parler avec les êtres vivants, à voir ce qu'il y avait de divin dans les termites." "Je crois même qu'au bout d'un temps, je les aurais oubliés.","Je crois même qu'au bout d'un temps, je les aurais oubliés." "Il y avait une hâte, une urgence. Nous étions venus du bout du monde (car Nice était bien un autre bout du monde).","Il y avait une hâte, une urgence. Nous étions venus du bout du monde (car Nice était bien un autre bout du monde)." "Nous étions venus d'un appartement au sixième étage d'un immeuble bourgeois, entouré d'un jardinet où les enfants n'avaient pas le droit de jouer, pour vivre en Afrique équatoriale, au bord d'une rivière boueuse, encerclés par la forêt.","Nous étions venus d'un appartement au sixième étage d'un immeuble bourgeois, entouré d'un jardinet où les enfants n'avaient pas le droit de jouer, pour vivre en Afrique équatoriale, au bord d'une rivière boueuse, encerclés par la forêt." Nous ne savions pas que nous allions en repartir.,Nous ne savions pas que nous allions en repartir. "Peut-être que nous avons pensé, comme tous les enfants, que nous allions y mourir.","Peut-être que nous avons pensé, comme tous les enfants, que nous allions y mourir." "Là-bas, de l'autre côté de la mer, le monde s'était figé dans le silence.","Là-bas, de l'autre côté de la mer, le monde s'était figé dans le silence." "Une grand-mère avec ses contes, un grand-père avec sa voix chantante de Mauricien, des camarades de jeu, de classe, tout cela s'était glacé tels des jouets qu'on enferme dans une malle, telles les peurs qu'on laisse au fond des placards.","Une grand-mère avec ses contes, un grand-père avec sa voix chantante de Mauricien, des camarades de jeu, de classe, tout cela s'était glacé tels des jouets qu'on enferme dans une malle, telles les peurs qu'on laisse au fond des placards." "La plaine d'herbes avait aboli tout cela, dans le souffle chaud de l'après-midi. La plaine d'herbes avait le pouvoir de faire battre nos cœurs, de faire naître la fureur, et de nous laisser chaque soir dolents, rompus de fatigue au bord de nos hamacs.","La plaine d'herbes avait aboli tout cela, dans le souffle chaud de l'après-midi. La plaine d'herbes avait le pouvoir de faire battre nos cœurs, de faire naître la fureur, et de nous laisser chaque soir dolents, rompus de fatigue au bord de nos hamacs." "Les fourmis étaient l'antiface de cette fureur. Le contraire de la plaine d'herbes, de la violence destructrice.","Les fourmis étaient l'antiface de cette fureur. Le contraire de la plaine d'herbes, de la violence destructrice." Y avait-il des fourmis avant Ogoja ?,Y avait-il des fourmis avant Ogoja ? Je ne m'en souviens pas.,Je ne m'en souviens pas. "Ou bien sans doute ces « fourmis d'Argentine », poussière noire qui envahissait chaque nuit la cuisine de ma grand-mère, reliant par des routes minuscules ses jardinières de rosiers en équilibre sur la gouttière et les amas de détritus qu'elle brûlait dans sa chaudière.","Ou bien sans doute ces « fourmis d'Argentine », poussière noire qui envahissait chaque nuit la cuisine de ma grand-mère, reliant par des routes minuscules ses jardinières de rosiers en équilibre sur la gouttière et les amas de détritus qu'elle brûlait dans sa chaudière." "Les fourmis, à Ogoja, étaient des insectes monstrueux de la variété exectoïde, qui creusaient leurs nids à dix mètres de profondeur sous la pelouse du jardin, où devaient vivre des centaines de milliers d'individus.","Les fourmis, à Ogoja, étaient des insectes monstrueux de la variété exectoïde, qui creusaient leurs nids à dix mètres de profondeur sous la pelouse du jardin, où devaient vivre des centaines de milliers d'individus." "Au contraire des termites, doux et sans défense, incapables dans leur cécité de causer le moindre mal, sauf celui de ronger le bois vermoulu des habitations et les troncs des arbres déchus, les fourmis étaient rouges, féroces, dotées d'yeux et de mandibules, capables de sécréter du poison et d'attaquer quiconque se trouvait sur leur chemin. C'étaient elles les véritables maîtresses d'Ogoja.","Au contraire des termites, doux et sans défense, incapables dans leur cécité de causer le moindre mal, sauf celui de ronger le bois vermoulu des habitations et les troncs des arbres déchus, les fourmis étaient rouges, féroces, dotées d'yeux et de mandibules, capables de sécréter du poison et d'attaquer quiconque se trouvait sur leur chemin. C'étaient elles les véritables maîtresses d'Ogoja." "Je garde le souvenir cuisant de ma première rencontre avec les fourmis, dans les jours qui ont suivi mon arrivée. Je suis dans le jardin, non loin de la maison. Je n'ai pas remarqué le cratère qui signale l'entrée de la fourmilière.","Je garde le souvenir cuisant de ma première rencontre avec les fourmis, dans les jours qui ont suivi mon arrivée. Je suis dans le jardin, non loin de la maison. Je n'ai pas remarqué le cratère qui signale l'entrée de la fourmilière." "Tout d'un coup, sans que je m'en sois rendu compte, je suis entouré par des milliers d'insectes.","Tout d'un coup, sans que je m'en sois rendu compte, je suis entouré par des milliers d'insectes." D'où viennent-ils ?,D'où viennent-ils ? J'ai dû pénétrer dans la zone dénudée qui entoure l'orifice de leurs galeries.,J'ai dû pénétrer dans la zone dénudée qui entoure l'orifice de leurs galeries. "Ce n'est pas tant des fourmis que je me souviens, que de la peur que je ressens.","Ce n'est pas tant des fourmis que je me souviens, que de la peur que je ressens." "Je reste immobile, incapable de fuir, incapable de penser, sur le sol tout à coup mouvant, formant un tapis de carapaces, de pattes et d'antennes qui tourne autour de moi et resserre son tourbillon, je vois les fourmis qui ont commencé à monter sur mes chaussures, qui s'enfoncent entre les mailles de ces fameuses chaussettes de laine imposées par mon père. Au même instant je ressens la brûlure des premières morsures, sur mes chevilles, le long de mes jambes.","Je reste immobile, incapable de fuir, incapable de penser, sur le sol tout à coup mouvant, formant un tapis de carapaces, de pattes et d'antennes qui tourne autour de moi et resserre son tourbillon, je vois les fourmis qui ont commencé à monter sur mes chaussures, qui s'enfoncent entre les mailles de ces fameuses chaussettes de laine imposées par mon père. Au même instant je ressens la brûlure des premières morsures, sur mes chevilles, le long de mes jambes." "L'affreuse impression, la hantise d'être mangé vivant. Cela dure quelques secondes, des minutes, un temps aussi long qu'un cauchemar.","L'affreuse impression, la hantise d'être mangé vivant. Cela dure quelques secondes, des minutes, un temps aussi long qu'un cauchemar." "Je ne m'en souviens pas, mais j'ai dû crier, hurler même, parce que, l'instant d'après, je suis secouru par ma mère qui m'emporte dans ses bras et, autour de moi, devant la terrasse de la maison, il y a mon frère, les garçons du voisinage, ils regardent en silence, est-ce qu'ils rient ? Est-ce qu'ils disent : Small boy him cry ? Ma mère ôte mes chaussettes, retournées délicatement comme on enlèverait une peau morte, comme si j'avais été fouetté par des branches épineuses, je vois mes jambes couvertes de points sombres où perle une goutte de sang, ce sont les têtes des fourmis accrochées à la peau, leurs corps ont été arrachés au moment où ma mère retirait mes chaussettes. Leurs mandibules sont enfoncées profondément, il faut les extraire une par une avec une aiguille trempée dans l'alcool.","Je ne m'en souviens pas, mais j'ai dû crier, hurler même, parce que, l'instant d'après, je suis secouru par ma mère qui m'emporte dans ses bras et, autour de moi, devant la terrasse de la maison, il y a mon frère, les garçons du voisinage, ils regardent en silence, est-ce qu'ils rient ? Est-ce qu'ils disent : Small boy him cry ? Ma mère ôte mes chaussettes, retournées délicatement comme on enlèverait une peau morte, comme si j'avais été fouetté par des branches épineuses, je vois mes jambes couvertes de points sombres où perle une goutte de sang, ce sont les têtes des fourmis accrochées à la peau, leurs corps ont été arrachés au moment où ma mère retirait mes chaussettes. Leurs mandibules sont enfoncées profondément, il faut les extraire une par une avec une aiguille trempée dans l'alcool." "Une anecdote, une simple anecdote. D'où vient que j'en garde la marque, comme si les morsures des fourmis guerrières étaient encore sensibles, que tout cela s'était passé hier ?","Une anecdote, une simple anecdote. D'où vient que j'en garde la marque, comme si les morsures des fourmis guerrières étaient encore sensibles, que tout cela s'était passé hier ?" "Sans doute est-ce mêlé de légende, de rêve.","Sans doute est-ce mêlé de légende, de rêve." "Avant ma naissance, raconte ma mère, elle voyage à cheval dans l'Ouest du Cameroun, où mon père est médecin itinérant. La nuit, ils campent dans des « cases de passage », de simples huttes de branches et de palmes au bord du chemin, où ils accrochent leurs hamacs. Un soir, les porteurs sont venus les réveiller. Ils portent des torches enflammées, ils parlent à voix basse, ils pressent mon père et ma mère de se lever.","Avant ma naissance, raconte ma mère, elle voyage à cheval dans l'Ouest du Cameroun, où mon père est médecin itinérant. La nuit, ils campent dans des « cases de passage », de simples huttes de branches et de palmes au bord du chemin, où ils accrochent leurs hamacs. Un soir, les porteurs sont venus les réveiller. Ils portent des torches enflammées, ils parlent à voix basse, ils pressent mon père et ma mère de se lever." "Quand ma mère raconte cela, elle dit que ce qui l'a d'abord alarmée, c'est le silence, partout, alentour, dans la forêt, et les chuchotements des porteurs.","Quand ma mère raconte cela, elle dit que ce qui l'a d'abord alarmée, c'est le silence, partout, alentour, dans la forêt, et les chuchotements des porteurs." "Dès qu'elle est debout, elle voit, à la lumière des torches : une colonne de fourmis (ces mêmes fourmis rouges encadrées de guerrières) qui est sortie de la forêt et qui commence à traverser la case.","Dès qu'elle est debout, elle voit, à la lumière des torches : une colonne de fourmis (ces mêmes fourmis rouges encadrées de guerrières) qui est sortie de la forêt et qui commence à traverser la case." "Une colonne, plutôt un fleuve épais, qui avance lentement, sans s'arrêter, sans se soucier des obstacles, droit devant, chaque fourmi soudée à l'autre, dévorant, brisant tout sur son passage.","Une colonne, plutôt un fleuve épais, qui avance lentement, sans s'arrêter, sans se soucier des obstacles, droit devant, chaque fourmi soudée à l'autre, dévorant, brisant tout sur son passage." "Mon père et ma mère ont juste le temps de rassembler leurs affaires, vêtements, sacs de vivres et de médicaments.","Mon père et ma mère ont juste le temps de rassembler leurs affaires, vêtements, sacs de vivres et de médicaments." "L'instant d'après, le fleuve sombre coule à travers la case.","L'instant d'après, le fleuve sombre coule à travers la case." "Cette histoire, combien de fois ai-je entendu ma mère la raconter ?","Cette histoire, combien de fois ai-je entendu ma mère la raconter ?" "Au point de croire que cela m'était arrivé, de mêler le fleuve dévorant au tourbillon de fourmis qui m'avait assailli. Le mouvement de giration des insectes autour de moi ne me quitte pas, et je reste figé dans un rêve, j'écoute le silence, un silence aigu, strident, plus effrayant qu'aucun bruit au monde.","Au point de croire que cela m'était arrivé, de mêler le fleuve dévorant au tourbillon de fourmis qui m'avait assailli. Le mouvement de giration des insectes autour de moi ne me quitte pas, et je reste figé dans un rêve, j'écoute le silence, un silence aigu, strident, plus effrayant qu'aucun bruit au monde." Le silence des fourmis.,Le silence des fourmis. "À Ogoja, les insectes étaient partout.","À Ogoja, les insectes étaient partout." "Insectes de jour, insectes de nuit. Ceux qui répugnent aux adultes n'ont pas le même effet sur les enfants.","Insectes de jour, insectes de nuit. Ceux qui répugnent aux adultes n'ont pas le même effet sur les enfants." "Je n'ai pas besoin de faire de grands efforts d'imagination pour voir surgir à nouveau, chaque nuit, les armées de cafards – les cancrelats, comme les appelait mon grand-père, sujets d'une sirandane : kankarla, nabit napas kilot, il porte un habit, mais n'a pas de culotte.","Je n'ai pas besoin de faire de grands efforts d'imagination pour voir surgir à nouveau, chaque nuit, les armées de cafards – les cancrelats, comme les appelait mon grand-père, sujets d'une sirandane : kankarla, nabit napas kilot, il porte un habit, mais n'a pas de culotte." "Ils sortaient des fissures du sol, des lattes de bois du plafond, ils galopaient du côté de la cuisine.","Ils sortaient des fissures du sol, des lattes de bois du plafond, ils galopaient du côté de la cuisine." Mon père les détestait.,Mon père les détestait. "Chaque nuit, il parcourait la maison, sa torche électrique d'une main, sa savate dans l'autre, pour une chasse vaine et sans fin.","Chaque nuit, il parcourait la maison, sa torche électrique d'une main, sa savate dans l'autre, pour une chasse vaine et sans fin." "Il était persuadé que les cafards étaient à l'origine de beaucoup de maladies, y compris du cancer.","Il était persuadé que les cafards étaient à l'origine de beaucoup de maladies, y compris du cancer." "Je me souviens de l'entendre dire : « Brossez bien les ongles des pieds, sinon les cancrelats viendront les ronger dans la nuit ! » Pour nous, enfants, c'étaient des insectes comme les autres.","Je me souviens de l'entendre dire : « Brossez bien les ongles des pieds, sinon les cancrelats viendront les ronger dans la nuit ! » Pour nous, enfants, c'étaient des insectes comme les autres." "Nous leur faisions la chasse et nous les capturions, sans doute pour les relâcher du côté de la chambre des parents.","Nous leur faisions la chasse et nous les capturions, sans doute pour les relâcher du côté de la chambre des parents." "Ils étaient gras, d'un brun rougeâtre, très luisants. Ils volaient lourdement.","Ils étaient gras, d'un brun rougeâtre, très luisants. Ils volaient lourdement." Nous avions découvert d'autres compagnons de jeu : les scorpions.,Nous avions découvert d'autres compagnons de jeu : les scorpions. "Moins nombreux que les cafards, mais nous avions notre réserve.","Moins nombreux que les cafards, mais nous avions notre réserve." "Mon père, qui redoutait notre turbulence, avait installé sous la varangue, du côté le plus éloigné de sa chambre, deux trapèzes faits de bouts de corde et de vieux manches d'outils.","Mon père, qui redoutait notre turbulence, avait installé sous la varangue, du côté le plus éloigné de sa chambre, deux trapèzes faits de bouts de corde et de vieux manches d'outils." "Nous utilisions les trapèzes pour un exercice particulier : suspendus par les jambes et la tête en bas, nous relevions délicatement la natte de paille que mon père avait mise pour amortir une éventuelle chute, et nous regardions les scorpions se figer dans une posture défensive, les pinces dressées et leur queue pointant son dard.","Nous utilisions les trapèzes pour un exercice particulier : suspendus par les jambes et la tête en bas, nous relevions délicatement la natte de paille que mon père avait mise pour amortir une éventuelle chute, et nous regardions les scorpions se figer dans une posture défensive, les pinces dressées et leur queue pointant son dard." "Les scorpions qui vivaient sous le tapis étaient généralement petits, noirs, probablement inoffensifs.","Les scorpions qui vivaient sous le tapis étaient généralement petits, noirs, probablement inoffensifs." "Mais de temps à autre, le matin, ils avaient été remplacés par un spécimen plus grand, de couleur blanche tirant sur le jaune, et nous savions instinctivement que cette variété pouvait être venimeuse.","Mais de temps à autre, le matin, ils avaient été remplacés par un spécimen plus grand, de couleur blanche tirant sur le jaune, et nous savions instinctivement que cette variété pouvait être venimeuse." "Le jeu consistait, du haut du trapèze, à taquiner ces animaux avec un brin d'herbe ou une brindille, et à les regarder tourner, comme aimantés, autour de la main qui les agressait.","Le jeu consistait, du haut du trapèze, à taquiner ces animaux avec un brin d'herbe ou une brindille, et à les regarder tourner, comme aimantés, autour de la main qui les agressait." Ils ne piquaient jamais l'instrument. Leurs yeux endurcis savaient faire la différence entre l'objet et la main qui le tenait.,Ils ne piquaient jamais l'instrument. Leurs yeux endurcis savaient faire la différence entre l'objet et la main qui le tenait. "Pour corser l'affaire il fallait donc, de temps en temps, lâcher la brindille et avancer la main, puis la retirer prestement au moment où la queue du scorpion fouettait.","Pour corser l'affaire il fallait donc, de temps en temps, lâcher la brindille et avancer la main, puis la retirer prestement au moment où la queue du scorpion fouettait." J'ai du mal aujourd'hui à me souvenir des sentiments qui nous animaient.,J'ai du mal aujourd'hui à me souvenir des sentiments qui nous animaient. "Il me semble qu'il y avait dans ce rituel du trapèze et du scorpion quelque chose de respectueux, un respect évidemment inspiré par la crainte.","Il me semble qu'il y avait dans ce rituel du trapèze et du scorpion quelque chose de respectueux, un respect évidemment inspiré par la crainte." "Comme les fourmis, les scorpions étaient les vrais habitants de ce lieu, nous ne pouvions être que des locataires indésirables et inévitables, destinés à nous en aller.","Comme les fourmis, les scorpions étaient les vrais habitants de ce lieu, nous ne pouvions être que des locataires indésirables et inévitables, destinés à nous en aller." "Des colons, en somme.","Des colons, en somme." "Les scorpions furent un jour au centre d'une scène dramatique, dont le souvenir fait encore battre mon cœur aujourd'hui.","Les scorpions furent un jour au centre d'une scène dramatique, dont le souvenir fait encore battre mon cœur aujourd'hui." "Mon père (ce devait être un dimanche matin, car il était à la maison) avait découvert dans un placard un scorpion de la variété blanche.","Mon père (ce devait être un dimanche matin, car il était à la maison) avait découvert dans un placard un scorpion de la variété blanche." "En fait, une femelle scorpion, qui transportait sa progéniture sur son dos.","En fait, une femelle scorpion, qui transportait sa progéniture sur son dos." Mon père aurait pu l'aplatir d'un coup de sa fameuse savate.,Mon père aurait pu l'aplatir d'un coup de sa fameuse savate. "Il ne l'a pas fait. Il est allé chercher dans sa pharmacie un flacon d'alcool à 90°, il en a aspergé le scorpion et a gratté une allumette.","Il ne l'a pas fait. Il est allé chercher dans sa pharmacie un flacon d'alcool à 90°, il en a aspergé le scorpion et a gratté une allumette." "Pour une raison que j'ignore, le feu a d'abord pris autour de l'animal, en formant un cercle de flammes bleues, et la femelle scorpion s'est arrêtée dans une posture tragique, les pinces levées au ciel, son corps bandé dressant au-dessus de ses enfants son crochet à venin au bout de sa glande, parfaitement visible.","Pour une raison que j'ignore, le feu a d'abord pris autour de l'animal, en formant un cercle de flammes bleues, et la femelle scorpion s'est arrêtée dans une posture tragique, les pinces levées au ciel, son corps bandé dressant au-dessus de ses enfants son crochet à venin au bout de sa glande, parfaitement visible." "Une deuxième giclée d'alcool l'a d'un seul coup embrasée. L'affaire n'a pas pu durer plus de quelques secondes, et pourtant j'ai l'impression d'être resté longtemps à regarder sa mort. La femelle scorpion a tourné plusieurs fois sur elle-même, sa queue agitée d'un spasme. Ses petits étaient déjà morts et tombaient de son dos, recroquevillés. Puis elle s'est immobilisée, ses pinces repliées sur sa poitrine dans un geste de résignation, et les hautes flammes se sont éteintes.","Une deuxième giclée d'alcool l'a d'un seul coup embrasée. L'affaire n'a pas pu durer plus de quelques secondes, et pourtant j'ai l'impression d'être resté longtemps à regarder sa mort. La femelle scorpion a tourné plusieurs fois sur elle-même, sa queue agitée d'un spasme. Ses petits étaient déjà morts et tombaient de son dos, recroquevillés. Puis elle s'est immobilisée, ses pinces repliées sur sa poitrine dans un geste de résignation, et les hautes flammes se sont éteintes." "Chaque nuit, dans une sorte de revanche du monde animal, la case était envahie par des myriades d'insectes volants.","Chaque nuit, dans une sorte de revanche du monde animal, la case était envahie par des myriades d'insectes volants." "Certains soirs, avant la pluie, ils étaient une armée.","Certains soirs, avant la pluie, ils étaient une armée." "Mon père fermait les portes et les volets (il n'y avait pas de carreaux aux rares fenêtres), dépliait les moustiquaires au-dessus des lits et des hamacs.","Mon père fermait les portes et les volets (il n'y avait pas de carreaux aux rares fenêtres), dépliait les moustiquaires au-dessus des lits et des hamacs." C'était une guerre perdue d'avance.,C'était une guerre perdue d'avance. "Dans la salle à manger, nous nous dépêchions de manger la soupe d'arachide, pour pouvoir gagner l'abri des moustiquaires.","Dans la salle à manger, nous nous dépêchions de manger la soupe d'arachide, pour pouvoir gagner l'abri des moustiquaires." "Les insectes arrivaient par vagues, on les entendait s'écorcher sur les volets, attirés par la lumière de la lampe à pétrole. Ils passaient par les interstices des volets, sous les portes.","Les insectes arrivaient par vagues, on les entendait s'écorcher sur les volets, attirés par la lumière de la lampe à pétrole. Ils passaient par les interstices des volets, sous les portes." "Ils tourbillonnaient follement dans la salle, autour de la lampe, se brûlaient contre le verre.","Ils tourbillonnaient follement dans la salle, autour de la lampe, se brûlaient contre le verre." "Aux murs, là où la lumière se reflétait, les margouillats lançaient leurs petits cris chaque fois qu'ils avalaient une proie.","Aux murs, là où la lumière se reflétait, les margouillats lançaient leurs petits cris chaque fois qu'ils avalaient une proie." "Je ne sais pourquoi, il me semble qu'à aucun autre endroit je n'ai ressenti cette impression de famille, de faire partie d'une cellule. Après les journées brûlantes, à courir dans la savane, après l'orage et les éclairs, cette salle étouffante devenait pareille à la cabine d'un bateau fermée contre la nuit, tandis qu'au-dehors se déchaînait le monde des insectes. Là j'étais vraiment à l'abri, comme à l'intérieur d'une grotte.","Je ne sais pourquoi, il me semble qu'à aucun autre endroit je n'ai ressenti cette impression de famille, de faire partie d'une cellule. Après les journées brûlantes, à courir dans la savane, après l'orage et les éclairs, cette salle étouffante devenait pareille à la cabine d'un bateau fermée contre la nuit, tandis qu'au-dehors se déchaînait le monde des insectes. Là j'étais vraiment à l'abri, comme à l'intérieur d'une grotte." "L'odeur de la soupe d'arachide, du foufou, du pain de manioc, la voix de mon père avec son accent chantant, en train de raconter les anecdotes de sa journée à l'hôpital, et le sentiment du danger au-dehors, l'armée invisible des papillons de nuit qui frappait les volets, les margouillats excités, la nuit chaude, tendue, non pas une nuit de repos et d'abandon comme autrefois, mais une nuit fiévreuse, harassante.","L'odeur de la soupe d'arachide, du foufou, du pain de manioc, la voix de mon père avec son accent chantant, en train de raconter les anecdotes de sa journée à l'hôpital, et le sentiment du danger au-dehors, l'armée invisible des papillons de nuit qui frappait les volets, les margouillats excités, la nuit chaude, tendue, non pas une nuit de repos et d'abandon comme autrefois, mais une nuit fiévreuse, harassante." "Et le goût de la quinine dans la bouche, cette pilule extraordinairement petite et amère qu'il fallait avaler avec un verre d'eau tiède puisée au filtre avant d'aller se coucher, pour prévenir la malaria.","Et le goût de la quinine dans la bouche, cette pilule extraordinairement petite et amère qu'il fallait avaler avec un verre d'eau tiède puisée au filtre avant d'aller se coucher, pour prévenir la malaria." "Oui, je crois que je n'ai jamais connu de tels moments d'intimité, un tel mélange de rituel et de familier.","Oui, je crois que je n'ai jamais connu de tels moments d'intimité, un tel mélange de rituel et de familier." "Si loin de la salle à manger de ma grand-mère, du luxe rassurant des vieux fauteuils de cuir, des conversations endormissantes et de la soupière fumante, décorée d'une guirlande de houx, dans la nuit calme et lointaine de la ville.","Si loin de la salle à manger de ma grand-mère, du luxe rassurant des vieux fauteuils de cuir, des conversations endormissantes et de la soupière fumante, décorée d'une guirlande de houx, dans la nuit calme et lointaine de la ville." "Mon père est arrivé en Afrique en 1928, après deux années passées en Guyane anglaise comme médecin itinérant sur les fleuves.","Mon père est arrivé en Afrique en 1928, après deux années passées en Guyane anglaise comme médecin itinérant sur les fleuves." "Il en est reparti au début des années cinquante, lorsque l'armée a jugé qu'il avait dépassé l'âge de la retraite et qu'il ne pouvait plus servir.","Il en est reparti au début des années cinquante, lorsque l'armée a jugé qu'il avait dépassé l'âge de la retraite et qu'il ne pouvait plus servir." "Plus de vingt ans durant lesquels il a vécu en brousse (un mot qu'on disait alors, qu'on ne dit plus aujourd'hui), seul médecin sur des territoires grands comme des pays entiers, où il avait la charge de la santé de milliers de gens.","Plus de vingt ans durant lesquels il a vécu en brousse (un mot qu'on disait alors, qu'on ne dit plus aujourd'hui), seul médecin sur des territoires grands comme des pays entiers, où il avait la charge de la santé de milliers de gens." "L'homme que j'ai rencontré en 1948, l'année de mes huit ans, était usé, vieilli prématurément par le climat équatorial, devenu irritable à cause de la théophylline qu'il prenait pour lutter contre ses crises d'asthme, rendu amer par la solitude, d'avoir vécu toutes les années de guerre coupé du monde, sans nouvelles de sa famille, dans l'impossibilité de quitter son poste pour aller au secours de sa femme et de ses enfants, ou même de leur envoyer de l'argent.","L'homme que j'ai rencontré en 1948, l'année de mes huit ans, était usé, vieilli prématurément par le climat équatorial, devenu irritable à cause de la théophylline qu'il prenait pour lutter contre ses crises d'asthme, rendu amer par la solitude, d'avoir vécu toutes les années de guerre coupé du monde, sans nouvelles de sa famille, dans l'impossibilité de quitter son poste pour aller au secours de sa femme et de ses enfants, ou même de leur envoyer de l'argent." "La plus grande preuve d'amour qu'il a donnée aux siens, c'est lorsqu'en pleine guerre, il traverse le désert jusqu'en Algérie, pour tenter de rejoindre sa femme et ses enfants et les ramener à l'abri en Afrique.","La plus grande preuve d'amour qu'il a donnée aux siens, c'est lorsqu'en pleine guerre, il traverse le désert jusqu'en Algérie, pour tenter de rejoindre sa femme et ses enfants et les ramener à l'abri en Afrique." Il est arrêté avant d'atteindre Alger et il doit retourner au Nigeria.,Il est arrêté avant d'atteindre Alger et il doit retourner au Nigeria. Ce n'est qu'à la fin de la guerre qu'il pourra revoir sa femme et faire la connaissance de ses enfants au cours d'une brève visite dont je ne garde aucun souvenir.,Ce n'est qu'à la fin de la guerre qu'il pourra revoir sa femme et faire la connaissance de ses enfants au cours d'une brève visite dont je ne garde aucun souvenir. "De longues années d'éloignement et de silence, pendant lesquelles il a continué d'exercer son métier de médecin dans l'urgence, sans médicaments, sans matériel, tandis que partout dans le monde les gens s'entre-tuaient – cela devait être plus que difficile, cela devait être insoutenable, désespérant.","De longues années d'éloignement et de silence, pendant lesquelles il a continué d'exercer son métier de médecin dans l'urgence, sans médicaments, sans matériel, tandis que partout dans le monde les gens s'entre-tuaient – cela devait être plus que difficile, cela devait être insoutenable, désespérant." Il n'en a jamais parlé.,Il n'en a jamais parlé. Il n'a jamais laissé entendre qu'il y ait eu dans son expérience quoi que ce soit d'exceptionnel.,Il n'a jamais laissé entendre qu'il y ait eu dans son expérience quoi que ce soit d'exceptionnel. "Tout ce que j'ai pu savoir de cette période, c'est ce que ma mère a raconté, ou qu'elle a livré parfois dans un soupir : « Ces années de guerre loin l'un de l'autre, c'était dur... » Encore ne parlait-elle pas d'elle-même.","Tout ce que j'ai pu savoir de cette période, c'est ce que ma mère a raconté, ou qu'elle a livré parfois dans un soupir : « Ces années de guerre loin l'un de l'autre, c'était dur... » Encore ne parlait-elle pas d'elle-même." "Elle voulait dire l'angoisse d'être prise au piège de la guerre, pour une femme seule et sans ressources avec deux enfants en bas âge.","Elle voulait dire l'angoisse d'être prise au piège de la guerre, pour une femme seule et sans ressources avec deux enfants en bas âge." "J'imagine que, pour beaucoup de femmes en France, cela a dû être difficile, avec un mari prisonnier en Allemagne, ou disparu sans laisser de traces. Sans doute pour cela cette époque terrible m'a-t-elle paru normale. Les hommes n'étaient pas là, il n'y avait autour de moi que des femmes et des gens très âgés.","J'imagine que, pour beaucoup de femmes en France, cela a dû être difficile, avec un mari prisonnier en Allemagne, ou disparu sans laisser de traces. Sans doute pour cela cette époque terrible m'a-t-elle paru normale. Les hommes n'étaient pas là, il n'y avait autour de moi que des femmes et des gens très âgés." "Ce n'est que longtemps après, quand l'égoïsme naturel aux enfants s'est estompé, que j'ai compris : ma mère, en vivant loin de mon père, avait pratiqué du fait de la guerre un héroïsme sans emphase, non par inconscience ni par résignation (même si la foi religieuse avait pu lui être d'un grand secours), mais par la force que faisait naître en elle une telle inhumanité.","Ce n'est que longtemps après, quand l'égoïsme naturel aux enfants s'est estompé, que j'ai compris : ma mère, en vivant loin de mon père, avait pratiqué du fait de la guerre un héroïsme sans emphase, non par inconscience ni par résignation (même si la foi religieuse avait pu lui être d'un grand secours), mais par la force que faisait naître en elle une telle inhumanité." "Était-ce la guerre, cet interminable silence, qui avait fait de mon père cet homme pessimiste et ombrageux, autoritaire, que nous avons appris à craindre plutôt qu'à aimer ? Était-ce l'Afrique ?","Était-ce la guerre, cet interminable silence, qui avait fait de mon père cet homme pessimiste et ombrageux, autoritaire, que nous avons appris à craindre plutôt qu'à aimer ? Était-ce l'Afrique ?" "Alors, quelle Afrique ?","Alors, quelle Afrique ?" "Certainement pas celle qu'on perçoit aujourd'hui, dans la littérature ou dans le cinéma, bruyante, désordonnée, juvénile, familière, avec ses villages où règnent les matrones, les conteurs, où s'exprime à chaque instant la volonté admirable de survivre dans des conditions qui paraîtraient insurmontables aux habitants des régions plus favorisées.","Certainement pas celle qu'on perçoit aujourd'hui, dans la littérature ou dans le cinéma, bruyante, désordonnée, juvénile, familière, avec ses villages où règnent les matrones, les conteurs, où s'exprime à chaque instant la volonté admirable de survivre dans des conditions qui paraîtraient insurmontables aux habitants des régions plus favorisées." "Cette Afrique-là existait déjà avant la guerre, sans aucun doute.","Cette Afrique-là existait déjà avant la guerre, sans aucun doute." "J'imagine Douala, Port Harcourt, les rues encombrées de voitures, les marchés où courent les enfants luisant de sueur, les groupes de femmes parlant à l'ombre des arbres.","J'imagine Douala, Port Harcourt, les rues encombrées de voitures, les marchés où courent les enfants luisant de sueur, les groupes de femmes parlant à l'ombre des arbres." "Les grandes villes, Onitsha et son marché aux romans populaires, la rumeur des bateaux poussant les grumes sur le grand fleuve. Lagos, Ibadan, Cotonou, le mélange des genres, des peuples, des langues, le côté drolatique, caricatural de la société coloniale, les hommes d'affaires en complets et chapeaux, parapluies noirs impeccablement roulés, les salons surchauffés où s'éventent les Anglaises en robes décolletées, les terrasses des clubs où les agents de la Lloyd's, de la Glynn Mills, de la Barclay's fument leurs cigares en échangeant des mots sur le temps qu'il fait – old chap, this is a tough country – et les domestiques en habit et gants blancs qui circulent en silence en portant les cocktails sur des plateaux d'argent.","Les grandes villes, Onitsha et son marché aux romans populaires, la rumeur des bateaux poussant les grumes sur le grand fleuve. Lagos, Ibadan, Cotonou, le mélange des genres, des peuples, des langues, le côté drolatique, caricatural de la société coloniale, les hommes d'affaires en complets et chapeaux, parapluies noirs impeccablement roulés, les salons surchauffés où s'éventent les Anglaises en robes décolletées, les terrasses des clubs où les agents de la Lloyd's, de la Glynn Mills, de la Barclay's fument leurs cigares en échangeant des mots sur le temps qu'il fait – old chap, this is a tough country – et les domestiques en habit et gants blancs qui circulent en silence en portant les cocktails sur des plateaux d'argent." "Mon père m'a raconté un jour comment il avait décidé de partir au bout du monde, quand il a eu terminé ses études de médecine à l'hôpital Saint Joseph d'Elephant & Castle, à Londres. Étant boursier du gouvernement, il devait effectuer un travail pour la communauté.","Mon père m'a raconté un jour comment il avait décidé de partir au bout du monde, quand il a eu terminé ses études de médecine à l'hôpital Saint Joseph d'Elephant & Castle, à Londres. Étant boursier du gouvernement, il devait effectuer un travail pour la communauté." Il fut donc affecté au département des maladies tropicales à l'hôpital de Southampton.,Il fut donc affecté au département des maladies tropicales à l'hôpital de Southampton. "Il prend le train, débarque à Southampton, s'installe dans une pension. Son service ne débutant que trois jours plus tard, il flâne en ville, va voir les navires en partance.","Il prend le train, débarque à Southampton, s'installe dans une pension. Son service ne débutant que trois jours plus tard, il flâne en ville, va voir les navires en partance." "À son retour à la pension, une lettre l'attend, un mot très sec du chef de l'hôpital disant : « Monsieur, je n'ai pas encore reçu votre carte de visite. » Mon père fait donc imprimer les fameuses cartes (j'en ai encore un exemplaire), juste son nom, sans adresse, sans titre. Et il demande son affectation au ministère des Colonies.","À son retour à la pension, une lettre l'attend, un mot très sec du chef de l'hôpital disant : « Monsieur, je n'ai pas encore reçu votre carte de visite. » Mon père fait donc imprimer les fameuses cartes (j'en ai encore un exemplaire), juste son nom, sans adresse, sans titre. Et il demande son affectation au ministère des Colonies." "Quelques jours plus tard, il s'embarque à destination de Georgetown, en Guyane.","Quelques jours plus tard, il s'embarque à destination de Georgetown, en Guyane." "Sauf pour deux brefs congés, il ne reviendra plus en Europe jusqu'à la fin de sa vie active.","Sauf pour deux brefs congés, il ne reviendra plus en Europe jusqu'à la fin de sa vie active." "J'ai essayé d'imaginer ce qu'aurait pu être sa vie (donc la mienne) si, au lieu de fuir, il avait accepté l'autorité du chef de clinique de Southampton, s'était installé comme médecin de campagne dans la banlieue londonienne (ainsi que mon grand-père l'avait fait dans la banlieue parisienne), à Richmond, par exemple, ou même en Écosse (un pays qu'il avait toujours aimé). Je ne veux pas parler des changements que cela aurait procurés à ses enfants (car naître ici ou là n'a pas dans le fond une importance considérable).","J'ai essayé d'imaginer ce qu'aurait pu être sa vie (donc la mienne) si, au lieu de fuir, il avait accepté l'autorité du chef de clinique de Southampton, s'était installé comme médecin de campagne dans la banlieue londonienne (ainsi que mon grand-père l'avait fait dans la banlieue parisienne), à Richmond, par exemple, ou même en Écosse (un pays qu'il avait toujours aimé). Je ne veux pas parler des changements que cela aurait procurés à ses enfants (car naître ici ou là n'a pas dans le fond une importance considérable)." "Mais ce que cela aurait changé en l'homme qu'il était, qui aurait mené une vie plus conforme, moins solitaire. De soigner des enrhumés et des constipés, plutôt que des lépreux, des impaludés ou des victimes d'encéphalite léthargique. D'apprendre à échanger, non sur le mode exceptionnel, par gestes, par interprète, ou dans cette langue élémentaire qu'était le pidgin English (rien à voir avec le créole de Maurice raffiné et spirituel), mais dans la vie de tous les jours, avec ces gens pleins d'une banalité qui vous rend proche, qui vous intègre à une ville, à un quartier, à une communauté.","Mais ce que cela aurait changé en l'homme qu'il était, qui aurait mené une vie plus conforme, moins solitaire. De soigner des enrhumés et des constipés, plutôt que des lépreux, des impaludés ou des victimes d'encéphalite léthargique. D'apprendre à échanger, non sur le mode exceptionnel, par gestes, par interprète, ou dans cette langue élémentaire qu'était le pidgin English (rien à voir avec le créole de Maurice raffiné et spirituel), mais dans la vie de tous les jours, avec ces gens pleins d'une banalité qui vous rend proche, qui vous intègre à une ville, à un quartier, à une communauté." "Il avait choisi autre chose. Par orgueil sans doute, pour fuir la médiocrité de la société anglaise, par goût de l'aventure aussi. Et cette autre chose n'était pas gratuite.","Il avait choisi autre chose. Par orgueil sans doute, pour fuir la médiocrité de la société anglaise, par goût de l'aventure aussi. Et cette autre chose n'était pas gratuite." "Cela vous plongeait dans un autre monde, vous emportait vers une autre vie. Cela vous exilait au moment de la guerre, vous faisait perdre votre femme et vos enfants, vous rendait, d'une certaine façon, inéluctablement