Mishnah Bikkurim
משנה ביכורים
Le Talmud de Jérusalem, traduit par Moise Schwab, 1878-1890 [fr]
https://www.nli.org.il/he/books/NNL_ALEPH002182155/NLI
Mishnah Bikkurim
Chapter 1
Les uns, en apportant les prémices, lisent le passage biblique qui s’y rapporte (Dt 26, 3-10); d’autre les apportent, sans rien réciter; enfin il en est qui ne les apportent même pas. Voici quels sont ces derniers: Celui qui plante de la vigne dans son terrain et la provigne dans le chemin d’un particulier ou sur la voie publique; de même, celui qui détournant une branche d’un cep situé chez un particulier, ou sur la voie publique, la provigne sur son terrain; ou encore, celui qui ayant planté la vigne sur son propre terrain la provigne sur un autre terrain de sa propriété, séparé du premier par un chemin particulier ou public: en tous ces cas, on n’offre pas les prémices. Selon R. Juda, il faut les offrir même en ces cas.
Pour quel motif n’offre-t-on pas les prémices en ces cas ? Parce qu’il est écrit (Ex 23, 19) : les prémices des premiers fruits de ton sol et (Ex 34, 26); c.-à-d. il faut que la croissance entière ait eu lieu sur son sol. Pour la même raison, les fermiers qui prennent le champ à raison d’une part du revenu, ou ceux qui se chargent de la cultiver à gage fixe, ou celui qui s’en est emparé sous la menace de mort, ou le brigand, n‘en offrent pas les prémices, conformément au verset précité.
On n’offre les prémices que pour les 7 espèces privilégiées de la Palestine, ni des dattes des montagnes, ni des fruits des vallées, ni des olives qui ne sont pas de premier choix. On n’offre pas de prémices au Temple avant la Pentecôte. Aussi, l’on n’accueillit pas les prémices apportées à Jérusalem par les habitants de Har-Céboïm avant la Pentecôte, parce que c’est contraire à ce verset de l’Exode (Ex 23, 16): La fête de la moisson, pour les prémices de tes travaux agricoles, de ce que tu as semé au champ.
Les suivants offrent les prémices sans réciter la formule d’usage: le prosélyte, ne pouvant dire les mots: “Que l’Eternel a juré à nos ancêtres de nous donner”, (puisque ses ancêtres n’étaient pas juifs). Lorsque sa mère était une juive, il peut réciter cette formule en apportant l’offrande. De même, si en disant la prière il est seul, il dira: “Dieu des ancêtres d’Israël”. Dans la synagogue, il dira: “Dieu de vos pères”; mais si sa mère avait été juive, il dira: “Dieu de nos ancêtres”.
R. Eliézer b. Jacob dit: une femme qui est fille de prosélyte ne doit pas être épousée par un cohen, à moins que la mère fut juive; peu importe qu’elle soit fille de prosélyte, ou d’esclave affranchi, jusqu’à la dixième génération, on ne doit pas l’épouser, à moins que sa mère ait été juive. Le tuteur des mineurs, epitropo", l’envoyé ou représentant, l’esclave, la femme, l’hermaphrodite atmhto" et l’androgyne, offrent les prémices sans les accompagner de la lecture traditionnelle, puisqu’ils ne peuvent pas dire les mots: “que tu m’as donné à moi, ô Eternel”.
Si l’on achète 2 arbres du chemin de son voisin, on offre les prémices sans procéder à la lecture officielle; selon R. Meir, on fait cette récitation. Lorsque la source dont cet arbre vivait s’est desséchée, ou si l’arbre a été coupé (de sorte qu’il n’y a plus de sol vivifiant), on offre les prémices sans procéder à la lecture; selon R. Juda, on fait cette lecture. Dans l’intervalle de temps entre la Pentecôte et la fête des tabernacles, on lit le passage en les offrant. A partir de cette dernière date jusqu’à la fête de Hanuka (ou des Macchabées), on ne lit plus en les offrant (la période de la joie des moissons étant depuis longtemps écoulée). Selon R. Juda ben Bethera, on procède encore à cette lecture.
