Le chemin de fer est une voie ferrée (sens vieilli qui remonte au XVIIIe siècle) ou, par extension, le moyen de transport de personnes ou de marchandises par voie ferrée (sens courant qui date du XIXe siècle ; synonyme d'un sens de train ou rail). Par extension, « chemin de fer » peut aussi désigner un jouet d'enfant ou un train miniature, mécanique ou électrique, évoluant ou non sur un circuit (sens rarement utilisé). Au pluriel, l'expression « chemins de fer » désigne une entreprise qui s'occupe de lignes de chemin de fer. Comme son nom l'indique, le chemin de fer est d'abord une voie ferrée sur laquelle roulent les trains. Un voyageur de 1830 ne reconnaîtrait pas les trains modernes, mais seulement cette double ligne de rails dont l'apparence a peu changé en deux siècles. Dans les mines, dès le XVIe siècle, on a eu l'idée d'installer des rails. En effet, à force de parcourir le même chemin, les lourds chariots remplis de minerai ou de charbon creusent dans le sol de profondes ornières1. On décide donc de consolider le passage avec de grosses planches, recouvertes par la suite de plaques de métal. Les gravures de plusieurs livres du XVIe siècle montrent des mineurs poussant des wagonnets2 sur des rails de bois. Plus tard, on remplace les plaques par des barres de fonte, parfois posées sur des blocs de pierre. En 1782, Daubenton, collaborateur de Buffon, le célèbre naturaliste, lui écrit après avoir visité les mines du Montcenis, près du Creusot : « Toutes les routes y sont tracées par des pièces de bois, auxquelles sont adaptées des bandes de fonte sur lesquelles portent les roues des chariots qui conduisent le charbon de la mine ; et ces roues sont conduites de manière que le chariot ne puisse se détourner et soit obligé de suivre la route qui lui est tracée ; de sorte qu'un seul cheval, même aveugle, conduit sans gêne quatre milliers » (soit presque deux tonnes). Finalement, on utilise des rails d'acier fixés sur des traverses, stabilisées au sol par un lit de cailloux appelé ballast. Au début, on fabrique des rails avec rebord, pour empêcher les roues de dérailler, mais les frottements provoquent un ralentissement. On s'aperçoit qu'il est plus efficace que la bande de guidage se trouve sur les roues elles-mêmes, le rail n'ayant pas de rebord et possédant un profil en L. Mais la nouvelle forme des roues métalliques ne leur permet plus de rouler sur les routes. Cela oblige à prolonger la voie ferrée hors des mines jusqu'aux usines qui utilisent le minerai ou le charbon ou jusqu'aux lieux de chargement dans des péniches, sur le fleuve ou le canal le plus proche et, plus tard, jusqu'au port maritime. Le cheval, longtemps, le moyen de traction le plus sûr : Les premiers wagons de chemin de fer sont tirés par des chevaux. L'avantage recherché n'est pas la rapidité, mais l'économie du transport : un seul cheval peut remorquer sur rails davantage de poids que plusieurs chevaux sur route. Le faible frottement des roues sur les rails explique que les chevaux puissent tirer des charges plus importantes. Recherche d'autres formes d'énergie et de moyens : Pour économiser les forces des chevaux, on n'hésite pas à rechercher d'autres formes d'énergie et à utiliser aussi d'autres moyens. Lorsque la voie aborde une pente descendante, on dételle le cheval et les wagons continuent seuls, entraînés par la pesanteur. Certains ont même prévu de placer le cheval dans un wagon. Pour grimper une forte côte, on accroche les wagons à un câble et le treuil d'une machine à vapeur les remorque. Enfin, sur terrain plat, on utilise les premières locomotives à vapeur. Ce sont, elles, qui vont révolutionner le transport ferroviaire3 jusqu'au milieu du XXe siècle. En 1802, le Surrey Iron Railway en Angleterre est la première ligne de chemin de fer inaugurée et ouverte au public. Il s'agissait alors d'une ligne hippomobile. La première locomotive à vapeur, mise au point en 1804, sert d'attraction dans un jardin public (square) de Londres. La première réellement fonctionnelle voit le jour en 1811. C'est en 1812 que le Middleton Railway devient le premier chemin de fer utilisé dans un objectif commercial avant que le chemin de fer de Stockton et Darlington ne devienne le premier à voir la circulation commerciale de locomotives à