étranger.","Cela vous plongeait dans un autre monde, vous emportait vers une autre vie. Cela vous exilait au moment de la guerre, vous faisait perdre votre femme et vos enfants, vous rendait, d'une certaine façon, inéluctablement étranger." "La première fois que j'ai vu mon père, à Ogoja, il m'a semblé qu'il portait des lorgnons.","La première fois que j'ai vu mon père, à Ogoja, il m'a semblé qu'il portait des lorgnons." D'où me vient cette idée ?,D'où me vient cette idée ? Les lorgnons n'étaient déjà plus très courants à cette époque.,Les lorgnons n'étaient déjà plus très courants à cette époque. "Peut-être qu'à Nice quelques vieux de la vieille avaient conservé cet accessoire, que j'imagine seyant parfaitement à d'anciens officiers russes de l'armée impériale, arborant moustache et favoris, ou bien inventeurs ruinés qui fréquentaient mes « tantes ».","Peut-être qu'à Nice quelques vieux de la vieille avaient conservé cet accessoire, que j'imagine seyant parfaitement à d'anciens officiers russes de l'armée impériale, arborant moustache et favoris, ou bien inventeurs ruinés qui fréquentaient mes « tantes »." "Pourquoi lui ? En réalité, mon père devait porter des lunettes à la mode des années trente, fine monture d'acier et verres ronds qui reflétaient la lumière. Les mêmes que je vois sur les portraits des hommes de sa génération, Louis Jouvet ou James Joyce (avec qui il avait du reste une certaine ressemblance).","Pourquoi lui ? En réalité, mon père devait porter des lunettes à la mode des années trente, fine monture d'acier et verres ronds qui reflétaient la lumière. Les mêmes que je vois sur les portraits des hommes de sa génération, Louis Jouvet ou James Joyce (avec qui il avait du reste une certaine ressemblance)." "Mais une simple paire de lunettes ne suffisait pas à l'image que j'ai gardée de cette première rencontre, l'étrangeté, la dureté de son regard, accentuée par les deux rides verticales entre ses sourcils. Son côté anglais, ou pour mieux dire britannique, la raideur de sa tenue, la sorte d'armature rigide qu'il avait revêtue une fois pour toutes.","Mais une simple paire de lunettes ne suffisait pas à l'image que j'ai gardée de cette première rencontre, l'étrangeté, la dureté de son regard, accentuée par les deux rides verticales entre ses sourcils. Son côté anglais, ou pour mieux dire britannique, la raideur de sa tenue, la sorte d'armature rigide qu'il avait revêtue une fois pour toutes." "Je crois que dans les premières heures qui ont suivi mon arrivée au Nigeria – la longue piste de Port Harcourt à Ogoja, sous la pluie battante, dans la Ford V8 gigantesque et futuriste, qui ne ressemblait à aucun véhicule connu – ce n'est pas l'Afrique qui m'a causé un choc, mais la découverte de ce père inconnu, étrange, possiblement dangereux.","Je crois que dans les premières heures qui ont suivi mon arrivée au Nigeria – la longue piste de Port Harcourt à Ogoja, sous la pluie battante, dans la Ford V8 gigantesque et futuriste, qui ne ressemblait à aucun véhicule connu – ce n'est pas l'Afrique qui m'a causé un choc, mais la découverte de ce père inconnu, étrange, possiblement dangereux." "En l'affublant de lorgnons, je justifiais mon sentiment. Mon père, mon vrai père pouvait-il porter des lorgnons ?","En l'affublant de lorgnons, je justifiais mon sentiment. Mon père, mon vrai père pouvait-il porter des lorgnons ?" Son autorité a tout de suite posé un problème.,Son autorité a tout de suite posé un problème. "Nous avions vécu, mon frère et moi, dans une sorte de paradis anarchique à peu près dépourvu de discipline.","Nous avions vécu, mon frère et moi, dans une sorte de paradis anarchique à peu près dépourvu de discipline." "Le peu d'autorité auquel nous étions confrontés venait de ma grand-mère, une vieille dame généreuse et raffinée, qui était fondamentalement opposée à toute forme de châtiment corporel envers les enfants, lui préférant la raison et la douceur.","Le peu d'autorité auquel nous étions confrontés venait de ma grand-mère, une vieille dame généreuse et raffinée, qui était fondamentalement opposée à toute forme de châtiment corporel envers les enfants, lui préférant la raison et la douceur." "Mon grand-père maternel, lui, avait reçu dans sa jeunesse mauricienne des principes plus stricts, mais son grand âge, l'amour qu'il portait à ma grand-mère, et cette sorte de distance ennuyée propre aux gros fumeurs l'isolaient dans un réduit où il s'enfermait à clef pour, justement, y fumer en paix son caporal.","Mon grand-père maternel, lui, avait reçu dans sa jeunesse mauricienne des principes plus stricts, mais son grand âge, l'amour qu'il portait à ma grand-mère, et cette sorte de distance ennuyée propre aux gros fumeurs l'isolaient dans un réduit où il s'enfermait à clef pour, justement, y fumer en paix son caporal." "Quant à ma mère, c'étaient la fantaisie et le charme.","Quant à ma mère, c'étaient la fantaisie et le charme." "Nous l'aimions, et j'imagine que nos bêtises la faisaient rire.","Nous l'aimions, et j'imagine que nos bêtises la faisaient rire." Je ne me rappelle pas l'avoir entendue élever la voix.,Je ne me rappelle pas l'avoir entendue élever la voix. "Dès lors, nous avions carte blanche pour faire régner dans le petit appartement une terreur enfantine.","Dès lors, nous avions carte blanche pour faire régner dans le petit appartement une terreur enfantine." "Nous avons fait, dans les années qui ont précédé notre départ pour l'Afrique, des choses qui, avec le recul de l'âge, m'apparaissent en effet assez terribles : un jour, à l'instigation de mon frère, j'ai escaladé avec lui la rambarde du balcon (je la vois encore, nettement plus haute que moi) pour accéder à la gouttière, surplombant tout le quartier du haut des six étages.","Nous avons fait, dans les années qui ont précédé notre départ pour l'Afrique, des choses qui, avec le recul de l'âge, m'apparaissent en effet assez terribles : un jour, à l'instigation de mon frère, j'ai escaladé avec lui la rambarde du balcon (je la vois encore, nettement plus haute que moi) pour accéder à la gouttière, surplombant tout le quartier du haut des six étages." "Je pense que mes grands-parents et ma mère ont été si effrayés que, lorsque nous avons consenti à revenir, ils ont oublié de nous punir.","Je pense que mes grands-parents et ma mère ont été si effrayés que, lorsque nous avons consenti à revenir, ils ont oublié de nous punir." "Je me souviens aussi d'avoir été pris par des crises de rage, parce qu'on me refusait quelque chose, un bonbon, un joujou, bref pour une raison tellement insignifiante qu'elle ne m'a pas marqué, une rage telle que je jetais par la fenêtre tout ce qui me tombait sous la main, jusqu'à des meubles.","Je me souviens aussi d'avoir été pris par des crises de rage, parce qu'on me refusait quelque chose, un bonbon, un joujou, bref pour une raison tellement insignifiante qu'elle ne m'a pas marqué, une rage telle que je jetais par la fenêtre tout ce qui me tombait sous la main, jusqu'à des meubles." "À ces moments, rien ni personne ne pouvait me calmer.","À ces moments, rien ni personne ne pouvait me calmer." "Parfois me revient encore la sensation de ces bouffées de colère, quelque chose que je ne peux comparer qu'à l'ivresse de l'éthéromane (l'éther qu'on faisait respirer aux enfants avant de leur arracher les amygdales). La perte de contrôle, l'impression de flotter, et en même temps une extrême lucidité.","Parfois me revient encore la sensation de ces bouffées de colère, quelque chose que je ne peux comparer qu'à l'ivresse de l'éthéromane (l'éther qu'on faisait respirer aux enfants avant de leur arracher les amygdales). La perte de contrôle, l'impression de flotter, et en même temps une extrême lucidité." "C'est l'époque où je suis également la proie de violents maux de tête, par instants si insupportables que je dois me cacher sous les meubles pour ne plus voir la lumière.","C'est l'époque où je suis également la proie de violents maux de tête, par instants si insupportables que je dois me cacher sous les meubles pour ne plus voir la lumière." D'où venaient ces crises ?,D'où venaient ces crises ? "Il me semble aujourd'hui que la seule explication serait l'angoisse des années de guerre. Un monde fermé, sombre, sans espoir.","Il me semble aujourd'hui que la seule explication serait l'angoisse des années de guerre. Un monde fermé, sombre, sans espoir." "La nourriture désastreuse – ce pain noir, dont on disait qu'il était mêlé de sciure de bois, et qui avait failli causer ma mort à l'âge de trois ans.","La nourriture désastreuse – ce pain noir, dont on disait qu'il était mêlé de sciure de bois, et qui avait failli causer ma mort à l'âge de trois ans." "Le bombardement du port de Nice qui m'avait jeté à terre dans la salle de bains de ma grand-mère, cette sensation que je ne peux pas oublier du sol qui se dérobe sous mes pieds. Ou encore l'image de l'ulcère sur la jambe de ma grand-mère, aggravé par les pénuries et le manque de médicaments ; je suis dans le village de montagne où ma mère est allée se cacher, du fait de la position de mon père dans l'armée britannique et du risque de déportation.","Le bombardement du port de Nice qui m'avait jeté à terre dans la salle de bains de ma grand-mère, cette sensation que je ne peux pas oublier du sol qui se dérobe sous mes pieds. Ou encore l'image de l'ulcère sur la jambe de ma grand-mère, aggravé par les pénuries et le manque de médicaments ; je suis dans le village de montagne où ma mère est allée se cacher, du fait de la position de mon père dans l'armée britannique et du risque de déportation." Nous faisons la queue devant le magasin d'alimentation et je regarde les mouches qui se posent sur la plaie ouverte sur la jambe de ma grand-mère.,Nous faisons la queue devant le magasin d'alimentation et je regarde les mouches qui se posent sur la plaie ouverte sur la jambe de ma grand-mère. Le voyage en Afrique met fin à tout cela.,Le voyage en Afrique met fin à tout cela. "Un changement radical : sur instructions de mon père, avant le départ, je dois me faire couper les cheveux, que j'ai portés jusque-là longs comme ceux d'un petit Breton, ce qui eut pour résultat de m'infliger un extraordinaire coup de soleil sur les oreilles, et de me faire rentrer dans le rang de la normalité masculine.","Un changement radical : sur instructions de mon père, avant le départ, je dois me faire couper les cheveux, que j'ai portés jusque-là longs comme ceux d'un petit Breton, ce qui eut pour résultat de m'infliger un extraordinaire coup de soleil sur les oreilles, et de me faire rentrer dans le rang de la normalité masculine." "Plus jamais je ne ressentirai ces atroces migraines, plus jamais je ne pourrai donner libre cours aux crises de colère de ma petite enfance.","Plus jamais je ne ressentirai ces atroces migraines, plus jamais je ne pourrai donner libre cours aux crises de colère de ma petite enfance." L'arrivée en Afrique a été pour moi l'entrée dans l'antichambre du monde adulte.,L'arrivée en Afrique a été pour moi l'entrée dans l'antichambre du monde adulte. "À l'âge de trente ans, mon père quitte Southampton à bord d'un cargo mixte à destination de Georgetown, en Guyane britannique.","À l'âge de trente ans, mon père quitte Southampton à bord d'un cargo mixte à destination de Georgetown, en Guyane britannique." "Les rares photos de lui à cette époque montrent un homme robuste, à l'allure sportive, vêtu de façon élégante, complet veston, chemise à col dur, cravate, gilet, souliers de cuir noir.","Les rares photos de lui à cette époque montrent un homme robuste, à l'allure sportive, vêtu de façon élégante, complet veston, chemise à col dur, cravate, gilet, souliers de cuir noir." "Bientôt huit ans qu'il est parti de Maurice, après l'expulsion de sa famille de la maison natale, le fatal jour de l'an de 1919.","Bientôt huit ans qu'il est parti de Maurice, après l'expulsion de sa famille de la maison natale, le fatal jour de l'an de 1919." "Dans le petit carnet où il a consigné les événements marquants des derniers jours passés à Moka, il écrit : « À présent, je n'ai plus qu'un désir, partir très loin d'ici et ne jamais revenir. » La Guyane, c'était effectivement l'autre extrémité du monde, les antipodes de Maurice.","Dans le petit carnet où il a consigné les événements marquants des derniers jours passés à Moka, il écrit : « À présent, je n'ai plus qu'un désir, partir très loin d'ici et ne jamais revenir. » La Guyane, c'était effectivement l'autre extrémité du monde, les antipodes de Maurice." Est-ce le drame de Moka qui a justifié cet éloignement ?,Est-ce le drame de Moka qui a justifié cet éloignement ? Il y a eu sans doute au moment de son départ une détermination qui ne l'a jamais quitté.,Il y a eu sans doute au moment de son départ une détermination qui ne l'a jamais quitté. Il ne pouvait pas être comme les autres.,Il ne pouvait pas être comme les autres. Il ne pouvait pas oublier.,Il ne pouvait pas oublier. "Il ne parlait jamais de l'événement qui avait été à l'origine de la dispersion de tous les membres de sa famille. Sauf, de temps en temps, pour laisser échapper un éclat de colère.","Il ne parlait jamais de l'événement qui avait été à l'origine de la dispersion de tous les membres de sa famille. Sauf, de temps en temps, pour laisser échapper un éclat de colère." "Pendant sept ans il étudie à Londres, d'abord dans une école d'ingénieur, puis à la faculté de médecine.","Pendant sept ans il étudie à Londres, d'abord dans une école d'ingénieur, puis à la faculté de médecine." "Sa famille est ruinée, et il ne peut compter que sur la bourse du gouvernement.","Sa famille est ruinée, et il ne peut compter que sur la bourse du gouvernement." Il ne peut pas se permettre d'échouer.,Il ne peut pas se permettre d'échouer. Il fait une spécialité de médecine tropicale.,Il fait une spécialité de médecine tropicale. Il sait déjà qu'il n'aura pas les moyens de s'installer comme médecin privé.,Il sait déjà qu'il n'aura pas les moyens de s'installer comme médecin privé. L'épisode de la carte de visite exigée par le médecin-chef de l'hôpital de Southampton ne sera que le prétexte à rompre avec la société européenne.,L'épisode de la carte de visite exigée par le médecin-chef de l'hôpital de Southampton ne sera que le prétexte à rompre avec la société européenne. "La seule part de douceur dans sa vie, à ce moment-là, c'est la fréquentation de son oncle à Paris, la passion qu'il éprouve pour sa cousine germaine, ma mère.","La seule part de douceur dans sa vie, à ce moment-là, c'est la fréquentation de son oncle à Paris, la passion qu'il éprouve pour sa cousine germaine, ma mère." Les congés qu'il passe en France auprès d'eux sont le retour imaginaire vers un passé qui n'est plus.,Les congés qu'il passe en France auprès d'eux sont le retour imaginaire vers un passé qui n'est plus. "Mon père est né dans la même maison que son oncle, à tour de rôle ils y ont grandi, ils ont connu les mêmes lieux, les mêmes secrets, les mêmes cachettes, ils se sont baignés dans le même ruisseau.","Mon père est né dans la même maison que son oncle, à tour de rôle ils y ont grandi, ils ont connu les mêmes lieux, les mêmes secrets, les mêmes cachettes, ils se sont baignés dans le même ruisseau." "Ma mère n'a pas vécu là-bas (elle est née à Milly), mais elle en a toujours entendu parler par son père, cela fait partie de son passé, pour elle cela a le goût d'un rêve inaccessible et familier (car, en ce temps-là, Maurice est si loin qu'on ne peut qu'en rêver).","Ma mère n'a pas vécu là-bas (elle est née à Milly), mais elle en a toujours entendu parler par son père, cela fait partie de son passé, pour elle cela a le goût d'un rêve inaccessible et familier (car, en ce temps-là, Maurice est si loin qu'on ne peut qu'en rêver)." "Mon père et elle sont unis par ce rêve, ils sont ensemble comme les exilés d'un pays inaccessible.","Mon père et elle sont unis par ce rêve, ils sont ensemble comme les exilés d'un pays inaccessible." "Il n'importe. Mon père a décidé de partir, il partira.","Il n'importe. Mon père a décidé de partir, il partira." Le Colonial Office vient de lui attribuer un poste de médecin sur les fleuves de Guyane.,Le Colonial Office vient de lui attribuer un poste de médecin sur les fleuves de Guyane. "Dès qu'il arrive, il affrète une pirogue munie d'un toit de palmes et propulsée par un moteur Ford à axe long. À bord de sa pirogue, accompagné par l'équipe, infirmiers, pilote, guide et interprète, il remonte les rivières : le Mazaruni, l'Essequeibo, le Kupurung, le Demerara.","Dès qu'il arrive, il affrète une pirogue munie d'un toit de palmes et propulsée par un moteur Ford à axe long. À bord de sa pirogue, accompagné par l'équipe, infirmiers, pilote, guide et interprète, il remonte les rivières : le Mazaruni, l'Essequeibo, le Kupurung, le Demerara." "Il prend des photos. Avec son Leica à soufflet, il collectionne des clichés en noir et blanc qui représentent mieux que des mots son éloignement, son enthousiasme devant la beauté de ce nouveau monde.","Il prend des photos. Avec son Leica à soufflet, il collectionne des clichés en noir et blanc qui représentent mieux que des mots son éloignement, son enthousiasme devant la beauté de ce nouveau monde." La nature tropicale n'est pas une découverte pour lui.,La nature tropicale n'est pas une découverte pour lui. "À Maurice, dans les ravins, sous le pont de Moka, la rivière Terre-Rouge n'est pas différente de ce qu'il trouve en haut des fleuves.","À Maurice, dans les ravins, sous le pont de Moka, la rivière Terre-Rouge n'est pas différente de ce qu'il trouve en haut des fleuves." "Mais ce pays est immense, il n'appartient pas encore tout à fait aux hommes.","Mais ce pays est immense, il n'appartient pas encore tout à fait aux hommes." "Sur ses photos paraissent la solitude, l'abandon, l'impression d'avoir touché à la rive la plus lointaine du monde.","Sur ses photos paraissent la solitude, l'abandon, l'impression d'avoir touché à la rive la plus lointaine du monde." "Du débarcadère du Berbice, il photographie la nappe bistre sur laquelle glisse une pirogue, contre un village de tôle semé d'arbres malingres.","Du débarcadère du Berbice, il photographie la nappe bistre sur laquelle glisse une pirogue, contre un village de tôle semé d'arbres malingres." "Sa maison, une sorte de chalet de planches sur pilotis, au bord d'une route vide, flanquée d'un seul palmier absurde.","Sa maison, une sorte de chalet de planches sur pilotis, au bord d'une route vide, flanquée d'un seul palmier absurde." "Ou bien encore la ville de Georgetown, silencieuse et endormie dans la chaleur, maisons blanches aux volets fermés contre le soleil, entourées des mêmes palmiers, emblèmes obsédants des tropiques.","Ou bien encore la ville de Georgetown, silencieuse et endormie dans la chaleur, maisons blanches aux volets fermés contre le soleil, entourées des mêmes palmiers, emblèmes obsédants des tropiques." "Les photos que mon père a aimé prendre, ce sont celles qui montrent l'intérieur du continent, la force inouïe des rapides que sa pirogue doit remonter, halée sur des rondins, à côté des marches de pierre où l'eau cascade, avec sur chaque rive les murs sombres de la forêt.","Les photos que mon père a aimé prendre, ce sont celles qui montrent l'intérieur du continent, la force inouïe des rapides que sa pirogue doit remonter, halée sur des rondins, à côté des marches de pierre où l'eau cascade, avec sur chaque rive les murs sombres de la forêt." "Les chutes de Kaburi, sur le Mazaruni, l'hôpital de Kamakusa, les maisons de bois le long du fleuve, les boutiques de chercheurs de diamants.","Les chutes de Kaburi, sur le Mazaruni, l'hôpital de Kamakusa, les maisons de bois le long du fleuve, les boutiques de chercheurs de diamants." "Soudain une bonace sur un bras du Mazaruni, un miroir d'eau qui étincelle et entraîne vers la rêverie.","Soudain une bonace sur un bras du Mazaruni, un miroir d'eau qui étincelle et entraîne vers la rêverie." "Sur la photo apparaît l'étrave de la pirogue en train de descendre le fleuve, je la regarde et je sens le vent, l'odeur de l'eau, j'entends malgré le grondement du moteur le crissement incessant des insectes dans la forêt, je perçois l'inquiétude qui naît à l'approche de la nuit.","Sur la photo apparaît l'étrave de la pirogue en train de descendre le fleuve, je la regarde et je sens le vent, l'odeur de l'eau, j'entends malgré le grondement du moteur le crissement incessant des insectes dans la forêt, je perçois l'inquiétude qui naît à l'approche de la nuit." "À l'embouchure du rio Demerara, les palans chargent le sucre demerara à bord des cargos rouillés.","À l'embouchure du rio Demerara, les palans chargent le sucre demerara à bord des cargos rouillés." "Et sur une plage, où viennent mourir les vagues du sillage, deux enfants indiens me regardent, un petit garçon de six ans environ et sa sœur à peine plus âgée, tous deux ont le ventre distendu par la parasitose, leurs cheveux très noirs coupés « au bol » au ras des sourcils, comme moi à leur âge.","Et sur une plage, où viennent mourir les vagues du sillage, deux enfants indiens me regardent, un petit garçon de six ans environ et sa sœur à peine plus âgée, tous deux ont le ventre distendu par la parasitose, leurs cheveux très noirs coupés « au bol » au ras des sourcils, comme moi à leur âge." "De son séjour en Guyane, mon père ne rapportera que le souvenir de ces deux enfants indiens, debout au bord du fleuve, qui l'observent en grimaçant un peu à cause du soleil.","De son séjour en Guyane, mon père ne rapportera que le souvenir de ces deux enfants indiens, debout au bord du fleuve, qui l'observent en grimaçant un peu à cause du soleil." "Et ces images d'un monde encore sauvage, entraperçu le long des fleuves. Un monde mystérieux et fragile, où règnent les maladies, la peur, la violence des orpailleurs et des chercheurs de trésors, où l'on entend le chant de désespérance du monde amérindien en train de disparaître.","Et ces images d'un monde encore sauvage, entraperçu le long des fleuves. Un monde mystérieux et fragile, où règnent les maladies, la peur, la violence des orpailleurs et des chercheurs de trésors, où l'on entend le chant de désespérance du monde amérindien en train de disparaître." "S'ils vivent encore, que sont devenus ce garçon et cette fille ?","S'ils vivent encore, que sont devenus ce garçon et cette fille ?" "Ils doivent être des vieillards, proches du terme de l'existence.","Ils doivent être des vieillards, proches du terme de l'existence." "Plus tard, longtemps après, je suis allé à mon tour au pays des Indiens, sur les fleuves. J'ai connu des enfants semblables.","Plus tard, longtemps après, je suis allé à mon tour au pays des Indiens, sur les fleuves. J'ai connu des enfants semblables." "Sans doute le monde a-t-il changé beaucoup, les rivières et les forêts sont moins pures qu'elles n'étaient au temps de la jeunesse de mon père.","Sans doute le monde a-t-il changé beaucoup, les rivières et les forêts sont moins pures qu'elles n'étaient au temps de la jeunesse de mon père." Pourtant il m'a semblé comprendre le sentiment d'aventure qu'il avait éprouvé en débarquant au port de Georgetown.,Pourtant il m'a semblé comprendre le sentiment d'aventure qu'il avait éprouvé en débarquant au port de Georgetown. "Moi aussi, j'ai acheté une pirogue, j'ai voyagé debout à la proue, les orteils écartés pour mieux agripper le bord, balançant la longue perche dans mes mains, regardant les cormorans s'envoler devant moi, écoutant le vent souffler dans mes oreilles et les échos du moteur de hors-bord s'enfoncer derrière moi dans l'épaisseur de la forêt.","Moi aussi, j'ai acheté une pirogue, j'ai voyagé debout à la proue, les orteils écartés pour mieux agripper le bord, balançant la longue perche dans mes mains, regardant les cormorans s'envoler devant moi, écoutant le vent souffler dans mes oreilles et les échos du moteur de hors-bord s'enfoncer derrière moi dans l'épaisseur de la forêt." "En examinant la photo prise par mon père à l'avant de la pirogue, j'ai reconnu la proue au museau un peu carré, la corde d'amarrage enroulée et, posée en travers de la coque pour servir occasionnellement de banquette, la canalete, la pagaie indienne à lame triangulaire.","En examinant la photo prise par mon père à l'avant de la pirogue, j'ai reconnu la proue au museau un peu carré, la corde d'amarrage enroulée et, posée en travers de la coque pour servir occasionnellement de banquette, la canalete, la pagaie indienne à lame triangulaire." "Et devant moi, au bout de la longue « rue » du fleuve, les deux murailles noires de la forêt qui se referment.","Et devant moi, au bout de la longue « rue » du fleuve, les deux murailles noires de la forêt qui se referment." "Quand je suis revenu des terres indiennes, mon père était déjà malade, enfermé dans son silence obstiné.","Quand je suis revenu des terres indiennes, mon père était déjà malade, enfermé dans son silence obstiné." "Je me souviens de l'étincelle dans ses yeux quand je lui ai raconté que j'avais parlé de lui aux Indiens, et qu'ils l'invitaient à retourner sur les fleuves, qu'en échange de son savoir et de ses médicaments, ils lui offraient une maison et la nourriture pour le temps qu'il voudrait.","Je me souviens de l'étincelle dans ses yeux quand je lui ai raconté que j'avais parlé de lui aux Indiens, et qu'ils l'invitaient à retourner sur les fleuves, qu'en échange de son savoir et de ses médicaments, ils lui offraient une maison et la nourriture pour le temps qu'il voudrait." "Il a eu un léger sourire, il a dit, je crois : « Il y a dix ans, j'y serais allé. » C'était trop tard, le temps ne se remonte pas, même dans les rêves.","Il a eu un léger sourire, il a dit, je crois : « Il y a dix ans, j'y serais allé. » C'était trop tard, le temps ne se remonte pas, même dans les rêves." C'est la Guyane qui a préparé mon père à l'Afrique.,C'est la Guyane qui a préparé mon père à l'Afrique. "Après tout ce temps passé sur les fleuves, il ne pouvait pas revenir en Europe – encore moins à Maurice, ce petit pays où il se sentait à l'étroit au milieu de gens égoïstes et vaniteux.","Après tout ce temps passé sur les fleuves, il ne pouvait pas revenir en Europe – encore moins à Maurice, ce petit pays où il se sentait à l'étroit au milieu de gens égoïstes et vaniteux." "Un poste venait d'être créé en Afrique de l'Ouest, dans la bande de terre reprise à l'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale, et qui comprenait l'est du Nigeria et l'Ouest du Cameroun, sous mandat britannique. Mon père s'est porté volontaire.","Un poste venait d'être créé en Afrique de l'Ouest, dans la bande de terre reprise à l'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale, et qui comprenait l'est du Nigeria et l'Ouest du Cameroun, sous mandat britannique. Mon père s'est porté volontaire." "Début 1928, il est dans un bateau qui longe la côte de l'Afrique à destination de Victoria, sur la baie du Biafra.","Début 1928, il est dans un bateau qui longe la côte de l'Afrique à destination de Victoria, sur la baie du Biafra." "C'est ce même voyage que j'ai fait, vingt ans plus tard, avec ma mère et mon frère, pour retrouver mon père au Nigeria après la guerre.","C'est ce même voyage que j'ai fait, vingt ans plus tard, avec ma mère et mon frère, pour retrouver mon père au Nigeria après la guerre." "Mais lui n'est pas un enfant qui se laisse porter par le courant des événements. Il a alors trentedeux ans, c'est un homme endurci par deux années d'expérience médicale en Amérique tropicale, il connaît la maladie et la mort, il les a côtoyées chaque jour, dans l'urgence, sans protection.","Mais lui n'est pas un enfant qui se laisse porter par le courant des événements. Il a alors trentedeux ans, c'est un homme endurci par deux années d'expérience médicale en Amérique tropicale, il connaît la maladie et la mort, il les a côtoyées chaque jour, dans l'urgence, sans protection." "Son frère Eugène, qui a été médecin avant lui en Afrique, le lui a certainement dit : il ne va pas dans un pays facile. Le Nigeria est sans doute « pacifié », occupé par l'armée britannique. Mais c'est une région où la guerre est permanente, guerre des hommes entre eux, guerre de la pauvreté, guerre des mauvais traitements et de la corruption hérités de la colonisation, guerre microbienne surtout.","Son frère Eugène, qui a été médecin avant lui en Afrique, le lui a certainement dit : il ne va pas dans un pays facile. Le Nigeria est sans doute « pacifié », occupé par l'armée britannique. Mais c'est une région où la guerre est permanente, guerre des hommes entre eux, guerre de la pauvreté, guerre des mauvais traitements et de la corruption hérités de la colonisation, guerre microbienne surtout." "Au Calabar, au Cameroun, l'ennemi n'est plus Aro Chuku et son oracle, ni les armées des Foulanis et leurs longues carabines venues d'Arabie.","Au Calabar, au Cameroun, l'ennemi n'est plus Aro Chuku et son oracle, ni les armées des Foulanis et leurs longues carabines venues d'Arabie." "Les ennemis s'appellent kwashiorkor, bacille virgule, ténia, bilharzia, variole, dysenterie amibienne.","Les ennemis s'appellent kwashiorkor, bacille virgule, ténia, bilharzia, variole, dysenterie amibienne." "Face à ces ennemis, la trousse de médecin de mon père doit lui paraître bien légère. Scalpel, pinces à clampser, trépan, stéthoscope, garrots, et quelques outils de base, dont la seringue de laiton avec laquelle il m'a injecté plus tard des vaccins.","Face à ces ennemis, la trousse de médecin de mon père doit lui paraître bien légère. Scalpel, pinces à clampser, trépan, stéthoscope, garrots, et quelques outils de base, dont la seringue de laiton avec laquelle il m'a injecté plus tard des vaccins." "Les antibiotiques, la cortisone n'existent pas.","Les antibiotiques, la cortisone n'existent pas." "Les sulfamides sont rares, les poudres et les onguents ressemblent à des potions de sorcier.","Les sulfamides sont rares, les poudres et les onguents ressemblent à des potions de sorcier." "Les vaccins sont en quantité très limitée, pour combattre les épidémies.","Les vaccins sont en quantité très limitée, pour combattre les épidémies." Le territoire à parcourir pour livrer cette bataille aux maladies est immense.,Le territoire à parcourir pour livrer cette bataille aux maladies est immense. "À côté de ce qui attend mon père en Afrique, les expéditions pour remonter les fleuves de Guyane ont pu lui sembler des promenades.","À côté de ce qui attend mon père en Afrique, les expéditions pour remonter les fleuves de Guyane ont pu lui sembler des promenades." "Dans l'Ouest africain, il va rester vingt-deux ans, jusqu'à la limite de ses forces.","Dans l'Ouest africain, il va rester vingt-deux ans, jusqu'à la limite de ses forces." "Ici, il connaîtra tout, depuis l'enthousiasme du commencement, la découverte des grands fleuves, le Niger, le Bénoué, jusqu'aux hautes terres du Cameroun.","Ici, il connaîtra tout, depuis l'enthousiasme du commencement, la découverte des grands fleuves, le Niger, le Bénoué, jusqu'aux hautes terres du Cameroun." "Il partagera l'amour et l'aventure avec sa femme, à cheval sur les sentiers de montagne.","Il partagera l'amour et l'aventure avec sa femme, à cheval sur les sentiers de montagne." "Puis la solitude et l'angoisse de la guerre, jusqu'à l'usure, jusqu'à l'amertume des derniers instants, ce sentiment d'avoir dépassé la mesure d'une vie.","Puis la solitude et l'angoisse de la guerre, jusqu'à l'usure, jusqu'à l'amertume des derniers instants, ce sentiment d'avoir dépassé la mesure d'une vie." "Tout cela, je ne l'ai compris que beaucoup plus tard, en partant comme lui, pour voyager dans un autre monde.","Tout cela, je ne l'ai compris que beaucoup plus tard, en partant comme lui, pour voyager dans un autre monde." "Je l'ai lu, non pas sur les rares objets, masques, statuettes, et les quelques meubles qu'il avait rapportés du pays ibo et des Grass Fields du Cameroun.","Je l'ai lu, non pas sur les rares objets, masques, statuettes, et les quelques meubles qu'il avait rapportés du pays ibo et des Grass Fields du Cameroun." "Ni même en regardant les photos qu'il a prises pendant les premières années, à son arrivée en Afrique.","Ni même en regardant les photos qu'il a prises pendant les premières années, à son arrivée en Afrique." "Je l'ai su en redécouvrant, en apprenant à mieux lire les objets de la vie quotidienne qui ne l'avaient jamais quitté, même pendant sa retraite en France : ces tasses, assiettes de métal émaillé bleu et blanc faites en Suède, ces couverts en aluminium avec lesquels il avait mangé pendant toutes ces années, ces gamelles emboîtées qui lui servaient en campagne, dans les cases de passage.","Je l'ai su en redécouvrant, en apprenant à mieux lire les objets de la vie quotidienne qui ne l'avaient jamais quitté, même pendant sa retraite en France : ces tasses, assiettes de métal émaillé bleu et blanc faites en Suède, ces couverts en aluminium avec lesquels il avait mangé pendant toutes ces années, ces gamelles emboîtées qui lui servaient en campagne, dans les cases de passage." "Et tous les autres objets, marqués, cabossés par les cahots, portant la trace des pluies diluviennes et la décoloration particulière du soleil sous l'équateur, des objets dont il avait refusé de se défaire et qui, à ses yeux, valaient mieux que n'importe quel bibelot ou souvenir folklorique.","Et tous les autres objets, marqués, cabossés par les cahots, portant la trace des pluies diluviennes et la décoloration particulière du soleil sous l'équateur, des objets dont il avait refusé de se défaire et qui, à ses yeux, valaient mieux que n'importe quel bibelot ou souvenir folklorique." "Ses malles de bois cerclées de fer, dont il avait repeint plusieurs fois les gonds et les serrures, et sur lesquelles je lisais encore l'adresse du port de destination finale : General Hospital, Victoria, Cameroons.","Ses malles de bois cerclées de fer, dont il avait repeint plusieurs fois les gonds et les serrures, et sur lesquelles je lisais encore l'adresse du port de destination finale : General Hospital, Victoria, Cameroons." "Outre ces bagages dignes d'un voyageur du temps de Kipling ou de Jules Verne, il y avait toute la série des boîtes à cirage et des pains de savon noir, les lampes à pétrole, les brûleurs d'alcool, et ces grandes boîtes à biscuits « Marie » en fer dans lesquelles il a gardé jusqu'à la fin de sa vie son thé et son sucre en poudre.","Outre ces bagages dignes d'un voyageur du temps de Kipling ou de Jules Verne, il y avait toute la série des boîtes à cirage et des pains de savon noir, les lampes à pétrole, les brûleurs d'alcool, et ces grandes boîtes à biscuits « Marie » en fer dans lesquelles il a gardé jusqu'à la fin de sa vie son thé et son sucre en poudre." "Les outils aussi, ses instruments de chirurgien, qu'il utilisait en France pour faire la cuisine, découpant le poulet au scalpel et servant avec une pince à clampser.","Les outils aussi, ses instruments de chirurgien, qu'il utilisait en France pour faire la cuisine, découpant le poulet au scalpel et servant avec une pince à clampser." "Les meubles enfin, non pas ces fameux tabourets et trônes monoxyles d'art nègre.","Les meubles enfin, non pas ces fameux tabourets et trônes monoxyles d'art nègre." "Il leur préférait son vieux fauteuil pliant en toile et bambou qu'il avait transporté d'une case de passage à l'autre sur tous les chemins de montagne, et la petite table au plateau de rotin qui servait de support à son poste de radio, sur lequel, jusqu'à la fin de sa vie, il écoutait chaque soir, à sept heures, les informations de la BBC : Pom pom pom pom ! British Broadcasting Corporation, here is the news !","Il leur préférait son vieux fauteuil pliant en toile et bambou qu'il avait transporté d'une case de passage à l'autre sur tous les chemins de montagne, et la petite table au plateau de rotin qui servait de support à son poste de radio, sur lequel, jusqu'à la fin de sa vie, il écoutait chaque soir, à sept heures, les informations de la BBC : Pom pom pom pom ! British Broadcasting Corporation, here is the news !" C'était comme s'il n'avait jamais quitté l'Afrique.,C'était comme s'il n'avait jamais quitté l'Afrique. "À son retour en France, il avait gardé les habitudes de son métier, levé à six heures, habillé (toujours de son pantalon de toile kaki), ses chaussures cirées, son chapeau sur la tête, pour aller faire ses courses au marché – comme jadis il partait pour la tournée des lits à l'hôpital –, de retour chez lui à huit heures, pour préparer le repas – avec la minutie d'une intervention chirurgicale.","À son retour en France, il avait gardé les habitudes de son métier, levé à six heures, habillé (toujours de son pantalon de toile kaki), ses chaussures cirées, son chapeau sur la tête, pour aller faire ses courses au marché – comme jadis il partait pour la tournée des lits à l'hôpital –, de retour chez lui à huit heures, pour préparer le repas – avec la minutie d'une intervention chirurgicale." Il avait conservé toutes les manies des anciens militaires.,Il avait conservé toutes les manies des anciens militaires. "L'homme qui avait reçu l'entraînement des médecins en pays lointains – être ambidextre, capable de s'opérer soi-même en se servant d'un miroir ou de recoudre sa hernie.","L'homme qui avait reçu l'entraînement des médecins en pays lointains – être ambidextre, capable de s'opérer soi-même en se servant d'un miroir ou de recoudre sa hernie." "L'homme aux mains calleuses de chirurgien, qui pouvait scier un os ou placer une attelle, qui savait faire des nœuds et des épissures – cet homme n'utilisait plus son énergie et son savoir qu'à ces tâches minuscules et ingrates auxquelles se refusent la plupart des gens à la retraite : avec la même application, il faisait la vaisselle, réparait les tomettes cassées de son appartement, lavait son linge, reprisait ses chaussettes, construisait des bancs et des étagères avec du bois de caisse.","L'homme aux mains calleuses de chirurgien, qui pouvait scier un os ou placer une attelle, qui savait faire des nœuds et des épissures – cet homme n'utilisait plus son énergie et son savoir qu'à ces tâches minuscules et ingrates auxquelles se refusent la plupart des gens à la retraite : avec la même application, il faisait la vaisselle, réparait les tomettes cassées de son appartement, lavait son linge, reprisait ses chaussettes, construisait des bancs et des étagères avec du bois de caisse." L'Afrique avait mis en lui une marque qui se confondait avec les traces laissées par l'éducation spartiate de sa famille à Maurice.,L'Afrique avait mis en lui une marque qui se confondait avec les traces laissées par l'éducation spartiate de sa famille à Maurice. L'habit à l'occidentale qu'il endossait chaque matin pour aller au marché devait lui peser.,L'habit à l'occidentale qu'il endossait chaque matin pour aller au marché devait lui peser. "Dès qu'il rentrait chez lui, il enfilait