Si après avoir prélevé les prémices on vend son champ, on les offre encore, mais sans réciter la formule; et l’acquéreur ne pouvant pas offrir des mêmes produits (déjà présentés par le 1er propriétaire) en offrira d’une autre sorte, mais sans la lecture (faute d’avoir possédé le sol). Selon R. Juda, on peut offrir de la même espèce et procéder à la lecture officielle (la même formule pouvant être dite par deux personnes).
Si après le prélèvement des premiers ils ont été enlevés, ou pourris, ou volés, ou perdus, ou devenus impurs, il faut en apporter d’autres en remplacement, mais sans dire la lecture officielle (puisque ce ne sont plus les premiers fruits). Pour ces seconds fruits offerts, l’étranger qui en mangerait ne serait pas tenu de payer un 5e supplémentaire. S’ils sont devenus impurs au parvis du Temple (une fois apportés), on vide simplement le panier, sans procéder à la lecture (sans en apporter à nouveau en échange des premiers).
D’où sait-on qu’il faut remplacer les prémices non parvenues au temple ? De ce qu’il est dit (Ex 23, 19) : Tu apporteras à la maison de l’Eternel ton Dieu les premiers fruits de ta terre; donc, jusqu’au moment de leur arrivée, on en est responsable. –Lorsque quelqu’un, ayant offert d’une espèce, en faisant la lecture, offre ensuite d’une autre espèce, il ne devra plus procéder à la lecture une seconde fois.
En offrant les prémices, on procède à la lecture officielle, si c’est entre la fête de Pentecôte et celle des Tabernacles, et que l’on présente, soit l’une des 7 espèces, soit des fruits de la montagne (supérieurs), ou des dattes de vallée, ou des olives juteuses de l’autre côté du Jourdain (à l’Est de la Palestine). Selon R. Yossé le galiléen, on n’offre pas les prémices de l’autre côté du Jourdain, parce que ce n’est pas “un pays où coule le lait et le miel) (mots contenus dans la formule de récitation).
Si quelqu’un achète 3 arbres dans la propriété d’autrui, il offrira les prémices et fera la lecture officielle; selon R. Meir, il lira également en n’achetant que 2 arbres (comme il est dit en (1,6)). Si l’on a acquis un arbre avec le sol qui le nourrit, on en apporte les prémices et l’on fait la lecture. Selon R. Juda, même les fermiers à gage fixe, ou à gage proportionnel du revenu, font la lecture en offrant les prémices.
Chapter 2
Lorsqu’un étranger mange de l’oblation ou des prémices, il est passible de la peine capitale, et il doit un supplément du 5e en restituant le montant, parce que ce bien interdit aux étrangers appartient aux cohanim. Elles s’annulent dans une proportion de 101; il faut avant d’en manger se laver les mains (bien que ce soient des fruits), et il faut que le soleil soit couché avant que le cohen purifié le même jour puisse les consommer. Toutes ces règles sont applicables à l’oblation et aux prémices, non à la 2e dîme.
Il y a certaines règles communes à la 2e dîme et aux prémices, et non à l’oblation. Ainsi, pour les premières, il faut les apporter à Jérusalem, réciter la confession, et elles sont interdites aux personnes en deuil, mais R. Simon en permet l’usage à ces derniers. Elles sont soumises toutes deux à l’obligation du débarras; R. Simon les en dispense. Quelque petite que soit la quantité (mêlée à d’autres), il est interdit dans Jérusalem d‘en manger (à tout autre qu’au cohen), et même leurs produits ne peuvent être mangés à Jérusalem, ni par les étrangers, ni même par les bestiaux. R. Simon le permet. Toute ceci est applicable à la 2e dîme et aux prémices, non à l’oblation.
Il y a certaines règles communes à l’oblation et à la 2e dîme, non applicables aux prémices. Ainsi, à défaut du prélèvement de l’oblation et de la 2e dîme, il est interdit de consommer des produits en grange (entièrement prêts), et elles ont une mesure fixe. Elles s’appliquent à tous les fruits, en tous temps, aussi bien pendant l’existence du Temple qu’après, aux fermiers à gage fixe ou à revenus proportionnels, aux sicaires et aux brigands. Dans tous ces cas, on doit l’oblation et la 2e dîme, non les prémices.