vapeur transportant des passagers. Au départ, on a surtout pensé aux besoins de l'industrie. En 1829, au Royaume-Uni, un concours est organisé pour équiper la ligne Liverpool-Manchester (Manchester est une grande ville industrielle récente à l'époque, Liverpool est le port le plus proche). George Stephenson, remporte le concours avec sa machine la Rocket (fusée en anglais) qui atteint la vitesse de 48 km/l. Il surclasse ses quatre autres concurrents car sa machine consommait moins de charbon. Dès 1832, une machine de Stephenson équipe la ligne Lyon-Saint-Étienne (ligne ouverte en 1831). En 1849, la locomotive Crampton permet de tirer, à une vitesse de 100 km/h, des centaines de tonnes de matériel roulant et de marchandises. La première voie ferrée anglaise relie Stockton à Darlington, puis Manchester au port de Liverpool. En France, on relie Saint-Étienne à Andrézieux-Bouthéon (1827), puis à Lyon (1833). Des voyageurs demandent à profiter de ce nouveau moyen de transport, d'abord parfois en montant dans des wagons vides. Mais on préfère installer des caisses de diligence fixées sur des plates-formes. Cela devient de confortables voitures de chemin de fer. Les voyageurs se montrent satisfaits de l'absence de cahots sur la voie ferrée. On pense déjà à des trains réservés aux voyageurs. Pourtant les opposants sont nombreux (en particulier les propriétaires et le personnel des compagnies de diligences). On prédit de multiples maladies aux voyageurs du chemin de fer (refroidissement dans les tunnels, asphyxie par la fumée, escarbilles dans les yeux pour ceux qui voyagent en wagons découverts. Les voies ferrées sont coûteuses à construire. Limitées à une zone industrielle restreinte, elles rapportent peu de bénéfices et le ministre Thiers ne voit aucun avenir économique pour cette invention nouvelle. En revanche, les banquiers qui seuls peuvent engager des sommes importantes pour la création de nouvelles lignes de chemin de fer, jugent la réussite possible si l'on relie les grandes villes où il y aura beaucoup de voyageurs et de marchandises à transporter. En 1835, les frères Péreire, banquiers parisiens, obtiennent l'autorisation de construire une ligne de chemin de fer allant de Paris à Saint-Germain-en-Laye. Aucune raison industrielle dans ce choix : pendant la belle saison, le château et la forêt attirent généralement un grand nombre de Parisiens. On avait imaginé de faire partir le train du cœur de Paris, derrière l'église de la Madeleine, mais devant les difficultés on a préféré reculer le point de départ place de l'Europe (derrière l'actuelle gare Saint-Lazare). Il faut creuser de longues tranchées, des tunnels, construire quelques ponts. En bout de ligne, on renonce à faire grimper aux trains les collines de St-Germain, car les locomotives manquent encore de puissance. Pendant 10 ans, le train s'arrêtera en bas de la montée, au Pecq. Cette ligne connaît une inauguration spectaculaire, le 24 août 1837. Le roi est absent, car le parlement lui a déconseillé de prendre un tel risque. Des savants, comme Arago, ont en effet prédit de graves dangers : l'asphyxie ou le refroidissement violent sous les tunnels, voire l'explosion de la locomotive. La vie de la reine étant sans doute moins précieuse, c'est elle qui préside avec deux de ses fils, des ministres et des ambassadeurs étrangers. Sur le passage du train, des cantonniers surveillent la voie pour écarter les spectateurs qui agitent des drapeaux. D'autres hommes galopent à cheval devant le convoi pour annoncer son passage et, au besoin, faire signe au mécanicien de ralentir ou d'arrêter sa machine. Deux trains se suivent : le premier composé de 2 voitures et 4 berlines sur plate-forme, l'autre avec 5 voitures. Le voyage dure 28 minutes à l'aller, 32 au retour. C'est un événement considérable salué avec enthousiasme par tous les journaux. Elle connaît ensuite un grand succès populaire. Dès le lendemain de l'inauguration, l'affluence dépasse toutes les prévisions. Les trains font 20 fois le trajet, emportant à chaque voyage 21 voitures de 48 places (au total, plus de 18 000 voyageurs pour une journée). Pourtant le confort est très rudimentaire. Seuls les sièges des diligences sur plate-forme sont matelassés et les fenêtres vitrées. Dans les autres