une large chemise bleue à la manière des tuniques des Haoussas du Cameroun, qu'il gardait jusqu'à l'heure de se coucher.","Dès qu'il rentrait chez lui, il enfilait une large chemise bleue à la manière des tuniques des Haoussas du Cameroun, qu'il gardait jusqu'à l'heure de se coucher." C'est ainsi que je le vois à la fin de sa vie.,C'est ainsi que je le vois à la fin de sa vie. Non plus l'aventurier ni le militaire inflexible.,Non plus l'aventurier ni le militaire inflexible. "Mais un vieil homme dépaysé, exilé de sa vie et de sa passion, un survivant.","Mais un vieil homme dépaysé, exilé de sa vie et de sa passion, un survivant." "L'Afrique, pour mon père, a commencé en touchant la Gold Coast, à Accra.","L'Afrique, pour mon père, a commencé en touchant la Gold Coast, à Accra." "Image caractéristique de la Colonie : des voyageurs européens, vêtus de blanc et coiffés du casque Cawnpore, sont débarqués dans une nacelle et transportés jusqu'à terre à bord d'une pirogue montée par des Noirs.","Image caractéristique de la Colonie : des voyageurs européens, vêtus de blanc et coiffés du casque Cawnpore, sont débarqués dans une nacelle et transportés jusqu'à terre à bord d'une pirogue montée par des Noirs." "Cette Afrique-là n'est pas très dépaysante : c'est l'étroite bande qui suit le contour de la côte, depuis la pointe du Sénégal jusqu'au golfe de Guinée, que connaissent tous ceux qui viennent des métropoles pour faire des affaires et s'enrichir promptement.","Cette Afrique-là n'est pas très dépaysante : c'est l'étroite bande qui suit le contour de la côte, depuis la pointe du Sénégal jusqu'au golfe de Guinée, que connaissent tous ceux qui viennent des métropoles pour faire des affaires et s'enrichir promptement." "Une société qui, en moins d'un demi-siècle, s'est architecturée en castes, lieux réservés, interdits, privilèges, abus et profits.","Une société qui, en moins d'un demi-siècle, s'est architecturée en castes, lieux réservés, interdits, privilèges, abus et profits." "Banquiers, agents commerciaux, administrateurs civils ou militaires, juges, policiers et gendarmes.","Banquiers, agents commerciaux, administrateurs civils ou militaires, juges, policiers et gendarmes." "Autour d'eux, dans les grandes villes portuaires, Lomé, Cotonou, Lagos, comme à Georgetown en Guyane, s'est créée une zone propre, luxueuse, avec pelouses impeccables et terrains de golf, et des palais de stuc ou de bois précieux dans de vastes palmeraies, au bord d'un lac artificiel, telle la maison du directeur du service médical à Lagos.","Autour d'eux, dans les grandes villes portuaires, Lomé, Cotonou, Lagos, comme à Georgetown en Guyane, s'est créée une zone propre, luxueuse, avec pelouses impeccables et terrains de golf, et des palais de stuc ou de bois précieux dans de vastes palmeraies, au bord d'un lac artificiel, telle la maison du directeur du service médical à Lagos." "Un peu plus loin, le cercle des colonisés, avec l'échafaudage complexe qu'ont décrit Rudyard Kipling pour l'Inde et Rider Haggard pour l'Est africain.","Un peu plus loin, le cercle des colonisés, avec l'échafaudage complexe qu'ont décrit Rudyard Kipling pour l'Inde et Rider Haggard pour l'Est africain." "C'est la frange domestique, l'élastique tampon des intermédiaires, greffiers, grouillots, chaouchs, chocras (les mots ne manquent pas !), habillés à demi à l'européenne, portant chaussures et parapluies noirs.","C'est la frange domestique, l'élastique tampon des intermédiaires, greffiers, grouillots, chaouchs, chocras (les mots ne manquent pas !), habillés à demi à l'européenne, portant chaussures et parapluies noirs." "Enfin, à l'extérieur, c'est l'océan immense des Africains, qui ne connaissent des Occidentaux que leurs ordres et l'image presque irréelle d'une voiture carrossée de noir qui roule à toute vitesse dans un nuage de poussière et qui traverse en cornant leurs quartiers et leurs villages.","Enfin, à l'extérieur, c'est l'océan immense des Africains, qui ne connaissent des Occidentaux que leurs ordres et l'image presque irréelle d'une voiture carrossée de noir qui roule à toute vitesse dans un nuage de poussière et qui traverse en cornant leurs quartiers et leurs villages." C'est cette image que mon père a détestée.,C'est cette image que mon père a détestée. "Lui qui avait rompu avec Maurice et son passé colonial, et se moquait des planteurs et de leurs airs de grandeur, lui qui avait fui le conformisme de la société anglaise, pour laquelle un homme ne valait que par sa carte de visite, lui qui avait parcouru les fleuves sauvages de Guyane, qui avait pansé, recousu, soigné les chercheurs de diamants et les Indiens sous-alimentés ; cet homme ne pouvait pas ne pas vomir le monde colonial et son injustice outrecuidante, ses cocktails parties et ses golfeurs en tenue, sa domesticité, ses maîtresses d'ébène prostituées de quinze ans introduites par la porte de service, et ses épouses officielles pouffant de chaleur et faisant rejaillir leur rancœur sur leurs serviteurs pour une question de gants, de poussière ou de vaisselle cassée.","Lui qui avait rompu avec Maurice et son passé colonial, et se moquait des planteurs et de leurs airs de grandeur, lui qui avait fui le conformisme de la société anglaise, pour laquelle un homme ne valait que par sa carte de visite, lui qui avait parcouru les fleuves sauvages de Guyane, qui avait pansé, recousu, soigné les chercheurs de diamants et les Indiens sous-alimentés ; cet homme ne pouvait pas ne pas vomir le monde colonial et son injustice outrecuidante, ses cocktails parties et ses golfeurs en tenue, sa domesticité, ses maîtresses d'ébène prostituées de quinze ans introduites par la porte de service, et ses épouses officielles pouffant de chaleur et faisant rejaillir leur rancœur sur leurs serviteurs pour une question de gants, de poussière ou de vaisselle cassée." En parlait-il ?,En parlait-il ? D'où me vient cette instinctive répulsion que j'ai ressentie depuis l'enfance pour le système de la Colonie ?,D'où me vient cette instinctive répulsion que j'ai ressentie depuis l'enfance pour le système de la Colonie ? "Sans doute ai-je capté un mot, une réflexion, à propos des ridicules des administrateurs, tel le district officer d'Abakaliki que mon père m'emmenait voir parfois et qui vivait au milieu de sa meute de pékinois nourris au filet de bœuf et aux petits gâteaux, abreuvés uniquement à l'eau minérale.","Sans doute ai-je capté un mot, une réflexion, à propos des ridicules des administrateurs, tel le district officer d'Abakaliki que mon père m'emmenait voir parfois et qui vivait au milieu de sa meute de pékinois nourris au filet de bœuf et aux petits gâteaux, abreuvés uniquement à l'eau minérale." "Ou bien les récits de grands Blancs qui voyageaient en convoi, à la chasse aux lions et aux éléphants, armés de fusils à lunette et de balles explosives, et qui, lorsqu'ils croisaient mon père dans ces contrées perdues, le prenaient pour un organisateur de safaris et l'interrogeaient sur la présence d'animaux sauvages, à quoi mon père répondait : « Depuis vingt ans que je suis ici, je n'en ai jamais vu un, à moins que vous ne parliez de serpents et de vautours. » Ou encore le district officer en poste à Obudu, à la frontière du Cameroun, qui s'amusait à me faire toucher les crânes des gorilles qu'il avait tués et me montrait les collines derrière chez lui en prétendant qu'on entendait le soir la pétarade des grands singes qui le provoquaient en se frappant la poitrine.","Ou bien les récits de grands Blancs qui voyageaient en convoi, à la chasse aux lions et aux éléphants, armés de fusils à lunette et de balles explosives, et qui, lorsqu'ils croisaient mon père dans ces contrées perdues, le prenaient pour un organisateur de safaris et l'interrogeaient sur la présence d'animaux sauvages, à quoi mon père répondait : « Depuis vingt ans que je suis ici, je n'en ai jamais vu un, à moins que vous ne parliez de serpents et de vautours. » Ou encore le district officer en poste à Obudu, à la frontière du Cameroun, qui s'amusait à me faire toucher les crânes des gorilles qu'il avait tués et me montrait les collines derrière chez lui en prétendant qu'on entendait le soir la pétarade des grands singes qui le provoquaient en se frappant la poitrine." "Et surtout, l'image obsédante que j'ai gardée, sur la route qui conduisait à la piscine d'Abakaliki, la cohorte des prisonniers noirs enchaînés, marchant au pas cadencé, encadrés par les policiers armés de fusils.","Et surtout, l'image obsédante que j'ai gardée, sur la route qui conduisait à la piscine d'Abakaliki, la cohorte des prisonniers noirs enchaînés, marchant au pas cadencé, encadrés par les policiers armés de fusils." Peut-être est-ce le regard de ma mère sur ce continent à la fois si neuf et si malmené par le monde moderne ?,Peut-être est-ce le regard de ma mère sur ce continent à la fois si neuf et si malmené par le monde moderne ? "Je ne me souviens pas de ce qu'elle nous disait, à mon frère et à moi, quand elle nous parlait du pays où elle avait vécu avec mon père, où nous devions le rejoindre un jour. Je sais seulement que, lorsque ma mère a décidé de se marier avec mon père, et d'aller vivre au Cameroun, ses amies parisiennes lui ont dit : « Quoi, chez les sauvages ? » et qu'elle, après tout ce que mon père lui avait raconté, n'a pu que répondre : « Ils ne sont pas plus sauvages que les gens à Paris ! »","Je ne me souviens pas de ce qu'elle nous disait, à mon frère et à moi, quand elle nous parlait du pays où elle avait vécu avec mon père, où nous devions le rejoindre un jour. Je sais seulement que, lorsque ma mère a décidé de se marier avec mon père, et d'aller vivre au Cameroun, ses amies parisiennes lui ont dit : « Quoi, chez les sauvages ? » et qu'elle, après tout ce que mon père lui avait raconté, n'a pu que répondre : « Ils ne sont pas plus sauvages que les gens à Paris ! »" "Après Lagos, Owerri, Abo non loin du fleuve Niger.","Après Lagos, Owerri, Abo non loin du fleuve Niger." Déjà mon père est loin de la zone « civilisée ».,Déjà mon père est loin de la zone « civilisée ». "Il est devant les paysages de l'Afrique équatoriale tels que les décrit André Gide dans son Voyage au Congo (à peu près contemporain de l'arrivée de mon père au Nigeria) : l'étendue du fleuve, vaste comme un bras de mer, sur lequel naviguent pirogues et bateaux à aubes, et les affluents, la rivière d'Ahoada avec ses « sampans » aux toits de palmes, poussés par des perches, et plus près de la côte, la rivière Calabar, et l'échancrure du village d'Obukun, taillée à coups de machette dans l'épaisseur de la forêt.","Il est devant les paysages de l'Afrique équatoriale tels que les décrit André Gide dans son Voyage au Congo (à peu près contemporain de l'arrivée de mon père au Nigeria) : l'étendue du fleuve, vaste comme un bras de mer, sur lequel naviguent pirogues et bateaux à aubes, et les affluents, la rivière d'Ahoada avec ses « sampans » aux toits de palmes, poussés par des perches, et plus près de la côte, la rivière Calabar, et l'échancrure du village d'Obukun, taillée à coups de machette dans l'épaisseur de la forêt." "Ce sont les premières images que mon père reçoit du pays où il va passer la plus grande partie de sa vie active, du pays qui va devenir, par force et par nécessité, son vrai pays.","Ce sont les premières images que mon père reçoit du pays où il va passer la plus grande partie de sa vie active, du pays qui va devenir, par force et par nécessité, son vrai pays." "J'imagine son exaltation à l'arrivée à Victoria, après vingt jours de voyage.","J'imagine son exaltation à l'arrivée à Victoria, après vingt jours de voyage." "Dans la collection de clichés pris par mon père en Afrique, il y a une photo qui m'émeut particulièrement, parce que c'est celle qu'il a choisi d'agrandir pour en faire un tableau.","Dans la collection de clichés pris par mon père en Afrique, il y a une photo qui m'émeut particulièrement, parce que c'est celle qu'il a choisi d'agrandir pour en faire un tableau." "Elle traduit son impression d'alors, d'être au commencement, au seuil de l'Afrique, dans un endroit presque vierge.","Elle traduit son impression d'alors, d'être au commencement, au seuil de l'Afrique, dans un endroit presque vierge." "Elle montre l'embouchure de la rivière, à l'endroit où l'eau douce se mêle à la mer.","Elle montre l'embouchure de la rivière, à l'endroit où l'eau douce se mêle à la mer." La baie de Victoria dessine une courbe terminée par une pointe de terre où les palmiers sont inclinés dans le vent du large.,La baie de Victoria dessine une courbe terminée par une pointe de terre où les palmiers sont inclinés dans le vent du large. La mer déferle sur les roches noires et vient mourir sur la plage.,La mer déferle sur les roches noires et vient mourir sur la plage. "Les embruns apportés par le vent recouvrent les arbres de la forêt, se mêlent à la vapeur des marécages et de la rivière.","Les embruns apportés par le vent recouvrent les arbres de la forêt, se mêlent à la vapeur des marécages et de la rivière." "Il y a du mystère et de la sauvagerie, malgré la plage, malgré les palmes.","Il y a du mystère et de la sauvagerie, malgré la plage, malgré les palmes." "Au premier plan, tout près du rivage, on voit la case blanche dans laquelle mon père a logé en arrivant.","Au premier plan, tout près du rivage, on voit la case blanche dans laquelle mon père a logé en arrivant." "Ce n'est pas par hasard que mon père, pour désigner ces maisons de passage africaines, utilise le mot très mauricien de « campement ».","Ce n'est pas par hasard que mon père, pour désigner ces maisons de passage africaines, utilise le mot très mauricien de « campement »." "Si ce paysage le requiert, s'il fait battre mon cœur aussi, c'est qu'il pourrait être à Maurice, à la baie du Tamarin, par exemple, ou bien au cap Malheureux, où mon père allait parfois en excursion dans son enfance.","Si ce paysage le requiert, s'il fait battre mon cœur aussi, c'est qu'il pourrait être à Maurice, à la baie du Tamarin, par exemple, ou bien au cap Malheureux, où mon père allait parfois en excursion dans son enfance." "Peut-être a-t-il cru, au moment où il arrivait, qu'il allait retrouver quelque chose de l'innocence perdue, le souvenir de cette île que les circonstances avaient arrachée à son cœur ?","Peut-être a-t-il cru, au moment où il arrivait, qu'il allait retrouver quelque chose de l'innocence perdue, le souvenir de cette île que les circonstances avaient arrachée à son cœur ?" Comment n'y aurait-il pas pensé ?,Comment n'y aurait-il pas pensé ? "C'était bien la même terre rouge, le même ciel, le même vent constant de la mer, et partout, sur les routes, dans les villages, les mêmes visages, les mêmes rires d'enfants, la même insouciance nonchalante.","C'était bien la même terre rouge, le même ciel, le même vent constant de la mer, et partout, sur les routes, dans les villages, les mêmes visages, les mêmes rires d'enfants, la même insouciance nonchalante." "Une terre originelle, en quelque sorte, où le temps aurait fait marche arrière, aurait détricoté la trame d'erreurs et de trahisons.","Une terre originelle, en quelque sorte, où le temps aurait fait marche arrière, aurait détricoté la trame d'erreurs et de trahisons." "Pour cela, je sens son impatience, son grand désir de pénétrer à l'intérieur du pays, pour commencer son métier de médecin.","Pour cela, je sens son impatience, son grand désir de pénétrer à l'intérieur du pays, pour commencer son métier de médecin." "De Victoria, les pistes le conduisent à travers le mont Cameroun vers les hauts plateaux où il doit prendre son poste, à Bamenda.","De Victoria, les pistes le conduisent à travers le mont Cameroun vers les hauts plateaux où il doit prendre son poste, à Bamenda." "C'est là qu'il va travailler pendant les premières années, dans un hôpital à moitié en ruine, un dispensaire de bonnes sœurs irlandaises, murs de boue séchée et toit de palmes.","C'est là qu'il va travailler pendant les premières années, dans un hôpital à moitié en ruine, un dispensaire de bonnes sœurs irlandaises, murs de boue séchée et toit de palmes." C'est là qu'il va passer les années les plus heureuses de sa vie.,C'est là qu'il va passer les années les plus heureuses de sa vie. "Sa maison, c'est Forestry House, une vraie maison en bois à étage, recouverte d'un toit de feuilles que mon père va s'employer à reconstruire avec le plus grand soin.","Sa maison, c'est Forestry House, une vraie maison en bois à étage, recouverte d'un toit de feuilles que mon père va s'employer à reconstruire avec le plus grand soin." "En contrebas, dans la vallée, non loin des prisons, se trouve la ville haoussa avec ses remparts de pisé et ses hautes portes, telle qu'elle était au temps de la gloire de l'Adamawa.","En contrebas, dans la vallée, non loin des prisons, se trouve la ville haoussa avec ses remparts de pisé et ses hautes portes, telle qu'elle était au temps de la gloire de l'Adamawa." "Un peu à l'écart, l'autre ville africaine, le marché, le palais du roi de Bamenda, et la maison de passage du district officer et des officiers de Sa Majesté (ils ne sont venus qu'une seule fois, pour décorer le roi).","Un peu à l'écart, l'autre ville africaine, le marché, le palais du roi de Bamenda, et la maison de passage du district officer et des officiers de Sa Majesté (ils ne sont venus qu'une seule fois, pour décorer le roi)." "Une photo prise par mon père, sans doute un peu satirique, montre ces messieurs du gouvernement britannique, raides dans leurs shorts et leurs chemises empesées, coiffés du casque, mollets moulés dans leurs bas de laine, en train de regarder le défilé des guerriers du roi, en pagne et la tête décorée de fourrure et de plumes, brandissant des sagaies.","Une photo prise par mon père, sans doute un peu satirique, montre ces messieurs du gouvernement britannique, raides dans leurs shorts et leurs chemises empesées, coiffés du casque, mollets moulés dans leurs bas de laine, en train de regarder le défilé des guerriers du roi, en pagne et la tête décorée de fourrure et de plumes, brandissant des sagaies." "C'est à Bamenda que mon père emmène ma mère après leur mariage, et Forestry House est leur première maison.","C'est à Bamenda que mon père emmène ma mère après leur mariage, et Forestry House est leur première maison." "Ils installent leurs meubles, les seuls meubles qu'ils ont jamais achetés et qu'ils emporteront avec eux partout : des tables, des fauteuils taillés dans des troncs d'iroko, décorés de sculptures traditionnelles des hauts plateaux de l'Ouest camerounais, léopards, singes, antilopes.","Ils installent leurs meubles, les seuls meubles qu'ils ont jamais achetés et qu'ils emporteront avec eux partout : des tables, des fauteuils taillés dans des troncs d'iroko, décorés de sculptures traditionnelles des hauts plateaux de l'Ouest camerounais, léopards, singes, antilopes." "La photo que mon père prend de leur salon à Forestry House montre un décor très « colonial » : au-dessus du manteau de la cheminée (il fait froid à Bamenda en hiver) est accroché un grand bouclier en peau d'hippopotame, assorti de deux lances croisées.","La photo que mon père prend de leur salon à Forestry House montre un décor très « colonial » : au-dessus du manteau de la cheminée (il fait froid à Bamenda en hiver) est accroché un grand bouclier en peau d'hippopotame, assorti de deux lances croisées." "Il s'agit vraisemblablement d'objets laissés là par un précédent occupant, car cela ne ressemble pas à ce que mon père pouvait rechercher.","Il s'agit vraisemblablement d'objets laissés là par un précédent occupant, car cela ne ressemble pas à ce que mon père pouvait rechercher." "Les meubles sculptés, en revanche, l'ont accompagné jusqu'en France.","Les meubles sculptés, en revanche, l'ont accompagné jusqu'en France." "J'ai passé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence au milieu de ces meubles, assis sur les tabourets pour y lire les dictionnaires.","J'ai passé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence au milieu de ces meubles, assis sur les tabourets pour y lire les dictionnaires." "J'ai joué avec les statues d'ébène, avec les sonnettes de bronze, j'ai utilisé les cauris en guise d'osselets.","J'ai joué avec les statues d'ébène, avec les sonnettes de bronze, j'ai utilisé les cauris en guise d'osselets." "Pour moi, ces objets, ces bois sculptés et ces masques accrochés aux murs n'étaient pas du tout exotiques.","Pour moi, ces objets, ces bois sculptés et ces masques accrochés aux murs n'étaient pas du tout exotiques." "Ils étaient ma part africaine, ils prolongeaient ma vie et, d'une certaine façon, ils l'expliquaient.","Ils étaient ma part africaine, ils prolongeaient ma vie et, d'une certaine façon, ils l'expliquaient." "Et avant ma vie, ils parlaient du temps que mon père et ma mère avaient vécu là-bas, dans cet autre monde où ils avaient été heureux.","Et avant ma vie, ils parlaient du temps que mon père et ma mère avaient vécu là-bas, dans cet autre monde où ils avaient été heureux." Comment dire ?,Comment dire ? "J'ai ressenti de l'étonnement, et même de l'indignation, lorsque j'ai découvert, longtemps après, que de tels objets pouvaient être achetés et exposés par des gens qui n'avaient rien connu de tout cela, pour qui ils ne signifiaient rien, et même pis, pour qui ces masques, ces statues et ces trônes n'étaient pas des choses vivantes, mais la peau morte qu'on appelle souvent l'« art ».","J'ai ressenti de l'étonnement, et même de l'indignation, lorsque j'ai découvert, longtemps après, que de tels objets pouvaient être achetés et exposés par des gens qui n'avaient rien connu de tout cela, pour qui ils ne signifiaient rien, et même pis, pour qui ces masques, ces statues et ces trônes n'étaient pas des choses vivantes, mais la peau morte qu'on appelle souvent l'« art »." "Pendant leurs premières années de mariage, mon père et ma mère ont vécu là leur vie amoureuse, à Forestry House et sur les routes du haut pays camerounais, jusqu'à Banso.","Pendant leurs premières années de mariage, mon père et ma mère ont vécu là leur vie amoureuse, à Forestry House et sur les routes du haut pays camerounais, jusqu'à Banso." "Avec eux voyageaient leurs employés, Njong le chocra, Chindefondi l'interprète, Philippus le chef des porteurs.","Avec eux voyageaient leurs employés, Njong le chocra, Chindefondi l'interprète, Philippus le chef des porteurs." Philippus était l'ami de ma mère.,Philippus était l'ami de ma mère. "C'était un homme de petite taille, doué d'une force herculéenne, capable de pousser un tronc pour dégager la route ou de porter des charges que personne n'aurait pu soulever.","C'était un homme de petite taille, doué d'une force herculéenne, capable de pousser un tronc pour dégager la route ou de porter des charges que personne n'aurait pu soulever." "Ma mère racontait que plusieurs fois il l'avait aidée à traverser des rivières en crue, en la tenant à bout de bras au-dessus de l'eau.","Ma mère racontait que plusieurs fois il l'avait aidée à traverser des rivières en crue, en la tenant à bout de bras au-dessus de l'eau." "Avec eux voyageaient aussi les inséparables compagnons de mon père, qu'il avait adoptés à son arrivée à Bamenda : James et Pégase, les chevaux, le front marqué d'une étoile blanche, capricieux et doux.","Avec eux voyageaient aussi les inséparables compagnons de mon père, qu'il avait adoptés à son arrivée à Bamenda : James et Pégase, les chevaux, le front marqué d'une étoile blanche, capricieux et doux." "Et son chien, nommé Polisson, une sorte de braque dégingandé qui trottait en avant sur les chemins, et qui se couchait à ses pieds partout où il s'arrêtait, même lorsque mon père devait poser pour une photo officielle en compagnie des rois.","Et son chien, nommé Polisson, une sorte de braque dégingandé qui trottait en avant sur les chemins, et qui se couchait à ses pieds partout où il s'arrêtait, même lorsque mon père devait poser pour une photo officielle en compagnie des rois." "À partir de mars 1932, mon père et ma mère quittent la résidence de Forestry House à Bamenda et s'installent dans la montagne, à Banso, où un hôpital doit être créé.","À partir de mars 1932, mon père et ma mère quittent la résidence de Forestry House à Bamenda et s'installent dans la montagne, à Banso, où un hôpital doit être créé." Banso est au bout de la route de latérite carrossable en toutes saisons.,Banso est au bout de la route de latérite carrossable en toutes saisons. "C'est au seuil du pays qu'on dit « sauvage », le dernier poste où s'exerce l'autorité britannique.","C'est au seuil du pays qu'on dit « sauvage », le dernier poste où s'exerce l'autorité britannique." "Mon père y sera le seul médecin, et le seul Européen, ce qui n'est pas pour lui déplaire.","Mon père y sera le seul médecin, et le seul Européen, ce qui n'est pas pour lui déplaire." Le territoire qu'il a en charge est immense.,Le territoire qu'il a en charge est immense. "Cela va de la frontière avec le Cameroun sous mandat français, au Sud-est, jusqu'aux confins de l'Adamawa au Nord, et comprend la plus grande partie des chefferies et des petits royaumes qui ont échappé à l'autorité directe de l'Angleterre après le départ des Allemands : Kantu, Abong, Nkom, Bum, Foumban, Bali.","Cela va de la frontière avec le Cameroun sous mandat français, au Sud-est, jusqu'aux confins de l'Adamawa au Nord, et comprend la plus grande partie des chefferies et des petits royaumes qui ont échappé à l'autorité directe de l'Angleterre après le départ des Allemands : Kantu, Abong, Nkom, Bum, Foumban, Bali." "Sur la carte qu'il a établie lui-même, mon père a noté les distances, non en kilomètres, mais en heures et jours de marche.","Sur la carte qu'il a établie lui-même, mon père a noté les distances, non en kilomètres, mais en heures et jours de marche." "Les précisions indiquées sur la carte donnent la vraie dimension de ce pays, la raison pour laquelle il l'aime : les passages à gué, les rivières profondes ou tumultueuses, les côtes à gravir, les lacets du chemin, les descentes au fond des vallées qu'on ne peut faire à cheval, les falaises infranchissables.","Les précisions indiquées sur la carte donnent la vraie dimension de ce pays, la raison pour laquelle il l'aime : les passages à gué, les rivières profondes ou tumultueuses, les côtes à gravir, les lacets du chemin, les descentes au fond des vallées qu'on ne peut faire à cheval, les falaises infranchissables." "Sur les cartes qu'il dessine, les noms forment une litanie, ils parlent de marche sous le soleil, à travers les plaines d'herbes, ou l'escalade laborieuse des montagnes au milieu des nuages : Kengawmeri, Mbiami, Tanya, Ntim, Wapiri, Ntem, Wanté, Mbam, Mfo, Yang, Ngonkar, Ngom, Nbirka, Ngu, trente-deux heures de marche, c'est-à-dire cinq jours à raison de dix kilomètres par jour sur un terrain difficile.","Sur les cartes qu'il dessine, les noms forment une litanie, ils parlent de marche sous le soleil, à travers les plaines d'herbes, ou l'escalade laborieuse des montagnes au milieu des nuages : Kengawmeri, Mbiami, Tanya, Ntim, Wapiri, Ntem, Wanté, Mbam, Mfo, Yang, Ngonkar, Ngom, Nbirka, Ngu, trente-deux heures de marche, c'est-à-dire cinq jours à raison de dix kilomètres par jour sur un terrain difficile." "Plus les arrêts dans les hameaux, les bivouacs, les soins à donner, les vaccins, les discussions (les fameuses palabres) avec les autorités locales, les plaintes qu'il faut écouter, et le journal de bord à tenir, l'économie à surveiller, les médicaments à commander à Lagos, les instructions à laisser aux officiers de santé et aux infirmiers dans les dispensaires.","Plus les arrêts dans les hameaux, les bivouacs, les soins à donner, les vaccins, les discussions (les fameuses palabres) avec les autorités locales, les plaintes qu'il faut écouter, et le journal de bord à tenir, l'économie à surveiller, les médicaments à commander à Lagos, les instructions à laisser aux officiers de santé et aux infirmiers dans les dispensaires." "Pendant plus de quinze ans, ce pays sera le sien.","Pendant plus de quinze ans, ce pays sera le sien." "Il est probable que personne ne l'aura mieux ressenti que lui, à ce point parcouru, sondé, souffert.","Il est probable que personne ne l'aura mieux ressenti que lui, à ce point parcouru, sondé, souffert." "Rencontré chaque habitant, mis au monde beaucoup, accompagné d'autres vers la mort.","Rencontré chaque habitant, mis au monde beaucoup, accompagné d'autres vers la mort." "Aimé surtout, parce que, même s'il n'en parlait pas, s'il n'en racontait rien, jusqu'à la fin de sa vie il aura gardé la marque et la trace de ces collines, de ces forêts et de ces herbages, et des gens qu'il y a connus.","Aimé surtout, parce que, même s'il n'en parlait pas, s'il n'en racontait rien, jusqu'à la fin de sa vie il aura gardé la marque et la trace de ces collines, de ces forêts et de ces herbages, et des gens qu'il y a connus." "À l'époque où il parcourt la province du Nord-Ouest, les cartes sont inexistantes. La seule carte imprimée dont il dispose est la carte d'état-major de l'armée allemande au 1/300 000 e relevée par Moisel en 1913.","À l'époque où il parcourt la province du Nord-Ouest, les cartes sont inexistantes. La seule carte imprimée dont il dispose est la carte d'état-major de l'armée allemande au 1/300 000 e relevée par Moisel en 1913." "Hormis les principaux cours d'eau, le Donga Kari affluent du Bénoué au Nord et la rivière Cross au Sud, et les deux cités anciennes fortifiées de Banyo et de Kentu, la carte est imprécise.","Hormis les principaux cours d'eau, le Donga Kari affluent du Bénoué au Nord et la rivière Cross au Sud, et les deux cités anciennes fortifiées de Banyo et de Kentu, la carte est imprécise." "Abong, le village le plus au Nord du territoire médical de mon père, à plus de dix jours de marche, est mentionné sur la carte de l'armée allemande avec un point d'interrogation.","Abong, le village le plus au Nord du territoire médical de mon père, à plus de dix jours de marche, est mentionné sur la carte de l'armée allemande avec un point d'interrogation." "Les districts de Kaka, de Mbembé sont si loin de la zone côtière que c'est comme s'ils appartenaient à un autre pays.","Les districts de Kaka, de Mbembé sont si loin de la zone côtière que c'est comme s'ils appartenaient à un autre pays." "Les gens qui y vivent pour la plupart n'ont jamais vu d'Européens, les plus âgés se souviennent avec horreur de l'occupation de l'armée allemande, des exécutions, des rapts d'enfants.","Les gens qui y vivent pour la plupart n'ont jamais vu d'Européens, les plus âgés se souviennent avec horreur de l'occupation de l'armée allemande, des exécutions, des rapts d'enfants." "Ce qui est certain, c'est qu'ils n'ont pas la moindre idée de ce que représente la puissance coloniale de l'Angleterre ou de la France, et n'imaginent pas la guerre qui se prépare à l'autre bout du monde.","Ce qui est certain, c'est qu'ils n'ont pas la moindre idée de ce que représente la puissance coloniale de l'Angleterre ou de la France, et n'imaginent pas la guerre qui se prépare à l'autre bout du monde." "Ce ne sont pas des régions isolées ni sauvages (comme mon père pourra le dire, en revanche, du Nigeria, et particulièrement de la forêt autour d'Ogoja).","Ce ne sont pas des régions isolées ni sauvages (comme mon père pourra le dire, en revanche, du Nigeria, et particulièrement de la forêt autour d'Ogoja)." "Au contraire, c'est un pays prospère, où on cultive les arbres fruitiers, l'igname et le millet, où on pratique l'élevage.","Au contraire, c'est un pays prospère, où on cultive les arbres fruitiers, l'igname et le millet, où on pratique l'élevage." "Les royaumes sont au cœur d'une zone d'influence, sous l'inspiration de l'islam venu des empires du Nord, de Kano, des émirats de Bornu et d'Agadez, de l'Adamawa, apporté par les colporteurs foulanis et les guerriers haoussas.","Les royaumes sont au cœur d'une zone d'influence, sous l'inspiration de l'islam venu des empires du Nord, de Kano, des émirats de Bornu et d'Agadez, de l'Adamawa, apporté par les colporteurs foulanis et les guerriers haoussas." "À l'est, il y a Banyo et le pays bororo, au Sud l'antique culture des Bamouns de Foumban qui pratiquent l'échange, sont maîtres dans l'art de la métallurgie et utilisent même une écriture inventée en 1900 par le roi Njoya.","À l'est, il y a Banyo et le pays bororo, au Sud l'antique culture des Bamouns de Foumban qui pratiquent l'échange, sont maîtres dans l'art de la métallurgie et utilisent même une écriture inventée en 1900 par le roi Njoya." La colonisation européenne en fin de compte a très peu touché la région.,La colonisation européenne en fin de compte a très peu touché la région. "Douala, Lagos, Victoria sont à des années de là.","Douala, Lagos, Victoria sont à des années de là." "Les montagnards de Banso continuent à vivre comme ils l'ont toujours fait, selon un rythme lent, en harmonie avec la nature sublime qui les entoure, cultivant la terre et paissant leurs troupeaux de vaches à longues cornes.","Les montagnards de Banso continuent à vivre comme ils l'ont toujours fait, selon un rythme lent, en harmonie avec la nature sublime qui les entoure, cultivant la terre et paissant leurs troupeaux de vaches à longues cornes." Les clichés que mon père prend avec son Leica montrent l'admiration qu'il éprouve pour ce pays.,Les clichés que mon père prend avec son Leica montrent l'admiration qu'il éprouve pour ce pays. "Le Nsungli, par exemple, aux abords de Nkor : une Afrique qui n'a rien de commun avec la zone côtière, où règne une atmosphère lourde, où la végétation est étouffante, presque menaçante.","Le Nsungli, par exemple, aux abords de Nkor : une Afrique qui n'a rien de commun avec la zone côtière, où règne une atmosphère lourde, où la végétation est étouffante, presque menaçante." Où pèse encore plus lourdement la présence des armées d'occupation française et britannique.,Où pèse encore plus lourdement la présence des armées d'occupation française et britannique. "Ici, c'est un pays aux horizons lointains, au ciel plus vaste, aux étendues à perte de vue.","Ici, c'est un pays aux horizons lointains, au ciel plus vaste, aux étendues à perte de vue." Mon père et ma mère y ressentent une liberté qu'ils n'ont jamais connue ailleurs.,Mon père et ma mère y ressentent une liberté qu'ils n'ont jamais connue ailleurs. "Ils marchent tout le jour, tantôt à pied, tantôt à cheval, et s'arrêtent le soir pour dormir sous un arbre à la belle étoile, ou dans un campement sommaire, comme à Kwolu, sur la route de Kishong, une simple hutte de boue séchée et de feuilles où ils accrochent leurs hamacs.","Ils marchent tout le jour, tantôt à pied, tantôt à cheval, et s'arrêtent le soir pour dormir sous un arbre à la belle étoile, ou dans un campement sommaire, comme à Kwolu, sur la route de Kishong, une simple hutte de boue séchée et de feuilles où ils accrochent leurs hamacs." "À Ntumbo, sur le plateau, ils croisent un troupeau, que mon père photographie avec ma mère au premier plan.","À Ntumbo, sur le plateau, ils croisent un troupeau, que mon père photographie avec ma mère au premier plan." Ils sont si haut que le ciel brumeux semble s'appuyer sur les cornes en demi-lune des vaches et voile le sommet des montagnes alentour.,Ils sont si haut que le ciel brumeux semble s'appuyer sur les cornes en demi-lune des vaches et voile le sommet des montagnes alentour. "Malgré la mauvaise qualité des tirages, le bonheur de mon père et de ma mère est perceptible.","Malgré la mauvaise qualité des tirages, le bonheur de mon père et de ma mère est perceptible." "Au dos d'une photo prise quelque part dans la région des Grass Fields, en pays mbembé, qui montre le paysage devant lequel ils ont passé la nuit, mon père écrit avec une emphase inhabituelle : « L'immensité qu'on voit au fond, c'est la plaine sans fin. »","Au dos d'une photo prise quelque part dans la région des Grass Fields, en pays mbembé, qui montre le paysage devant lequel ils ont passé la nuit, mon père écrit avec une emphase inhabituelle : « L'immensité qu'on voit au fond, c'est la plaine sans fin. »" "Je peux ressentir l'émotion qu'il éprouve à traverser les hauts plateaux et les plaines herbeuses, à chevaucher sur les étroits sentiers qui serpentent à flanc de montagne, découvrant à chaque instant de nouveaux panoramas, les lignes bleues des sommets qui émergent des nuages tels des mirages, baignés dans la lumière de l'Afrique, tantôt violente à midi, tantôt atténuée par le crépuscule, quand la terre rouge et les herbes fauves semblent éclairées de l'intérieur par un feu secret.","Je peux ressentir l'émotion qu'il éprouve à traverser les hauts plateaux et les plaines herbeuses, à chevaucher sur les étroits sentiers qui serpentent à flanc de montagne, découvrant à chaque instant de nouveaux panoramas, les lignes bleues des sommets qui émergent des nuages tels des mirages, baignés dans la lumière de l'Afrique, tantôt violente à midi, tantôt atténuée par le crépuscule, quand la terre rouge et les herbes fauves semblent éclairées de l'intérieur par un feu secret." "Ils connaissent aussi l'ivresse de la vie physique, la fatigue qui rompt les membres au bout d'un jour de marche, quand il faut descendre de cheval et le guider par la longe pour se rendre au fond des ravins.","Ils connaissent aussi l'ivresse de la vie physique, la fatigue qui rompt les membres au bout d'un jour de marche, quand il faut descendre de cheval et le guider par la longe pour se rendre au fond des ravins." "La brûlure du soleil, la soif qu'on ne peut étancher, ou le froid des rivières qu'il faut traverser en plein courant, avec l'eau jusqu'au poitrail des chevaux.","La brûlure du soleil, la soif qu'on ne peut étancher, ou le froid des rivières qu'il faut traverser en plein courant, avec l'eau jusqu'au poitrail des chevaux." "Ma mère monte en amazone, comme elle a appris à le faire au manège d'Ermenonville.","Ma mère monte en amazone, comme elle a appris à le faire au manège d'Ermenonville." "Et cette posture si inconfortable – sans doute vaguement ridicule, la séparation des sexes qui est encore de mise en France avant la guerre – paradoxalement lui donne un air d'Africaine.","Et cette posture si inconfortable – sans doute vaguement ridicule, la séparation des sexes qui est encore de mise en France avant la guerre – paradoxalement lui donne un air d'Africaine." "Quelque chose de nonchalant et de gracieux, en même temps de très ancien, qui évoque les temps bibliques, ou bien les caravanes des Touareg, où les femmes voyagent à travers le désert accrochées dans des nacelles aux flancs des dromadaires.","Quelque chose de nonchalant et de gracieux, en même temps de très ancien, qui évoque les temps bibliques, ou bien les caravanes des Touareg, où les femmes voyagent à travers le désert accrochées dans des nacelles aux flancs des dromadaires." "Ainsi elle accompagne mon père dans ses tournées