Certaines règles s’appliquent aux prémices seules, non à l’oblation, ni à la 2e dîme. Le cohen peut acquérir les prémices même encore adhérentes à la terre; on peut cueillir comme telles tout son champ; on en est responsable; on les accompagne d’une offrande, d’un chant, d’une présentation, et elles séjournent une nuit au Temple.
L’oblation de la dîme ressemble aux prémices sous deux rapports, et à l’oblation ordinaire sous 2 autres rapports: on prélève l’oblation d’une partie pure pour libérer l’impure et même de ce qui est en dehors du cercle, comme pour les prémices; de plus, elle est cause de la défense de manger ce qui est en grange à défaut du prélèvement, et elle a une mesure, comme l’oblation.
Le cédrat ressemble aux arbres sous 3 rapports et aux légumineux sous un rapport: il ressemble aux arbres pour l’orla, la sainteté du fruit de la 4e année et le caractère sacré de la 7e année agraire; il a ceci de commun avec le légumineux qu’il est soumis aux dîmes de sa récolte. Tel l’avis de R. Gamliel. Selon R. Eliézer, il ressemble aux arbres sous tous les rapports.
Le sang des bipèdes (l’homme) a, comme le sang des animaux, la faculté de rendre les semences aptes à l’impureté (à l’instar de l’eau); mais il a cela de commun avec le sang des reptiles que si, par erreur, l’on en buvait, on ne serait pas condamnable.
L’antilope ressemble sous certains rapports à la bête sauvage, sous d’autres à l’animal domestique, sous d’autres, encore aux deux, et enfin à aucun d’eux.
Voici en quoi elle ressemble à la bête sauvage: il faut en couvrir le sang après l’avoir égorgée comme celle-ci, ne pas la tuer un jour de fête, et si c’est fait on n’en couvrira pas le sang (acte interdit en ce jour); la graisse de son cadavre rend impur comme celle d’une bête sauvage; cette impureté est celle du doute, et l’on ne peut pas s’en servir pour racheter le rejeton de l’âne (Ex 34, 20).
Voici en quoi cet animal ressemble à une bête domestique:sa graisse est interdite celle de cette dernière, mais elle n’entraîne pas de peine capitale, et l’on ne peut pas l’acquérir pour l’argent de la 2e dîme afin de le manger à Jérusalem; on et tenu d’en prélever pour le cohen l’épaule, les mâchoires et l’estomac. R. Eliézer en dispense, selon la règle de droit que c’est au demandeur de fournir la preuve de la dette.
Voici enfin en quoi elle ne ressemble ni à l’un ni à l’autre: il est aussi bien interdit de l’atteler avec l’un qu’avec l’autre, à titre de mélange hétérogène. Si on lègue à son fils ses animaux sauvage ou ses bestiaux, le dit animal douteux n’y est pas compris. Lorsque quelqu’un s’engage (affirme) par vœu de naziréat que c’est soit un animal sauvage, soit une bête domestique, le vœu est valable. Pour tout le reste, on le traite à l’égal de la bête sauvage ou domestique, savoir qu’il faut l’égorger, que son cadavre rend impur, etc. qu’il est interdit d’en manger un fragment avant l’égorgement.
Chapter 3
Comment prélève-t-on les prémices? On descend dans son jardin, et lorsqu’on y voit une première figue mûre, ou une grappe de raisin, ou une grenade mûre, on l’entoure d’une liane et on la désigne pour servir de prémices. R. Simon dit: malgré cette opération, on les dénomme de nouveau comme prémices, après les avoir cueillies.
Comment les apporte-t-on au Temple? Les habitants de communes d’un même district se réunissaient au chef-lieu du district, et passaient la nuit sur la place publique, sans entrer dans les maisons. Le lendemain de grand matin, le préposé disait: Venez et montons à Sion, vers la maison de l’Eternel notre Dieu (Jr 31, 6).