voitures, elles sont seulement grillagées. Pour les places les moins chères, de simples bancs de bois et pas de toit. Mais peu importe à tous ces voyageurs, fiers de découvrir ce nouveau moyen de transport. Le chemin de fer vient de conquérir le public. En 1835, la France est en retard sur les pays voisins En Angleterre, les lignes de chemin de fer se sont multipliées autour de Londres. La Belgique, pays plat à forte densité de population, a pris de l'avance. En France, deux autres lignes courtes entre Paris et Versailles (l'une par la rive droite de la Seine, en passant à Saint-Cloud, et l'autre par la rive gauche et Issy-les-Moulineaux) ont permis d'étudier tous les problèmes posés par la création d'une voie ferrée. Il faut maintenant envisager davantage. Le développement de l'industrie nécessite une amélioration des transports, notamment pour apporter dans toutes les régions la principale source d'énergie de l'époque : le charbon. Les usines métallurgiques trouvent un double intérêt dans le développement des chemins de fer : pouvoir faire circuler plus vite leurs produits lourds et participer à la construction du matériel nécessaire (rails, locomotives, wagons, ponts métalliques). Les besoins en main d'œuvre de l'industrie attirent vers les villes toute une population venant des campagnes. De meilleurs transports favoriseraient le recrutement de nouveaux travailleurs. On pense aussi aux paysans qui pourront recevoir plus facilement des produits industriels mais aussi disposer d'un marché plus vaste pour écouler leurs produits agricoles (en particulier les fruits et légumes qui doivent être transportés rapidement). Certains partisans du changement social et politique, appelés Saint-Simoniens, sont persuadés que le chemin de fer sera un trait d'union entre les peuples. Ils appuient avec enthousiasme ce progrès. Initiative de l'État ou des entreprises privées ? Certains hommes politiques estiment que seul l'État doit garder l'initiative de la création des lignes et la maîtrise de leur fonctionnement. D'autres, au contraire, jugent que l'État serait incapable de trouver dans son budget les énormes sommes nécessaires et que, comme pour l'industrie en plein développement, il faut encourager la création de compagnies privées de chemin de fer. Finalement, il est décidé que l'État prendra à sa charge les infrastructures : travaux de terrassement, ouvrages d'art (ponts et tunnels). Il accordera, pour chaque ligne décidée avec son accord, une concession d'exploitation exclusive (c'est-à-dire sans concurrence sur le même parcours) pendant 99 ans à une compagnie qui installera les voies, achètera le matériel roulant, paiera le personnel, grâce aux sommes payées par les voyageurs et les expéditeurs de marchandises. Large participation des banques aux nouvelles compagnies Jusqu'alors, beaucoup d'entreprises privées avaient été créées par des personnes qui lui donnaient généralement leur nom de famille. Quand elles voulaient s'agrandir, elles recherchaient des associés qui ajoutaient leur nom (par exemple, la papeterie Canson-Montgolfier). Sinon il fallait faire des emprunts auprès des banques. Aucune famille n'aurait été assez riche pour entreprendre seule une grande ligne de chemin de fer. Seuls les banquiers peuvent disposer des sommes nécessaires, grâce aux clients qui déposent leur argent chez eux. Les trois premières lignes françaises avaient été financées par trois grands banquiers : Péreire, Rothchild et Fould. Ce sont ces banques et d'autres qui vont créer les nouvelles grandes lignes et proposer à leurs clients d'apporter le capital, c'est-à-dire l'argent nécessaire, en achetant soit des actions qui les rendent copropriétaires de l'entreprise et leur permettront de se partager ensuite les bénéfices, soit des obligations d'emprunts qui leur rapporteront des intérêts fixés d'avance (cette seconde solution est moins risquée mais elle rapporte moins en cas de réussite). Les banques jouent un rôle important dans le développement des chemins de fer, elles trouvent ainsi l'occasion de développer leur puissance et leur participation dans toutes les branches de l'économie. Actuellement, les grandes banques possèdent une partie de toutes les entreprises importantes. Une nouvelle compagnie de chemin de fer pour chaque