médicales, avec la suite des porteurs et l'interprète, à travers les montagnes de l'Ouest.","Ainsi elle accompagne mon père dans ses tournées médicales, avec la suite des porteurs et l'interprète, à travers les montagnes de l'Ouest." "Ils vont de campement en campement, dans des villages dont mon père note les noms sur sa carte : Nikom, Babungo, Nji Nikom, Luakom Ndye, Ngi, Obukun.","Ils vont de campement en campement, dans des villages dont mon père note les noms sur sa carte : Nikom, Babungo, Nji Nikom, Luakom Ndye, Ngi, Obukun." "Les campements sont parfois plus que précaires : à Kwaja, en pays kaka, ils logent dans une hutte de branches sans fenêtre au milieu d'une plantation de bananiers.","Les campements sont parfois plus que précaires : à Kwaja, en pays kaka, ils logent dans une hutte de branches sans fenêtre au milieu d'une plantation de bananiers." Il y fait si humide qu'il faut mettre chaque matin les draps et les couvertures à sécher sur le toit.,Il y fait si humide qu'il faut mettre chaque matin les draps et les couvertures à sécher sur le toit. "Ils y restent une ou deux nuits, parfois une semaine. L'eau à boire est acide et violacée de permanganate, on se lave au ruisseau, on cuisine sur un feu de brindilles à l'entrée de la hutte.","Ils y restent une ou deux nuits, parfois une semaine. L'eau à boire est acide et violacée de permanganate, on se lave au ruisseau, on cuisine sur un feu de brindilles à l'entrée de la hutte." "Les nuits sont froides, dans les montagnes sous l'équateur, bruissantes, remplies des clameurs des chats sauvages et des aboiements des mandrills.","Les nuits sont froides, dans les montagnes sous l'équateur, bruissantes, remplies des clameurs des chats sauvages et des aboiements des mandrills." "Pourtant, ce n'est pas l'Afrique de Tartarin, ni même celle de John Huston.","Pourtant, ce n'est pas l'Afrique de Tartarin, ni même celle de John Huston." "C'est plutôt celle d'African Farm, une Afrique réelle, à forte densité humaine, ployée par la maladie et les guerres tribales. Mais forte et exhilarante aussi, avec ses enfants innombrables, ses fêtes dansées, la bonne humeur et l'humour des bergers rencontrés sur les chemins.","C'est plutôt celle d'African Farm, une Afrique réelle, à forte densité humaine, ployée par la maladie et les guerres tribales. Mais forte et exhilarante aussi, avec ses enfants innombrables, ses fêtes dansées, la bonne humeur et l'humour des bergers rencontrés sur les chemins." "Le temps de Banso, pour mon père et ma mère, c'est le temps de la jeunesse, de l'aventure.","Le temps de Banso, pour mon père et ma mère, c'est le temps de la jeunesse, de l'aventure." "Au long de leurs marches, l'Afrique qu'ils rencontrent n'est pas celle de la colonisation.","Au long de leurs marches, l'Afrique qu'ils rencontrent n'est pas celle de la colonisation." "L'administration anglaise, selon un de ses principes, a laissé en place la structure politique traditionnelle, avec ses rois, ses chefs religieux, ses juges, ses castes et ses privilèges.","L'administration anglaise, selon un de ses principes, a laissé en place la structure politique traditionnelle, avec ses rois, ses chefs religieux, ses juges, ses castes et ses privilèges." "Quand ils arrivent dans un village, ils sont accueillis par les émissaires du roi, conviés aux palabres, et photographiés avec la cour.","Quand ils arrivent dans un village, ils sont accueillis par les émissaires du roi, conviés aux palabres, et photographiés avec la cour." "Sur un de ces portraits, mon père et ma mère posent autour du roi Memfoï, de Banso.","Sur un de ces portraits, mon père et ma mère posent autour du roi Memfoï, de Banso." "Selon la tradition, le roi est nu jusqu'à la ceinture, assis sur son trône, son chasse-mouches à la main.","Selon la tradition, le roi est nu jusqu'à la ceinture, assis sur son trône, son chasse-mouches à la main." "À ses côtés, mon père et ma mère sont debout, vêtus d'habits fatigués et empoussiérés par la route, ma mère avec sa longue jupe et ses souliers de marche, mon père avec une chemise aux manches roulées et son pantalon kaki trop large, trop court, serré par une ceinture qui ressemble à une ficelle.","À ses côtés, mon père et ma mère sont debout, vêtus d'habits fatigués et empoussiérés par la route, ma mère avec sa longue jupe et ses souliers de marche, mon père avec une chemise aux manches roulées et son pantalon kaki trop large, trop court, serré par une ceinture qui ressemble à une ficelle." "Ils sourient, ils sont heureux, libres dans cette aventure. Derrière le roi, on aperçoit le mur du palais, une simple case de briques de boue séchée où brillent des brins de paille.","Ils sourient, ils sont heureux, libres dans cette aventure. Derrière le roi, on aperçoit le mur du palais, une simple case de briques de boue séchée où brillent des brins de paille." "Parfois, au cours de leur route à travers les montagnes, les nuits sont violentes, brûlantes, sexuées.","Parfois, au cours de leur route à travers les montagnes, les nuits sont violentes, brûlantes, sexuées." "Ma mère parle des fêtes qui éclatent soudain, dans les villages, comme à Babungo, en pays nkom, à quatre jours de marche de Banso.","Ma mère parle des fêtes qui éclatent soudain, dans les villages, comme à Babungo, en pays nkom, à quatre jours de marche de Banso." "Sur la place, le théâtre masqué se prépare. Sous un banian, les joueurs de tam-tam se sont assis, ils frappent, et l'appel de la musique se répercute au loin.","Sur la place, le théâtre masqué se prépare. Sous un banian, les joueurs de tam-tam se sont assis, ils frappent, et l'appel de la musique se répercute au loin." "Les femmes ont commencé à danser, elles sont complètement nues, sauf une ceinture de perles autour de la taille.","Les femmes ont commencé à danser, elles sont complètement nues, sauf une ceinture de perles autour de la taille." "Elles avancent l'une derrière l'autre, penchées en avant, leurs pieds battent la terre au même rythme que les tambours.","Elles avancent l'une derrière l'autre, penchées en avant, leurs pieds battent la terre au même rythme que les tambours." "Les hommes sont debout. Certains portent des robes de raphia, d'autres ont les masques des dieux.","Les hommes sont debout. Certains portent des robes de raphia, d'autres ont les masques des dieux." Le maître des ju-jus dirige la cérémonie.,Le maître des ju-jus dirige la cérémonie. "Cela commence au déclin du soleil, vers six heures, et dure jusqu'à l'aube du lendemain.","Cela commence au déclin du soleil, vers six heures, et dure jusqu'à l'aube du lendemain." "Mon père et ma mère sont couchés dans leur lit de sangles, sous la moustiquaire, ils écoutent battre les tambours, selon un rythme continu qui tressaille à peine, comme un cœur qui s'emballe.","Mon père et ma mère sont couchés dans leur lit de sangles, sous la moustiquaire, ils écoutent battre les tambours, selon un rythme continu qui tressaille à peine, comme un cœur qui s'emballe." Ils sont amoureux.,Ils sont amoureux. L'Afrique à la fois sauvage et très humaine est leur nuit de noces.,L'Afrique à la fois sauvage et très humaine est leur nuit de noces. "Tout le jour le soleil a brûlé leur corps, ils sont pleins d'une force électrique incomparable.","Tout le jour le soleil a brûlé leur corps, ils sont pleins d'une force électrique incomparable." "J'imagine qu'ils font l'amour, cette nuit-là, au rythme des tambours qui vibrent sous la terre, serrés dans l'obscurité, leur peau trempée de sueur, à l'intérieur de la case de terre et de branches qui n'est pas plus grande qu'un abri à poules.","J'imagine qu'ils font l'amour, cette nuit-là, au rythme des tambours qui vibrent sous la terre, serrés dans l'obscurité, leur peau trempée de sueur, à l'intérieur de la case de terre et de branches qui n'est pas plus grande qu'un abri à poules." "Puis ils s'endorment à l'aube, dans le souffle froid du matin qui fait onduler le rideau de la moustiquaire, enlacés, sans plus entendre le rythme fatigué des derniers tam-tams.","Puis ils s'endorment à l'aube, dans le souffle froid du matin qui fait onduler le rideau de la moustiquaire, enlacés, sans plus entendre le rythme fatigué des derniers tam-tams." "Si je veux comprendre ce qui a changé cet homme, cette cassure qu'il y a eu dans sa vie, c'est à la guerre que je pense.","Si je veux comprendre ce qui a changé cet homme, cette cassure qu'il y a eu dans sa vie, c'est à la guerre que je pense." "Il y a eu un avant, et un après.","Il y a eu un avant, et un après." "L'avant, pour mon père et ma mère, c'étaient les hauts plateaux de l'Ouest camerounais, les douces collines de Bamenda et de Banso, Forestry House, les chemins à travers les Grass Fields et les montagnes du Mbam et des pays mbembé, kaka, shanti.","L'avant, pour mon père et ma mère, c'étaient les hauts plateaux de l'Ouest camerounais, les douces collines de Bamenda et de Banso, Forestry House, les chemins à travers les Grass Fields et les montagnes du Mbam et des pays mbembé, kaka, shanti." "Tout cela, non comme un paradis – rien à voir avec la douceur alanguie de la côte à Victoria, le luxe des résidences et l'oisiveté des colons –, mais un trésor d'humanité, quelque chose de puissant et généreux, tel un sang pulsé dans de jeunes artères.","Tout cela, non comme un paradis – rien à voir avec la douceur alanguie de la côte à Victoria, le luxe des résidences et l'oisiveté des colons –, mais un trésor d'humanité, quelque chose de puissant et généreux, tel un sang pulsé dans de jeunes artères." Cela pouvait ressembler au bonheur.,Cela pouvait ressembler au bonheur. C'est à cette époque que ma mère est tombée enceinte deux fois.,C'est à cette époque que ma mère est tombée enceinte deux fois. "Les Africains ont coutume de dire que les humains ne naissent pas du jour où ils sortent du ventre de leur mère, mais du lieu et de l'instant où ils sont conçus.","Les Africains ont coutume de dire que les humains ne naissent pas du jour où ils sortent du ventre de leur mère, mais du lieu et de l'instant où ils sont conçus." "Moi, je ne sais rien de ma naissance (ce qui est, je suppose, le cas de tout un chacun). Mais si j'entre en moi-même, si je retourne mes yeux vers l'intérieur, c'est cette force que je perçois, ce bouillonnement d'énergie, la soupe de molécules prêtes à s'assembler pour former un corps.","Moi, je ne sais rien de ma naissance (ce qui est, je suppose, le cas de tout un chacun). Mais si j'entre en moi-même, si je retourne mes yeux vers l'intérieur, c'est cette force que je perçois, ce bouillonnement d'énergie, la soupe de molécules prêtes à s'assembler pour former un corps." "Et, avant même l'instant de la conception, tout ce qui l'a précédée, qui est dans la mémoire de l'Afrique.","Et, avant même l'instant de la conception, tout ce qui l'a précédée, qui est dans la mémoire de l'Afrique." "Non pas une mémoire diffuse, idéale : l'image des hauts plateaux, des villages, les visages des vieillards, les yeux agrandis des enfants rongés par la dysenterie, le contact avec tous ces corps, l'odeur de la peau humaine, le murmure des plaintes.","Non pas une mémoire diffuse, idéale : l'image des hauts plateaux, des villages, les visages des vieillards, les yeux agrandis des enfants rongés par la dysenterie, le contact avec tous ces corps, l'odeur de la peau humaine, le murmure des plaintes." "Malgré tout cela, à cause de tout cela, ces images sont celles du bonheur, de la plénitude qui m'a fait naître.","Malgré tout cela, à cause de tout cela, ces images sont celles du bonheur, de la plénitude qui m'a fait naître." "Cette mémoire est liée aux lieux, au dessin des montagnes, au ciel de l'altitude, à la légèreté de l'air au matin.","Cette mémoire est liée aux lieux, au dessin des montagnes, au ciel de l'altitude, à la légèreté de l'air au matin." "À l'amour qu'ils avaient pour leur maison, cette hutte de boue séchée et de feuilles, la cour où chaque jour les femmes et les enfants s'installaient, assis à même la terre, pour attendre l'heure de la consultation, un diagnostic, un vaccin.","À l'amour qu'ils avaient pour leur maison, cette hutte de boue séchée et de feuilles, la cour où chaque jour les femmes et les enfants s'installaient, assis à même la terre, pour attendre l'heure de la consultation, un diagnostic, un vaccin." À l'amitié qui les rapprochait des habitants.,À l'amitié qui les rapprochait des habitants. "Je me souviens comme si je l'avais connu de l'assistant de mon père à Banso, le vieux Ahidjo, qui était devenu son conseiller et son ami.","Je me souviens comme si je l'avais connu de l'assistant de mon père à Banso, le vieux Ahidjo, qui était devenu son conseiller et son ami." "Il s'occupait de tout, de l'intendance, de l'itinéraire à travers les pays lointains, des relations avec les chefs, des salaires des porteurs, de l'état des cases de passage.","Il s'occupait de tout, de l'intendance, de l'itinéraire à travers les pays lointains, des relations avec les chefs, des salaires des porteurs, de l'état des cases de passage." "Il l'avait accompagné au début dans les voyages, mais son grand âge et son état de santé ne le lui permettaient plus.","Il l'avait accompagné au début dans les voyages, mais son grand âge et son état de santé ne le lui permettaient plus." "Il n'était pas payé pour le travail qu'il faisait. Sans doute y gagnait-il du prestige, du crédit : il était l'homme de confiance du toubib.","Il n'était pas payé pour le travail qu'il faisait. Sans doute y gagnait-il du prestige, du crédit : il était l'homme de confiance du toubib." "C'est grâce à lui que mon père a pu trouver ses repères dans le pays, être accepté de tous (y compris des sorciers dont il était le concurrent direct), exercer son métier.","C'est grâce à lui que mon père a pu trouver ses repères dans le pays, être accepté de tous (y compris des sorciers dont il était le concurrent direct), exercer son métier." "Durant la vingtaine d'années qu'il a passée dans l'Ouest africain, mon père n'aura gardé que deux amis : Ahidjo et le « docteur » Jeffries, un district officer de Bamenda qui se passionnait pour l'archéologie et l'anthropologie.","Durant la vingtaine d'années qu'il a passée dans l'Ouest africain, mon père n'aura gardé que deux amis : Ahidjo et le « docteur » Jeffries, un district officer de Bamenda qui se passionnait pour l'archéologie et l'anthropologie." "Un peu avant le départ de mon père, Jeffries termina effectivement son doctorat et fut engagé par l'université de Johannesburg.","Un peu avant le départ de mon père, Jeffries termina effectivement son doctorat et fut engagé par l'université de Johannesburg." "Il envoyait des nouvelles de temps à autre, sous la forme d'articles et de brochures consacrés à ses découvertes, et aussi, une fois l'an, pour Boxing day, un colis de pâtes de goyave d'Afrique du Sud.","Il envoyait des nouvelles de temps à autre, sous la forme d'articles et de brochures consacrés à ses découvertes, et aussi, une fois l'an, pour Boxing day, un colis de pâtes de goyave d'Afrique du Sud." "Ahidjo, lui, a écrit régulièrement à mon père en France pendant des années.","Ahidjo, lui, a écrit régulièrement à mon père en France pendant des années." "En 1960, au moment de l'indépendance, Ahidjo a interrogé mon père sur la question du rattachement des royaumes de l'Ouest au Nigeria.","En 1960, au moment de l'indépendance, Ahidjo a interrogé mon père sur la question du rattachement des royaumes de l'Ouest au Nigeria." "Mon père lui a répondu que, compte tenu de l'histoire, il lui semblait préférable qu'ils fussent intégrés au Cameroun francophone, qui présentait l'avantage d'être un pays pacifique.","Mon père lui a répondu que, compte tenu de l'histoire, il lui semblait préférable qu'ils fussent intégrés au Cameroun francophone, qui présentait l'avantage d'être un pays pacifique." L'avenir a donné raison à mon père.,L'avenir a donné raison à mon père. "Puis les lettres ont cessé d'arriver, et mon père a appris par les bonnes sœurs de Bamenda que son vieil ami était mort.","Puis les lettres ont cessé d'arriver, et mon père a appris par les bonnes sœurs de Bamenda que son vieil ami était mort." "De la même façon, une année le colis de pâtes de goyave d'Afrique du Sud n'est pas parvenu pour le jour de l'an, et nous avons su que le docteur Jeffries avait disparu.","De la même façon, une année le colis de pâtes de goyave d'Afrique du Sud n'est pas parvenu pour le jour de l'an, et nous avons su que le docteur Jeffries avait disparu." Ainsi se sont interrompus les derniers liens que mon père avait gardés avec son pays d'adoption.,Ainsi se sont interrompus les derniers liens que mon père avait gardés avec son pays d'adoption. "Il ne restait plus que la maigre pension que le gouvernement nigerian s'était engagé à verser à ses vieux serviteurs, au moment de l'indépendance.","Il ne restait plus que la maigre pension que le gouvernement nigerian s'était engagé à verser à ses vieux serviteurs, au moment de l'indépendance." "Mais la pension a cessé d'arriver quelque temps plus tard, comme si tout ce passé avait disparu.","Mais la pension a cessé d'arriver quelque temps plus tard, comme si tout ce passé avait disparu." C'est donc la guerre qui a cassé le rêve africain de mon père.,C'est donc la guerre qui a cassé le rêve africain de mon père. "En 1938, ma mère quitte le Nigeria pour aller accoucher en France, auprès de ses parents.","En 1938, ma mère quitte le Nigeria pour aller accoucher en France, auprès de ses parents." "Le bref congé que prend mon père pour la naissance de son premier enfant lui permet de rejoindre ma mère en Bretagne, où il reste jusqu'à la fin de l'été 1939.","Le bref congé que prend mon père pour la naissance de son premier enfant lui permet de rejoindre ma mère en Bretagne, où il reste jusqu'à la fin de l'été 1939." Il prend le bateau de retour vers l'Afrique juste avant la déclaration de la guerre.,Il prend le bateau de retour vers l'Afrique juste avant la déclaration de la guerre. "Il rejoint son nouveau poste à Ogoja, dans la province de la Cross River.","Il rejoint son nouveau poste à Ogoja, dans la province de la Cross River." "Quand la guerre éclate, il sait qu'elle va mettre à nouveau l'Europe à feu et à sang, comme en 1914.","Quand la guerre éclate, il sait qu'elle va mettre à nouveau l'Europe à feu et à sang, comme en 1914." "Peut-être espère-t-il, comme beaucoup de gens en Europe, que l'avancée de l'armée allemande sera contenue sur la frontière, et que la Bretagne, étant la partie la plus à l'Ouest, sera épargnée.","Peut-être espère-t-il, comme beaucoup de gens en Europe, que l'avancée de l'armée allemande sera contenue sur la frontière, et que la Bretagne, étant la partie la plus à l'Ouest, sera épargnée." "Quand arrivent les nouvelles de l'invasion de la France, en juin 1940, il est trop tard pour agir.","Quand arrivent les nouvelles de l'invasion de la France, en juin 1940, il est trop tard pour agir." "En Bretagne, ma mère voit les troupes allemandes défiler sous ses fenêtres, à Pont-l'Abbé, alors que la radio annonce que l'ennemi est arrêté sur la Marne.","En Bretagne, ma mère voit les troupes allemandes défiler sous ses fenêtres, à Pont-l'Abbé, alors que la radio annonce que l'ennemi est arrêté sur la Marne." Les ordres de la kommandantur sont sans appel : tous ceux qui ne sont pas résidents permanents en Bretagne doivent vider les lieux.,Les ordres de la kommandantur sont sans appel : tous ceux qui ne sont pas résidents permanents en Bretagne doivent vider les lieux. "Alors qu'elle est à peine remise de son accouchement, ma mère doit partir, d'abord vers Paris, puis en zone libre.","Alors qu'elle est à peine remise de son accouchement, ma mère doit partir, d'abord vers Paris, puis en zone libre." Plus aucune nouvelle ne circule.,Plus aucune nouvelle ne circule. "Au Nigeria, mon père ne sait que ce que transmet la BBC.","Au Nigeria, mon père ne sait que ce que transmet la BBC." "Pour lui, isolé dans la brousse, l'Afrique est devenue un piège.","Pour lui, isolé dans la brousse, l'Afrique est devenue un piège." "À des milliers de kilomètres, quelque part sur les routes encombrées par les fuyards, ma mère roule dans la vieille De Dion de ma grand-mère, emmenant avec elle son père et sa mère, et ses deux enfants âgés d'un an et de trois mois.","À des milliers de kilomètres, quelque part sur les routes encombrées par les fuyards, ma mère roule dans la vieille De Dion de ma grand-mère, emmenant avec elle son père et sa mère, et ses deux enfants âgés d'un an et de trois mois." "C'est sans doute à ce moment-là que mon père tente cette chose folle, traverser le désert pour s'embarquer en Algérie à destination du Sud de la France afin de sauver sa femme et ses enfants et les ramener avec lui en Afrique.","C'est sans doute à ce moment-là que mon père tente cette chose folle, traverser le désert pour s'embarquer en Algérie à destination du Sud de la France afin de sauver sa femme et ses enfants et les ramener avec lui en Afrique." Ma mère aurait-elle accepté de le suivre ?,Ma mère aurait-elle accepté de le suivre ? "Il lui aurait fallu abandonner ses parents en pleine tourmente, alors qu'ils n'étaient plus en état de résister.","Il lui aurait fallu abandonner ses parents en pleine tourmente, alors qu'ils n'étaient plus en état de résister." "Affronter les dangers sur la route du retour, risquer d'être capturés par les Allemands ou les Italiens, déportés.","Affronter les dangers sur la route du retour, risquer d'être capturés par les Allemands ou les Italiens, déportés." Mon père n'avait sans doute aucun plan. Il s'est lancé dans l'aventure sans réfléchir.,Mon père n'avait sans doute aucun plan. Il s'est lancé dans l'aventure sans réfléchir. "Il part pour Kano, au Nord du Nigeria, et là il achète son passage à bord d'une caravane de camions qui traverse le Sahara.","Il part pour Kano, au Nord du Nigeria, et là il achète son passage à bord d'une caravane de camions qui traverse le Sahara." "Au désert, il n'y a pas de guerre.","Au désert, il n'y a pas de guerre." "Les marchands continuent de transporter le sel, la laine, le bois, les matières premières.","Les marchands continuent de transporter le sel, la laine, le bois, les matières premières." "Les routes maritimes sont devenues dangereuses, et c'est le Sahara qui permet la circulation des denrées.","Les routes maritimes sont devenues dangereuses, et c'est le Sahara qui permet la circulation des denrées." "Pour un officier de santé de l'armée anglaise, voyageant seul, le projet est audacieux, insensé.","Pour un officier de santé de l'armée anglaise, voyageant seul, le projet est audacieux, insensé." "Mon père remonte vers le Nord, bivouaque dans le Hoggar, près de Tamanghasset (à l'époque, Fort-Laperrine).","Mon père remonte vers le Nord, bivouaque dans le Hoggar, près de Tamanghasset (à l'époque, Fort-Laperrine)." "Il n'a pas eu le temps de se préparer, d'emporter des médicaments, des provisions.","Il n'a pas eu le temps de se préparer, d'emporter des médicaments, des provisions." "Il partage l'ordinaire des Touareg qui accompagnent la caravane, il boit comme eux l'eau des oasis, une eau alcaline qui purge ceux qui n'y sont pas habitués.","Il partage l'ordinaire des Touareg qui accompagnent la caravane, il boit comme eux l'eau des oasis, une eau alcaline qui purge ceux qui n'y sont pas habitués." "Tout le long de la route, il prend des photos du désert, à Zinder, à In Guezzam, dans les montagnes du Hoggar. Il photographie les inscriptions en tamacheq sur les pierres, les campements des nomades, des filles au visage peint en noir, des enfants.","Tout le long de la route, il prend des photos du désert, à Zinder, à In Guezzam, dans les montagnes du Hoggar. Il photographie les inscriptions en tamacheq sur les pierres, les campements des nomades, des filles au visage peint en noir, des enfants." "Il passe plusieurs jours au fort d'In Guezzam, à la frontière des possessions françaises au Sahara.","Il passe plusieurs jours au fort d'In Guezzam, à la frontière des possessions françaises au Sahara." "Quelques bâtisses en pisé sur lesquelles flotte le drapeau français, et sur le bas-côté de la chaussée, un camion arrêté, peut-être celui dans lequel il voyage.","Quelques bâtisses en pisé sur lesquelles flotte le drapeau français, et sur le bas-côté de la chaussée, un camion arrêté, peut-être celui dans lequel il voyage." "Il parvient jusqu'à l'autre rive du désert, à Arak.","Il parvient jusqu'à l'autre rive du désert, à Arak." "Peut-être qu'il atteint le fort Mac-Mahon, à El-Goléa.","Peut-être qu'il atteint le fort Mac-Mahon, à El-Goléa." "En temps de guerre, tout étranger est un espion.","En temps de guerre, tout étranger est un espion." "Finalement, il est arrêté, refoulé.","Finalement, il est arrêté, refoulé." "La mort dans l'âme, il doit revenir en arrière, refaire la route jusqu'à Kano, jusqu'à Ogoja.","La mort dans l'âme, il doit revenir en arrière, refaire la route jusqu'à Kano, jusqu'à Ogoja." "À partir de cet échec, l'Afrique n'a plus pour lui le même goût de liberté.","À partir de cet échec, l'Afrique n'a plus pour lui le même goût de liberté." "Bamenda, Banso, c'était au temps du bonheur, dans le sanctuaire du haut pays entouré de géants, le mont Bambouta à 2 700 m, le Kodju à 2 000, l'Oku à 3 000.","Bamenda, Banso, c'était au temps du bonheur, dans le sanctuaire du haut pays entouré de géants, le mont Bambouta à 2 700 m, le Kodju à 2 000, l'Oku à 3 000." Il avait cru qu'il n'en partirait pas.,Il avait cru qu'il n'en partirait pas. "Il avait rêvé d'une vie parfaite, où ses enfants auraient grandi dans cette nature, seraient devenus, comme lui, des habitants de ce pays.","Il avait rêvé d'une vie parfaite, où ses enfants auraient grandi dans cette nature, seraient devenus, comme lui, des habitants de ce pays." "Ogoja, où la guerre le condamne, est un poste avancé de la colonie anglaise, un gros village dans une cuvette étouffante au bord de l'Aiya, enserré par la forêt, coupé du Cameroun par une chaîne de montagnes infranchissable.","Ogoja, où la guerre le condamne, est un poste avancé de la colonie anglaise, un gros village dans une cuvette étouffante au bord de l'Aiya, enserré par la forêt, coupé du Cameroun par une chaîne de montagnes infranchissable." "L'hôpital dont il a la charge existe depuis longtemps, c'est une grande bâtisse de ciment à toit de tôle, avec salle d'opération, dortoirs pour les patients, et une équipe d'infirmiers et de sages-femmes.","L'hôpital dont il a la charge existe depuis longtemps, c'est une grande bâtisse de ciment à toit de tôle, avec salle d'opération, dortoirs pour les patients, et une équipe d'infirmiers et de sages-femmes." "Si c'est toujours un peu l'aventure (on est tout de même à une journée de voiture de la côte), elle est planifiée.","Si c'est toujours un peu l'aventure (on est tout de même à une journée de voiture de la côte), elle est planifiée." "Le D.O. n'est pas loin, le grand centre administratif de la province de Cross River est à Abakaliki, accessible par une route carrossable.","Le D.O. n'est pas loin, le grand centre administratif de la province de Cross River est à Abakaliki, accessible par une route carrossable." "La maison de fonction qu'il habite est juste à côté de l'hôpital. Ce n'est pas une belle maison en bois comme Forestry House à Bamenda, ni une case rustique de pisé et de palmes comme à Banso.","La maison de fonction qu'il habite est juste à côté de l'hôpital. Ce n'est pas une belle maison en bois comme Forestry House à Bamenda, ni une case rustique de pisé et de palmes comme à Banso." "C'est une maison moderne, assez laide, faite en blocs de ciment avec un toit de tôle ondulée qui la transforme en four chaque après-midi – et que mon père se hâte de recouvrir de feuilles pour l'isoler de la chaleur.","C'est une maison moderne, assez laide, faite en blocs de ciment avec un toit de tôle ondulée qui la transforme en four chaque après-midi – et que mon père se hâte de recouvrir de feuilles pour l'isoler de la chaleur." "Comment vit-il ces longues années de guerre, seul dans cette grande maison vide, sans nouvelles de la femme qu'il aime et de ses enfants ?","Comment vit-il ces longues années de guerre, seul dans cette grande maison vide, sans nouvelles de la femme qu'il aime et de ses enfants ?" Son travail de médecin devient pour lui une obsession.,Son travail de médecin devient pour lui une obsession. La douceur nonchalante du Cameroun n'a pas cours à Ogoja.,La douceur nonchalante du Cameroun n'a pas cours à Ogoja. "S'il consulte toujours en brousse, ce n'est plus à cheval, par les sentiers qui sinuent dans les montagnes.","S'il consulte toujours en brousse, ce n'est plus à cheval, par les sentiers qui sinuent dans les montagnes." "Il utilise sa voiture (cette Ford V8 qu'il a rachetée à son prédécesseur, plutôt un camion qu'une auto, et qui m'a fait une si forte impression quand il est venu nous chercher à la descente du bateau à Port Harcourt).","Il utilise sa voiture (cette Ford V8 qu'il a rachetée à son prédécesseur, plutôt un camion qu'une auto, et qui m'a fait une si forte impression quand il est venu nous chercher à la descente du bateau à Port Harcourt)." "Il se rend dans les villages voisins, reliés par des pistes de latérite, Ijama, Nyonnya, Bawop, Amachi, Baterik, Bakalung, jusqu'à Obudu sur les contreforts de la montagne camerounaise.","Il se rend dans les villages voisins, reliés par des pistes de latérite, Ijama, Nyonnya, Bawop, Amachi, Baterik, Bakalung, jusqu'à Obudu sur les contreforts de la montagne camerounaise." "Le contact avec les malades n'est plus le même. Ils sont trop nombreux. À l'hôpital d'Ogoja, il n'a plus le temps de parler, d'écouter les plaintes des familles.","Le contact avec les malades n'est plus le même. Ils sont trop nombreux. À l'hôpital d'Ogoja, il n'a plus le temps de parler, d'écouter les plaintes des familles." "Les femmes et les enfants n'ont pas leur place dans la cour de l'hôpital, il est interdit d'y allumer du feu pour faire la cuisine.","Les femmes et les enfants n'ont pas leur place dans la cour de l'hôpital, il est interdit d'y allumer du feu pour faire la cuisine." "Les patients sont dans les dortoirs, couchés sur de vrais lits en métal aux draps empesés et très blancs, ils souffrent probablement autant de l'angoisse que de leurs affections.","Les patients sont dans les dortoirs, couchés sur de vrais lits en métal aux draps empesés et très blancs, ils souffrent probablement autant de l'angoisse que de leurs affections." "Quand il entre dans les chambrées, mon père lit la peur dans leurs yeux.","Quand il entre dans les chambrées, mon père lit la peur dans leurs yeux." "Le médecin n'est pas cet homme qui apporte le bienfait des médicaments occidentaux, et qui sait partager son savoir avec les anciens du village.","Le médecin n'est pas cet homme qui apporte le bienfait des médicaments occidentaux, et qui sait partager son savoir avec les anciens du village." "Il est un étranger dont la réputation s'est répandue dans tout le pays, qui coupe bras et jambes quand la gangrène a commencé, et dont le seul remède est contenu dans cet instrument à la fois effrayant et dérisoire, une seringue de laiton munie d'une aiguille de six centimètres.","Il est un étranger dont la réputation s'est répandue dans tout le pays, qui coupe bras et jambes quand la gangrène a commencé, et dont le seul remède est contenu dans cet instrument à la fois effrayant et dérisoire, une seringue de laiton munie d'une aiguille de six centimètres." "Alors mon père découvre, après toutes ces années où il s'est senti proche des Africains, leur parent, leur ami, que le médecin n'est qu'un autre acteur de la puissance coloniale, pas différent du policier, du juge ou du soldat. Comment pouvait-il en être autrement ? L'exercice de la médecine est aussi un pouvoir sur les gens, et la surveillance médicale est également une surveillance politique.","Alors mon père découvre, après toutes ces années où il s'est senti proche des Africains, leur parent, leur ami, que le médecin n'est qu'un autre acteur de la puissance coloniale, pas différent du policier, du juge ou du soldat. Comment pouvait-il en être autrement ? L'exercice de la médecine est aussi un pouvoir sur les gens, et la surveillance médicale est également une surveillance politique." "L'armée britannique le savait bien : au début du siècle, après des années d'une résistance acharnée, elle avait pu vaincre par la force des armes et de la technique moderne la magie des derniers guerriers ibos, dans le sanctuaire d'Aro Chuku, à moins d'une journée de marche d'Ogoja. Il n'est pas facile de changer des peuples tout entiers, lorsque ce changement est fait sous contrainte.","L'armée britannique le savait bien : au début du siècle, après des années d'une résistance acharnée, elle avait pu vaincre par la force des armes et de la technique moderne la magie des derniers guerriers ibos, dans le sanctuaire d'Aro Chuku, à moins d'une journée de marche d'Ogoja. Il n'est pas facile de changer des peuples tout entiers, lorsque ce changement est fait sous contrainte." "Cette leçon, mon père l'a sans doute apprise du fait de la solitude et de l'isolement où le plongeait la guerre. Cette certitude a dû l'enfoncer dans l'idée de l'échec, dans son pessimisme.","Cette leçon, mon père l'a sans doute apprise du fait de la solitude et de l'isolement où le plongeait la guerre. Cette certitude a dû l'enfoncer dans l'idée de l'échec, dans son pessimisme." "À la fin de sa vie, je me souviens qu'il m'a dit une fois que, si c'était à refaire, il ne serait pas médecin, mais vétérinaire, parce que les animaux étaient les seuls à accepter leur souffrance.","À la fin de sa vie, je me souviens qu'il m'a dit une fois que, si c'était à refaire, il ne serait pas médecin, mais vétérinaire, parce que les animaux étaient les seuls à accepter leur souffrance." Il y a la violence aussi.,Il y a la violence aussi. "À Banso, à Bamenda, dans les montagnes du Cameroun, mon père était sous le charme de la douceur et de l'humour des Africains.","À Banso, à Bamenda, dans les montagnes du Cameroun, mon père était sous le charme de la douceur et de l'humour des Africains." "À Ogoja, tout est différent.","À Ogoja, tout est différent." "Le pays est troublé par les guerres tribales, les vengeances, les règlements de comptes entre villages.","Le pays est troublé par les guerres tribales, les vengeances, les règlements de comptes entre villages." "Les routes, les chemins ne sont pas sûrs, il faut sortir armé. Les Ibos du Calabar sont ceux qui ont résisté avec le plus d'acharnement à la pénétration des Européens.","Les routes, les chemins ne sont pas sûrs, il faut sortir armé. Les Ibos du Calabar sont ceux qui ont résisté avec le plus d'acharnement à la pénétration des Européens." "On les dit chrétiens (ce sera même un des arguments utilisés par la France pour soutenir leur lutte contre leurs voisins yoroubas, qui sont musulmans). En vérité, l'animisme et le fétichisme étaient courants à l'époque. La sorcellerie était aussi une pratique au Cameroun, mais pour mon père, elle avait un caractère plus ouvert, plus positif.","On les dit chrétiens (ce sera même un des arguments utilisés par la France pour soutenir leur lutte contre leurs voisins yoroubas, qui sont musulmans). En vérité, l'animisme et le fétichisme étaient courants à l'époque. La sorcellerie était aussi une pratique au Cameroun, mais pour mon père, elle avait un caractère plus ouvert, plus positif." "Dans l'est du Nigeria, la sorcellerie est secrète, elle s'exerce au moyen des poisons, des amulettes cachées, des signes destinés à porter malheur.","Dans l'est du Nigeria, la sorcellerie est secrète, elle s'exerce au moyen des poisons, des amulettes cachées, des signes destinés à porter malheur." "Pour la première fois, mon père entend, de la bouche des résidents européens, et colportées par les autochtones à leur service, des histoires d'envoûtements, de magie, de crimes rituels.","Pour la première fois, mon père entend, de la bouche des résidents européens, et colportées par les autochtones à leur service, des histoires d'envoûtements, de magie, de crimes rituels." La légende d'Aro Chuku et de sa pierre aux sacrifices humains continue d'agir sur les esprits.,La légende d'Aro Chuku et de sa pierre aux sacrifices humains continue d'agir sur les esprits. "Les histoires qu'on raconte créent un climat de méfiance, de tension.","Les histoires qu'on raconte créent un climat de méfiance, de tension." "Dans tel village, dit-on, non loin d'Obudu, les habitants ont coutume de tendre une corde en travers de la route, lorsqu'un voyageur isolé s'y aventure à bicyclette. Dès qu'il tombe, le malheureux est aussitôt assommé, emmené derrière un mur et son corps dépecé pour être mangé.","Dans tel village, dit-on, non loin d'Obudu, les habitants ont coutume de tendre une corde en travers de la route, lorsqu'un voyageur isolé s'y aventure à bicyclette. Dès qu'il tombe, le malheureux est aussitôt assommé, emmené derrière un mur et son corps dépecé pour être mangé." "Dans tel autre, le district officer, au cours d'une tournée, a fait saisir à l'étal du boucher une viande prétendument de porc, mais que la rumeur désigne comme étant de la chair humaine.","Dans tel autre, le district officer, au cours d'une tournée, a fait saisir à l'étal du boucher une viande prétendument de porc, mais que la rumeur désigne comme étant de la chair humaine." "À Obudu, où les gorilles des montagnes alentour sont braconnés, on trouve leurs mains coupées vendues en souvenir sur le marché, mais il semble que, si on y regarde de plus près, on constate qu'il y a également à la vente des mains d'enfants.","À Obudu, où les gorilles des montagnes alentour sont braconnés, on trouve leurs mains coupées vendues en souvenir sur le marché, mais il semble que, si on y regarde de plus près, on constate qu'il y a également à la vente des mains d'enfants." "Mon père nous répète ces récits effarants, sans doute n'y croit-il qu'à moitié. Il n'a jamais constaté lui-même des preuves de cannibalisme.","Mon père nous répète ces récits effarants, sans doute n'y croit-il qu'à moitié. Il n'a jamais constaté lui-même des preuves de cannibalisme." "Mais ce qui est certain, c'est qu'il doit souvent se déplacer pour autopsier des victimes de meurtre.","Mais ce qui est certain, c'est qu'il doit souvent se déplacer pour autopsier des victimes de meurtre." C'est cette violence qui devient pour lui obsessionnelle.,C'est cette violence qui devient pour lui obsessionnelle. "J'ai entendu mon père raconter que les corps qu'il doit examiner sont parfois dans un tel état de décomposition qu'il lui faut attacher son scalpel au bout d'un bâton avant d'entailler la peau, pour éviter l'explosion des gaz.","J'ai entendu mon père raconter que les corps qu'il doit examiner sont parfois dans un tel état de décomposition qu'il lui faut attacher son scalpel au bout d'un bâton avant d'entailler la peau, pour éviter l'explosion des gaz." "La maladie a pour