Les habitants rapprochés offrent des figues et raisins frais; les éloignés offrent des fruits secs (de crainte de détérioration). Un bœuf marche devant, aux cornes dorées, une couronne d’olivier en tête. Une flûte les précède en faisant résonner l’écho, jusqu’à l’approche de Jérusalem. Arrivé là, on envoyait des représentants et l’on couronnait les prémices d’ornements. Les chefs des cohanim avec leurs lieutenants et les trésoriers viennent au-devant des nouveaux arrivés, sortant dans un rapport proportionnel aux arrivants. Tous les ouvriers occupés à Jérusalem se lèvent devant eux pour s’informer de leur santé et leur disent: Nos frères, habitants de tel endroit, soyez les bienvenus!
La flûte continuait à résonner devant eux jusqu’au moment de parvenir sur la montage sainte. Arrivé là, chacun et même le roi Agrippa en personne prenait le panier sur l’épaule et montant jusqu’à l’arrivée au parvis. Parvenus là, les lévites entonnaient le cantique (Ps 30): Je t’exalte, o Eternel, car tu m’as tiré des profondeurs et tu n’as pas permis à mes ennemis de se réjouir à mes dépens.
Les colombes qui se trouvaient au-dessus des paniers servaient d’holocauste et ce que l’on avait en mains était remis aux prêtres.
Pendant que l’on avait encore le panier sur les épaules, on récitait le texte biblique prescrit (Dt 26, 3-10), depuis les mots “Je dis aujourd’hui à l’Eternel ton Dieu, etc.” jusqu’à la fin du chapitre. Selon R. Juda, on lit jusqu’aux mots: “Mon père était un araméen nomade”. Après ces mots, on descend le panier de l’épaule, on le retient par les lèvres, le cohen le soutient de la main, le soulève (pour l’acquérir); puis, on lit les derniers versets du passage en question; l’on dépose l’offrande à côté de l’autel, on s’incline et l’on sort.
Au commencement, tous ceux qui savaient lire lisaient eux-mêmes ledit passage; et, pour ceux qui ne savaient pas lire, d’autres faisaient la lecture. Lorsque, plus tard, on se retint d’apporter les prémices (par honte de ne pas savoir lire), on établit l’usage des lectures publiques pour chacun.
Les gens riches offrent leurs prémices dans les hottes calaqo" plaquées d’or et d’argent; les pauvres les apportent dans des paniers en branches de saule tressées. L’on remet aux prêtres des paniers avec les fruits.
R. Simon b. Nanes dit: on dresse le cercle autour des prémices avec d’autres fruits que les 7 espèces supérieures. Selon R. aqiba, au contraire, on se sert exclusivement pour cela des 7 espèces supérieures.
R. Simon remarque qu’il y a trois degrés dans les prémices offertes: les prémices elles-mêmes (les premiers fruits), le supplément cueilli en même temps, la couronne ou cercle dont on les entoure. Le supplément devra être de la même espèce; la couronne pour orner pourra être d’une espèce différente. Le supplément devra être consommé en état de pureté, et il est dispensé de la loi du doute (le cohen l’achetant de l’ignorant peut en manger sans crainte d’impureté); mais la couronne des prémices (pouvant être d’une autre sorte) est soumise aux craintes que suscite le doute.
En quel cas dit-on que le supplément des prémices est l’égal des prémices mêmes? Lorsqu’il est composé de produits palestiniens; mais, au cas contraire, il ne comporte pas le même caractère.
Pourquoi est-il dit que les prémices constituent une des propriétés du cohen? Parce qu’il peut l’employer à acquérir les esclaves, ou des terrains, ou une bête impure; il peut transmettre le montant à un créancier pour le payer, et le remettre à une femme pour le montant de sa dot, à l’égal de la valeur d’un rouleau de la Loi (transmissible dans les mêmes conditions). R. Juda dit: on ne doit les remettre qu’à titre de don au cohen instruit (dont on connaît avec certitude les soins de pureté). D’après les autres sages, on les remet aux gens de garde du Temple, qui les répartissent entre eux, comme des saintetés d’ordre supérieur.