ligne À partir de 1838, sont créées plusieurs compagnies pour établir des lignes entre grandes villes : Paris-Orléans, Paris-Rouen, puis Rouen-Le Havre, Paris-Dieppe, Lille-Dunkerque, Strasbourg-Bâle. À partir de 1844, ce sont les compagnies des lignes : Paris-Nancy-Strasbourg, Paris-Lyon, Paris-Lille, Lyon-Avignon, Orléans-Bordeaux, Paris-Rennes, Bordeaux-Sète. En 1851, on compte 28 compagnies différentes. Grâce au perfectionnement de la locomotive à vapeur, les marchandises et les personnes sont plus rapidement transportées, si bien qu'en 1880 on ne met plus que 14 heures pour aller de Paris à Marseille, au lieu de 80 heures en diligence. Par la suite, les plus grosses compagnies rachèteront les autres lignes de leur région, mais il en restera encore 7 au moment de la nationalisation en 1938 pour constituer la SNCF (Société Nationale des Chemins de fer Français). Dans le domaine des transports ferroviaires (ou métropolitains), la ligne désigne un tronçon du réseau avec des extrémités (dites terminus), comme par exemple la ligne française de Cerdagne (qui relie la gare de Villefranche-de-Conflent à celle de Latour-de-Carol, dans les Pyrénées-Orientales). C'est donc le trajet desservi de façon régulière par des trains. Lorsque se développent de nouvelles activités, cela oblige à adopter un vocabulaire nouveau. Comme les Anglais ont été les premiers à développer les chemins de fer, beaucoup des termes utilisés proviennent de l'anglais. Au début, certains Français se disaient très choqués par l'emploi de ces mots étrangers. Cette réaction est fréquente face aux mots récents utilisés pour désigner des nouveautés importées. Mais l'habitude intègre rapidement ces mots, à tel point qu'on ignore souvent par la suite qu'ils n'ont pas toujours fait partie de notre langue. On a préféré traduire mot à mot l'expression anglaise « railway » par « chemin de fer » ou « voie ferrée ». Par contre, on a conservé le mot « rail » (en anglais : barre) pour désigner les longues barres métalliques de la voie. Les rails sont attachés sur des traverses (mot français), qui reposent elles-mêmes sur les cailloux du ballast (mot anglais, venu du néerlandais, qui désignait les pierres servant à lester les navires). Le mot passage à niveau s'est imposé en français très vite, comme celui des gardes barrières associés. Pour le matériel roulant, certains voulaient imposer le mot « remorqueur » pour désigner l'engin de traction, mais cela prêtait à confusion avec la marine. L'adjectif « locomotif » désignait ce qui peut se déplacer par lui-même. On commença par dire « machine locomotive », puis rapidement « locomotive » (et même plus familièrement « loco »). Le « tender » (mot anglais désignant en marine un petit bateau ravitailleur) contenait la réserve d'eau et de charbon pour alimenter la chaudière de la locomotive. Le « wagon » (mot anglais, venu du néerlandais, désignant les chariots de mines) fut par la suite réservé aux marchandises, mais l'expression « wagons-lits » rappelle sa signification ancienne. Pour les voyageurs, on préféra le mot « voiture » (au sens de caisse montée sur deux roues). Le « fourgon » (mot français désignant autrefois les chariots de marchandises) contenait les bagages encombrants des voyageurs. Au début, on appela « embarcadère » et « débarcadère », comme dans la marine, l'endroit où les voyageurs montaient dans le train ou en descendaient. Le mot « quai » est resté de cette comparaison avec les bateaux. La « gare » désignait alors la voie où l'on garait un train pour permettre le croisement sur une voie unique. On continue à dire « voie de garage ». Le mot « gare » servit bientôt à désigner les locaux d'accueil des voyageurs. Dans le « hall » (anglicisme venant du français « halle »), se trouvent les « guichets » (petites portes, réduites ici au format minimum) où l'on vend les « tickets » (mot anglais, provenant lui-même du mot français « étiquette »). Signalons que « tunnel » est un nom anglais désignant une galerie de mine, emprunté au français « tonnelle » (par ressemblance avec les passages couverts des jardins). Au final, le vocabulaire du chemin de fer montre bien que les mots voyagent beaucoup et que certains reviennent avec une autre orthographe, une autre prononciation et un sens nouveau.