lui un caractère offensant, maintenant que le charme de l'Afrique a cessé d'exister.","La maladie a pour lui un caractère offensant, maintenant que le charme de l'Afrique a cessé d'exister." "Ce métier qu'il a exercé dans l'enthousiasme devient peu à peu accablant, dans la chaleur, l'humidité de la rivière, la solitude du bout du monde.","Ce métier qu'il a exercé dans l'enthousiasme devient peu à peu accablant, dans la chaleur, l'humidité de la rivière, la solitude du bout du monde." "La proximité de la souffrance le fatigue : tous ces corps brûlants de fièvre, ces ventres distendus de cancéreux, ces jambes rongées d'ulcères, déformées par l'éléphantiasis, ces visages mangés par la lèpre ou la syphilis, ces femmes déchirées par les accouchements, ces enfants vieillis par les carences, leur peau grise comme un parchemin, leurs cheveux couleur de rouille, leurs yeux agrandis à l'approche de la mort.","La proximité de la souffrance le fatigue : tous ces corps brûlants de fièvre, ces ventres distendus de cancéreux, ces jambes rongées d'ulcères, déformées par l'éléphantiasis, ces visages mangés par la lèpre ou la syphilis, ces femmes déchirées par les accouchements, ces enfants vieillis par les carences, leur peau grise comme un parchemin, leurs cheveux couleur de rouille, leurs yeux agrandis à l'approche de la mort." "Longtemps après, il me parle de ces choses terribles qu'il fallait affronter, chaque jour, comme si c'était la même séquence qui recommençait : une vieille femme rendue démente par l'urémie, qu'il faut ligoter sur son lit, un homme à qui il enlève un ténia si long qu'il doit l'enrouler autour d'un bâton, une jeune femme qu'il va amputer à cause de la gangrène, une autre qu'on lui amène mourant de variole, le visage gonflé et couvert de blessures.","Longtemps après, il me parle de ces choses terribles qu'il fallait affronter, chaque jour, comme si c'était la même séquence qui recommençait : une vieille femme rendue démente par l'urémie, qu'il faut ligoter sur son lit, un homme à qui il enlève un ténia si long qu'il doit l'enrouler autour d'un bâton, une jeune femme qu'il va amputer à cause de la gangrène, une autre qu'on lui amène mourant de variole, le visage gonflé et couvert de blessures." "La proximité physique avec ce pays, ce sentiment que seul procure le contact avec l'humanité dans toute sa réalité souffrante, l'odeur de la peau, la sueur, le sang, la douleur, l'espoir, la petite flamme de lumière qui s'allume parfois dans le regard d'un malade, lorsque la fièvre s'éloigne, ou cette seconde infinie durant laquelle le médecin voit s'éteindre la vie sur la pupille d'un agonisant – tout cela qui l'avait emporté, électrisé au commencement, quand il naviguait sur les fleuves de Guyane, quand il marchait sur les sentiers de montagne du haut pays camerounais, tout cela est remis en question à Ogoja, à cause de la désespérante usure des jours, dans un pessimisme inexprimé, parce qu'il constate l'impossibilité d'aller au bout de sa tâche.","La proximité physique avec ce pays, ce sentiment que seul procure le contact avec l'humanité dans toute sa réalité souffrante, l'odeur de la peau, la sueur, le sang, la douleur, l'espoir, la petite flamme de lumière qui s'allume parfois dans le regard d'un malade, lorsque la fièvre s'éloigne, ou cette seconde infinie durant laquelle le médecin voit s'éteindre la vie sur la pupille d'un agonisant – tout cela qui l'avait emporté, électrisé au commencement, quand il naviguait sur les fleuves de Guyane, quand il marchait sur les sentiers de montagne du haut pays camerounais, tout cela est remis en question à Ogoja, à cause de la désespérante usure des jours, dans un pessimisme inexprimé, parce qu'il constate l'impossibilité d'aller au bout de sa tâche." "Il me raconte, avec la voix encore voilée par l'émotion, ce jeune Ibo qu'on lui apporte à l'hôpital d'Ogoja, pieds et poings liés, la bouche bâillonnée par une sorte de muselière de bois. Il a été mordu par un chien, et maintenant la rage s'est déclarée.","Il me raconte, avec la voix encore voilée par l'émotion, ce jeune Ibo qu'on lui apporte à l'hôpital d'Ogoja, pieds et poings liés, la bouche bâillonnée par une sorte de muselière de bois. Il a été mordu par un chien, et maintenant la rage s'est déclarée." "Il est lucide, il sait qu'il va mourir.","Il est lucide, il sait qu'il va mourir." "Par instants, dans la cellule où on l'a isolé, il est saisi par une crise, son corps s'arc-boute sur le lit malgré les sangles, ses membres sont possédés d'une telle force que le cuir semble prêt à se rompre. En même temps, il grogne et hurle de douleur, sa bouche écume. Puis il retombe dans une sorte de léthargie, assommé par la morphine.","Par instants, dans la cellule où on l'a isolé, il est saisi par une crise, son corps s'arc-boute sur le lit malgré les sangles, ses membres sont possédés d'une telle force que le cuir semble prêt à se rompre. En même temps, il grogne et hurle de douleur, sa bouche écume. Puis il retombe dans une sorte de léthargie, assommé par la morphine." "Quelques heures plus tard, c'est mon père qui plonge dans sa veine l'aiguille qui lui injecte le poison.","Quelques heures plus tard, c'est mon père qui plonge dans sa veine l'aiguille qui lui injecte le poison." "Avant de mourir, le garçon regarde mon père, il perd connaissance et sa poitrine s'affaisse dans un dernier soupir.","Avant de mourir, le garçon regarde mon père, il perd connaissance et sa poitrine s'affaisse dans un dernier soupir." Quel homme est-on quand on a vécu cela ?,Quel homme est-on quand on a vécu cela ? "Tel était l'homme que j'ai rencontré en 1948, à la fin de sa vie africaine. Je ne l'ai pas reconnu, pas compris.","Tel était l'homme que j'ai rencontré en 1948, à la fin de sa vie africaine. Je ne l'ai pas reconnu, pas compris." "Il était trop différent de tous ceux que je connaissais, un étranger, et même plus que cela, presque un ennemi.","Il était trop différent de tous ceux que je connaissais, un étranger, et même plus que cela, presque un ennemi." "Il n'avait rien de commun avec les hommes que je voyais en France dans le cercle de ma grand-mère, ces « oncles », ces amis de mon grand-père, messieurs d'un autre âge, distingués, décorés, patriotes, revanchards, bavards, porteurs de cadeaux, ayant une famille, des relations, abonnés au Journal des voyages, lecteurs de Léon Daudet et de Barrès. Toujours impeccablement vêtus de leurs complets gris, de leurs gilets, portant cols durs et cravates, coiffant leurs chapeaux de feutre et maniant leurs cannes à bout ferré.","Il n'avait rien de commun avec les hommes que je voyais en France dans le cercle de ma grand-mère, ces « oncles », ces amis de mon grand-père, messieurs d'un autre âge, distingués, décorés, patriotes, revanchards, bavards, porteurs de cadeaux, ayant une famille, des relations, abonnés au Journal des voyages, lecteurs de Léon Daudet et de Barrès. Toujours impeccablement vêtus de leurs complets gris, de leurs gilets, portant cols durs et cravates, coiffant leurs chapeaux de feutre et maniant leurs cannes à bout ferré." "Après dîner, ils s'installaient dans les fauteuils de cuir de la salle à manger, souvenirs de temps prospères, ils fumaient et ils parlaient, et moi je m'endormais le nez dans mon assiette vide en écoutant le ronron de leurs voix.","Après dîner, ils s'installaient dans les fauteuils de cuir de la salle à manger, souvenirs de temps prospères, ils fumaient et ils parlaient, et moi je m'endormais le nez dans mon assiette vide en écoutant le ronron de leurs voix." "L'homme qui m'est apparu au pied de la coupée, sur le quai de Port Harcourt, était d'un autre monde : vêtu d'un pantalon trop large et trop court, sans forme, d'une chemise blanche, ses souliers de cuir noir empoussiérés par les pistes.","L'homme qui m'est apparu au pied de la coupée, sur le quai de Port Harcourt, était d'un autre monde : vêtu d'un pantalon trop large et trop court, sans forme, d'une chemise blanche, ses souliers de cuir noir empoussiérés par les pistes." "Il était dur, taciturne.","Il était dur, taciturne." "Quand il parlait en français, c'était avec l'accent chantant de Maurice, ou bien il parlait en pidgin, ce dialecte mystérieux qui sonnait comme des clochettes.","Quand il parlait en français, c'était avec l'accent chantant de Maurice, ou bien il parlait en pidgin, ce dialecte mystérieux qui sonnait comme des clochettes." "Il était inflexible, autoritaire, en même temps doux et généreux avec les Africains qui travaillaient pour lui à l'hôpital et dans sa maison de fonction.","Il était inflexible, autoritaire, en même temps doux et généreux avec les Africains qui travaillaient pour lui à l'hôpital et dans sa maison de fonction." "Il était plein de manies et de rituels que je ne connaissais pas, dont je n'avais pas la moindre idée : les enfants ne devaient jamais parler à table sans en avoir eu l'autorisation, ils ne devaient pas courir, ni jouer ni paresser au lit.","Il était plein de manies et de rituels que je ne connaissais pas, dont je n'avais pas la moindre idée : les enfants ne devaient jamais parler à table sans en avoir eu l'autorisation, ils ne devaient pas courir, ni jouer ni paresser au lit." "Ils ne pouvaient pas manger en dehors des repas, et jamais de sucreries.","Ils ne pouvaient pas manger en dehors des repas, et jamais de sucreries." "Ils devaient manger sans poser les mains sur la table, ne pouvaient rien laisser dans leur assiette et devaient faire attention à ne jamais mâcher la bouche ouverte.","Ils devaient manger sans poser les mains sur la table, ne pouvaient rien laisser dans leur assiette et devaient faire attention à ne jamais mâcher la bouche ouverte." "Son obsession de l'hygiène le conduisait à des gestes surprenants, comme de se laver les mains à l'alcool et les flamber avec une allumette.","Son obsession de l'hygiène le conduisait à des gestes surprenants, comme de se laver les mains à l'alcool et les flamber avec une allumette." "Il vérifiait à chaque instant le charbon du filtre à eau, ne buvait que du thé, ou même de l'eau bouillante (que les Chinois appellent du thé blanc), fabriquait lui-même ses bougies avec de la cire et des cordons trempés dans la paraffine, lavait lui-même la vaisselle avec des extraits de saponaire.","Il vérifiait à chaque instant le charbon du filtre à eau, ne buvait que du thé, ou même de l'eau bouillante (que les Chinois appellent du thé blanc), fabriquait lui-même ses bougies avec de la cire et des cordons trempés dans la paraffine, lavait lui-même la vaisselle avec des extraits de saponaire." "Hormis son poste de radio, rattaché à une antenne suspendue au travers du jardin, il n'avait aucun contact avec le reste du monde, ne lisait ni livres ni journaux.","Hormis son poste de radio, rattaché à une antenne suspendue au travers du jardin, il n'avait aucun contact avec le reste du monde, ne lisait ni livres ni journaux." "Sa seule lecture était un petit ouvrage relié de noir que j'ai trouvé longtemps après, et que je ne peux ouvrir sans émotion : l'Imitation de Jésus-Christ.","Sa seule lecture était un petit ouvrage relié de noir que j'ai trouvé longtemps après, et que je ne peux ouvrir sans émotion : l'Imitation de Jésus-Christ." "C'était un livre de militaire, comme j'imagine que les soldats d'autrefois pouvaient lire les Pensées de Marc Aurèle sur le champ de bataille.","C'était un livre de militaire, comme j'imagine que les soldats d'autrefois pouvaient lire les Pensées de Marc Aurèle sur le champ de bataille." "Bien entendu, il ne nous en parlait jamais.","Bien entendu, il ne nous en parlait jamais." "Dès le premier contact, mon frère et moi nous sommes mesurés à lui en versant du poivre dans sa théière.","Dès le premier contact, mon frère et moi nous sommes mesurés à lui en versant du poivre dans sa théière." "Cela ne l'a pas fait rire, il nous a chassés autour de la maison et nous a sévèrement battus. Peut-être qu'un autre homme, je veux dire un de ces « oncles » qui fréquentaient l'appartement de ma grand-mère, se serait contenté d'en rire.","Cela ne l'a pas fait rire, il nous a chassés autour de la maison et nous a sévèrement battus. Peut-être qu'un autre homme, je veux dire un de ces « oncles » qui fréquentaient l'appartement de ma grand-mère, se serait contenté d'en rire." "Nous avons appris d'un coup qu'un père pouvait être redoutable, qu'il pouvait sévir, aller couper des cannes dans le bois et s'en servir pour nous frapper les jambes.","Nous avons appris d'un coup qu'un père pouvait être redoutable, qu'il pouvait sévir, aller couper des cannes dans le bois et s'en servir pour nous frapper les jambes." "Qu'il pouvait instituer une justice virile, qui excluait tout dialogue et toute excuse.","Qu'il pouvait instituer une justice virile, qui excluait tout dialogue et toute excuse." "Qu'il fondait cette justice sur l'exemple, refusait les tractations, les délations, tout le jeu des larmes et des promesses que nous avions accoutumé de jouer avec ma grand-mère. Qu'il ne tolérait pas la moindre manifestation d'irrespect et n'accepterait aucune velléité de crise de rage : l'affaire pour moi était entendue, la maison d'Ogoja était de plain-pied, et il n'y avait aucun meuble à jeter par aucune fenêtre.","Qu'il fondait cette justice sur l'exemple, refusait les tractations, les délations, tout le jeu des larmes et des promesses que nous avions accoutumé de jouer avec ma grand-mère. Qu'il ne tolérait pas la moindre manifestation d'irrespect et n'accepterait aucune velléité de crise de rage : l'affaire pour moi était entendue, la maison d'Ogoja était de plain-pied, et il n'y avait aucun meuble à jeter par aucune fenêtre." "C'était le même homme qui exigeait que la prière fût dite chaque soir à l'heure du coucher, et que le dimanche fût consacré à la lecture du livre de messe.","C'était le même homme qui exigeait que la prière fût dite chaque soir à l'heure du coucher, et que le dimanche fût consacré à la lecture du livre de messe." La religion que nous découvrions grâce à lui ne permettait pas d'accommodements.,La religion que nous découvrions grâce à lui ne permettait pas d'accommodements. "C'était une règle de vie, un code de conduite.","C'était une règle de vie, un code de conduite." "Je suppose que c'est en arrivant à Ogoja que nous avons appris que le Père Noël n'existait pas, que les cérémonies et les fêtes religieuses étaient réduites à des prières, et qu'il n'y avait aucun besoin d'offrir des cadeaux qui, dans le contexte où nous étions, ne pouvaient qu'être superflus.","Je suppose que c'est en arrivant à Ogoja que nous avons appris que le Père Noël n'existait pas, que les cérémonies et les fêtes religieuses étaient réduites à des prières, et qu'il n'y avait aucun besoin d'offrir des cadeaux qui, dans le contexte où nous étions, ne pouvaient qu'être superflus." "Sans doute les choses se seraient-elles passées autrement s'il n'y avait pas eu la cassure de la guerre, si mon père, au lieu d'être confronté à des enfants qui lui étaient devenus étrangers, avait appris à vivre dans la même maison qu'un bébé, s'il avait suivi ce lent parcours qui mène de la petite enfance à l'âge de raison.","Sans doute les choses se seraient-elles passées autrement s'il n'y avait pas eu la cassure de la guerre, si mon père, au lieu d'être confronté à des enfants qui lui étaient devenus étrangers, avait appris à vivre dans la même maison qu'un bébé, s'il avait suivi ce lent parcours qui mène de la petite enfance à l'âge de raison." "Ce pays d'Afrique où il avait connu le bonheur de partager l'aventure de sa vie avec une femme, à Banso, à Bamenda, ce même pays lui avait volé sa vie de famille et l'amour des siens.","Ce pays d'Afrique où il avait connu le bonheur de partager l'aventure de sa vie avec une femme, à Banso, à Bamenda, ce même pays lui avait volé sa vie de famille et l'amour des siens." "Il m'est possible aujourd'hui de regretter d'avoir manqué ce rendez-vous. J'essaie d'imaginer ce que cela pouvait être, pour un enfant de huit ans, ayant grandi dans l'enfermement de la guerre, d'aller à l'autre bout du monde rencontrer un inconnu qu'on lui présente comme son père. Et que ce soit là, à Ogoja, dans une nature où tout est à l'excès, le soleil, les orages, la pluie, la végétation, les insectes, un pays à la fois de liberté et de contrainte.","Il m'est possible aujourd'hui de regretter d'avoir manqué ce rendez-vous. J'essaie d'imaginer ce que cela pouvait être, pour un enfant de huit ans, ayant grandi dans l'enfermement de la guerre, d'aller à l'autre bout du monde rencontrer un inconnu qu'on lui présente comme son père. Et que ce soit là, à Ogoja, dans une nature où tout est à l'excès, le soleil, les orages, la pluie, la végétation, les insectes, un pays à la fois de liberté et de contrainte." "Où les hommes et les femmes étaient totalement différents, non pas à cause de la couleur de leur peau et de leurs cheveux, mais par leur manière de parler, de marcher, de rire, de manger.","Où les hommes et les femmes étaient totalement différents, non pas à cause de la couleur de leur peau et de leurs cheveux, mais par leur manière de parler, de marcher, de rire, de manger." "Où la maladie et la vieillesse étaient visibles, où la joie et les jeux de l'enfance étaient encore plus évidents.","Où la maladie et la vieillesse étaient visibles, où la joie et les jeux de l'enfance étaient encore plus évidents." "Où le temps de l'enfance s'arrête très tôt, presque sans transition, où les garçons travaillent avec leur père, les petites filles se marient et portent leurs enfants à treize ans.","Où le temps de l'enfance s'arrête très tôt, presque sans transition, où les garçons travaillent avec leur père, les petites filles se marient et portent leurs enfants à treize ans." "Il aurait fallu grandir en écoutant un père raconter sa vie, chanter des chansons, accompagner ses garçons à la chasse aux lézards ou à la pêche aux écrevisses dans la rivière Aiya, il aurait fallu mettre sa main dans la sienne pour qu'il montre les papillons rares, les fleurs vénéneuses, les secrets de la nature qu'il devait bien connaître, l'écouter parler de son enfance à Maurice, marcher à côté de lui quand il allait rendre visite à ses amis, à ses collègues d'hôpital, le regarder réparer la voiture ou changer un volet brisé, l'aider à planter les arbustes et les fleurs qu'il aimait, les bougainvillées, les strelitzias, les oiseaux-de-paradis, tout ce qui devait lui rappeler le merveilleux jardin de sa maison natale à Moka.","Il aurait fallu grandir en écoutant un père raconter sa vie, chanter des chansons, accompagner ses garçons à la chasse aux lézards ou à la pêche aux écrevisses dans la rivière Aiya, il aurait fallu mettre sa main dans la sienne pour qu'il montre les papillons rares, les fleurs vénéneuses, les secrets de la nature qu'il devait bien connaître, l'écouter parler de son enfance à Maurice, marcher à côté de lui quand il allait rendre visite à ses amis, à ses collègues d'hôpital, le regarder réparer la voiture ou changer un volet brisé, l'aider à planter les arbustes et les fleurs qu'il aimait, les bougainvillées, les strelitzias, les oiseaux-de-paradis, tout ce qui devait lui rappeler le merveilleux jardin de sa maison natale à Moka." Mais à quoi bon rêver ?,Mais à quoi bon rêver ? Rien de tout cela n'était possible.,Rien de tout cela n'était possible. "Au lieu de cela, nous menions contre lui une guerre sournoise, usante, inspirée par la peur des punitions et des coups.","Au lieu de cela, nous menions contre lui une guerre sournoise, usante, inspirée par la peur des punitions et des coups." La période où il est rentré d'Afrique a été la plus dure.,La période où il est rentré d'Afrique a été la plus dure. Aux difficultés d'adaptation s'ajoutait l'hostilité qu'il devait ressentir dans son propre foyer.,Aux difficultés d'adaptation s'ajoutait l'hostilité qu'il devait ressentir dans son propre foyer. "Ses colères étaient disproportionnées, excessives, épuisantes.","Ses colères étaient disproportionnées, excessives, épuisantes." "Pour un rien, un bol cassé, un mot de travers, un regard, il frappait, à coups de canne, à coups de poing.","Pour un rien, un bol cassé, un mot de travers, un regard, il frappait, à coups de canne, à coups de poing." Je me souviens d'avoir ressenti quelque chose qui ressemblait à de la haine.,Je me souviens d'avoir ressenti quelque chose qui ressemblait à de la haine. "Tout ce que je pouvais faire, c'était casser ses bâtons, mais il allait en couper d'autres dans les collines.","Tout ce que je pouvais faire, c'était casser ses bâtons, mais il allait en couper d'autres dans les collines." "Il y avait un archaïsme dans cette façon, cela ne ressemblait pas à ce que connaissaient mes camarades.","Il y avait un archaïsme dans cette façon, cela ne ressemblait pas à ce que connaissaient mes camarades." "J'ai dû en ressortir endurci, selon le proverbe arabe : celui qui est battu est faible d'abord, ensuite il devient fort.","J'ai dû en ressortir endurci, selon le proverbe arabe : celui qui est battu est faible d'abord, ensuite il devient fort." "Aujourd'hui, avec le recul du temps, je comprends que mon père nous transmettait la part la plus difficile de l'éducation – celle que ne donne jamais aucune école.","Aujourd'hui, avec le recul du temps, je comprends que mon père nous transmettait la part la plus difficile de l'éducation – celle que ne donne jamais aucune école." L'Afrique ne l'avait pas transformé.,L'Afrique ne l'avait pas transformé. Elle avait révélé en lui la rigueur.,Elle avait révélé en lui la rigueur. "Plus tard, lorsque mon père est venu vivre sa retraite dans le Sud de la France, il a apporté avec lui cet héritage africain. L'autorité et la discipline, jusqu'à la brutalité.","Plus tard, lorsque mon père est venu vivre sa retraite dans le Sud de la France, il a apporté avec lui cet héritage africain. L'autorité et la discipline, jusqu'à la brutalité." "Mais aussi l'exactitude et le respect, comme une règle des sociétés anciennes du Cameroun et du Nigeria, où les enfants ne doivent pas pleurer, ne doivent pas se plaindre.","Mais aussi l'exactitude et le respect, comme une règle des sociétés anciennes du Cameroun et du Nigeria, où les enfants ne doivent pas pleurer, ne doivent pas se plaindre." "Le goût d'une religion sans fioritures, sans superstitions, qu'il avait trouvée, j'imagine, dans l'exemple de l'islam.","Le goût d'une religion sans fioritures, sans superstitions, qu'il avait trouvée, j'imagine, dans l'exemple de l'islam." "C'est ainsi que je comprends maintenant ce qui me semblait absurde alors, son obsession de l'hygiène, cette façon qu'il avait de se laver les mains.","C'est ainsi que je comprends maintenant ce qui me semblait absurde alors, son obsession de l'hygiène, cette façon qu'il avait de se laver les mains." "Le dégoût qu'il manifestait pour la viande de porc, dont il extrayait, pour nous convaincre, les œufs de ténia enkystés de la pointe de son couteau.","Le dégoût qu'il manifestait pour la viande de porc, dont il extrayait, pour nous convaincre, les œufs de ténia enkystés de la pointe de son couteau." "Sa manière de manger, de faire cuire son riz selon la méthode africaine, en rajoutant au fur et à mesure de l'eau chaude.","Sa manière de manger, de faire cuire son riz selon la méthode africaine, en rajoutant au fur et à mesure de l'eau chaude." "Son goût pour les légumes bouillis, qu'il relevait par une sauce au piment.","Son goût pour les légumes bouillis, qu'il relevait par une sauce au piment." "Sa préférence pour les fruits secs, les dattes, les figues et même les bananes qu'il mettait à cuire au soleil sur le bord de sa fenêtre.","Sa préférence pour les fruits secs, les dattes, les figues et même les bananes qu'il mettait à cuire au soleil sur le bord de sa fenêtre." "Le soin qu'il apportait chaque matin à faire son marché de très bonne heure, en compagnie des travailleurs maghrébins, qu'il rencontrait également au commissariat de police, chaque fois qu'il faisait renouveler sa carte de séjour.","Le soin qu'il apportait chaque matin à faire son marché de très bonne heure, en compagnie des travailleurs maghrébins, qu'il rencontrait également au commissariat de police, chaque fois qu'il faisait renouveler sa carte de séjour." Tout cela peut sembler anecdotique.,Tout cela peut sembler anecdotique. "Mais ces manières africaines qui étaient devenues sa seconde nature apportaient sans doute une leçon à laquelle l'enfant, puis l'adolescent ne pouvait pas être insensible.","Mais ces manières africaines qui étaient devenues sa seconde nature apportaient sans doute une leçon à laquelle l'enfant, puis l'adolescent ne pouvait pas être insensible." Vingt-deux ans d'Afrique lui avaient inspiré une haine profonde du colonialisme sous toutes ses formes.,Vingt-deux ans d'Afrique lui avaient inspiré une haine profonde du colonialisme sous toutes ses formes. "En 1954, nous fîmes un voyage touristique au Maroc (où un des « oncles » était administrateur d'une propriété agricole).","En 1954, nous fîmes un voyage touristique au Maroc (où un des « oncles » était administrateur d'une propriété agricole)." "Bien plus que des images habituelles du folklore, je me souviens d'un incident qui m'a marqué.","Bien plus que des images habituelles du folklore, je me souviens d'un incident qui m'a marqué." "Nous avions pris un autocar régulier pour aller de Casablanca à Marrakech. À un moment, le chauffeur (un Français) se mit en colère, insulta et rejeta au bord de la route un vieux paysan qui n'avait sans doute pas de quoi payer son parcours.","Nous avions pris un autocar régulier pour aller de Casablanca à Marrakech. À un moment, le chauffeur (un Français) se mit en colère, insulta et rejeta au bord de la route un vieux paysan qui n'avait sans doute pas de quoi payer son parcours." "Mon père était indigné. Son commentaire s'étendait à toute l'occupation française dans ce pays, qui empêchait les autochtones d'exercer le moindre travail, fût-ce celui de chauffeur de car, et qui maltraitait les pauvres.","Mon père était indigné. Son commentaire s'étendait à toute l'occupation française dans ce pays, qui empêchait les autochtones d'exercer le moindre travail, fût-ce celui de chauffeur de car, et qui maltraitait les pauvres." "À la même époque, il suivait à la radio, jour après jour, les combats des Kikuyus au Kenya en vue de l'indépendance et la lutte des Zoulous contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud.","À la même époque, il suivait à la radio, jour après jour, les combats des Kikuyus au Kenya en vue de l'indépendance et la lutte des Zoulous contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud." Ce n'étaient pas des idées abstraites ni des choix politiques.,Ce n'étaient pas des idées abstraites ni des choix politiques. "C'était la voix de l'Afrique qui parlait en lui, qui réveillait ses sentiments anciens. Sans doute avait-il pensé au futur, quand il voyageait avec ma mère, à cheval sur les sentiers du Cameroun.","C'était la voix de l'Afrique qui parlait en lui, qui réveillait ses sentiments anciens. Sans doute avait-il pensé au futur, quand il voyageait avec ma mère, à cheval sur les sentiers du Cameroun." "C'était avant la guerre, avant la solitude et l'amertume, quand tout était possible, quand le pays était jeune et neuf, que tout pouvait apparaître. Loin de la société corrompue et profiteuse de la côte, il avait rêvé de la renaissance de l'Afrique, libérée de son carcan colonial et de la fatalité des pandémies. Une sorte d'état de grâce, à l'image des immensités herbeuses où avançaient les troupeaux conduits par les bergers, ou des villages aux alentours de Banso, dans la perfection immémoriale de leurs murs de pisé et de leurs toits de feuilles.","C'était avant la guerre, avant la solitude et l'amertume, quand tout était possible, quand le pays était jeune et neuf, que tout pouvait apparaître. Loin de la société corrompue et profiteuse de la côte, il avait rêvé de la renaissance de l'Afrique, libérée de son carcan colonial et de la fatalité des pandémies. Une sorte d'état de grâce, à l'image des immensités herbeuses où avançaient les troupeaux conduits par les bergers, ou des villages aux alentours de Banso, dans la perfection immémoriale de leurs murs de pisé et de leurs toits de feuilles." "L'avènement de l'indépendance, au Cameroun et au Nigeria, puis de proche en proche à travers tout le continent, avait dû le passionner.","L'avènement de l'indépendance, au Cameroun et au Nigeria, puis de proche en proche à travers tout le continent, avait dû le passionner." Chaque insurrection devait être pour lui source d'espoir.,Chaque insurrection devait être pour lui source d'espoir. "Et la guerre qui venait d'éclater en Algérie, guerre pour laquelle ses propres enfants risquaient d'être mobilisés, ne pouvait être pour lui que le comble de l'horreur.","Et la guerre qui venait d'éclater en Algérie, guerre pour laquelle ses propres enfants risquaient d'être mobilisés, ne pouvait être pour lui que le comble de l'horreur." Il n'avait jamais pardonné à de Gaulle son double jeu.,Il n'avait jamais pardonné à de Gaulle son double jeu. Il est mort l'année où le sida a fait son apparition.,Il est mort l'année où le sida a fait son apparition. "Déjà, il avait perçu l'oubli tactique dans lequel les grandes puissances coloniales laissent le continent qu'elles ont exploité. Les tyrans mis en place avec l'aide de la France et de l'Angleterre, Bokassa, Idi Amin Dada, à qui les gouvernements occidentaux ont fourni armes et subsides pendant des années, avant de les désavouer.","Déjà, il avait perçu l'oubli tactique dans lequel les grandes puissances coloniales laissent le continent qu'elles ont exploité. Les tyrans mis en place avec l'aide de la France et de l'Angleterre, Bokassa, Idi Amin Dada, à qui les gouvernements occidentaux ont fourni armes et subsides pendant des années, avant de les désavouer." "Les portes ouvertes à l'émigration, ces cohortes de jeunes hommes quittant le Ghana, le Bénin ou le Nigeria dans les années soixante, pour servir de main-d'œuvre et peupler les ghettos de banlieue, puis ces mêmes portes qui se sont refermées lorsque la crise économique a rendu les nations industrielles frileuses et xénophobes.","Les portes ouvertes à l'émigration, ces cohortes de jeunes hommes quittant le Ghana, le Bénin ou le Nigeria dans les années soixante, pour servir de main-d'œuvre et peupler les ghettos de banlieue, puis ces mêmes portes qui se sont refermées lorsque la crise économique a rendu les nations industrielles frileuses et xénophobes." "Et surtout l'abandon de l'Afrique à ses vieux démons, paludisme, dysenterie, famine.","Et surtout l'abandon de l'Afrique à ses vieux démons, paludisme, dysenterie, famine." "À présent la nouvelle peste du sida, qui menace de mort le tiers de la population générale de l'Afrique, et toujours les nations occidentales, détentrices des remèdes, qui feignent de ne rien voir, de ne rien savoir.","À présent la nouvelle peste du sida, qui menace de mort le tiers de la population générale de l'Afrique, et toujours les nations occidentales, détentrices des remèdes, qui feignent de ne rien voir, de ne rien savoir." "Le Cameroun avait échappé, semblait-il, à ces malédictions.","Le Cameroun avait échappé, semblait-il, à ces malédictions." "Le haut pays de l'Ouest, en se séparant du Nigeria, avait fait un choix raisonnable, qui le mettait à l'abri de la corruption et des guerres tribales.","Le haut pays de l'Ouest, en se séparant du Nigeria, avait fait un choix raisonnable, qui le mettait à l'abri de la corruption et des guerres tribales." Mais la modernité qui arrivait n'apportait pas les bienfaits escomptés.,Mais la modernité qui arrivait n'apportait pas les bienfaits escomptés. "Ce qui disparaissait aux yeux de mon père, c'était le charme des villages, la vie lente, insouciante, au rythme des travaux agricoles. La remplaçaient l'appât du gain, la vénalité, une certaine violence.","Ce qui disparaissait aux yeux de mon père, c'était le charme des villages, la vie lente, insouciante, au rythme des travaux agricoles. La remplaçaient l'appât du gain, la vénalité, une certaine violence." "Même loin de Banso, mon père ne pouvait pas l'ignorer.","Même loin de Banso, mon père ne pouvait pas l'ignorer." "Il devait ressentir le passage du temps comme un flot qui se retire, abandonnant les laisses du souvenir.","Il devait ressentir le passage du temps comme un flot qui se retire, abandonnant les laisses du souvenir." "En 1968, tandis que mon père et ma mère regardent monter sous leurs fenêtres, à Nice, les montagnes d'ordures laissées par la grève générale, et tandis qu'à Mexico j'entends le vrombissement des hélicos de l'armée qui emportent les corps des étudiants tués à Tlatelolco, le Nigeria entre dans la phase terminale d'un massacre terrible, l'un des grands génocides du siècle, connu sous le nom de guerre du Biafra.","En 1968, tandis que mon père et ma mère regardent monter sous leurs fenêtres, à Nice, les montagnes d'ordures laissées par la grève générale, et tandis qu'à Mexico j'entends le vrombissement des hélicos de l'armée qui emportent les corps des étudiants tués à Tlatelolco, le Nigeria entre dans la phase terminale d'un massacre terrible, l'un des grands génocides du siècle, connu sous le nom de guerre du Biafra." "Pour la mainmise sur les puits de pétrole à l'embouchure de la rivière Calabar, Ibos et Yoroubas s'exterminent, sous le regard indifférent du monde occidental.","Pour la mainmise sur les puits de pétrole à l'embouchure de la rivière Calabar, Ibos et Yoroubas s'exterminent, sous le regard indifférent du monde occidental." "Pis encore, les grandes compagnies pétrolières, principalement l'anglo-hollandaise Shell-British Petroleum, sont partie prenante dans cette guerre, agissent sur leurs gouvernements pour que soient sécurisés les puits et les pipe-lines.","Pis encore, les grandes compagnies pétrolières, principalement l'anglo-hollandaise Shell-British Petroleum, sont partie prenante dans cette guerre, agissent sur leurs gouvernements pour que soient sécurisés les puits et les pipe-lines." "Les États qu'elles représentent s'affrontent par procuration, la France du côté des insurgés biafrais, l'Union soviétique, l'Angleterre et les États-Unis du côté du gouvernement fédéral majoritairement yorouba.","Les États qu'elles représentent s'affrontent par procuration, la France du côté des insurgés biafrais, l'Union soviétique, l'Angleterre et les États-Unis du côté du gouvernement fédéral majoritairement yorouba." "La guerre civile devient une affaire mondiale, une guerre entre civilisations. L'on parle de chrétiens contre musulmans, ou de nationalistes contre capitalistes.","La guerre civile devient une affaire mondiale, une guerre entre civilisations. L'on parle de chrétiens contre musulmans, ou de nationalistes contre capitalistes." "Les pays développés retrouvent un débouché inattendu pour leurs produits finis : ils vendent dans les deux camps armes légères et lourdes, mines antipersonnel, chars d'assaut, avions, et même des mercenaires allemands, français, tchadiens, qui composent la 4e brigade biafraise au service des rebelles d'Ojukwu.","Les pays développés retrouvent un débouché inattendu pour leurs produits finis : ils vendent dans les deux camps armes légères et lourdes, mines antipersonnel, chars d'assaut, avions, et même des mercenaires allemands, français, tchadiens, qui composent la 4e brigade biafraise au service des rebelles d'Ojukwu." "Mais à la fin de l'été 1968, encerclée, décimée par les troupes fédérales sous le commandement du général Benjamin Adekunle, surnommé pour sa cruauté le « Scorpion noir », l'armée biafraise capitule.","Mais à la fin de l'été 1968, encerclée, décimée par les troupes fédérales sous le commandement du général Benjamin Adekunle, surnommé pour sa cruauté le « Scorpion noir », l'armée biafraise capitule." "Seule résiste encore une poignée de combattants dont la plupart sont des enfants, qui brandissent des machettes et des bâtons sculptés en forme de fusils contre les Mig et les bombardiers soviétiques.","Seule résiste encore une poignée de combattants dont la plupart sont des enfants, qui brandissent des machettes et des bâtons sculptés en forme de fusils contre les Mig et les bombardiers soviétiques." "À la chute d'Aba (non loin de l'ancien sanctuaire des guerriers magiciens d'Aro Chuku), le Biafra entre dans une longue agonie.","À la chute d'Aba (non loin de l'ancien sanctuaire des guerriers magiciens d'Aro Chuku), le Biafra entre dans une longue agonie." "Avec la complicité de l'Angleterre et des États-Unis, le général Adekunle verrouille le blocus sur le territoire biafrais, empêchant tout secours et tout approvisionnement.","Avec la complicité de l'Angleterre et des États-Unis, le général Adekunle verrouille le blocus sur le territoire biafrais, empêchant tout secours et tout approvisionnement." "Devant l'avancée de l'armée fédérale, en proie à une folie vengeresse, la population civile fuit vers ce qui reste du territoire biafrais, envahit les savanes et la forêt, tente de survivre sur les réserves.","Devant l'avancée de l'armée fédérale, en proie à une folie vengeresse, la population civile fuit vers ce qui reste du territoire biafrais, envahit les savanes et la forêt, tente de survivre sur les réserves." "Hommes, femmes, enfants sont pris dans un piège mortel.","Hommes, femmes, enfants sont pris dans un piège mortel." "À partir de septembre, il n'y a plus d'opérations militaires, mais des millions de gens coupés du reste du monde, sans vivres, sans médicaments.","À partir de septembre, il n'y a plus d'opérations militaires, mais des millions de gens coupés du reste du monde, sans vivres, sans médicaments." "Quand les organisations internationales peuvent enfin pénétrer dans la zone insurgée, elles découvrent l'étendue de l'horreur.","Quand les organisations internationales peuvent enfin pénétrer dans la zone insurgée, elles découvrent l'étendue de l'horreur." "Le long des routes, au bord des rivières, à l'entrée des villages, des centaines de milliers d'enfants sont en train de mourir de faim et de déshydratation.","Le long des routes, au bord des rivières, à l'entrée des villages, des centaines de milliers d'enfants sont en train de mourir de faim et de déshydratation." C'est un cimetière vaste comme un pays.,C'est un cimetière vaste comme un pays. "Partout, dans les plaines d'herbes semblables à celle où j'allais autrefois faire la guerre aux termites, des enfants sans parents errent sans but, leurs corps transformés en squelettes.","Partout, dans les plaines d'herbes semblables à celle où j'allais autrefois faire la guerre aux termites, des enfants sans parents errent sans but, leurs corps transformés en squelettes." "Longtemps après je suis hanté par le poème de Chinua Achebe, Noël au Biafra, qui commence par ces mots : Non, aucune Vierge à l'Enfant ne pourra égaler Le tableau de la tendresse d'une mère Envers ce fils qu'elle devra bientôt oublier.","Longtemps après je suis hanté par le poème de Chinua Achebe, Noël au Biafra, qui commence par ces mots : Non, aucune Vierge à l'Enfant ne pourra égaler Le tableau de la tendresse d'une mère Envers ce fils qu'elle devra bientôt oublier." "J'ai vu ces images terribles dans tous les journaux, les magazines.","J'ai vu ces images terribles dans tous les journaux, les magazines." "Pour la première fois, le pays où j'avais passé la partie la plus mémorable de mon enfance était montré au reste du monde, mais c'était parce qu'il mourait.","Pour la première fois, le pays où j'avais passé la partie la plus mémorable de mon enfance était montré au reste du monde, mais c'était parce qu'il mourait." "Mon père a vu aussi ces images, comment a-t-il pu accepter ?","Mon père a vu aussi ces images, comment a-t-il pu accepter ?" "À soixante-douze ans, on ne peut que regarder et se taire.","À soixante-douze ans, on ne peut que regarder et se taire." Sans doute verser des larmes.,Sans doute verser des larmes. "La même année que la destruction du pays où il a vécu, mon père s'est vu retirer sa nationalité britannique, pour cause d'indépendance de l'île Maurice.","La même année que la destruction du pays où il a vécu, mon père s'est vu retirer sa nationalité britannique, pour cause d'indépendance de l'île Maurice." C'est à partir de ce moment-là qu'il cesse de songer au départ.,C'est à partir de ce moment-là qu'il cesse de songer au départ. "Il avait fait le projet de retrouver l'Afrique, non pas au Cameroun, mais à Durban, en Afrique du Sud, pour être plus près de ses frères et de ses sœurs restés à l'île Maurice natale.","Il avait fait le projet de retrouver l'Afrique, non pas au Cameroun, mais à Durban, en Afrique du Sud, pour être plus près de ses frères et de ses sœurs restés à l'île Maurice natale." "Puis il avait imaginé s'installer aux Bahamas, acheter un lopin à Eleuthera et y construire une sorte de campement.","Puis il avait imaginé s'installer aux Bahamas, acheter un lopin à Eleuthera et y construire une sorte de campement." Il avait rêvé devant les cartes.,Il avait rêvé devant les cartes. "Il cherchait un autre endroit, non pas ceux qu'il avait connus et où il avait souffert, mais un monde nouveau, où il pourrait recommencer, comme dans une île. Après le massacre du Biafra, il ne rêve plus. Il entre dans une sorte de mutisme entêté, qui l'accompagnera jusqu'à sa mort. Il oublie même qu'il a été médecin, qu'il a mené cette vie aventureuse, héroïque.","Il cherchait un autre endroit, non pas ceux qu'il avait connus et où il avait souffert, mais un monde nouveau, où il pourrait recommencer, comme dans une île. Après le massacre du Biafra, il ne rêve plus. Il entre dans une sorte de mutisme entêté, qui l'accompagnera jusqu'à sa mort. Il oublie même qu'il a été médecin, qu'il a mené cette vie aventureuse, héroïque." "Lorsque, à la suite d'une mauvaise grippe, il est hospitalisé brièvement pour une transfusion sanguine, j'obtiens avec difficulté que le résultat des examens lui soit transmis.","Lorsque, à la suite d'une mauvaise grippe, il est hospitalisé brièvement pour une transfusion sanguine, j'obtiens avec difficulté que le résultat des examens lui soit transmis." "« Pourquoi les voulez-vous ? demande l'infirmière. Vous êtes médecin ? » Je dis : « Moi non. Mais lui, oui. » L'infirmière lui porte les documents. « Mais pourquoi n'avez-vous pas dit que vous étiez médecin ? » Mon père répond : « Parce que vous ne me l'avez pas demandé. » D'une certaine façon, il me semble que c'était moins par résignation que par son désir d'identification avec tous ceux qu'il avait soignés, à qui à la fin de sa vie il s'était mis à ressembler.","« Pourquoi les voulez-vous ? demande l'infirmière. Vous êtes médecin ? » Je dis : « Moi non. Mais lui, oui. » L'infirmière lui porte les documents. « Mais pourquoi n'avez-vous pas dit que vous étiez médecin ? » Mon père répond : « Parce que vous ne me l'avez pas demandé. » D'une certaine façon, il me semble que c'était moins par résignation que par son désir d'identification avec tous ceux qu'il avait soignés, à qui à la fin de sa vie il s'était mis à ressembler." "C'est à l'Afrique que je veux revenir sans cesse, à ma mémoire d'enfant.","C'est à l'Afrique que je veux revenir sans cesse, à ma mémoire d'enfant." À la source de mes sentiments et de mes déterminations.,À la source de mes sentiments et de mes déterminations. "Le monde change, c'est vrai, et celui qui est debout là-bas au milieu de la plaine d'herbes hautes, dans le souffle chaud qui apporte les odeurs de la savane, le bruit aigu de la forêt, sentant sur ses lèvres l'humidité du ciel et des nuages, celui-là est si loin de moi qu'aucune histoire, aucun voyage ne me permettra de le rejoindre.","Le monde change, c'est vrai, et celui qui est debout là-bas au milieu de la plaine d'herbes hautes, dans le souffle chaud qui apporte les odeurs de la savane, le bruit aigu de la forêt, sentant sur ses lèvres l'humidité du ciel et des nuages, celui-là est si loin de moi qu'aucune histoire, aucun voyage ne me permettra de le rejoindre." "Pourtant, parfois, je marche dans les rues d'une ville, au hasard, et tout d'un coup, en passant devant une porte au bas d'un immeuble en construction, je respire l'odeur froide du ciment qui vient d'être coulé, et je suis dans la case de passage d'Abakaliki, j'entre dans le cube ombreux de ma chambre et je vois derrière la porte le grand lézard bleu que notre chatte a étranglé et qu'elle m'a apporté en signe de bienvenue.","Pourtant, parfois, je marche dans les rues d'une ville, au hasard, et tout d'un coup, en passant devant une porte au bas d'un immeuble en construction, je respire l'odeur froide du ciment qui vient d'être coulé, et je suis dans la case de passage d'Abakaliki, j'entre dans le cube ombreux de ma chambre et je vois derrière la porte le grand lézard bleu que notre chatte a étranglé et qu'elle m'a apporté en signe de bienvenue." "Ou bien, au moment où je m'y attends le moins, je suis envahi par le parfum de la terre mouillée de notre jardin à Ogoja, quand la mousson roule sur le toit de la maison et fait zébrer les ruisseaux couleur de sang sur la terre craquelée.","Ou bien, au moment où je m'y attends le moins, je suis envahi par le parfum de la terre mouillée de notre jardin à Ogoja, quand la mousson roule sur le toit de la maison et fait zébrer les ruisseaux couleur de sang sur la terre craquelée." "J'entends même, par-dessus la vibration des autos embouteillées dans une avenue, la musique douce et froissante de la rivière Aiya.","J'entends même, par-dessus la vibration des autos embouteillées dans une avenue, la musique douce et froissante de la rivière Aiya." "J'entends les voix des enfants qui crient, ils m'appellent, ils sont devant la haie, à l'entrée du jardin, ils ont apporté leurs cailloux et leurs vertèbres de mouton, pour jouer, pour m'emmener à la chasse aux couleuvres.","J'entends les voix des enfants qui crient, ils m'appellent, ils sont devant la haie, à l'entrée du jardin, ils ont apporté leurs cailloux et leurs vertèbres de mouton, pour jouer, pour m'emmener à la chasse aux couleuvres." "L'après-midi, après la leçon de calcul avec ma mère, je vais m'installer sur le ciment de la varangue, devant le four du ciel blanc pour faire des dieux d'argile et les cuire au soleil.","L'après-midi, après la leçon de calcul avec ma mère, je vais m'installer sur le ciment de la varangue, devant le four du ciel blanc pour faire des dieux d'argile et les cuire au soleil." "Je me souviens de chacun d'eux, de leurs noms, de leurs bras levés, de leurs masques.","Je me souviens de chacun d'eux, de leurs noms, de leurs bras levés, de leurs masques." "Alasi, le dieu du tonnerre, Ngu, Eke-Ifite la déesse mère, Agwu le malicieux.","Alasi, le dieu du tonnerre, Ngu, Eke-Ifite la déesse mère, Agwu le malicieux." "Mais ils sont plus nombreux encore, chaque jour j'invente un nom nouveau, ils sont mes chis, mes esprits qui me protègent et vont intercéder pour moi auprès de Dieu.","Mais ils sont plus nombreux encore, chaque jour j'invente un nom nouveau, ils sont mes chis, mes esprits qui me protègent et vont intercéder pour moi auprès de Dieu." "Je vais regarder la fièvre monter dans le ciel du crépuscule, les éclairs courir en silence entre les écailles grises des nuages auréolés de feu.","Je vais regarder la fièvre monter dans le ciel du crépuscule, les éclairs courir en silence entre les écailles grises des nuages auréolés de feu." "Quand la nuit sera noire, j'écouterai les pas du tonnerre, de proche en proche, l'onde qui fait vaciller mon hamac et souffle sur la flamme de ma lampe.","Quand la nuit sera noire, j'écouterai les pas du tonnerre, de proche en proche, l'onde qui fait vaciller mon hamac et souffle sur la flamme de ma lampe." J'écouterai la voix de ma mère qui compte les secondes qui nous séparent de l'impact de la foudre et qui calcule la distance à raison de trois cent trente-trois mètres par seconde.,J'écouterai la voix de ma mère qui compte les secondes qui nous séparent de l'impact de la foudre et qui calcule la distance à raison de trois cent trente-trois mètres par seconde. "Enfin le vent de la pluie, très froid, qui avance dans toute sa puissance sur la cime des arbres, j'entends chaque branche gémir et craquer, l'air de la chambre se remplit de la poussière que soulève l'eau en frappant la terre.","Enfin le vent de la pluie, très froid, qui avance dans toute sa puissance sur la cime des arbres, j'entends chaque branche gémir et craquer, l'air de la chambre se remplit de la poussière que soulève l'eau en frappant la terre." "Tout cela est si loin, si proche. Une simple paroi fine comme un miroir sépare le monde d'aujourd'hui et le monde d'hier. Je ne parle pas de nostalgie.","Tout cela est si loin, si proche. Une simple paroi fine comme un miroir sépare le monde d'aujourd'hui et le monde d'hier. Je ne parle pas de nostalgie." Cette peine dérélictueuse ne m'a jamais causé aucun plaisir.,Cette peine dérélictueuse ne m'a jamais causé aucun plaisir. "Quelque chose m'a été donné, quelque chose m'a été repris.","Quelque chose m'a été donné, quelque chose m'a été repris." "Ce qui est définitivement absent de mon enfance : avoir eu un père, avoir grandi auprès de lui dans la douceur du foyer familial.","Ce qui est définitivement absent de mon enfance : avoir eu un père, avoir grandi auprès de lui dans la douceur du foyer familial." "Je sais que cela m'a manqué, sans regret, sans illusion extraordinaire.","Je sais que cela m'a manqué, sans regret, sans illusion extraordinaire." "Quand un homme regarde jour après jour changer la lumière sur le visage de la femme qu'il aime, qu'il guette chaque éclat furtif dans le regard de son enfant.","Quand un homme regarde jour après jour changer la lumière sur le visage de la femme qu'il aime, qu'il guette chaque éclat furtif dans le regard de son enfant." "Tout cela qu'aucun portrait, aucune photo ne pourra jamais saisir.","Tout cela qu'aucun portrait, aucune photo ne pourra jamais saisir." "Mais je me souviens de tout ce que j'ai reçu quand je suis arrivé pour la première fois en Afrique : une liberté si intense que cela me brûlait, m'enivrait, que j'en jouissais jusqu'à la douleur.","Mais je me souviens de tout ce que j'ai reçu quand je suis arrivé pour la première fois en Afrique : une liberté si intense que cela me brûlait, m'enivrait, que j'en jouissais jusqu'à la douleur." Je ne veux pas parler d'exotisme : les enfants sont absolument étrangers à ce vice.,Je ne veux pas parler d'exotisme : les enfants sont absolument étrangers à ce vice. "Non parce qu'ils voient à travers les êtres et les choses, mais justement parce qu'ils ne voient qu'eux : un arbre, un creux de terre, une colonne de fourmis charpentières, une bande de gosses turbulents à la recherche d'un jeu, un vieillard aux yeux troubles tendant une main décharnée, une rue dans un village africain un jour de marché, c'étaient toutes les rues de tous les villages, tous les vieillards, tous les enfants, tous les arbres et toutes les fourmis.","Non parce qu'ils voient à travers les êtres et les choses, mais justement parce qu'ils ne voient qu'eux : un arbre, un creux de terre, une colonne de fourmis charpentières, une bande de gosses turbulents à la recherche d'un jeu, un vieillard aux yeux troubles tendant une main décharnée, une rue dans un village africain un jour de marché, c'étaient toutes les rues de tous les villages, tous les vieillards, tous les enfants, tous les arbres et toutes les fourmis." "Ce trésor est toujours vivant au fond de moi, il ne peut pas être extirpé.","Ce trésor est toujours vivant au fond de moi, il ne peut pas être extirpé." "Beaucoup plus que de simples souvenirs, il est fait de certitudes.","Beaucoup plus que de simples souvenirs, il est fait de certitudes." "Si je n'avais pas eu cette connaissance charnelle de l'Afrique, si je n'avais pas reçu cet héritage de ma vie avant ma naissance, que serais-je devenu ?","Si je n'avais pas eu cette connaissance charnelle de l'Afrique, si je n'avais pas reçu cet héritage de ma vie avant ma naissance, que serais-je devenu ?" "Aujourd'hui, j'existe, je voyage, j'ai à mon tour fondé une famille, je me suis enraciné dans d'autres lieux.","Aujourd'hui, j'existe, je voyage, j'ai à mon tour fondé une famille, je me suis enraciné dans d'autres lieux." "Pourtant, à chaque instant, comme une substance éthéreuse qui circule entre les parois du réel, je suis transpercé par le temps d'autrefois, à Ogoja.","Pourtant, à chaque instant, comme une substance éthéreuse qui circule entre les parois du réel, je suis transpercé par le temps d'autrefois, à Ogoja." Par bouffées cela me submerge et m'étourdit.,Par bouffées cela me submerge et m'étourdit. "Non pas seulement cette mémoire d'enfant, extraordinairement précise pour toutes les sensations, les odeurs, les goûts, l'impression de relief ou de vide, le sentiment de la durée.","Non pas seulement cette mémoire d'enfant, extraordinairement précise pour toutes les sensations, les odeurs, les goûts, l'impression de relief ou de vide, le sentiment de la durée." "C'est en l'écrivant que je le comprends, maintenant. Cette mémoire n'est pas seulement la mienne.","C'est en l'écrivant que je le comprends, maintenant. Cette mémoire n'est pas seulement la mienne." "Elle est aussi la mémoire du temps qui a précédé ma naissance, lorsque mon père et ma mère marchaient ensemble sur les routes du haut pays, dans les royaumes de l'Ouest du Cameroun.","Elle est aussi la mémoire du temps qui a précédé ma naissance, lorsque mon père et ma mère marchaient ensemble sur les routes du haut pays, dans les royaumes de l'Ouest du Cameroun." "La mémoire des espérances et des angoisses de mon père, sa solitude, sa détresse à Ogoja.","La mémoire des espérances et des angoisses de mon père, sa solitude, sa détresse à Ogoja." "La mémoire des instants de bonheur, lorsque mon père et ma mère sont unis par l'amour qu'ils croient éternel. Alors ils allaient dans la liberté des chemins, et les noms de lieux sont entrés en moi comme des noms de famille, Bali, Nkom, Bamenda, Banso, Nkongsamba, Revi, Kwaja.","La mémoire des instants de bonheur, lorsque mon père et ma mère sont unis par l'amour qu'ils croient éternel. Alors ils allaient dans la liberté des chemins, et les noms de lieux sont entrés en moi comme des noms de famille, Bali, Nkom, Bamenda, Banso, Nkongsamba, Revi, Kwaja." "Et les noms de pays, Mbembé, Kaka, Nsungli, Bum, Fungom.","Et les noms de pays, Mbembé, Kaka, Nsungli, Bum, Fungom." "Les hauts plateaux où avance lentement le troupeau de bêtes à cornes de lune à accrocher les nuages, entre Lassim et Ngonzin.","Les hauts plateaux où avance lentement le troupeau de bêtes à cornes de lune à accrocher les nuages, entre Lassim et Ngonzin." Peut-être qu'en fin de compte mon rêve ancien ne me trompait pas.,Peut-être qu'en fin de compte mon rêve ancien ne me trompait pas. "Si mon père était devenu l'Africain, par la force de sa destinée, moi, je puis penser à ma mère africaine, celle qui m'a embrassé et nourri à l'instant où j'ai été conçu, à l'instant où je suis né.","Si mon père était devenu l'Africain, par la force de sa destinée, moi, je puis penser à ma mère africaine, celle qui m'a embrassé et nourri à l'instant où j'ai été conçu, à l'instant où je suis né." La réputation de douceur des gens de la région de Banso pourrait difficilement être généralisée au reste de l'Ouest du Cameroun.,La réputation de douceur des gens de la région de Banso pourrait difficilement être généralisée au reste de l'Ouest du Cameroun. "Dans une étude consacrée au peuple wiya de la province de Bamenda, le docteur Jeffries rapporte les atrocités dans la guerre qui les oppose depuis toujours aux Foulanis de Kishong : lorsque ces derniers capturent un Wiya, ils lui coupent les oreilles et tranchent ses deux bras à hauteur des coudes et, cousant ensemble les paumes, fabriquent ainsi une manière de collier qu'ils passent autour du cou du malheureux avant de le renvoyer à son village.","Dans une étude consacrée au peuple wiya de la province de Bamenda, le docteur Jeffries rapporte les atrocités dans la guerre qui les oppose depuis toujours aux Foulanis de Kishong : lorsque ces derniers capturent un Wiya, ils lui coupent les oreilles et tranchent ses deux bras à hauteur des coudes et, cousant ensemble les paumes, fabriquent ainsi une manière de collier qu'ils passent autour du cou du malheureux avant de le renvoyer à son village." "Les armées d'occupation française et britannique tentèrent vainement de s'opposer à de telles exactions, aujourd'hui résurgentes dans certains pays d'Afrique de l'Ouest, comme le Liberia.","Les armées d'occupation française et britannique tentèrent vainement de s'opposer à de telles exactions, aujourd'hui résurgentes dans certains pays d'Afrique de l'Ouest, comme le Liberia." S'exiler habiter l'exil toute une vie,S'exiler habiter l'exil toute une vie S'exiler pour fuir les feux de brousse,S'exiler pour fuir les feux de brousse S'exiler pour être loin du troupeau,S'exiler pour être loin du troupeau S'exiler pour s'éloigner de l'acacia,S'exiler pour s'éloigner de l'acacia S'exiler loin de cet arbre vénéré,S'exiler loin de cet arbre vénéré S'exiler pour bouder ses fruits répandus,S'exiler pour bouder ses fruits répandus S'exiler à la recherche d'un pays,S'exiler à la recherche d'un pays S'exiler pour éviter d'être encerclé,S'exiler pour éviter d'être encerclé S'exiler pour atteindre une île,S'exiler pour atteindre une île S'exiler pour en tirer grand profit,S'exiler pour en tirer grand profit S'exiler loin de ceux qui t'ont affamé,S'exiler loin de ceux qui t'ont affamé S'exiler habiter l'exil toute une vie,S'exiler habiter l'exil toute une vie S'exiler pour reconstruire les ruines de ton père,S'exiler pour reconstruire les ruines de ton père S'exiler pour réaliser les rêves de ta mère,S'exiler pour réaliser les rêves de ta mère S'exiler habiter l'exil toute une vie,S'exiler habiter l'exil toute une vie S'exiler pour fuir les feux de brousse,S'exiler pour fuir les feux de brousse Sur la route de Bamako à Aroundou,Sur la route de Bamako à Aroundou La route déflore les champs nubiles,La route déflore les champs nubiles En contrebas des enfants insouciants,En contrebas des enfants insouciants Jouent à cache-cache avec le soleil,Jouent à cache-cache avec le soleil A l'ombre des paysans inquiets,A l'ombre des paysans inquiets marchandent le prix de leur avenir bradé,marchandent le prix de leur avenir bradé Que reste-t-il à la Terre-mère ?,Que reste-t-il à la Terre-mère ? Des fruits amers dans son grenier,Des fruits amers dans son grenier "ce grenier dévasté, toujours debout,","ce grenier dévasté, toujours debout," bourgeonne avec les graines des origines,bourgeonne avec les graines des origines En contrebas du chemin de Bamako à Aroundou,En contrebas du chemin de Bamako à Aroundou la terre rouge irrigue de son sang,la terre rouge irrigue de son sang ces villages d'Afrique anémiés,ces villages d'Afrique anémiés où femmes et hommes même couchés,où femmes et hommes même couchés restent debout sur cette longue route,restent debout sur cette longue route Toi le champion des arènes,Toi le champion des arènes Je sais d'où tu tiens tes rênes,Je sais d'où tu tiens tes rênes Dans la steppe et la savane,Dans la steppe et la savane au passage des caravanes,au passage des caravanes Tes bras tendus vers le ciel,Tes bras tendus vers le ciel portent une calebasse trouée,portent une calebasse trouée Baobab implorant le soleil,Baobab implorant le soleil Confident lunaire en veille,Confident lunaire en veille laisseras-tu mon village,laisseras-tu mon village mourir de feux de brousse ?,mourir de feux de brousse ? Baobab au front bombé,Baobab au front bombé qui osera te faire ombrage,qui osera te faire ombrage pour braver la furie de l'orage ?,pour braver la furie de l'orage ? Les chercheurs d'or de Sadiola et de Sabadola,Les chercheurs d'or de Sadiola et de Sabadola Coups de pilons sur la terre sacrée,Coups de pilons sur la terre sacrée Terre d'Afrique flouée dès l'aube,Terre d'Afrique flouée dès l'aube Terre-mère au ventre gorgé d'or,Terre-mère au ventre gorgé d'or Des souris fouillent tes entrailles,Des souris fouillent tes entrailles Humant l'odeur fétide de la boue,Humant l'odeur fétide de la boue Sur les rives de tes cours d'eau,Sur les rives de tes cours d'eau Poussent des légumes verts,Poussent des légumes verts Couvant des braises ardentes,Couvant des braises ardentes Le village brûle ses embryons,Le village brûle ses embryons En offrande au dieu de l'or,En offrande au dieu de l'or épurant l'or pour des sépultures,épurant l'or pour des sépultures Coups de pilons sur la terre sacrée,Coups de pilons sur la terre sacrée Terre d'Afrique flouée dès l'aube,Terre d'Afrique flouée dès l'aube Les mines d'or nous cachent le jour,Les mines d'or nous cachent le jour Je vois dans le blanc de tes yeux,Je vois dans le blanc de tes yeux Le clair-obscur d'un tableau du siècle,Le clair-obscur d'un tableau du siècle Enfant des dépôts d'ordures,Enfant des dépôts d'ordures Enfant aux rêves soyeux,Enfant aux rêves soyeux Je voudrais t'ériger une stèle,Je voudrais t'ériger une stèle Dans l'esprit de l'amnésique,Dans l'esprit de l'amnésique Contempler avec toi les couleurs,Contempler avec toi les couleurs De l'arc-en-ciel sur la verdure,De l'arc-en-ciel sur la verdure Dans la prunelle de tes yeux,Dans la prunelle de tes yeux "Je t'entrevois, seul, emmuré","Je t'entrevois, seul, emmuré" Dans un destin voulu tragique,Dans un destin voulu tragique Il n'a pas encore été,Il n'a pas encore été Il n'a pas encore été voir,Il n'a pas encore été voir Il ne s'est pas encore substitué à,Il ne s'est pas encore substitué à Il n'a pas encore pris de contacts,Il n'a pas encore pris de contacts Homme n'est pas mauvais !,Homme n'est pas mauvais ! L'homme n'est pas mauvais !,L'homme n'est pas mauvais ! Quelqu'un est parti !,Quelqu'un est parti ! Homme est parti !,Homme est parti ! Un homme est parti !,Un homme est parti ! J'ai vu lion.,J'ai vu lion. J'ai vu un lion.,J'ai vu un lion. C'est un homme.,C'est un homme. Cet homme près de moi.,Cet homme près de moi. Cet homme là près de toi.,Cet homme là près de toi. Tu vois cet homme là-bas ?,Tu vois cet homme là-bas ? "Tu sais, cet homme ?","Tu sais, cet homme ?" Tu vois cet homme là ?,Tu vois cet homme là ? "Tu sais, cet homme là ?","Tu sais, cet homme là ?" "Tu vois, cet homme là ?","Tu vois, cet homme là ?" J'ai vu l'homme.,J'ai vu l'homme. J'ai vu la femme.,J'ai vu la femme. Regarde ce lutteur.,Regarde ce lutteur. Regarde ce semblant de lutteur.,Regarde ce semblant de lutteur. Regarde cette aumône.,Regarde cette aumône. Tu as vu l'homme ?,Tu as vu l'homme ? "Tu as vu, auparavant, l'homme ?","Tu as vu, auparavant, l'homme ?" Tu connaissais la jeune fille ?,Tu connaissais la jeune fille ? Tu reconnais cet individu-là ?,Tu reconnais cet individu-là ? Tu avais reconnu la femme ?,Tu avais reconnu la femme ? Cet homme a étudié,Cet homme a étudié Ces jeunes gens sont sages.,Ces jeunes gens sont sages. Je parle de cette dame que voilà !,Je parle de cette dame que voilà ! Je parle de ce petit.,Je parle de ce petit. Cette femme-ci n'est pas partie.,Cette femme-ci n'est pas partie. Ces enfants que voilà ne sont pas sages.,Ces enfants que voilà ne sont pas sages. Tu connais cet enfant là-bas ?,Tu connais cet enfant là-bas ? Cette dame là-bas.,Cette dame là-bas. C'est ces livres là-bas que j'ai achetés !,C'est ces livres là-bas que j'ai achetés ! Cause avec cet homme qui est à côté !,Cause avec cet homme qui est à côté ! Tu vois ces femmes-là ?,Tu vois ces femmes-là ? Nourris cette vache-ci !,Nourris cette vache-ci ! Tu connais cet homme-là ?,Tu connais cet homme-là ? Tu as vu ces jeunes gens ?,Tu as vu ces jeunes gens ? Je parle de la personne qui est sortie !,Je parle de la personne qui est sortie ! Tu avais vu cette femme ?,Tu avais vu cette femme ? Je connaissais cet individu-là !,Je connaissais cet individu-là ! J'avais reconnu cette dame-là !,J'avais reconnu cette dame-là ! J'ai vu l'enfant.,J'ai vu l'enfant. Je parle de cet homme-ci.,Je parle de cet homme-ci. Ce n'est pas là une belle parole !,Ce n'est pas là une belle parole ! Cet homme là-bas que tu vois,Cet homme là-bas que tu vois C'est ces livres-là qu'il m'a donnés.,C'est ces livres-là qu'il m'a donnés. J'ai vu un mouton.,J'ai vu un mouton. J'ai aperçu un homme.,J'ai aperçu un homme. J'ai aperçu un homme.,J'ai aperçu un homme. J'ai aperçu des gens.,J'ai aperçu des gens. Quel homme s'est égaré ?,Quel homme s'est égaré ? Quel mouton s'est égaré ?,Quel mouton s'est égaré ? Quel cheval s'est égaré ?,Quel cheval s'est égaré ? Quelle femme s'est égarée ?,Quelle femme s'est égarée ? Quelle clé s'est égarée ?,Quelle clé s'est égarée ? Quelle chose s'est égarée ?,Quelle chose s'est égarée ? Quelle jeune fille s'est égarée ?,Quelle jeune fille s'est égarée ? Quelles personnes se sont égarées ?,Quelles personnes se sont égarées ? Quels moutons se sont égarés ?,Quels moutons se sont égarés ? Quels chevaux se sont égarés ?,Quels chevaux se sont égarés ? Quelles femmes se sont égarées ?,Quelles femmes se sont égarées ? Quelles clés se sont égarées ?,Quelles clés se sont égarées ? Quelles choses se sont égarées ?,Quelles choses se sont égarées ? Quels couteaux se sont égarés ?,Quels couteaux se sont égarés ? Tu parles de quel mouton ?,Tu parles de quel mouton ? Tu parles de ce mouton ?,Tu parles de ce mouton ? Quel mouton ?,Quel mouton ? Quels moutons avais-tu achetés ?,Quels moutons avais-tu achetés ? C'est ces moutons que tu avais achetés ?,C'est ces moutons que tu avais achetés ? Quels moutons ?,Quels moutons ? Que j'attrape quelles vaches ?,Que j'attrape quelles vaches ? Qu'il attrappe quelles vaches ?,Qu'il attrappe quelles vaches ? Tu parles de quelle maison ?,Tu parles de quelle maison ? Tu parles de quelle maison ?,Tu parles de quelle maison ? Tu parles de quelle maison ?,Tu parles de quelle maison ? Vous parlez de quelle dame ?,Vous parlez de quelle dame ? Vous parlez de quelle dame ?,Vous parlez de quelle dame ? Quel cheval veux-tu ?,Quel cheval veux-tu ? Quel cheval veux-tu ?,Quel cheval veux-tu ? Quels amis sont arrivés ?,Quels amis sont arrivés ? Tout le mouton,Tout le mouton Toute la chambre,Toute la chambre Toute la maison,Toute la maison Tout le propos,Tout le propos Tout ce discours,Tout ce discours Fais sortir tout homme que tu vois !,Fais sortir tout homme que tu vois ! Fais sortir tout mouton que tu vois !,Fais sortir tout mouton que tu vois ! Fais sortir tout cheval que tu vois !,Fais sortir tout cheval que tu vois ! Fais sortir toute vache que tu vois !,Fais sortir toute vache que tu vois ! Honore tout homme !,Honore tout homme ! Le mouton en entier.,Le mouton en entier. "Ce boeuf-là, en totalité.","Ce boeuf-là, en totalité." Toute cette part que voici.,Toute cette part que voici. Ce mouton-ci en entier.,Ce mouton-ci en entier. Tout ce mouton.,Tout ce mouton. Toute cette partie.,Toute cette partie. Ce mouton en entier.,Ce mouton en entier. Quel mouton en entier ?,Quel mouton en entier ? Ce mouton-là en entier.,Ce mouton-là en entier. Va voir tous les hommes !,Va voir tous les hommes ! Va voir tous les moutons !,Va voir tous les moutons ! Va voir tous les chevaux !,Va voir tous les chevaux ! Va voir toutes les vaches !,Va voir toutes les vaches ! J'ai vu tous ces gens.,J'ai vu tous ces gens. "J'ai vu tous ces gens, auparavant.","J'ai vu tous ces gens, auparavant." J'ai vu ces gens.,J'ai vu ces gens. J'ai vu tous ces moutons-ci.,J'ai vu tous ces moutons-ci. J'ai déjà vu tous les moutons.,J'ai déjà vu tous les moutons. J'ai déjà vu tous ces moutons-ci.,J'ai déjà vu tous ces moutons-ci. Aucun homme ne s'est égaré.,Aucun homme ne s'est égaré. Aucun mouton ne s'est égaré.,Aucun mouton ne s'est égaré. Aucun cheval ne s'est égaré.,Aucun cheval ne s'est égaré. Aucune clef n'est égarée.,Aucune clef n'est égarée. Aucune dame ne s'est égarée.,Aucune dame ne s'est égarée. Aucune jeune fille ne s'est égarée.,Aucune jeune fille ne s'est égarée. Rien ne s'est égaré.,Rien ne s'est égaré. Aucun lion ne s'est égaré.,Aucun lion ne s'est égaré. Aucun homme ne s'est égaré.,Aucun homme ne s'est égaré. Aucun mouton ne s'est égaré.,Aucun mouton ne s'est égaré. Aucune dame ne s'est égarée.,Aucune dame ne s'est égarée. Aucun homme n'est venu.,Aucun homme n'est venu. Aucun mouton n'est arrivé.,Aucun mouton n'est arrivé. J'ai acheté le mouton.,J'ai acheté le mouton. J'ai acheté ce seul mouton !,J'ai acheté ce seul mouton ! J'ai acheté cette unique mouton !,J'ai acheté cette unique mouton ! Cherche un autre homme !,Cherche un autre homme ! Cherche un autre mouton !,Cherche un autre mouton ! Cherche un autre cheval !,Cherche un autre cheval ! Cherche une autre maison !,Cherche une autre maison ! Cherche un autre lion !,Cherche un autre lion ! Cherche une autre jeune fille !,Cherche une autre jeune fille ! Cherche une autre dame !,Cherche une autre dame ! Cherche une autre chose !,Cherche une autre chose ! C'est un autre cheval que je veux !,C'est un autre cheval que je veux ! C'est une autre maison que je veux !,C'est une autre maison que je veux ! C'est un autre lion que je veux !,C'est un autre lion que je veux ! C'est une autre épouse que je veux !,C'est une autre épouse que je veux ! C'est une autre jeune fille que je veux !,C'est une autre jeune fille que je veux ! C'est un autre récipient que je veux !,C'est un autre récipient que je veux ! C'est un autre homme que je veux !,C'est un autre homme que je veux ! L'autre homme est venu.,L'autre homme est venu. Il parle de l'autre homme.,Il parle de l'autre homme. C'est l'autre cheval qui s'est égaré.,C'est l'autre cheval qui s'est égaré. Je parle de cet autre homme que voilà !,Je parle de cet autre homme que voilà ! C'est cet autre cheval là-bas qui est bon !,C'est cet autre cheval là-bas qui est bon ! Quel autre cheval as-tu vu ?,Quel autre cheval as-tu vu ? Tout autre mouton que tu vois.,Tout autre mouton que tu vois. Tous les autres moutons fuirent.,Tous les autres moutons fuirent. C'est mon ami !,C'est mon ami ! C'est ton ami !,C'est ton ami ! C'est son ami !,C'est son ami ! C'est notre ami !,C'est notre ami ! C'est votre ami !,C'est votre ami ! C'est leur ami !,C'est leur ami ! J'ai vu mon ami !,J'ai vu mon ami ! J'ai vu mes amis !,J'ai vu mes amis ! J'ai vu mes amis !,J'ai vu mes amis ! Un ami à moi !,Un ami à moi ! Des amis à moi !,Des amis à moi ! Mes amis !,Mes amis ! Tu as vu quels amis à moi ?,Tu as vu quels amis à moi ? Tu as vu lesquels de mes amis ?,Tu as vu lesquels de mes amis ? J'ai vu tous tes amis !,J'ai vu tous tes amis ! Il a vu tous tes amis !,Il a vu tous tes amis ! J'ai vu tous vos amis en question !,J'ai vu tous vos amis en question ! Il a vu tous vos amis en question !,Il a vu tous vos amis en question ! J'ai vu d'autres amis à vous !,J'ai vu d'autres amis à vous ! Il a vu d'autres amis à vous !,Il a vu d'autres amis à vous ! J'ai vu tes autres amis !,J'ai vu tes autres amis ! Il a vu tes autres amis !,Il a vu tes autres amis ! J'ai vu mes autres amis !,J'ai vu mes autres amis ! Il a vu mes autres amis !,Il a vu mes autres amis ! Je vois l'homme.,Je vois l'homme. Je vois les gens.,Je vois les gens. Il a vu la dame.,Il a vu la dame. Il a vu les dames.,Il a vu les dames. Je connais l'enfant.,Je connais l'enfant. Je connais les enfants.,Je connais les enfants. Il a un mouton.,Il a un mouton. Il a des moutons.,Il a des moutons. Arrache ces dents-là !,Arrache ces dents-là ! Range les affaires !,Range les affaires ! C'est leurs dents !,C'est leurs dents ! De beaux yeux !,De beaux yeux ! C'est quelqu'un qui honore l'homme !,C'est quelqu'un qui honore l'homme ! Élève un mouton !,Élève un mouton ! Élève des moutons !,Élève des moutons ! Tu as vu l'homme ?,Tu as vu l'homme ? Tu as vu l'homme ?,Tu as vu l'homme ? Tu as vu l'homme dont il fut question ?,Tu as vu l'homme dont il fut question ? Tu as reconnu sa femme ?,Tu as reconnu sa femme ? Tu as reconnu sa femme d'autrefois ?,Tu as reconnu sa femme d'autrefois ? Tu te rappelles son amour ?,Tu te rappelles son amour ? Tu te rappelles son amour d'autrefois ?,Tu te rappelles son amour d'autrefois ? Tu vois ce garçon-là ?,Tu vois ce garçon-là ? "Tu vois, ce garçon-là ?","Tu vois, ce garçon-là ?" Tu vois ce garçon-là ?,Tu vois ce garçon-là ? Tu reconnais ton amour d'autrefois ?,Tu reconnais ton amour d'autrefois ? C'est des femmes.,C'est des femmes. Ce fut un homme !,Ce fut un homme ! "Ce fut un homme, un vrai !","Ce fut un homme, un vrai !" Ils ont été bûcherons.,Ils ont été bûcherons. Tu es parti,Tu es parti Tu es un homme !,Tu es un homme ! Nous sommes partis,Nous sommes partis Nous sommes des hommes !,Nous sommes des hommes ! Ce fut un homme !,Ce fut un homme ! Il a été,Il a été C'est un bûcheron.,C'est un bûcheron. C'est un bûcheron.,C'est un bûcheron. C'est le bûcheron !,C'est le bûcheron ! C'est votre bûcheron d'autrefois !,C'est votre bûcheron d'autrefois ! Il est parti.,Il est parti. Sois un être de raison !,Sois un être de raison ! Ce n'est pas le tambour !,Ce n'est pas le tambour ! Sois quelqu'un de studieux !,Sois quelqu'un de studieux ! C'est l'étudiant.,C'est l'étudiant. C'était son hôte habituellement.,C'était son hôte habituellement. Tu es quel étudiant ?,Tu es quel étudiant ? Tu es quel genre d'étudiant ?,Tu es quel genre d'étudiant ? Quel ami serais-tu pour eux ?,Quel ami serais-tu pour eux ? Si tu es homme,Si tu es homme Si tu es un homme,Si tu es un homme Sois homme de ce pays !,Sois homme de ce pays ! Sois un homme de ce pays !,Sois un homme de ce pays ! Sois l'homme de tout le monde !,Sois l'homme de tout le monde ! Sois l'homme de la situation !,Sois l'homme de la situation ! Tu étais d'habitude l'hôte de Mustapha,Tu étais d'habitude l'hôte de Mustapha Ce n'est pas un grand tambour.,Ce n'est pas un grand tambour. Je reconnais une vache d'Europe !,Je reconnais une vache d'Europe ! Je reconnais les vaches d'Europe !,Je reconnais les vaches d'Europe ! J'ai vu le fils de la dame.,J'ai vu le fils de la dame. J'ai vu les enfants de la dame.,J'ai vu les enfants de la dame. Tu as vu le fils de quelle femme ?,Tu as vu le fils de quelle femme ? Tu as choisi la fille d'une femme.,Tu as choisi la fille d'une femme. Tu as choisi la fille d'une autre femme.,Tu as choisi la fille d'une autre femme. J'ai vu le fils de l'homme de Gandiole.,J'ai vu le fils de l'homme de Gandiole. J'ai vu la maison de l'ami de Birayim.,J'ai vu la maison de l'ami de Birayim. J'ai vu la maison de son ami.,J'ai vu la maison de son ami. C'est la maison de Birayim.,C'est la maison de Birayim. C'est un maître de maison.,C'est un maître de maison. C'est la ville de ce Sérère.,C'est la ville de ce Sérère. C'est cette ville de Sérère.,C'est cette ville de Sérère. Tu parles de quelle ville Sérère ?,Tu parles de quelle ville Sérère ? Tu parles de la ville de quel Sérère ?,Tu parles de la ville de quel Sérère ? Tout village Sérère est propre !,Tout village Sérère est propre ! Le village de tout Sérère est propre !,Le village de tout Sérère est propre ! Il n'est Ardo d'aucun Dieri que tu ne connaisses !,Il n'est Ardo d'aucun Dieri que tu ne connaisses ! J'ai vu l'ovin mâle.,J'ai vu l'ovin mâle. J'ai vu le mouton mâle.,J'ai vu le mouton mâle. Il a tué une lionne.,Il a tué une lionne. Il a tué les lionnes.,Il a tué les lionnes. Choisis une jument du Wâlo.,Choisis une jument du Wâlo. C'est un homme.,C'est un homme. C'est un homme généreux !,C'est un homme généreux ! C'est quelqu'un de bien !,C'est quelqu'un de bien ! C'est un homme qui fut bon !,C'est un homme qui fut bon ! C'est un homme qui n'est pas bon !,C'est un homme qui n'est pas bon ! C'est un homme qui eût été bon !,C'est un homme qui eût été bon ! C'est cet homme qui eût été bon !,C'est cet homme qui eût été bon ! C'est cet homme-là qui eût été bon !,C'est cet homme-là qui eût été bon ! Tu es un homme simplement !,Tu es un homme simplement ! Tu es uniquement un homme !,Tu es uniquement un homme ! Vous êtes des enfants seulement !,Vous êtes des enfants seulement ! C'est un homme mûr véritablement !,C'est un homme mûr véritablement ! L'homme peut-il partir ?,L'homme peut-il partir ? Que la personne sorte ?,Que la personne sorte ? C'est moi qui vais partir,C'est moi qui vais partir Peut-il partir ?,Peut-il partir ? Qui a été ?,Qui a été ? Afin qu'il se passe quoi ?,Afin qu'il se passe quoi ? Quelqu'un peut-il partir ?,Quelqu'un peut-il partir ? Alors celui-ci s'en alla !,Alors celui-ci s'en alla ! Cet homme qui a été,Cet homme qui a été Voila que j'ai été,Voila que j'ai été C'est ce qu'il a dit !,C'est ce qu'il a dit ! C'est ce qu'il a dit qui est vrai !,C'est ce qu'il a dit qui est vrai ! Si l'homme accepte,Si l'homme accepte C'est quand tu es venu,C'est quand tu es venu C'est lui qui serait allé,C'est lui qui serait allé L'homme n'a pas été,L'homme n'a pas été C'est toi qui n'a pas été,C'est toi qui n'a pas été Qui ne serait pas allé,Qui ne serait pas allé Celui-là est parti,Celui-là est parti D'autre sont partis,D'autre sont partis Lui il est parti,Lui il est parti L'homme avait été,L'homme avait été L'homme eut été,L'homme eut été L'homme partit,L'homme partit Que l'homme parte ?,Que l'homme parte ? L'homme est parti,L'homme est parti Les hommes ne t'ont pas vu,Les hommes ne t'ont pas vu Que l'homme parte,Que l'homme parte Que tu partes,Que tu partes C'est toi qui es parti,C'est toi qui es parti Qu'il ne parte pas,Qu'il ne parte pas Ne partez pas,Ne partez pas Alors il partit,Alors il partit "S'il parle, je viens","S'il parle, je viens" C'est lorsque tu t'en allas.,C'est lorsque tu t'en allas. C'est lorsque la femme arriva,C'est lorsque la femme arriva Je serais parti,Je serais parti Vous seriez morts,Vous seriez morts L'homme serait mort,L'homme serait mort L'homme qui eût travaillé,L'homme qui eût travaillé Ce qu'il eût fait,Ce qu'il eût fait Car c'est toi qui eûsses été heureux.,Car c'est toi qui eûsses été heureux. Tu aurais été sans l'y trouver.,Tu aurais été sans l'y trouver. C'est l'homme qui serait venu,C'est l'homme qui serait venu Il demande si tu aurais été,Il demande si tu aurais été Viens !,Viens ! Vas-y !,Vas-y ! Va le voir !,Va le voir ! Va les voir !,Va les voir ! Cherche-les à l'intérieur,Cherche-les à l'intérieur Va !,Va ! Sors !,Sors ! Fais sortir,Fais sortir Venez !,Venez ! Allez là-bas !,Allez là-bas ! Dites-lui,Dites-lui Dites-leur,Dites-leur Mais cet homme est parti,Mais cet homme est parti Cet homme qui a été,Cet homme qui a été Que cet homme parte ?,Que cet homme parte ? C'est lui qui est parti,C'est lui qui est parti Voilà que j'ai été pour rien !,Voilà que j'ai été pour rien ! C'est lui qui aime,C'est lui qui aime Voilà qu'il a été et qu'il est revenu,Voilà qu'il a été et qu'il est revenu Où a-t-il été ?,Où a-t-il été ? Où veut-il,Où veut-il Quelle partie veut-il,Quelle partie veut-il Qu'il ne parte pas,Qu'il ne parte pas L'homme veut,L'homme veut "Vous, vous avez été","Vous, vous avez été" "Vous, vous voulez","Vous, vous voulez" L'homme ne part pas,L'homme ne part pas L'homme ne veut pas,L'homme ne veut pas L'homme n'a pas voulu,L'homme n'a pas voulu S'ils ne veulent pas,S'ils ne veulent pas Je n'irai pas,Je n'irai pas Je n'ai pas été,Je n'ai pas été Je ne veux pas,Je ne veux pas "Si l'homme vient, tout ira !","Si l'homme vient, tout ira !" "Quand on ira, tout ira !","Quand on ira, tout ira !" C'est quand tu as été.,C'est quand tu as été. C'est à l'époque où mourut cet homme.,C'est à l'époque où mourut cet homme. Cet homme qui était parti,Cet homme qui était parti Cet homme qui aimait,Cet homme qui aimait Cet homme qui avait voulu,Cet homme qui avait voulu Cet homme qui voulait,Cet homme qui voulait C'est lui qui avait été,C'est lui qui avait été Voilà que tu as été dans un lieu interdit.,Voilà que tu as été dans un lieu interdit. Où avait-il été ?,Où avait-il été ? Comme il avait ainsi été en ce lieu,Comme il avait ainsi été en ce lieu S'il avait été,S'il avait été S'il n'avait pas été,S'il n'avait pas été L'homme n'a pas été,L'homme n'a pas été L'homme qui eut été,L'homme qui eut été C'est toi qui serais venu,C'est toi qui serais venu Ce qu'il aurait à faire,Ce qu'il aurait à faire Tu serais parti,Tu serais parti L'individu serait parti,L'individu serait parti L'individu devait partir,L'individu devait partir Va !,Va ! Allez !,Allez ! C'est lui qui allait,C'est lui qui allait C'est lui qui allait habituellement,C'est lui qui allait habituellement C'est moi qui pars,C'est moi qui pars C'est moi qui dois partir,C'est moi qui dois partir C'est le Laobe.,C'est le Laobe. L'homme cultive,L'homme cultive Mais l'homme cultive,Mais l'homme cultive L'homme ne cultivera pas,L'homme ne cultivera pas L'homme ira,L'homme ira L'homme ira,L'homme ira C'est moi qui n'ai pas été,C'est moi qui n'ai pas été L'homme n'a pas été,L'homme n'a pas été Cette personne n'a pas été,Cette personne n'a pas été Personne n'était venu,Personne n'était venu C'est lui qui n'eût pas été,C'est lui qui n'eût pas été Moi je n'ai pas été,Moi je n'ai pas été Moi je n'irai pas,Moi je n'irai pas "Toi, tu n'as pas été","Toi, tu n'as pas été" "Toi que voilà, tu n'as pas été","Toi que voilà, tu n'as pas été" "L'homme est là, il ne vint pas","L'homme est là, il ne vint pas" Je ne vous eusse pas vus,Je ne vous eusse pas vus "Vous, vous n'avez pas été","Vous, vous n'avez pas été" Il ne les avait pas vus,Il ne les avait pas vus Vous ne les aviez pas vus,Vous ne les aviez pas vus Vous n'y aviez vu personne,Vous n'y aviez vu personne Tu n'y avais vu personne,Tu n'y avais vu personne Je n'aurais pas été,Je n'aurais pas été Nous n'aurions pas parlé,Nous n'aurions pas parlé Nous ne l'eussions pas vu,Nous ne l'eussions pas vu Il ne t'avait pas vu,Il ne t'avait pas vu Je n'y avais pas été,Je n'y avais pas été C'est moi le professeur.,C'est moi le professeur. Cela c'est un baobab.,Cela c'est un baobab. L'homme qui parle,L'homme qui parle Cette personne qui parle,Cette personne qui parle L'homme qui part,L'homme qui part L'homme partant,L'homme partant Cet homme qui part,Cet homme qui part Góor giy dem,Góor giy dem L'individu était un Laobe.,L'individu était un Laobe. Il était Lebou de Yoff.,Il était Lebou de Yoff. C'était un Lebou.,C'était un Lebou. C'est lui qui parlait,C'est lui qui parlait Le voilà qui partait,Le voilà qui partait C'est vous qui alliez partir,C'est vous qui alliez partir C'est toi qui avais l'habitude d'aller,C'est toi qui avais l'habitude d'aller L'homme qui travaillait d'habitude,L'homme qui travaillait d'habitude C'est toi qui avais l'habitude d'aller,C'est toi qui avais l'habitude d'aller Celui-là qui avait l'habitude d'aller,Celui-là qui avait l'habitude d'aller L'homme qui avait l'habitude d'aller,L'homme qui avait l'habitude d'aller Alors qu'il sera en train de partir,Alors qu'il sera en train de partir S'il part,S'il part S'il est parti,S'il est parti Une fois là-bas,Une fois là-bas S'il part,S'il part Une fois en chemin,Une fois en chemin Quand il partira,Quand il partira Lorsqu'il a été,Lorsqu'il a été S'il est Laobe,S'il est Laobe S'il est Laobe de Rao,S'il est Laobe de Rao Si celui-ci est fils de Birayim,Si celui-ci est fils de Birayim C'est toi qui aurais parlé,C'est toi qui aurais parlé C'est toi qui eusses été élu,C'est toi qui eusses été élu C'est moi qui ne pars pas,C'est moi qui ne pars pas Appelle l'homme qui ne part pas,Appelle l'homme qui ne part pas Appelle celui-là qui ne part pas,Appelle celui-là qui ne part pas Appelle celui-là qui ne partira pas,Appelle celui-là qui ne partira pas C'est lui qui n'est pas Laobe du Baol.,C'est lui qui n'est pas Laobe du Baol. Appelle les enfants qui n'iront nulle part.,Appelle les enfants qui n'iront nulle part. "S'il ne vient pas, il verra !","S'il ne vient pas, il verra !" "S'il ne vient pas, eh bien, il verra !","S'il ne vient pas, eh bien, il verra !" S'il n'était pas Laobe,S'il n'était pas Laobe C'est ce personnage qui n'allait pas partir,C'est ce personnage qui n'allait pas partir C'est lui qui n'avait pas l'habitude de venir,C'est lui qui n'avait pas l'habitude de venir "L'homme ne parlait pas, habituellement.","L'homme ne parlait pas, habituellement." J'irai,J'irai Eux parleront,Eux parleront L'homme partira,L'homme partira Les femmes accepteront,Les femmes accepteront Sois homme de vérité !,Sois homme de vérité ! Tais-toi !,Tais-toi ! Je n'irai pas,Je n'irai pas L'homme ne rentrera pas chez lui.,L'homme ne rentrera pas chez lui. L'homme n'est pas un orfèvre.,L'homme n'est pas un orfèvre. Tu ne viendras pas ?,Tu ne viendras pas ? Tu n'es pas homme de paix !,Tu n'es pas homme de paix ! Tu n'es pas un homme de paix !,Tu n'es pas un homme de paix ! Vous ne mangez pas,Vous ne mangez pas Ils ne vont pas manger,Ils ne vont pas manger Ce n'était pas un homme de Saint-Louis.,Ce n'était pas un homme de Saint-Louis. Il ne serait pas parti,Il ne serait pas parti Vous ne seriez pas venus,Vous ne seriez pas venus "Tu ne bavardais pas, en général.","Tu ne bavardais pas, en général." "Les gens n'étaient pas, habituellement, bavards.","Les gens n'étaient pas, habituellement, bavards." "Tu ne bavardais pas, généralement.","Tu ne bavardais pas, généralement." "Ceux-ci n'allaient pas, généralement.","Ceux-ci n'allaient pas, généralement." L'homme eût été un savant.,L'homme eût été un savant. Toi tu eusses été notre guide.,Toi tu eusses été notre guide. Les gens n'eussent pas été des maîtres.,Les gens n'eussent pas été des maîtres. Il est parti,Il est parti "L'homme, il n'est pas parti ?","L'homme, il n'est pas parti ?" Ceux-ci ne sont pas partis ?,Ceux-ci ne sont pas partis ? Ceux-là n'ont pas été,Ceux-là n'ont pas été Celui-ci serait parti,Celui-ci serait parti Celui-ci allait partir,Celui-ci allait partir C'est ceux-là qui n'eussent pas été,C'est ceux-là qui n'eussent pas été C'est un homme de son époque.,C'est un homme de son époque. C'est lui qui part.,C'est lui qui part. Il doit partir.,Il doit partir. C'est un homme de vérité.,C'est un homme de vérité. Il travaillait.,Il travaillait. Tu ne travaillais pas d'habitude.,Tu ne travaillais pas d'habitude. Nous serions des gens de fortune.,Nous serions des gens de fortune. C'est moi qui ai été,C'est moi qui ai été C'est que j'ai été,C'est que j'ai été C'est que j'ai effectivement été,C'est que j'ai effectivement été J'ai été,J'ai été C'est moi qui pars,C'est moi qui pars Moi je partirai,Moi je partirai Moi je partirai,Moi je partirai Je partirai,Je partirai Il a l'habitude d'aller,Il a l'habitude d'aller Il avait l'habitude de sortir.,Il avait l'habitude de sortir. Il ne se manifestait pas d'habitude.,Il ne se manifestait pas d'habitude. C'est lui qui avait l'habitude de travailler.,C'est lui qui avait l'habitude de travailler. Il m'a vu moi-même.,Il m'a vu moi-même. Il m'a vu moi-même que voilà.,Il m'a vu moi-même que voilà. Je parle de toi-même.,Je parle de toi-même. C'est nous-même qu'il cherche.,C'est nous-même qu'il cherche. Il parle de vous ?,Il parle de vous ? Il parle de qui de vous ?,Il parle de qui de vous ? Il parle desquels de vous ?,Il parle desquels de vous ? Il parle desquelles de vous ?,Il parle desquelles de vous ? Je parle de vous tous !,Je parle de vous tous ! Je ne parle que de toi.,Je ne parle que de toi. Je parle de toi seul.,Je parle de toi seul. Je te parle à toi fils de Massar.,Je te parle à toi fils de Massar. Toi tu as été,Toi tu as été L'homme a causé avec toi.,L'homme a causé avec toi. L'homme a parlé avec toi.,L'homme a parlé avec toi. "Samba, toi, tu as été","Samba, toi, tu as été" "C'est toi qui l'as vu, lui.","C'est toi qui l'as vu, lui." "C'est toi qui l'as vu, lui, Samba.","C'est toi qui l'as vu, lui, Samba." Il m'a vu !,Il m'a vu ! Il ne te parle pas.,Il ne te parle pas. Il m'a vu moi !,Il m'a vu moi ! "Il ne te parle pas, à toi !","Il ne te parle pas, à toi !" "Te voilà debout, ici.","Te voilà debout, ici." Nous voilà assis,Nous voilà assis Le voilà assis là-bas.,Le voilà assis là-bas. "Le voilà, là-bas, qui s'en va","Le voilà, là-bas, qui s'en va" "Les voilà, là-bas.","Les voilà, là-bas." "Te voilà, là.","Te voilà, là." "Ceux-là, les voilà.","Ceux-là, les voilà." "Moi, me voilà.","Moi, me voilà." "L'homme, le voilà.","L'homme, le voilà." "L'homme, le voilà.","L'homme, le voilà." En voilà un.,En voilà un. En voilà un autre.,En voilà un autre. En voilà d'autres.,En voilà d'autres. Me voilà parti.,Me voilà parti. C'est moi qui pars.,C'est moi qui pars. "Sur ces entrefaites, moi, je quittais.","Sur ces entrefaites, moi, je quittais." "Te voila, tu as été","Te voila, tu as été" Dis à l'homme de partir !,Dis à l'homme de partir ! Dis à l'homme qu'il parte !,Dis à l'homme qu'il parte ! Dis à d'autres de partir !,Dis à d'autres de partir ! Qu'il parte ?,Qu'il parte ? "Sur ces entrefaites, je partis.","Sur ces entrefaites, je partis." C'est ce que nous avons dit.,C'est ce que nous avons dit. C'est là que vous seriez allés.,C'est là que vous seriez allés. Que je ne parte pas !,Que je ne parte pas ! Ne pars pas !,Ne pars pas ! Ne partons pas !,Ne partons pas ! Ne partez pas !,Ne partez pas ! Qu'ils ne partent pas !,Qu'ils ne partent pas ! Celles-ci !,Celles-ci ! "Ceux-là, il ne les apprécie guère !","Ceux-là, il ne les apprécie guère !" "Ceux-là, il ne les apprécie pas !","Ceux-là, il ne les apprécie pas !" Tu as vu qui ?,Tu as vu qui ? Qui est parti ?,Qui est parti ? Lesquels ont fui ?,Lesquels ont fui ? Afin que parte qui ?,Afin que parte qui ? Afin que parte ?,Afin que parte ? Afin que qui parte ?,Afin que qui parte ? Lesquels sont arrivés ?,Lesquels sont arrivés ? Tu as vu qui ?,Tu as vu qui ? Quel homme as-tu vu ?,Quel homme as-tu vu ? Lequel as-tu vu ?,Lequel as-tu vu ? Nul n'est venu.,Nul n'est venu. Aucun autre n'est parti.,Aucun autre n'est parti. L'homme n'en a pas vu un autre.,L'homme n'en a pas vu un autre. Il n'en a pas vu d'autres.,Il n'en a pas vu d'autres. Où est l'eau que tu avais puisée ?,Où est l'eau que tu avais puisée ? Le tout s'est renversé.,Le tout s'est renversé. Le tout est épuisé.,Le tout est épuisé. Tous ceux-là doivent partir !,Tous ceux-là doivent partir ! Je cherche celui qui s'est échappé.,Je cherche celui qui s'est échappé. Je cherche celui l'un qui s'est échappé.,Je cherche celui l'un qui s'est échappé. C'est celui-là que je te donne.,C'est celui-là que je te donne. C'est celui-là celui-là l'un que je te donne.,C'est celui-là celui-là l'un que je te donne. Surveille-moi ceux-là !,Surveille-moi ceux-là ! Surveille-moi les-uns que voilà !,Surveille-moi les-uns que voilà ! Lequel n'as-tu pas vu ?,Lequel n'as-tu pas vu ? L'un lequel n'as-tu pas vu ?,L'un lequel n'as-tu pas vu ? Prends l'un !,Prends l'un ! Prends l'un en entier !,Prends l'un en entier ! Converser avec lequel ?,Converser avec lequel ? Converser avec l'un lequel ?,Converser avec l'un lequel ? Prends celui-là en entier !,Prends celui-là en entier ! Il a vu l'autre.,Il a vu l'autre. Cet autre-là est un ami à lui.,Cet autre-là est un ami à lui. Qui d'autre veut partir ?,Qui d'autre veut partir ? "N'importe lequel, qui s'échappe","N'importe lequel, qui s'échappe" Lesquels as-tu vus ?,Lesquels as-tu vus ? Tous lesquels as-tu vus ?,Tous lesquels as-tu vus ? Un seul est arrivé,Un seul est arrivé J'ai vu celui-là.,J'ai vu celui-là. "J'ai vu celui-là, auparavant.","J'ai vu celui-là, auparavant." J'ai vu ceux-là.,J'ai vu ceux-là. "J'ai vu ceux-là, auparavant.","J'ai vu ceux-là, auparavant." J'ai vu celui en question.,J'ai vu celui en question. "J'ai vu celui en question, auparavant.","J'ai vu celui en question, auparavant." J'ai vu celui-là.,J'ai vu celui-là. J'ai vu celui dont il fut question.,J'ai vu celui dont il fut question. L'un est parti,L'un est parti "L'un, dont il fut question, est parti","L'un, dont il fut question, est parti" J'ai vu l'autre.,J'ai vu l'autre. "J'ai vu l'autre, dont il fut question.","J'ai vu l'autre, dont il fut question." C'est celui-là !,C'est celui-là ! Celui-là !,Celui-là ! Celui-là c'est !,Celui-là c'est ! Tu es un autre.,Tu es un autre. "Autre, tu es.","Autre, tu es." "Un autre, tu es.","Un autre, tu es." Il s'agit d'autres.,Il s'agit d'autres. Il sont d'autres.,Il sont d'autres. "Autres, ils sont.","Autres, ils sont." Il est unique.,Il est unique. "Un, il est.","Un, il est." Vous êtes ceux-là.,Vous êtes ceux-là. Il s'agit d'autres.,Il s'agit d'autres. "Autres, ils sont.","Autres, ils sont." Ce sont d'autres.,Ce sont d'autres. Qui sont-ils ?,Qui sont-ils ? Qui sont-ce ?,Qui sont-ce ? Qui est-ce ?,Qui est-ce ? Qui est-ce ?,Qui est-ce ? Mais c'est celui-ci.,Mais c'est celui-ci. Mais c'était celui-là.,Mais c'était celui-là. Ce n'est personne.,Ce n'est personne. Ce n'est pas l'autre.,Ce n'est pas l'autre. Tu es qui ?,Tu es qui ? Pour qui te prends-tu ?,Pour qui te prends-tu ? Mais ce sont les autres.,Mais ce sont les autres. Comment ?,Comment ? De quelle manière ?,De quelle manière ? De quelle manière ?,De quelle manière ? Comment ?,Comment ? Où vas-tu ?,Où vas-tu ? Comment vas-tu ?,Comment vas-tu ? Agis d'une autre manière !,Agis d'une autre manière ! Cherche autre chose !,Cherche autre chose ! Fouille tout endroit !,Fouille tout endroit ! Fouille en tout lieu !,Fouille en tout lieu ! Fouille toute la place !,Fouille toute la place ! Prends tout !,Prends tout ! Prends la totalité !,Prends la totalité ! Là-même où tu as été.,Là-même où tu as été. Là où tu as été là.,Là où tu as été là. Là où tu as été.,Là où tu as été. Ce que tu as dit.,Ce que tu as dit. Tu as dit cela.,Tu as dit cela. Ce que tu as dit.,Ce que tu as dit. Tu as dit cela même.,Tu as dit cela même. Cela que tu as fait.,Cela que tu as fait. Cela même que tu as fait.,Cela même que tu as fait. Quoi ?,Quoi ? Cela quoi ?,Cela quoi ? Où ?,Où ? Là-bas où ?,Là-bas où ? Comment ?,Comment ? Ainsi comment ?,Ainsi comment ? De quelle manière ?,De quelle manière ? Tout cela ?,Tout cela ? Tout cet endroit-là ?,Tout cet endroit-là ? Quel autre ?,Quel autre ? Laquelle autre ?,Laquelle autre ? Quelle autre chose ?,Quelle autre chose ? Cet autre lequel ?,Cet autre lequel ? Voilà ce qu'il est.,Voilà ce qu'il est. Voilà ce qu'il en est.,Voilà ce qu'il en est. C'est là-bas.,C'est là-bas. C'était ainsi.,C'était ainsi. Ainsi fut.,Ainsi fut. Quel démon !,Quel démon ! Quel être !,Quel être ! C'est qu'il s'agit d'autre chose.,C'est qu'il s'agit d'autre chose. C'est que c'est autre chose.,C'est que c'est autre chose. C'est autre chose.,C'est autre chose. "Et pourtant, j'ai été","Et pourtant, j'ai été" "Le lion n'a pas fui, pourtant.","Le lion n'a pas fui, pourtant." "Et pourtant, les enfants sont venus","Et pourtant, les enfants sont venus" "Et pourtant, je l'ai vu","Et pourtant, je l'ai vu" "Et pourtant, il veut partir","Et pourtant, il veut partir" Et pourtant ils se connaissent.,Et pourtant ils se connaissent. "Dans ce cas, je pars","Dans ce cas, je pars" "Dans ce cas, qu'il rentre","Dans ce cas, qu'il rentre" "Dans ce cas, fuis !","Dans ce cas, fuis !" "Alors, ne partez pas","Alors, ne partez pas" "Malheureusement, nul n'a été","Malheureusement, nul n'a été" "Du reste, nul n'ira","Du reste, nul n'ira" "Malheureusement, les enfants ne veulent pas","Malheureusement, les enfants ne veulent pas" "Mais, celui qu'il voit, meurt.","Mais, celui qu'il voit, meurt." "Tu n'as pas été, non plus","Tu n'as pas été, non plus" "Mais, les enfants sont toute-fois méchants.","Mais, les enfants sont toute-fois méchants." "Mais, nul ne lui a prêté oreille.","Mais, nul ne lui a prêté oreille." "Mais, c'est tout le monde qui est rentré.","Mais, c'est tout le monde qui est rentré." "Ainsi donc, personne ne veut partir","Ainsi donc, personne ne veut partir" "Eh bien, est-ce qu'il est parti ?","Eh bien, est-ce qu'il est parti ?" "Ainsi, nul ne parle","Ainsi, nul ne parle" "Ainsi, l'homme ne veut pas partir","Ainsi, l'homme ne veut pas partir" "Ainsi, ma mère n'a pu te voir","Ainsi, ma mère n'a pu te voir" Et tu n'as été nulle part ?,Et tu n'as été nulle part ? "D'ailleurs, on ne peut rien y voir.","D'ailleurs, on ne peut rien y voir." "D'ailleurs, je m'en vais !","D'ailleurs, je m'en vais !" "Et surtout, attends-moi !","Et surtout, attends-moi !" "Alors, l'homme se fâcha.","Alors, l'homme se fâcha." "Alors, il se redressa.","Alors, il se redressa." "Sur ces entrefaites, je me tus.","Sur ces entrefaites, je me tus." "Mais alors, je refusai de sortir","Mais alors, je refusai de sortir" Qu'as-tu vu dehors ?,Qu'as-tu vu dehors ? À qui parles-tu ?,À qui parles-tu ? Qui est-ce celui-ci ?,Qui est-ce celui-ci ? Que veux-tu faire ?,Que veux-tu faire ? Tu pries pour quoi ?,Tu pries pour quoi ? Qui est venu ?,Qui est venu ? Qui a parlé ?,Qui a parlé ? C'est bon ?,C'est bon ? Pouah !,Pouah ! C'est bon ?,C'est bon ? Oh !,Oh ! Où est le Monsieur ?,Où est le Monsieur ? Il est parti,Il est parti Regarde cet arbre !,Regarde cet arbre ! C'est un boabab.,C'est un boabab. Où est le maître de maison ?,Où est le maître de maison ? C'est celui-là.,C'est celui-là. Où vas-tu ?,Où vas-tu ? À l'intérieur.,À l'intérieur. Où est NGor ?,Où est NGor ? NGor est parti.,NGor est parti. Mais NGor est parti.,Mais NGor est parti. Qui as-tu vu ?,Qui as-tu vu ? Qu'as-tu acheté ?,Qu'as-tu acheté ? Ce n'est pas un homme.,Ce n'est pas un homme. Où est l'homme ?,Où est l'homme ? Qu'as-tu vu ?,Qu'as-tu vu ? Où est celui-là ?,Où est celui-là ? Que pleure-t-il ?,Que pleure-t-il ? Tu ne pars pas ?,Tu ne pars pas ? Je pars,Je pars C'est vraiment un homme !,C'est vraiment un homme ! C'est un homme gentil !,C'est un homme gentil ! Qui as-tu vu ?,Qui as-tu vu ? L'homme qui est venu,L'homme qui est venu Qui as-tu vu ?,Qui as-tu vu ? Celui-là à l'intérieur.,Celui-là à l'intérieur. De qui parles-tu ?,De qui parles-tu ? De cet autre qu'on appelle.,De cet autre qu'on appelle. Il est là à l'intérieur.,Il est là à l'intérieur. Il est allé à l'intérieur.,Il est allé à l'intérieur. Il veut que tu viennes,Il veut que tu viennes Ngor peut-il partir ?,Ngor peut-il partir ? L'homme peut-il aller à Rao ?,L'homme peut-il aller à Rao ? Qui veut ce livre ?,Qui veut ce livre ? Qui t'a donné ce livre ?,Qui t'a donné ce livre ? Qui est parti ?,Qui est parti ? Quel homme est parti ?,Quel homme est parti ? C'est lui qui est parti ?,C'est lui qui est parti ? L'homme est sain d'esprit.,L'homme est sain d'esprit. L'homme est un Saint-Louisien.,L'homme est un Saint-Louisien. Cet homme n'est qu'intelligence.,Cet homme n'est qu'intelligence. Ces lieux sont de vastes étendues.,Ces lieux sont de vastes étendues. "L'homme le voici, il est Saint-Louisien.","L'homme le voici, il est Saint-Louisien." L'homme est unique.,L'homme est unique. Celui-là c'est un autre,Celui-là c'est un autre L'endroit ce n'est pas par-là.,L'endroit ce n'est pas par-là. "Le voilà, il est unique en son genre.","Le voilà, il est unique en son genre." La réunion c'est à l'intérieur.,La réunion c'est à l'intérieur. La réunion ce n'est pas après-demain ?,La réunion ce n'est pas après-demain ? "Espérer, c'est se nourrir d'illusion.","Espérer, c'est se nourrir d'illusion." Le Monsieur est parti,Le Monsieur est parti Il est parti,Il est parti Mais il est parti,Mais il est parti Voilà qu'il est parti,Voilà qu'il est parti Les gens en eussent été morts.,Les gens en eussent été morts. C'est moi qui n'aurais pas été,C'est moi qui n'aurais pas été Homme n'a été,Homme n'a été Un homme n'a été,Un homme n'a été Nul n'a été,Nul n'a été Les moutons noirs seront retrouvés.,Les moutons noirs seront retrouvés. C'est l'homme qui n'a pas été,C'est l'homme qui n'a pas été "Avoir été, eût été bon !","Avoir été, eût été bon !" L'aumône eut été une bonne chose !,L'aumône eut été une bonne chose ! Moi j'ai été,Moi j'ai été Moi-même je n'ai pas été,Moi-même je n'ai pas été Celui-là n'est pas sain d'esprit !,Celui-là n'est pas sain d'esprit ! C'est moi qui ai été,C'est moi qui ai été Voilà que j'aurais été,Voilà que j'aurais été Nul n'a été,Nul n'a été Vous avez été,Vous avez été Qui a été ?,Qui a été ? Ceux-là n'iront pas,Ceux-là n'iront pas Aïe ! ne suffit pas pour qu'il lâche,Aïe ! ne suffit pas pour qu'il lâche J'ai failli être dans l'obligation d'y aller.,J'ai failli être dans l'obligation d'y aller. Je ne veux pas est une forme impolie !,Je ne veux pas est une forme impolie ! Un homme est parti,Un homme est parti Les hommes sont partis,Les hommes sont partis Leur lion c'est un mouton.,Leur lion c'est un mouton. Leurs lions c'est des moutons.,Leurs lions c'est des moutons. Homme et lion ne cohabitent.,Homme et lion ne cohabitent. Homme et lion ne cohabitent pas.,Homme et lion ne cohabitent pas. Homme et lion ne peuvent cohabiter ensemble.,Homme et lion ne peuvent cohabiter ensemble. Les travailleurs c'est toi et moi.,Les travailleurs c'est toi et moi. Les travailleurs c'est nous.,Les travailleurs c'est nous. Les travailleurs c'était les enfants.,Les travailleurs c'était les enfants. C'est que je veux partir,C'est que je veux partir C'est qu'il veut de l'argent.,C'est qu'il veut de l'argent. C'est qu'il déteste l'impolitesse.,C'est qu'il déteste l'impolitesse. Il aime le chameau.,Il aime le chameau. Il a vu un messager.,Il a vu un messager. L'homme n'a pas vu cet enfant-là.,L'homme n'a pas vu cet enfant-là. Attends la belle jeune fille.,Attends la belle jeune fille. L'homme veut partir de temps à autre,L'homme veut partir de temps à autre Le maître souhaiterait avoir donné toute sa fortune pour pouvoir demander aujourd'hui l'aumône.,Le maître souhaiterait avoir donné toute sa fortune pour pouvoir demander aujourd'hui l'aumône. L'homme craint d'avoir interrompu son jeûne par inadvertance.,L'homme craint d'avoir interrompu son jeûne par inadvertance. La femme regrette d'avoir eu une fortune.,La femme regrette d'avoir eu une fortune. Je crains de lui avoir donné la clé,Je crains de lui avoir donné la clé L'homme aime celui-là.,L'homme aime celui-là. L'homme a vu cet autre-là.,L'homme a vu cet autre-là. Toi tu connais personne,Toi tu connais personne Cherche l'autre.,Cherche l'autre. L'homme affirme qu'il est là.,L'homme affirme qu'il est là. L'homme ne t'a pas vu,L'homme ne t'a pas vu L'homme ne t'avait pas vu,L'homme ne t'avait pas vu L'homme t'avait vu,L'homme t'avait vu L'homme t'aurait vu,L'homme t'aurait vu C'est l'homme qui ne t'a pas vu,C'est l'homme qui ne t'a pas vu L'homme te voit,L'homme te voit L'homme te voyait,L'homme te voyait L'homme ne te voyait pas,L'homme ne te voyait pas L'homme t'eût vu,L'homme t'eût vu L'homme m'a dit : dehors !,L'homme m'a dit : dehors ! Il est dehors.,Il est dehors. Dis : « woy » !,Dis : « woy » ! Crie !,Crie ! L'homme de dire : fuyez !,L'homme de dire : fuyez ! Il a donné à la personne quelque chose.,Il a donné à la personne quelque chose. Il a offert à l'homme de l'argent.,Il a offert à l'homme de l'argent. Il a confié à la femme une valise.,Il a confié à la femme une valise. Il a dit à Moussa quelque chose.,Il a dit à Moussa quelque chose. L'homme a fait un cadeau à Bathe.,L'homme a fait un cadeau à Bathe. Donnes le livre à ce fils bien élevé !,Donnes le livre à ce fils bien élevé ! Confie la chose à l'un !,Confie la chose à l'un ! Confie la chose à l'un d'eux !,Confie la chose à l'un d'eux ! Confie la chose à l'un d'entre eux !,Confie la chose à l'un d'entre eux ! Il t'a donné le morceau.,Il t'a donné le morceau. Il ne t'a pas prêté la plume,Il ne t'a pas prêté la plume Va leur chercher une barque !,Va leur chercher une barque ! Il t'avait remis la taxe,Il t'avait remis la taxe Il ne t'avait pas remis la taxe,Il ne t'avait pas remis la taxe Je ne le lui donnerai pas.,Je ne le lui donnerai pas. Je n'avais pas été te le cueillir.,Je n'avais pas été te le cueillir. Tu as vu quoi ?,Tu as vu quoi ? Un lion dans la chambre !,Un lion dans la chambre ! Il a tant parlé que le voilà.,Il a tant parlé que le voilà. Demande s'il est là !,Demande s'il est là ! Un lézard par là !,Un lézard par là ! Quand l'as-tu vu ?,Quand l'as-tu vu ? Aujourd'hui dans la soirée.,Aujourd'hui dans la soirée. Tu veux quoi ?,Tu veux quoi ? Quand pars-tu ?,Quand pars-tu ? "Aujourd'hui, le matin.","Aujourd'hui, le matin." "Aujourd'hui, le matin.","Aujourd'hui, le matin." Où es-tu ?,Où es-tu ? Me voilà à l'extérieur.,Me voilà à l'extérieur. Je suis dans la maison.,Je suis dans la maison. Qui cherches-tu ?,Qui cherches-tu ? Celui qui est en haut !,Celui qui est en haut ! C'est un homme pour quelles raisons ?,C'est un homme pour quelles raisons ? C'est un homme âgé de par ses années.,C'est un homme âgé de par ses années. Il l'a battu à telle enseigne qu'il est là.,Il l'a battu à telle enseigne qu'il est là. Il l'a battu à tel point qu'il est là.,Il l'a battu à tel point qu'il est là. C'est celui-là à l'intérieur.,C'est celui-là à l'intérieur. C'est celui-là qui est dehors.,C'est celui-là qui est dehors. Que veux-tu ?,Que veux-tu ? Avoir pu aller jusqu'à Saint-Louis.,Avoir pu aller jusqu'à Saint-Louis. J'ai été jusqu'à Saint-Louis.,J'ai été jusqu'à Saint-Louis. "Je l'ai appelé, aussi est-il là","Je l'ai appelé, aussi est-il là" Il est venu à cause de toi.,Il est venu à cause de toi. Il n'a rien dit à cause de l'homme.,Il n'a rien dit à cause de l'homme. Ce n'est pas gentil pour l'autre.,Ce n'est pas gentil pour l'autre. Aie de la pudeur pour ces femmes !,Aie de la pudeur pour ces femmes ! Il est mal élevé comme un gosse.,Il est mal élevé comme un gosse. Habille-toi en garçon !,Habille-toi en garçon ! Tu n'es pas aussi modeste que ta mère.,Tu n'es pas aussi modeste que ta mère. Fais comme tes pairs !,Fais comme tes pairs ! Tu es paresseuse comme cet autre-là.,Tu es paresseuse comme cet autre-là. Vous êtes aussi avares qu'eux !,Vous êtes aussi avares qu'eux ! Il lui a donné à cause de toi.,Il lui a donné à cause de toi. "Laisse-moi de grâce, au nom de Dieu !","Laisse-moi de grâce, au nom de Dieu !" Aide-les à cause de ceux-là !,Aide-les à cause de ceux-là ! J'ai vu les enfants sauf toi.,J'ai vu les enfants sauf toi. L'homme est allé à l'intérieur.,L'homme est allé à l'intérieur. Parle au sujet de ceux-ci !,Parle au sujet de ceux-ci ! Ne fais pas partie de ceux-là !,Ne fais pas partie de ceux-là ! Va jusqu'à lui !,Va jusqu'à lui ! Il ne s'est pas mêlé à eux.,Il ne s'est pas mêlé à eux. Il ne dit rien de cela.,Il ne dit rien de cela. Tu n'avais pas été à l'intérieur,Tu n'avais pas été à l'intérieur Tu n'avais rien dit de cela !,Tu n'avais rien dit de cela ! Il est parti ce matin.,Il est parti ce matin. Attends jusqu'à demain !,Attends jusqu'à demain ! Va jusqu'à demain !,Va jusqu'à demain ! Monte jusqu'ici !,Monte jusqu'ici ! J'ai été jusqu'à lui.,J'ai été jusqu'à lui. J'ai travaillé jusqu'au soir.,J'ai travaillé jusqu'au soir. Sois poli !,Sois poli ! Sois avec politesse !,Sois avec politesse ! Parle avec ceux-là !,Parle avec ceux-là ! Redresse-le avec un baton !,Redresse-le avec un baton ! Il y amena un mouton pour l'homme.,Il y amena un mouton pour l'homme. L'homme y est magnifique !,L'homme y est magnifique ! Les gosses y furent formidables !,Les gosses y furent formidables ! Il y est.,Il y est. Il est là.,Il est là. "Le voilà, là.","Le voilà, là." Le roi est souverain ici.,Le roi est souverain ici. Le prétendant n'y est pas roi.,Le prétendant n'y est pas roi. "L'homme qui a été là-bas, où est-il ?","L'homme qui a été là-bas, où est-il ?" Que souhaitais-tu ?,Que souhaitais-tu ? Y avoir été,Y avoir été Voyager demain,Voyager demain Il est parti il y a un instant.,Il est parti il y a un instant. L'homme n'est pas venu.,L'homme n'est pas venu. Seul l'homme n'est pas venu.,Seul l'homme n'est pas venu. Un homme de bien ne ment pas !,Un homme de bien ne ment pas ! Un homme tout simplement ne saurait l'effrayer.,Un homme tout simplement ne saurait l'effrayer. J'irai aujourd'hui !,J'irai aujourd'hui ! Parle avec Samba seulement !,Parle avec Samba seulement ! Vois Moussa simplement !,Vois Moussa simplement ! Mets de l'ordre à l'intérieur seulement !,Mets de l'ordre à l'intérieur seulement ! Moussa seulement !,Moussa seulement ! À l'intérieur tout simplement !,À l'intérieur tout simplement ! Tu es un mortel tout simplement !,Tu es un mortel tout simplement ! Vous êtes des hommes tout simplement !,Vous êtes des hommes tout simplement ! Celui-là n'est pas venu seul.,Celui-là n'est pas venu seul. Cela seulement ne suffit pas,Cela seulement ne suffit pas Le voilà tout simplement,Le voilà tout simplement "Le voilà, là, tout simplement.","Le voilà, là, tout simplement." Cherche l'autre tout simplement !,Cherche l'autre tout simplement ! Cause tout simplement avec ceux-là !,Cause tout simplement avec ceux-là ! "Rien que là, donne deux fois !","Rien que là, donne deux fois !" Donne deux fois rien que là !,Donne deux fois rien que là ! Te voilà tout simplement !,Te voilà tout simplement ! "Te voilà, quoi !","Te voilà, quoi !" C'est là ce que je veux !,C'est là ce que je veux ! Cela simplement !,Cela simplement ! C'est celui-là tout simplement !,C'est celui-là tout simplement ! C'est là seulement !,C'est là seulement ! Vas-y seulement !,Vas-y seulement ! Vas-y vraiment !,Vas-y vraiment ! La chose est d'un blanc éclatant.,La chose est d'un blanc éclatant. La chose est d'un noir obscur.,La chose est d'un noir obscur. La chose est d'une clarté lumineuse.,La chose est d'une clarté lumineuse. Monsieur Moussa est parti.,Monsieur Moussa est parti. J'ai vu Monsieur Moussa.,J'ai vu Monsieur Moussa. "L'homme, lui, ne s'en alla pas !","L'homme, lui, ne s'en alla pas !" "La vieille, elle, ne parla plus !","La vieille, elle, ne parla plus !" L'homme qui est parti,L'homme qui est parti L'homme qui s'en alla,L'homme qui s'en alla Rappelle Moussa qui s'en va,Rappelle Moussa qui s'en va Voila l'homme !,Voila l'homme ! "Lui, Moussa, est parti","Lui, Moussa, est parti" "Il l'a vu, lui, Moussa !","Il l'a vu, lui, Moussa !" Va voir l'homme lui-même !,Va voir l'homme lui-même ! "Celui-là, lui, il refusera !","Celui-là, lui, il refusera !" Celui-là a mauvais caractère !,Celui-là a mauvais caractère ! "Toi, tu es là !","Toi, tu es là !" L'homme et l'enfant sont partis.,L'homme et l'enfant sont partis. L'individu et son chameau se ressemblent !,L'individu et son chameau se ressemblent ! Toi et moi irons ensemble !,Toi et moi irons ensemble ! Celui-là et celui-ci n'ont rien de commun !,Celui-là et celui-ci n'ont rien de commun ! Celui-là et celui-ci ne se ressemble pas !,Celui-là et celui-ci ne se ressemble pas ! Celui-là et celui-ci ne se ressemble en rien !,Celui-là et celui-ci ne se ressemble en rien ! "Toi ou lui, il en est un qui est parti","Toi ou lui, il en est un qui est parti" Frère de Nafi et Sokkna !,Frère de Nafi et Sokkna ! Il a vu l'homme et son enfant.,Il a vu l'homme et son enfant. "Tu ne veux ni argent, ni fortune.","Tu ne veux ni argent, ni fortune." Pénètre à l'intérieur ou ici !,Pénètre à l'intérieur ou ici ! Il voyagera aujourd'hui ou demain.,Il voyagera aujourd'hui ou demain. "Il a acheté moutons, chèvres, poulets...","Il a acheté moutons, chèvres, poulets..." Où es-tu ?,Où es-tu ? Me voici... !,Me voici... ! A qui parles-tu ?,A qui parles-tu ? A Moussa !,A Moussa ! Tu es jeune !,Tu es jeune ! Tu pars ?,Tu pars ? C'est toi ?,C'est toi ? Cet homme le voilà !,Cet homme le voilà ! Qui vois-tu ?,Qui vois-tu ? Cet homme dont il était question,Cet homme dont il était question Là où il y a de la lumière,Là où il y a de la lumière À l'intérieur de cette maison,À l'intérieur de cette maison Qui a fait ceci ?,Qui a fait ceci ? Le Monsieur !,Le Monsieur ! C'était un homme en vérité !,C'était un homme en vérité ! "Que tu partes, c'est ce que ceux-là veulent.","Que tu partes, c'est ce que ceux-là veulent." À toi qui es-là !,À toi qui es-là ! Par ici !,Par ici ! Chez l'autre qui est arrivé.,Chez l'autre qui est arrivé. Vous voilà là à l'intérieur !,Vous voilà là à l'intérieur ! Il est par-là !,Il est par-là ! C'est toi-même !,C'est toi-même ! C'est vous-mêmes !,C'est vous-mêmes ! L'homme peut-il aller dans la maison ?,L'homme peut-il aller dans la maison ? Je n'avais été nulle part ce matin.,Je n'avais été nulle part ce matin. Aminata peut-elle venir ?,Aminata peut-elle venir ? "Si elle veut, bien sûr !","Si elle veut, bien sûr !" "Le voilà, il est parti","Le voilà, il est parti" Qu'il aille chez Lamine NGom !,Qu'il aille chez Lamine NGom ! "Mais, moi, je n'ai pas été !","Mais, moi, je n'ai pas été !" "Mais, même moi, je n'ai pas été !","Mais, même moi, je n'ai pas été !" "Mais, même moi, je ne viendrai pas !","Mais, même moi, je ne viendrai pas !" Et que nul ne bouge !,Et que nul ne bouge ! Surtout rentrez chez vous !,Surtout rentrez chez vous ! Que tu approches !,Que tu approches ! Et ne viens surtout pas à l'école !,Et ne viens surtout pas à l'école ! "Ainsi, tu vas t'en aller !","Ainsi, tu vas t'en aller !" L'homme avait parlé,L'homme avait parlé Surtout pars !,Surtout pars ! L'homme a été,L'homme a été L'homme eût parlé,L'homme eût parlé Samba qui est venu ?,Samba qui est venu ? L'homme qui est venu ?,L'homme qui est venu ? L'homme que l'enfant a appelé,L'homme que l'enfant a appelé À l'intérieur : où il fait clair,À l'intérieur : où il fait clair Où est celui dont il parle ?,Où est celui dont il parle ? Qui n'as-tu pas appelé ?,Qui n'as-tu pas appelé ? L'homme qu'il a amené,L'homme qu'il a amené Cet homme qui l'accompagne !,Cet homme qui l'accompagne ! Celui-là avec qui tu parles !,Celui-là avec qui tu parles ! "L'autre, celui qui est arrivé !","L'autre, celui qui est arrivé !" Là où tu vas !,Là où tu vas ! Là-bas jusqu'à ce que vous reveniez !,Là-bas jusqu'à ce que vous reveniez ! C'est un autre qui est venu ?,C'est un autre qui est venu ? Oui,Oui C'est ceux-là que l'homme désire,C'est ceux-là que l'homme désire C'est toi qui aimes la jeune femme,C'est toi qui aimes la jeune femme Je veux que l'homme vienne,Je veux que l'homme vienne L'enfant dit d'entrer !,L'enfant dit d'entrer ! Qui cherches-tu ?,Qui cherches-tu ? L'homme dont parle cet individu,L'homme dont parle cet individu Dans la maison dont parle le Monsieur,Dans la maison dont parle le Monsieur Cet homme nul ne le connaît !,Cet homme nul ne le connaît ! "Là, où il a fait un trou.","Là, où il a fait un trou." Chez celui qu'il a indiqué.,Chez celui qu'il a indiqué. C'est bien ?,C'est bien ? "Jusqu'ici, c'est bon","Jusqu'ici, c'est bon" Que fais-tu ?,Que fais-tu ? Ce que cet homme a dit,Ce que cet homme a dit Là où tu es,Là où tu es L'homme ne dit pas qu'il est là !,L'homme ne dit pas qu'il est là ! C'est de l'homme que parlent les enfants.,C'est de l'homme que parlent les enfants. C'est Samba que tu appelles ?,C'est Samba que tu appelles ? "Si tu pars, il vient.","Si tu pars, il vient." C'est à l'intérieur que tu dis ?,C'est à l'intérieur que tu dis ? Nous allons à l'intérieur ?,Nous allons à l'intérieur ? C'est à l'intérieur qu'est entré l'homme.,C'est à l'intérieur qu'est entré l'homme. C'est à l'intérieur que vous allez ?,C'est à l'intérieur que vous allez ? Où est l'homme dont il parle ?,Où est l'homme dont il parle ? C'est de celui-là que parlent les enfants ?,C'est de celui-là que parlent les enfants ? C'est de l'autre côté qu'habite l'homme ?,C'est de l'autre côté qu'habite l'homme ? C'est moi que l'homme appelle ?,C'est moi que l'homme appelle ? C'est l'autre que nous connaissons.,C'est l'autre que nous connaissons. C'est moi que tu appelles ?,C'est moi que tu appelles ? C'est toi qu'elle veut.,C'est toi qu'elle veut. Je crois qu'il vient !,Je crois qu'il vient ! Qu'est-ce qu'il y a ?,Qu'est-ce qu'il y a ? Il veut que l'homme revienne,Il veut que l'homme revienne Je lui ai dit de rentrer.,Je lui ai dit de rentrer. L'homme demande à tous de partir !,L'homme demande à tous de partir ! "Si tu pars, il vient.","Si tu pars, il vient." Va que l'homme te voie !,Va que l'homme te voie ! L'homme veut que tu viennes.,L'homme veut que tu viennes. Les gens demandent qu'ils partent.,Les gens demandent qu'ils partent. C'est l'homme qui est venu.,C'est l'homme qui est venu. Qu'as-tu vu ?,Qu'as-tu vu ? Quelqu'un de bien !,Quelqu'un de bien ! Où le mets-tu ?,Où le mets-tu ? Dans ce puits qui coule,Dans ce puits qui coule Il parle de l'enfant qui souffre.,Il parle de l'enfant qui souffre. Un homme vertueux a disparu !,Un homme vertueux a disparu ! L'homme qui vint s'en est allé,L'homme qui vint s'en est allé J'ai vu l'homme qui est venu !,J'ai vu l'homme qui est venu ! J'ai vu cet homme qui parlait !,J'ai vu cet homme qui parlait ! J'ai vu ce visiteur qui parlait !,J'ai vu ce visiteur qui parlait ! J'ai été dans une maison spacieuse !,J'ai été dans une maison spacieuse ! Cet autre qui n'était pas venu.,Cet autre qui n'était pas venu. Où dis-tu ?,Où dis-tu ? Cet autre endroit où il y avait une fuite.,Cet autre endroit où il y avait une fuite. C'est l'autre endroit qui n'a pas de trou.,C'est l'autre endroit qui n'a pas de trou. C'est cet autre qui était venu.,C'est cet autre qui était venu. Cet autre-ci qui est sorti est arrivé.,Cet autre-ci qui est sorti est arrivé. J'ai vu l'autre qui est venu,J'ai vu l'autre qui est venu Il a été dans un autre bel endroit.,Il a été dans un autre bel endroit. J'ai été chez un autre qui est gentil.,J'ai été chez un autre qui est gentil. "Mets-toi n'importe où, où il fait clair !","Mets-toi n'importe où, où il fait clair !" "Mets-toi n'importe où, où il fait clair !","Mets-toi n'importe où, où il fait clair !" Je veille sur quoi ?,Je veille sur quoi ? "Sur le travail, jusqu'à ce qu'il soit fait !","Sur le travail, jusqu'à ce qu'il soit fait !" À l'intérieur ! pour qu'il entre,À l'intérieur ! pour qu'il entre C'est un brave à n'en pas douter !,C'est un brave à n'en pas douter ! Il est « excessivement » courageux !,Il est « excessivement » courageux ! "Ici, jusqu'à ce qu'il vienne !","Ici, jusqu'à ce qu'il vienne !" Où puis-je m'asseoir ?,Où puis-je m'asseoir ? Que dois-je faire ?,Que dois-je faire ? "Cela, jusqu'à ce que ce soit terminé !","Cela, jusqu'à ce que ce soit terminé !" Je reste ici jusqu'à ce qu'il vienne !,Je reste ici jusqu'à ce qu'il vienne ! Va et reviens !,Va et reviens ! Il ira afin que vous soyez heureux.,Il ira afin que vous soyez heureux. Dis-lui qu'il ne vienne pas,Dis-lui qu'il ne vienne pas Dis à la personne qu'elle vienne,Dis à la personne qu'elle vienne Aujourd'hui l'homme partira,Aujourd'hui l'homme partira L'homme partira aujourd'hui,L'homme partira aujourd'hui "Aujourd'hui, ne sors pas !","Aujourd'hui, ne sors pas !" Ne sors pas aujourd'hui !,Ne sors pas aujourd'hui ! À l'intérieur si tu ne veux pas !,À l'intérieur si tu ne veux pas ! "Si tu ne veux pas, à l'intérieur !","Si tu ne veux pas, à l'intérieur !" "Aujourd'hui, c'est Fatim.","Aujourd'hui, c'est Fatim." "C'est Fatim, aujourd'hui.","C'est Fatim, aujourd'hui." "C'est Fatim, dit-il.","C'est Fatim, dit-il." Il dit que c'est Fatim.,Il dit que c'est Fatim. C'est peut-être un lion !,C'est peut-être un lion ! Je crois que c'est l'homme !,Je crois que c'est l'homme ! "Il est là, peut-être !","Il est là, peut-être !" "Ici alors, si tu refuses !","Ici alors, si tu refuses !" "C'est celui-là, peut-être !","C'est celui-là, peut-être !" C'est peut-être celui-là !,C'est peut-être celui-là ! C'est peut-être celui-là !,C'est peut-être celui-là ! "C'est celui-là, peut-être !","C'est celui-là, peut-être !" "C'est l'autre, je crois !","C'est l'autre, je crois !" Je crois que c'est l'autre !,Je crois que c'est l'autre ! Je crois que c'est l'autre !,Je crois que c'est l'autre ! Je crois que ce n'est pas celui-ci !,Je crois que ce n'est pas celui-ci ! Qu'il parte s'il ne veut pas !,Qu'il parte s'il ne veut pas ! Je crois qu'il ne viendra pas !,Je crois qu'il ne viendra pas ! "L'homme est parti, je crois !","L'homme est parti, je crois !" "C'est l'homme qui part, je crois !","C'est l'homme qui part, je crois !" Qu'il entre !,Qu'il entre ! Qu'il entre à l'intérieur s'il veut !,Qu'il entre à l'intérieur s'il veut ! S'il veut qu'il entre !,S'il veut qu'il entre ! S'il veut qu'il entre à l'intérieur !,S'il veut qu'il entre à l'intérieur ! Je croie qu'aujourd'hui il viendra !,Je croie qu'aujourd'hui il viendra ! Je crois qu'il viendra aujourd'hui !,Je crois qu'il viendra aujourd'hui ! Ta mère dit qu'elle viendra ce soir.,Ta mère dit qu'elle viendra ce soir. Ta mère dit qu'elle viendra ce soir.,Ta mère dit qu'elle viendra ce soir. L'homme dit qu'il serait peut-être là.,L'homme dit qu'il serait peut-être là. L'homme dit qu'il serait peut-être là.,L'homme dit qu'il serait peut-être là. Tu y as été quels jours ?,Tu y as été quels jours ? "Hier, aujourd'hui, avant-hier","Hier, aujourd'hui, avant-hier" Où t'es-tu initié en sciences occultes ?,Où t'es-tu initié en sciences occultes ? Tu vas vers qui ?,Tu vas vers qui ? "Vers celui que voilà, vers celui-ci, vers celui-là","Vers celui que voilà, vers celui-ci, vers celui-là" Je donne à qui ?,Je donne à qui ? "À ceux-ci, ceux-là, à ceux qui sont là-bas","À ceux-ci, ceux-là, à ceux qui sont là-bas" "Te voilà, le voilà","Te voilà, le voilà" Où as-tu été initié en sciences occultes ?,Où as-tu été initié en sciences occultes ? Le voilà et le voilà !,Le voilà et le voilà ! "Il est homme, tu es homme","Il est homme, tu es homme" "C'est à l'intérieur, à l'intérieur même !","C'est à l'intérieur, à l'intérieur même !" "C'est celui-là, celui-là debout !","C'est celui-là, celui-là debout !" "C'est un seul, un seul !","C'est un seul, un seul !" "J'ai été, tu as été, il a été...","J'ai été, tu as été, il a été..." J'ai été et tu as été et lui il a été.,J'ai été et tu as été et lui il a été. Il viendra que tu veuilles ou non !,Il viendra que tu veuilles ou non ! Où vas-tu ?,Où vas-tu ? Chez les Sérère et les Peul,Chez les Sérère et les Peul Où vas-tu ?,Où vas-tu ? Chez ceux-ci et ceux-là,Chez ceux-ci et ceux-là C'est un homme de chair et d'os et tu es un homme !,C'est un homme de chair et d'os et tu es un homme ! C'est celui-là et c'est un autre.,C'est celui-là et c'est un autre. J'ai été et tu n'as pas été !,J'ai été et tu n'as pas été ! "Viens pour que les enfants soient des travailleurs, soient des braves !","Viens pour que les enfants soient des travailleurs, soient des braves !" Change-les à tel point qu'ils soient autres et que leur opinion aussi soit toute autre.,Change-les à tel point qu'ils soient autres et que leur opinion aussi soit toute autre. Il est venu hier et aujourd'hui.,Il est venu hier et aujourd'hui. Vous acceptez ou il ne part pas !,Vous acceptez ou il ne part pas ! J'ai vu Samba.,J'ai vu Samba. Samba ?,Samba ? Oui Samba !,Oui Samba ! Je l'ai vu à l'intérieur.,Je l'ai vu à l'intérieur. À l'intérieur même ?,À l'intérieur même ? Oui à l'intérieur !,Oui à l'intérieur ! Il connaît celui-là ?,Il connaît celui-là ? Celui-ci ?,Celui-ci ? Oui celui-là !,Oui celui-là ! Je l'ai vu par ici !,Je l'ai vu par ici ! Par ici ?,Par ici ? Oui par ici !,Oui par ici ! Il est là ?,Il est là ? L'homme peut-il partir ?,L'homme peut-il partir ? Tu pars ?,Tu pars ? C'est un autre ?,C'est un autre ? C'est cet autre-là ?,C'est cet autre-là ? C'est Samba ?,C'est Samba ? C'est un homme ?,C'est un homme ? Qui est parti ?,Qui est parti ? Lesquels se sont égarés ?,Lesquels se sont égarés ? Tu te battais avec qui ?,Tu te battais avec qui ? Où vas-tu ?,Où vas-tu ? À qui as-tu donné de l'argent ?,À qui as-tu donné de l'argent ? Lesquels ne sont pas venus ?,Lesquels ne sont pas venus ? Où va-t-il ?,Où va-t-il ? Où est-ce ?,Où est-ce ? Qui est-ce ?,Qui est-ce ? Quel homme est parti ?,Quel homme est parti ? Tu parles de quels gens ?,Tu parles de quels gens ? "Qui, est-ce d'autres ?","Qui, est-ce d'autres ?" Tu parles de qui d'autre ?,Tu parles de qui d'autre ? Où est-il ?,Où est-il ? Où est-ce que tu vas ?,Où est-ce que tu vas ? Est-ce que ?,Est-ce que ? Est-ce qu'il est parti ?,Est-ce qu'il est parti ? Est-ce l'homme qui est parti ?,Est-ce l'homme qui est parti ? Est-ce que le pays a des richesses ?,Est-ce que le pays a des richesses ? Est-ce que le pays a des richesses ?,Est-ce que le pays a des richesses ? Est-ce par hasard ?,Est-ce par hasard ? Tu ne partiras donc pas ?,Tu ne partiras donc pas ? Tu ne partiras donc pas ?,Tu ne partiras donc pas ? "Donc, tu ne partiras pas ?","Donc, tu ne partiras pas ?" "Donc, tu ne partiras pas ?","Donc, tu ne partiras pas ?" Personne n'est donc parti ?,Personne n'est donc parti ? Combien ?,Combien ? Combien êtes-vous ?,Combien êtes-vous ? Comment ?,Comment ? Comment allez-vous ?,Comment allez-vous ? Comment ?,Comment ? De quelle manière ?,De quelle manière ? Comment vas-tu ?,Comment vas-tu ? Comment s'appelle l'homme ?,Comment s'appelle l'homme ? Comment voulez-vous que l'homme vous aide ?,Comment voulez-vous que l'homme vous aide ? Est-ce que comme je le souhaite...,Est-ce que comme je le souhaite... "Les enfants sont arrivés, j'espère ?","Les enfants sont arrivés, j'espère ?" J'espère que nul n'est sorti ?,J'espère que nul n'est sorti ? J'espère que c'est lui qui a été ?,J'espère que c'est lui qui a été ? Homme de courage n'abonde pas paroles.,Homme de courage n'abonde pas paroles. Homme de courage n'abonde pas en paroles.,Homme de courage n'abonde pas en paroles. Un homme de courage n'abonde pas paroles.,Un homme de courage n'abonde pas paroles. Un homme de courage n'abonde pas en paroles.,Un homme de courage n'abonde pas en paroles. Cet homme près de moi et celui là près de toi sont parents.,Cet homme près de moi et celui là près de toi sont parents. L'homme parti et l'homme décédé ne sont pas les mêmes.,L'homme parti et l'homme décédé ne sont pas les mêmes. Les enfants qui venaient ne viennent plus.,Les enfants qui venaient ne viennent plus. "Par contre, cet homme qui s'exila ne revint pas.","Par contre, cet homme qui s'exila ne revint pas." C'est cette femme qu'il accompagnait qui est Ngone.,C'est cette femme qu'il accompagnait qui est Ngone. Ces gens qui sont sortis sont des lutteurs.,Ces gens qui sont sortis sont des lutteurs. Tu reconnais cette personne-là ?,Tu reconnais cette personne-là ? Cet homme-ci et cet homme-là ne sont pas les mêmes.,Cet homme-ci et cet homme-là ne sont pas les mêmes. "Cet homme-ci, devant nous, et cet homme-là ne sont pas les mêmes.","Cet homme-ci, devant nous, et cet homme-là ne sont pas les mêmes." Tu connais cet enfant-ci ?,Tu connais cet enfant-ci ? Tu connais cet enfant-ci ?,Tu connais cet enfant-ci ? Tu as regardé dans cette chambre-ci ?,Tu as regardé dans cette chambre-ci ? Tu as regardé dans cette chambre-ci ?,Tu as regardé dans cette chambre-ci ? Tu reconnais cet enfant-ci ?,Tu reconnais cet enfant-ci ? Tu reconnais cet enfant-ci ?,Tu reconnais cet enfant-ci ? Cet enfant-ci n'est pas venu ?,Cet enfant-ci n'est pas venu ? Cet enfant-ci n'est pas venu ?,Cet enfant-ci n'est pas venu ? Je parle de cet enfant-ci ?,Je parle de cet enfant-ci ? Je parle de cet enfant-ci ?,Je parle de cet enfant-ci ? Je parle de cet enfant là-bas ?,Je parle de cet enfant là-bas ? Je parle de cet enfant là-bas ?,Je parle de cet enfant là-bas ? J'ai vu cet enfant-là ?,J'ai vu cet enfant-là ? J'ai vu cet enfant-là ?,J'ai vu cet enfant-là ? Ce mouton n'est pas gras ?,Ce mouton n'est pas gras ? Ce mouton n'est pas gras ?,Ce mouton n'est pas gras ? Je ne parle pas de ces enfants ?,Je ne parle pas de ces enfants ? Je ne parle pas de ces enfants ?,Je ne parle pas de ces enfants ? J'ai aperçu un mouton.,J'ai aperçu un mouton. J'ai aperçu une maison.,J'ai aperçu une maison. J'ai aperçu un baobab.,J'ai aperçu un baobab. J'ai aperçu un baobab.,J'ai aperçu un baobab. J'ai aperçu un cheval.,J'ai aperçu un cheval. J'ai aperçu une femme.,J'ai aperçu une femme. J'ai aperçu une jeune fille.,J'ai aperçu une jeune fille. "J'ai aperçu une chose, une portion.","J'ai aperçu une chose, une portion." J'ai aperçu des moutons.,J'ai aperçu des moutons. J'ai aperçu des chevaux.,J'ai aperçu des chevaux. J'ai aperçu des choses.,J'ai aperçu des choses. J'ai aperçu des chameaux.,J'ai aperçu des chameaux. J'ai aperçu des messagers.,J'ai aperçu des messagers. J'ai aperçu des femmes.,J'ai aperçu des femmes. Quel moutons est égaré ?,Quel moutons est égaré ? Quel moutons est égaré ?,Quel moutons est égaré ? Quels moutons sont arrivés ?,Quels moutons sont arrivés ? Quels moutons sont arrivés ?,Quels moutons sont arrivés ? Quelles personnes sont venues ?,Quelles personnes sont venues ? Quelles personnes sont venues ?,Quelles personnes sont venues ? Quels moutons t'appartiennent ?,Quels moutons t'appartiennent ? Les quels moutons qui t'appartiennent ?,Les quels moutons qui t'appartiennent ? Les quels moutons t'appartiennent ?,Les quels moutons t'appartiennent ? Quels moutons qui t'appartiennent ?,Quels moutons qui t'appartiennent ? Honore tout homme !,Honore tout homme ! Honore tout homme !,Honore tout homme ! Attache tout mouton !,Attache tout mouton ! Attache tout mouton !,Attache tout mouton ! Quel mouton ?,Quel mouton ? Quel mouton en entier ?,Quel mouton en entier ? L'un des hommes est venu.,L'un des hommes est venu. L'un des hommes est venu.,L'un des hommes est venu. L'un des hommes est venu.,L'un des hommes est venu. Certaines personnes ne sont pas encore arrivées.,Certaines personnes ne sont pas encore arrivées. Certaines personnes ne sont pas encore arrivées.,Certaines personnes ne sont pas encore arrivées. Je parle de ces autres individus !,Je parle de ces autres individus ! Je parle de ces autres individus !,Je parle de ces autres individus ! Je parle des autres moutons !,Je parle des autres moutons ! Je parle de ceux-là !,Je parle de ceux-là ! Je parle des autres moutons !,Je parle des autres moutons ! Je parle de ceux-là !,Je parle de ceux-là ! Tu parles de quel mouton ?,Tu parles de quel mouton ? Tu parles de quel mouton ?,Tu parles de quel mouton ? C'est d'autres chevaux que je veux !,C'est d'autres chevaux que je veux ! C'est d'autres chevaux que je veux !,C'est d'autres chevaux que je veux ! C'est d'autres gens que j'ai vus !,C'est d'autres gens que j'ai vus ! C'est d'autres gens que j'ai vus !,C'est d'autres gens que j'ai vus ! As-tu vu ces autres femmes ?,As-tu vu ces autres femmes ? As-tu vu ces autres femmes en question ?,As-tu vu ces autres femmes en question ? Quels autres chevaux as-tu vu ?,Quels autres chevaux as-tu vu ? Quels autres chevaux as-tu vu ?,Quels autres chevaux as-tu vu ? Tu as vu quels amis à toi ?,Tu as vu quels amis à toi ? Tu as vu quels amis à toi ?,Tu as vu quels amis à toi ? Tu as vu les autres amis ?,Tu as vu les autres amis ? Tu as vu tes autres amis ?,Tu as vu tes autres amis ? C'est son amour d'antan qui survit encore.,C'est son amour d'antan qui survit encore. J'ai été quelqu'un !,J'ai été quelqu'un ! Tu as été quelqu'un !,Tu as été quelqu'un ! Il a été quelqu'un !,Il a été quelqu'un ! Nous avons été quelqu'un !,Nous avons été quelqu'un ! Vous avez été quelqu'un !,Vous avez été quelqu'un ! Ils ont été quelqu'un !,Ils ont été quelqu'un ! Elles ont été quelqu'un !,Elles ont été quelqu'un ! Je fus Laobé.,Je fus Laobé. Tu fus Laobé.,Tu fus Laobé. Il fut Laobé.,Il fut Laobé. Nous fûmes Laobé.,Nous fûmes Laobé. Vous fûtes Laobé.,Vous fûtes Laobé. Ils furent Laobé.,Ils furent Laobé. Elles furent Laobé.,Elles furent Laobé. J'ai vu vache d'Europe.,J'ai vu vache d'Europe. J'ai vu vache d'Europe.,J'ai vu vache d'Europe. J'ai vu une vache d'Europe.,J'ai vu une vache d'Europe. J'ai vu une vache d'Europe.,J'ai vu une vache d'Europe. J'ai vu vaches d'Europe.,J'ai vu vaches d'Europe. J'ai vu vaches d'Europe.,J'ai vu vaches d'Europe. J'ai vu des vaches d'Europe.,J'ai vu des vaches d'Europe. J'ai vu des vaches d'Europe.,J'ai vu des vaches d'Europe. Tu as vu le fils de quelle femme ?,Tu as vu le fils de quelle femme ? Tu as choisi la fille de quelle femme ?,Tu as choisi la fille de quelle femme ? J'aurais acheté le mouton de quelle autre personne ?,J'aurais acheté le mouton de quelle autre personne ? Il n'est de Ardo du Dieri que tu ne connaisses !,Il n'est de Ardo du Dieri que tu ne connaisses ! Je suis parti,Je suis parti Tu es parti,Tu es parti Il part,Il part Il est parti,Il est parti Nous sommes partis,Nous sommes partis Nous partons,Nous partons Vous êtes partis,Vous êtes partis Vous partez,Vous partez Ils partent,Ils partent Elles sont partis,Elles sont partis Ils sont partis,Ils sont partis "Si tu étais venu, dans ce cas, je serais parti !","Si tu étais venu, dans ce cas, je serais parti !" Où veut-il,Où veut-il Quelle partie ?,Quelle partie ? Le voilà qui part !,Le voilà qui part ! Le voilà qui part !,Le voilà qui part ! Tu iras ?,Tu iras ? Tu iras ?,Tu iras ? Cet homme est Laobe de Saint-Louis.,Cet homme est Laobe de Saint-Louis. Cet homme qui est Laobe de Saint-Louis.,Cet homme qui est Laobe de Saint-Louis. Cet homme est un Laobe de Saint-Louis.,Cet homme est un Laobe de Saint-Louis. Cet homme qui est un Laobe de Saint-Louis.,Cet homme qui est un Laobe de Saint-Louis. C'est moi qui pars !,C'est moi qui pars ! C'est moi qui suis en train de partir !,C'est moi qui suis en train de partir ! C'est moi qui dois partir !,C'est moi qui dois partir ! C'est moi qui vais partir !,C'est moi qui vais partir ! L'homme qui partait,L'homme qui partait L'homme qui devait partir,L'homme qui devait partir L'homme qui allait partir,L'homme qui allait partir Si l'homme vient,Si l'homme vient Si l'homme doit venir,Si l'homme doit venir Quand l'homme viendra,Quand l'homme viendra Alors que tu partais,Alors que tu partais Au moment où tu partais,Au moment où tu partais Du moment que tu pars,Du moment que tu pars Du moment qu'il part,Du moment qu'il part Du fait qu'il doit partir,Du fait qu'il doit partir Appelle l'homme qui n'est pas Kangame d'ici !,Appelle l'homme qui n'est pas Kangame d'ici ! Appelle l'homme qui n'est pas un Kangame d'ici !,Appelle l'homme qui n'est pas un Kangame d'ici ! Je connais les gens qui ne sont pas des Sérignes !,Je connais les gens qui ne sont pas des Sérignes ! Qu'il ne mente pas du moment qu'il ne vient pas !,Qu'il ne mente pas du moment qu'il ne vient pas ! C'est l'homme qui n'était pas le maître de maison !,C'est l'homme qui n'était pas le maître de maison ! Ceux-ci ne partent peut-être pas !,Ceux-ci ne partent peut-être pas ! Ceux-ci ne sont peut-être pas partis !,Ceux-ci ne sont peut-être pas partis ! Il se trouve que l'homme est de ces gens qui...,Il se trouve que l'homme est de ces gens qui... L'homme voudrait voir celui qui était parti,L'homme voudrait voir celui qui était parti "Des boeufs que tu vois dans cette ville, le plus gros appartient à ton père Alfa.","Des boeufs que tu vois dans cette ville, le plus gros appartient à ton père Alfa." "Des boeufs que tu vois dans cette ville, celui le plus gros appartient à ton père Alfa.","Des boeufs que tu vois dans cette ville, celui le plus gros appartient à ton père Alfa." Mais celui que je t'ai donné n'est pas mauvais non plus.,Mais celui que je t'ai donné n'est pas mauvais non plus. Mon salut à tout le monde mais surtout honore de ma part ceux-là que tu rencontras.,Mon salut à tout le monde mais surtout honore de ma part ceux-là que tu rencontras. "Des gens que tu m'as présentés, celui que voici me dispose le plus à la confiance.","Des gens que tu m'as présentés, celui que voici me dispose le plus à la confiance." "Des boeufs que tu vois, celui-là est le meilleur.","Des boeufs que tu vois, celui-là est le meilleur." "Des boeufs que tu vois, celui-là tout près est le meilleur.","Des boeufs que tu vois, celui-là tout près est le meilleur." Celui-ci est à moi mais j'ignore d'où provient cet autre-là.,Celui-ci est à moi mais j'ignore d'où provient cet autre-là. Celui-ci est à moi mais j'ignore d'où provient cet autre-là près de toi.,Celui-ci est à moi mais j'ignore d'où provient cet autre-là près de toi. Quels chevaux voulais-tu et lequel as-tu pris ?,Quels chevaux voulais-tu et lequel as-tu pris ? "Les moutons sont peut-être déjà arrivés, mais j'en n'ai encore vu aucun.","Les moutons sont peut-être déjà arrivés, mais j'en n'ai encore vu aucun." Aucun de tes neveux n'est aussi paresseux que celui-là.,Aucun de tes neveux n'est aussi paresseux que celui-là. Tu as vu celui-ci ?,Tu as vu celui-ci ? Tu as vu celui-là lequel ?,Tu as vu celui-là lequel ? Tu as vu celui-là ?,Tu as vu celui-là ? Tu as vu ceux-là lesquels ?,Tu as vu ceux-là lesquels ? C'est le lion qui a mangé entièrement celui-là,C'est le lion qui a mangé entièrement celui-là Tu aurais conversé avec qui d'autre ?,Tu aurais conversé avec qui d'autre ? La présence de celui-là même ne justifie pas qu'on vienne,La présence de celui-là même ne justifie pas qu'on vienne Les autres mêmes ne sont pas si fameux !,Les autres mêmes ne sont pas si fameux ! Tous ceux-là ne sont pas partis,Tous ceux-là ne sont pas partis "Tous ceux-là, dont il fut question, ne sont pas partis","Tous ceux-là, dont il fut question, ne sont pas partis" "De toute manière, quelle que soit ta façon d'agir, c'est bien !","De toute manière, quelle que soit ta façon d'agir, c'est bien !" "L'endroit, où l'homme est parti, est beau.","L'endroit, où l'homme est parti, est beau." Là où l'homme est parti est beau.,Là où l'homme est parti est beau. Partout où il ira la paix descendra là.,Partout où il ira la paix descendra là. "Partout où il descend, là paix descendra.","Partout où il descend, là paix descendra." "Quiconque s'en va, celui-là est un froussard.","Quiconque s'en va, celui-là est un froussard." "C'est quelqu'un que j'apprécie, celui qui est parti !","C'est quelqu'un que j'apprécie, celui qui est parti !" "Celui qui est parti, c'est quelqu'un que j'apprécie !","Celui qui est parti, c'est quelqu'un que j'apprécie !" "Lui, aussi !","Lui, aussi !" "En fait, le monde a changé de nos jours.","En fait, le monde a changé de nos jours." Mais ce matin il y avait du soleil pourtant !,Mais ce matin il y avait du soleil pourtant ! Du reste la générosité est une bonne chose dans la vie.,Du reste la générosité est une bonne chose dans la vie. C'est vous-même qui étiez là à l'intérieur.,C'est vous-même qui étiez là à l'intérieur. Vers ceux qui sont debout là-bas,Vers ceux qui sont debout là-bas "Tout ce verbiage, c'est pour que tu ne viennes pas.","Tout ce verbiage, c'est pour que tu ne viennes pas." "Tout ce bavardage, c'est pour que tu ne viennes pas.","Tout ce bavardage, c'est pour que tu ne viennes pas." Le fait que tu ne viennes pas est préjudiciable.,Le fait que tu ne viennes pas est préjudiciable. S'agiter simplement ne suffit à rien résoudre.,S'agiter simplement ne suffit à rien résoudre. La femme et l'homme sont de haute taille.,La femme et l'homme sont de haute taille. Les femmes et les hommes sont de haute taille.,Les femmes et les hommes sont de haute taille. L'homme n'apprécie pas votre cuisine du Saloum.,L'homme n'apprécie pas votre cuisine du Saloum. Ahmet a vendu le pur-sang que David possédait.,Ahmet a vendu le pur-sang que David possédait. Cire a prié pour Oumar qui se tient-là.,Cire a prié pour Oumar qui se tient-là. "Le marabout implora qu'il fût dans la situation de quelqu'un qui aurait fait don de sa fortune, pour être en mesure de demander l'aumône.","Le marabout implora qu'il fût dans la situation de quelqu'un qui aurait fait don de sa fortune, pour être en mesure de demander l'aumône." Je te confie celui-là.,Je te confie celui-là. Je te confie celui-là dont il fut question au passé.,Je te confie celui-là dont il fut question au passé. L'homme t'a dit ici il y a un instant : dehors !,L'homme t'a dit ici il y a un instant : dehors ! L'homme t'a dit ici il y a un instant de sortir.,L'homme t'a dit ici il y a un instant de sortir. L'homme fit : pouah !,L'homme fit : pouah ! L'homme a donné quelque chose à quelqu'un.,L'homme a donné quelque chose à quelqu'un. L'homme a donné quelque chose à quelqu'un.,L'homme a donné quelque chose à quelqu'un. L'homme a tenu aux enfants de bons propos.,L'homme a tenu aux enfants de bons propos. Tu confies à un enfant un travail qui eût été beau.,Tu confies à un enfant un travail qui eût été beau. L'enfant n'a rien donné à celui-ci.,L'enfant n'a rien donné à celui-ci. L'enfant n'a rien donné à celui-ci.,L'enfant n'a rien donné à celui-ci. Donne le travail à un autre !,Donne le travail à un autre ! Donne le travail à un autre !,Donne le travail à un autre ! Donne un à chacun !,Donne un à chacun ! Donne un à chacun !,Donne un à chacun ! Les enfants alors se fâchèrent.,Les enfants alors se fâchèrent. "« Me voici, regardez-moi » n'est pas le fait d'un homme serein.","« Me voici, regardez-moi » n'est pas le fait d'un homme serein." « J'ai été » ne nous suffit pas,« J'ai été » ne nous suffit pas "Prête à cet autre qui n'eût pas été, mon ouvrage !","Prête à cet autre qui n'eût pas été, mon ouvrage !" Je ne t'aurais rien répété.,Je ne t'aurais rien répété. Je ne te répéterai plus jamais rien.,Je ne te répéterai plus jamais rien. Vers cet autre qui est devant la porte de la maison.,Vers cet autre qui est devant la porte de la maison. Vous êtes des juges en vertu de quel droit ?,Vous êtes des juges en vertu de quel droit ? C'est celui-là même devant le seuil de la maison.,C'est celui-là même devant le seuil de la maison. Ne sois pas aussi impoli que cet individu !,Ne sois pas aussi impoli que cet individu ! Tu as discuté avec tous sauf avec ceux-là.,Tu as discuté avec tous sauf avec ceux-là. L'homme n'a rien mangé avec la main.,L'homme n'a rien mangé avec la main. L'homme est allé aux champs.,L'homme est allé aux champs. L'homme est allé aux champs.,L'homme est allé aux champs. L'homme a frappé la vache avec un bâton.,L'homme a frappé la vache avec un bâton. L'individu respire avec son nez.,L'individu respire avec son nez. L'individu parle avec son nez.,L'individu parle avec son nez. Il lui a amené du fourrage au champ.,Il lui a amené du fourrage au champ. Il lui a amené du fourrage au champ.,Il lui a amené du fourrage au champ. Il a amené à l'homme un mouton chez lui.,Il a amené à l'homme un mouton chez lui. Il y amena un mouton pour l'homme.,Il y amena un mouton pour l'homme. Alors le roi Guelwar s'immobilisa.,Alors le roi Guelwar s'immobilisa. "Viens pour Moussa, lamane de ce pays !","Viens pour Moussa, lamane de ce pays !" Les femmes mariées et les jeunes filles viendront,Les femmes mariées et les jeunes filles viendront La femme et l'homme non plus ne désirent s'entendre,La femme et l'homme non plus ne désirent s'entendre Tes parents et tes amis viendront,Tes parents et tes amis viendront Il a donné à l'enfant et à sa mère leur part.,Il a donné à l'enfant et à sa mère leur part. Il a cherché à l'intérieur et à l'extérieur aussi.,Il a cherché à l'intérieur et à l'extérieur aussi. Je t'ai vu,Je t'ai vu Je t'ai vu avec lui !,Je t'ai vu avec lui ! Je t'ai vu avec lui !,Je t'ai vu avec lui ! Je t'ai vu avec lui !,Je t'ai vu avec lui ! "Homme, lion, boeuf, allaient de concert.","Homme, lion, boeuf, allaient de concert." "Homme, lion, boeuf... allaient de concert.","Homme, lion, boeuf... allaient de concert." "Les enfants ont cherché à l'intérieur, à l'extérieur, mais n'ont rien trouvé.","Les enfants ont cherché à l'intérieur, à l'extérieur, mais n'ont rien trouvé." "Homme, lion, mouton et hyène, ne vont pas ensemble.","Homme, lion, mouton et hyène, ne vont pas ensemble." "Il lui a donné le lièvre, ses petits et leurs oreilles.","Il lui a donné le lièvre, ses petits et leurs oreilles." "Regarde à l'intérieur, à l'extérieur, en bas et en haut.","Regarde à l'intérieur, à l'extérieur, en bas et en haut." Et pourtant l'homme est dur à la tâche.,Et pourtant l'homme est dur à la tâche. Les femmes n'ont été à Saint-Louis jusqu'ici.,Les femmes n'ont été à Saint-Louis jusqu'ici. C'est un homme gentil.,C'est un homme gentil. C'est un homme gentil.,C'est un homme gentil. C'est un messager que cherche l'homme.,C'est un messager que cherche l'homme. "Que tu partes, c'est ce que désire l'homme.","Que tu partes, c'est ce que désire l'homme." Chez celui qui est venu et qu'on a reconnu.,Chez celui qui est venu et qu'on a reconnu. L'homme peut-il partir jusqu'à ce qu'il vienne ?,L'homme peut-il partir jusqu'à ce qu'il vienne ? L'homme doit s'en aller jusqu'à ce que les enfants reviennent.,L'homme doit s'en aller jusqu'à ce que les enfants reviennent. L'enfant dit d'entrer pour qu'il vous voie.,L'enfant dit d'entrer pour qu'il vous voie. C'est ce que tu as dit que la jeune femme préfère.,C'est ce que tu as dit que la jeune femme préfère. Le désir non exaucé de vous voir partir.,Le désir non exaucé de vous voir partir. L'homme soutient que les enfants y eussent été.,L'homme soutient que les enfants y eussent été. "Cet homme qui vint autrefois, le voilà !","Cet homme qui vint autrefois, le voilà !" J'ai donné le livre à l'homme qui est venu.,J'ai donné le livre à l'homme qui est venu. J'ai prêté le livre à cet homme parti.,J'ai prêté le livre à cet homme parti. C'est tout ce qui est beau qui séduit cet homme.,C'est tout ce qui est beau qui séduit cet homme. Cet autre qui est sorti n'est pas encore arrivé !,Cet autre qui est sorti n'est pas encore arrivé ! Il l'a donné à quelqu'un d'autre de très actif.,Il l'a donné à quelqu'un d'autre de très actif. Je l'ai donné à quelqu'un de meilleur que lui.,Je l'ai donné à quelqu'un de meilleur que lui. "Avec celui-là, afin qu'il ne soit pas seul !","Avec celui-là, afin qu'il ne soit pas seul !" Voilà l'homme ainsi nul ne bougera !,Voilà l'homme ainsi nul ne bougera ! C'était ceux-là même jusqu'à ce qu'il parte.,C'était ceux-là même jusqu'à ce qu'il parte. C'est là jusqu'au moment où nous trouverons un autre lieu.,C'est là jusqu'au moment où nous trouverons un autre lieu. C'est là jusqu'à ce qu'on trouve un autre endroit.,C'est là jusqu'à ce qu'on trouve un autre endroit. Aie assez de sérénité pour conserver ta dignité !,Aie assez de sérénité pour conserver ta dignité ! "C'est Fatim, si on va au fond des choses !","C'est Fatim, si on va au fond des choses !" "C'est Fatim, peut-être !","C'est Fatim, peut-être !" C'est peut-être Fatim !,C'est peut-être Fatim ! "Si on va au fond des choses, c'est Fatim !","Si on va au fond des choses, c'est Fatim !" "C'est Fatim, si on va au fond des choses !","C'est Fatim, si on va au fond des choses !" C'est peut-être Fatim !,C'est peut-être Fatim ! C'est peut-être un lion !,C'est peut-être un lion ! Je crois que c'est l'homme !,Je crois que c'est l'homme ! "Il est entrain de parler, peut-être !","Il est entrain de parler, peut-être !" Il est peut-être entrain de parler !,Il est peut-être entrain de parler ! "Ici alors, si tu refuses !","Ici alors, si tu refuses !" C'est celui-là peut-être !,C'est celui-là peut-être ! C'est l'autre je crois !,C'est l'autre je crois ! Je crois que ce n'est pas celui-ci !,Je crois que ce n'est pas celui-ci ! Qu'il parte s'il ne veut pas !,Qu'il parte s'il ne veut pas ! Je crois qu'il ne viendra pas !,Je crois qu'il ne viendra pas ! L'homme est parti je crois !,L'homme est parti je crois ! C'est l'homme qui part je crois !,C'est l'homme qui part je crois ! "Retourne au centre de Saint-Louis, si tu veux.","Retourne au centre de Saint-Louis, si tu veux." "Si tu veux, retourne au centre de Saint-Louis !","Si tu veux, retourne au centre de Saint-Louis !" "C'est l'homme qui a dit qu'il est là, certainement !","C'est l'homme qui a dit qu'il est là, certainement !" "Certainement, c'est l'homme qui a dit qu'il est là !","Certainement, c'est l'homme qui a dit qu'il est là !" "C'est l'homme, certainement, qui a dit qu'il est là !","C'est l'homme, certainement, qui a dit qu'il est là !" "C'est l'homme qui a soutenu qu'il est sain d'esprit, peut-être !","C'est l'homme qui a soutenu qu'il est sain d'esprit, peut-être !" Peut-être est-ce l'homme qui a dit qu'il est sain d'esprit !,Peut-être est-ce l'homme qui a dit qu'il est sain d'esprit ! L'homme a peut-être soutenu qu'il est sain d'esprit !,L'homme a peut-être soutenu qu'il est sain d'esprit ! "C'est l'homme qui a dit que c'est celui-là, peut-être !","C'est l'homme qui a dit que c'est celui-là, peut-être !" Peut-être l'homme a-t-il dit que c'est celui-là !,Peut-être l'homme a-t-il dit que c'est celui-là ! "L'homme a dit que c'est celui-là, peut-être !","L'homme a dit que c'est celui-là, peut-être !" Ta mère promet de revenir si tu vas jusqu'au bout.,Ta mère promet de revenir si tu vas jusqu'au bout. Ta mère dit qu'elle reviendra si tu vas jusqu'au bout.,Ta mère dit qu'elle reviendra si tu vas jusqu'au bout. "Chez les Sérère, les Peul, les Niominka...","Chez les Sérère, les Peul, les Niominka..." "Chez les Peul, les Sérère, et les Niominka.","Chez les Peul, les Sérère, et les Niominka." "Alors l'homme reconsidéra la chose, reconsidéra l'affaire.","Alors l'homme reconsidéra la chose, reconsidéra l'affaire." Tu as été et il a été et moi aussi j'ai été.,Tu as été et il a été et moi aussi j'ai été. Je veux un peu d'argent de toi,Je veux un peu d'argent de toi Tu ne vas nulle part !,Tu ne vas nulle part ! Tu ne vas pas ailleurs !,Tu ne vas pas ailleurs ! Tu ne vas pas dans un autre lieu !,Tu ne vas pas dans un autre lieu ! "Alors l'homme entra, les enfants le virent, il s'assit, tous s'assirent.","Alors l'homme entra, les enfants le virent, il s'assit, tous s'assirent." "Je souhaite que les hommes viennent, que les enfants viennent et que les femmes s'asseyent !","Je souhaite que les hommes viennent, que les enfants viennent et que les femmes s'asseyent !" "Il dit que ce Monsieur est un homme, il est noble, il est brave","Il dit que ce Monsieur est un homme, il est noble, il est brave" "Je crois que ce n'est pas celui-ci, ce n'est pas celui-là","Je crois que ce n'est pas celui-ci, ce n'est pas celui-là" "Vas-y pour qu'il vienne, pour qu'il ne soit plus fâché !","Vas-y pour qu'il vienne, pour qu'il ne soit plus fâché !" "Viens pour que les enfants soient des travailleurs, soient des braves !","Viens pour que les enfants soient des travailleurs, soient des braves !" "Vas-y pour que ce soit autre chose, que ce soit ailleurs !","Vas-y pour que ce soit autre chose, que ce soit ailleurs !" Il viendra que tu veuilles ou non !,Il viendra que tu veuilles ou non ! Ce matin ou ce soir c'est moi qui suis ici !,Ce matin ou ce soir c'est moi qui suis ici ! Ce matin ou ce soir c'est moi qui suis ici !,Ce matin ou ce soir c'est moi qui suis ici ! "Je veux que tu viennes, qu'il refuse de partir s'il n'y a pas de soleil !","Je veux que tu viennes, qu'il refuse de partir s'il n'y a pas de soleil !" "Je veux, si vous avez fini, que tu viennes et qu'il parte !","Je veux, si vous avez fini, que tu viennes et qu'il parte !" Je veux que tu viennes le matin à cinq heures dans la fraîcheur !,Je veux que tu viennes le matin à cinq heures dans la fraîcheur ! Je veux que tu viennes le matin à cinq heures dans la fraîcheur !,Je veux que tu viennes le matin à cinq heures dans la fraîcheur ! "Je croyais que tu irais, ce matin, ce jour... !","Je croyais que tu irais, ce matin, ce jour... !" "Je croyais que tu irais, ce matin, ce jour... !","Je croyais que tu irais, ce matin, ce jour... !" L'homme veut que tu ailles et qu'il vienne.,L'homme veut que tu ailles et qu'il vienne. Tu as été et il est venu.,Tu as été et il est venu. Que l'homme parte et que les enfants entrent !,Que l'homme parte et que les enfants entrent ! L'homme souhaite que tu partes et que les enfants restent.,L'homme souhaite que tu partes et que les enfants restent. Il demande que la femme vienne et que lui il reste.,Il demande que la femme vienne et que lui il reste. Je croyais que l'homme était mûr et que la femme était saine d'esprit !,Je croyais que l'homme était mûr et que la femme était saine d'esprit ! Je croyais que l'homme c'était cet autre et que l'enfant c'était celui-là !,Je croyais que l'homme c'était cet autre et que l'enfant c'était celui-là ! Vas-y afin qu'il vienne et aussi afin qu'il sorte !,Vas-y afin qu'il vienne et aussi afin qu'il sorte ! "Que tu partes ou que tu ne partes pas, il viendra.","Que tu partes ou que tu ne partes pas, il viendra." Que tu partes ou que tu ne partes pas il viendra.,Que tu partes ou que tu ne partes pas il viendra. Il est venu hier et aujourd'hui.,Il est venu hier et aujourd'hui. "Il veut, lorsque tu iras que lui, il revienne et que l'homme aussi revienne.","Il veut, lorsque tu iras que lui, il revienne et que l'homme aussi revienne." "Il veut que l'homme vienne et que lui, il revienne si tu pars.","Il veut que l'homme vienne et que lui, il revienne si tu pars." On croyait que tu allais partir matin et soir !,On croyait que tu allais partir matin et soir ! On croyait que tu allais partir matin et soir !,On croyait que tu allais partir matin et soir ! Les hommes sont des paresseux et les femmes ne savent pas écouter.,Les hommes sont des paresseux et les femmes ne savent pas écouter. Les enfants veulent venir et les adultes souhaitent que vous partiez.,Les enfants veulent venir et les adultes souhaitent que vous partiez. J'ai vu l'homme qui était parti à Saint-Louis et auquel tu prêtas ta pirogue.,J'ai vu l'homme qui était parti à Saint-Louis et auquel tu prêtas ta pirogue. J'ai vu cet homme qui parlait et qui était assis par terre.,J'ai vu cet homme qui parlait et qui était assis par terre. C'est l'homme qui est parti ou bien ce sont les enfants qui se sont tus ?,C'est l'homme qui est parti ou bien ce sont les enfants qui se sont tus ? Ce sont les enfants qui ont demandé ou les adultes qui ont voulu que tu partes ?,Ce sont les enfants qui ont demandé ou les adultes qui ont voulu que tu partes ? Va à Saint-Louis pour qu'il puisse venir ou qu'il envoie quelqu'un !,Va à Saint-Louis pour qu'il puisse venir ou qu'il envoie quelqu'un ! Le cercle se forme ou je m'en vais !,Le cercle se forme ou je m'en vais ! Ou l'homme est parti ou les enfants sont assis.,Ou l'homme est parti ou les enfants sont assis. Ton père te demande de partir ou de rester à la maison.,Ton père te demande de partir ou de rester à la maison. L'homme est parti mais les enfants ne le sont pas.,L'homme est parti mais les enfants ne le sont pas. Ton père n'aime pas que vous sortiez et que vous vous baladiez.,Ton père n'aime pas que vous sortiez et que vous vous baladiez. Je veux que tu partes et aussi que tu te taises !,Je veux que tu partes et aussi que tu te taises ! Il t'a fait un cadeau pour que les enfants soient contents et que toi aussi tu les accompagnes.,Il t'a fait un cadeau pour que les enfants soient contents et que toi aussi tu les accompagnes. Le convoyeur doit chercher où passer et aussi comment se cacher.,Le convoyeur doit chercher où passer et aussi comment se cacher. La femme pria pour que les enfants arrivent et aussi pour que leur père soit dans les lieux.,La femme pria pour que les enfants arrivent et aussi pour que leur père soit dans les lieux. Il veut que tes parents viennent et surtout qu'ils le payent.,Il veut que tes parents viennent et surtout qu'ils le payent. "L'homme est parti pour que vous veniez sans que personne, surtout, ne le soupçonne.","L'homme est parti pour que vous veniez sans que personne, surtout, ne le soupçonne." Allez pour que l'arachide arrive et qu'enfin les ventes marchent une fois pour toutes !,Allez pour que l'arachide arrive et qu'enfin les ventes marchent une fois pour toutes ! Il ne refusera pas si tu acceptes et aussi t'engages dans le travail.,Il ne refusera pas si tu acceptes et aussi t'engages dans le travail. Il ne refusera pas si tu acceptes et aussi si tu t'engages dans le travail.,Il ne refusera pas si tu acceptes et aussi si tu t'engages dans le travail. Il espérait que les gens d'âge n'en seraient pas arrivés là et aussi que les enfants étaient absents.,Il espérait que les gens d'âge n'en seraient pas arrivés là et aussi que les enfants étaient absents. La dame voudrait bien que vous ayez mais aussi que vous donniez.,La dame voudrait bien que vous ayez mais aussi que vous donniez. La dame voudrait bien que vous ayez des richesses mais aussi que vous donniez.,La dame voudrait bien que vous ayez des richesses mais aussi que vous donniez. Est-ce comme je le crains que... !,Est-ce comme je le crains que... ! Que personne n'est parti,Que personne n'est parti J'espère que personne n'est parti,J'espère que personne n'est parti Que personne n'est parti,Que personne n'est parti J'espère que personne n'est parti,J'espère que personne n'est parti Pourquoi ?,Pourquoi ? "Qu'est-ce, qui est la cause ?","Qu'est-ce, qui est la cause ?" Pourquoi ?,Pourquoi ? "Qu'est-ce, qui est la cause ?","Qu'est-ce, qui est la cause ?"